LETTRE de Burie et Monluc au roi.
Relation de la
bataille de Vergt (9 octobre 1562).
Bibliothèque
impériale de Saint-Pétersbourg, Autographes, vol. 21
Copie
à la Bibliothèque Nationale, fonds français, vol. 20598, f°s 1-3.
Sire,
Ayant trouvé Duras ce jourd'huy avec sept
ou huict mil hommes de pied et six ou sept cens chevaux logé dans ung villaige
appelle Ver, auquel lieu nous avions adverty monsieur de Montpensier de se trouver,
affin que nous joignissions avec luy, nous leur avons tellement ataqué
l'escarmouche qu'ilz ont esté constrainetz habandonner ledict logis et gaigner
ung vallon fort beau, qui avoit environ deux mille pas de largeur. En voiant le
lieu assés à propoz pour faire combatre vostre gendarmerye, monsieur de Montluc
avec sa compaignie, celle de messieurs de Randan et La Vauguyon et la myenne et
quelques harquebucques à cheval, jusques au nombre de quatre vingtz ou cent,
les a fort bien atacquez. Et m'en ayant adverty, moy, Burye, me suis achemyné
avec la compaignie du Roy de Navarre et celle de feu monsieur le maréchal de
Termes, ensemble toute l'harquebuzerie et quatre pièces d'artillerie. Et y
estant arrivé, nous avons délibéré de les combatre, et après avoir faict tirer
une voilée de ladicte artillerie, nous avons mis vostre dicte gendarmerie au
gallop, laquelle a donné sur eux le plus bravement et furieusement que nous
ayons jamais veu, sans attendre noz gens de pied, de sorte, Sire, que à ceste
bataille environ trois mil hommes des leurs y sont demourez mortz, et six
pièces d'artillerie. Quant à leurs gens de cheval, il s'en est sauvé environ
quatre on cinq cens, parce, Sire, qu'il nous a fallu amuser à l'exécution, comme
vous pourra dire le sieur du Courret, présent porteur, lequel et les sieurs
d'Arné, enseigne de la compaignie du Roy de Navarre, de Massez, enseigne de
celle de feu monsieur le maréchal de Termes, d'Argence, enseigne de celle de
monsieur de Randan, et de Fontenilles, guydon de celle de monsieur de Montluc,
ont vaillamment faict leur debvoir ; et sy les cappitaines ont bien combatu,
nous pouvons bien asseurer Vostre Majesté que les soldatz n'en ont pas moings
faict. Le surplus desdictz ennemys, Sire, s'il est eschappé de noz mains, nous
croyons que les peuples les massacreront. Voillà comment nous avons aujourd'huy
attrappé ce que nous avions tant poursuivy et désiré, dont est advenue la
pacification de toute vostre Guyenne, et en louons Dieu. Et pour vous donner
plus ample advertissement, nous depeschons ledict sieur du Courret devers Vostre
Majesté, qui le sçaura très bien dire, comme celluy qui est avec nous depuis huict
mois sans en estre party. Et par luy envoyons à Vostre Majesté les enseignes
que nous avons gaignées sur lesdictz ennemys. Monsieur de Montpencyer debvoit
estre aujourd'huy icy, mais il n'y est point venu. Toutesfois, Sire, nous ne
fauldrons à l'advertir de ceste victoire, et à obayr à ce qu'il luy plaira nous
commander pour vostre service. Lesdictz ennemys avoient, il y a huict ou dix
jours, prins l'evesque de Cahors en une sienne maison, mais nous l'avons aujourd'huy
recouvert avec beaucoup d'aultres personnes qu'ilz tenoient. Il ne reste plus
que ceux de Montauban, lesquelz, puisque ceste deffaicte est advenue, n'ont que
tenir, sinon que demander pardon à Vostre Majesté. Car, Sire, tout le demeurant
de vostre haulte Guyenne est remise en vostre obéissance. Et quant à
Xainctonge, nous croyons, Sire, que monsieur de Montpencyer y donnera bon
ordre, en sorte que ceux de ce païs là se repentiront des faultes qu'ilz ont faictes.
Nous avions icy les Hespaignolz premiers venus, mais les aultres n'y ont pu
attaindre, et ne seront encore de deux jours avec monsieur de Montpencyer.
Sire, monsieur de Charry, nostre mestre de
camp, a aussi bien faict son debvoir que gentilhomme sçauroit faire. Il a esté
ce jourd'huy prins ung des principaux séditieux, nommé Jacques la Veille, dict
le Boscq. Nous vous supplions très humblement, Sire, voulloir donner audict
cappitaine Charry les admandes et confiscations dudict le Boscq.
Sire, il vous plaira me commander voz bons
plaisirs pour iceux accomplir toute ma vye moienant ayde de Dieu, lequel je
supply, Sire, vous donner en très bonne sancté très heureuse et très longue
vye.
De Ver, au camp, ce vendredy, IXème jour d’octobre
1562.
Voz très humbles et très obaissants
subjectz et serviteurs.
Burie. De Monluc.
[Au dos] MM. De Burye et de
Montluc, du IXème octobre 1562. Au Roy.
[Cachet armorié sur papier.]