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Source: Bulletin SHAP, tome XIV (1887) pp. 410-439, & 485-507

pp. 410-439

ÉTUDES HISTORIQUES SUR LA RÉFORME ET LES GUERRES CIVILES DANS L'ANCIEN COMTE DE PERIGORD (1562-1598).

 

I

 

Influence de la famille d'Albret. Le protestantisme s'étend de Nérac à Bergerac. La bourgeoisie de Bergerac. Etat florissant des écoles de cette ville avant la fondation du collège. Les ministres protestants. Bergerac, ville de sûreté.

 

Quand on étudie les guerres de la Réforme, avec toutes leurs péripéties dans les différentes provinces de la France, on voit que la lutte entre les catholiques et les protestants dans l'ancien comté de Périgord, se détache comme un des épisodes les plus émouvants de ce grand drame historique.

D'après les chroniqueurs du xvie siècle, nulle part le succès ne fut plus disputé : les passions politiques et religieuses y acquirent même un tel degré de violence, que souvent les deux partis, après avoir pris une part active dans les grands événements militaires de l'époque, continuèrent, malgré les traités de paix, à se livrer des combats acharnés, et durant une période de trente-six ans, couvrirent notre pays de sang et de ruines.

Il ne sera pas sans intérêt de rechercher et d'analyser les causes qui, à cette époque, firent peser tant de malheurs sur cette partie de la France.

Lorsque Calvin prêcha sa nouvelle doctrine, le comté de Périgord était uni à la couronne de Navarre et les destinées de cette province furent étroitement liées à celles de la famille d'Albret.

Pour tenir en échec Charles-Quint et avoir un allié fidèle aux portes de l'Espagne, François Ier donna sa sœur en mariage à Henri d'Albret. Marguerite de Valois, déjà veuve du duc d'Alençon, était une princesse gracieuse, spirituelle, qui exerça un empire absolu sur l'esprit de son nouvel époux. Versée dans l'étude de l'antiquité, elle aimait à s'entourer de lettrés et de savants. Mais si Nérac, où la jeune reine avait établi sa cour, fut une des villes du midi où la Renaissance brilla du plus vif éclat, elle fut aussi le premier foyer du protestantisme. Le poète Marot, Le Febvre, Gérard Roussel, Mélanchton, Calvin fuyant la persécution, y trouvèrent une généreuse hospitalité. Dès l'année 1535, la reine de Navarre accordait les bénéfices et les dignités ecclésiastiques à des hommes entièrement dévoués à la religion nouvelle : elle leur confiait même l'éducation de la jeunesse.

Jeanne d'Albret, fille et unique héritière de Marguerite de Navarre, épousa Antoine de Bourbon, prince du sang; elle se montra dès le principe hostile « aux nouveautés de religion ». Mais, à la suite de sa rupture avec les Guise, chefs du parti catholique, elle propagea les idées de Calvin, entraîna après elle la majeure partie de la noblesse du sud-ouest et fut dans cette région de la France, le plus puissant soutien de la Réforme.

Encouragés par un aussi puissant patronage, Mélanchton, dès 1541, prêchait à Tonneins, Jean Carmen à Villeneuve, et Aymond de Lavoye à Sainte-Foy : dans cette dernière ville, des assemblées secrètes avaient lieu dans la grange d'un nommé Grenier. Malgré la défense du Parlement de Bordeaux, Aymard de Lavoye ayant voulu parler en public, il fut arrêté, cité devant les juges et exécuté, le 21 août 1541[1].

Bientôt le calvinisme eut de nombreux adhérents au Fleix et des réunions évangéliques avaient lieu à La Force, Montcarret, Saint-Antoine, Pessac, Gensac, Montravel et Castillon.

A Bergerac, le 15 août 1545, il fut remontré en jurade, qu'un frère de l'ordre de Saint-François, Guillaume Marentin, avait prêché deux carêmes[2] où il avait fait connaître la doctrine de Calvin. Son exemple avait été suivi par trois religieux de Sainte-Foy. On signalait également le nombre toujours croissant des Réformés et les désordres commis à main armée par plusieurs d'entre eux.

Quatre ans plus tard, les religionnaires atteignaient un chiffre si élevé à Bergerac, que cette ville fut désignée comme une de celles où devaient se tenir les assemblées provinciales de trois en trois ans[3].

Plusieurs causes contribuèrent à lui donner cette prospérité croissante qui commença avec la Réforme et ne cessa qu'à la révocation de l'édit de Nantes.

Située dans une riche plaine, Bergerac, dès 1332, avait été dotée par les seigneurs ses premiers maîtres de privilèges nombreux auxquels les Anglais avaient donné une grande extension[4]. Après la guerre de Cent-Ans, les rois de France respectèrent ces franchises. Les habitants, chez qui la pratique des libertés municipales avait depuis longtemps développé l'esprit d'examen et de critique, se montrèrent favorables à la doctrine de Calvin, et, utilisant les nombreux débouchés commerciaux de leur ville, la répandirent dans les provinces voisines.

Par la Dordogne. Bergerac était en communication constante avec le versant méridional du Sarladais, le Haut-Quercy et l'Auvergne : par la Vézère, affluent de la Dordogne, les relations s'étendaient sur le versant septentrional du Bas-Périgord et du Limousin. Cette ville pouvait être regardée comme le centre des transactions commerciales entre Lyon et Bordeaux.

Sa bourgeoisie était puissante, et c'est en nous pénétrant de l'esprit qui l'animait qu'il nous sera facile de nous expliquer les progrès de la Réforme dans cette partie de la province.

Enrichie par le commerce, cette classe s'était donnée avec ardeur à l'étude, parce que, dans l'étude, elle trouvait un nouvel élément de force et de richesse.

Depuis près de deux siècles, la noblesse recherchait d'une, manière exclusive les offices d'épée et les charges de cour, abandonnant aux classes plébéiennes les offices d'administration, de finances et de justice. Ces postes élevés, auxquels on ne pouvait prétendre sans des grades universitaires difficiles à acquérir, procuraient au titulaire des revenus souvent considérables, des privilèges constituant comme une sorte de noblesse, l'exemption de certains impôts ou péages, le droit d'acquérir des terres nobles sans payer des droits exigés dans ce cas par tout acheteur roturier[5].

Grâce à leur esprit d'économie, les officiers royaux enrichis devenaient vite les acquéreurs de vastes domaines de gentilshommes ruinés par le luxe[6].

Pendant de longues années, les charges de finances, d'administration et de justice, furent occupées principalement par des membres de la bourgeoisie qui s'y préparaient par des études sérieuses ; mais lorsque, sous le règne de François Ier et de ses successeurs, ces mêmes charges devinrent vénales, on peut dire qu'elles furent la propriété exclusive de la partie riche des classes plébéiennes.

Cette aspiration de la bourgeoisie vers les belles-lettres et le savoir se retrouve non-seulement dans les familles aisées, mais dans celles moins favorisées de la fortune, et à cette époque où une si large part était faite à l'initiative privée, beaucoup de jeunes gens pauvres pouvaient se faire instruire grâce à de nombreuses fondations faites dans les collèges.

La ville de Bergerac, avant la création du collège sous Charles IX, possédait des écoles très florissantes[7] tenues par des clercs choisis par la municipalité.

Quand un clerc voulait se mettre à la tête d'une école, il en faisait la demande à la Jurade, qui, le postulant accepté, le présentait à son tour au maître des écoles de Périgueux[8].

L'instruction était donnée gratuitement, et certains professeurs jouissaient d'une grande réputation. Nous en trouvons la preuve dans l'extrait de la Jurade du 5 octobre 1524 :

 

« M. de Langlade déclare estre des escolles de la ville et que père Jean Blanchie, docteur en théologie, leur avoit promis de faire quatre lectures, c'est assavoir : une de Florus le philosophe, une autre en Art et Cicero, qu'il l'avoit retenu pour lire ces lectures, et qu'à cette occasion, une grande multitude de clercs étoit venue dans cette ville , et qu'il y en avoit plus de cinq cents, ce qui seroit un grand profit pour les élèves et pour la ville. Mais comme on disoit qu'on voulloit faire en aller tous ces clercs, ce qui seroit un grand domaige pour eux et pour la chose publique, il demande qu'il soit requis qu'il plaise à la Justice et à la ville de permettre demeurer et exercer les dictes lectures, autrement l'escole seroit perdue »[9].

 

En dehors des cours réguliers faits aux clercs, il y avait des disputes ou conférences autorisées dans la maison des consuls[10].

Après avoir commencé leurs études dans les écoles de Bergerac, les jeunes gens allaient compléter leur instruction aux universités de Bordeaux[11], de Cahors[12] et de Toulouse[13], où se trouvait un collège très important, dit collège de Périgord, fondé au xive siècle, par le cardinal Talleyrand, évêque d'Auxerre[14].

A leur retour dans la province, les uns étaient pourvus de charges; les autres par le commerce, les sciences, les arts, ou les professions libérales, devinrent les dépositaires de cette puissance avec laquelle, à toutes les époques, il a fallu compter - l'argent, - et on peut dire qu'au xvie siècle, cette jeunesse studieuse eut le monopole de cette influence de la pensée que la Renaissance des lettres fonda au profit des esprits actifs.

Ce besoin d'apprendre qui se manifesta d'une manière si impérieuse et si générale, surtout dans la bourgeoisie, contribua, singulièrement à favoriser la Réforme. Le retour aux historiens et aux philosophes de l'antiquité, l'étude du gouvernement de Rome, celui des législations de Solon et de Lycurgue, préparèrent de grandes modifications politiques. L'esprit de critique et de doute envahit toutes les classes de la société, transforma les arts et les lettres, et hâta la révolution religieuse.

S'inspirant de ces tendances. Calvin et ses disciples ne se contentaient pas d'envoyer des hommes qui combattaient par leurs prédications l'influence du pape; ils propageaient leur œuvre journellement et « à petit bruit »,[15] grâce à d'humbles instituteurs et des maîtres d'écoles qui ouvraient des classes du premier âge, où ils enseignaient aux enfants la lecture, l'écriture, le calcul et leur parlaient des doctrines de Genève.

Un des ministres qui montrèrent le plus d'ardeur à s'emparer ainsi de l'esprit de la jeunesse, fut André de Lavoye, dont l'action s'étendit à la fois sur Sainte-Foy et Bergerac[16].

D'après les témoignages de l'abbé Tarde, un régent du collège de Bergerac faisait connaître à ses élèves les œuvres de Buchanam[17].

Bientôt Jean de Géret, conseiller au Parlement de Bordeaux, fonda dans cette ville le collège de Guienne, véritable université protestante où professaient des hommes d'une grande érudition qui exercèrent une influence considérable sur la jeunesse de notre province. A Agen, que des relations commerciales unissaient à Bergerac, se trouvaient également des savants qui groupèrent autour d'eux un grand nombre d'étudiants du Périgord. Il me suffira de nommer : le régent Charles Sarrazin, Belleforest, le dominicain Jérôme Vendover, professeur de philosophie et surtout le médecin Scaliger.

Dans notre région, pour l'étude de la théologie et du droit, les élèves se rendaient à Toulouse, et les sectateurs de Calvin firent parmi eux de nombreux adeptes. Deux d'entre eux, originaires de Bergerac, ont acquis une juste célébrité : Armand Clermont de Pilles et de Larivière. Liés d'une étroite amitié, aussitôt après avoir pris leurs grades universitaires, ils s'enrôlèrent dans le corps que le duc de Grammont conduisit au prince de Condé. Après la bataille de Vergt, ils vinrent se mettre à la tête de leurs coreligionnaires et commencèrent dans notre province une lutte mémorable contre le farouche Montluc.

Au milieu de cette révolution dans les arts, les lettres, les sciences et la religion, une influence immense était due à l'imprimerie.

D'après la table chronologique de Tymperley, dès l'année 1503, des ouvriers typographes seraient venus se fixer dans la ville de Périgueux : l'existence de presses typographiques à Bergerac n'est mentionnée que plusieurs années après, en 1549. Mais à la suite de la Réforme, l'imprimerie prit dans cette dernière ville un développement qu'elle n'eut jamais dans la capitale de la province[18] (1). Avec une population éclairée, mais travaillée par les passions les plus ardentes, la littérature devint une arme de combat. II ne parut pas seulement des ouvrages de théologie : on répandit à profusion des livres où étaient agitées les graves questions de morale, d'histoire et de gouvernement. Alors se firent jour ces théories nouvelles destinées à modifier la pratique de l'administration et à développer l'esprit de libre examen dans les diverses classes de la société.

Au cours des guerres si longues dont le Périgord fut le théâtre, à chaque traité de paix entre les catholiques et les protestants, Bergerac fut laissé aux partisans de la Réforme, comme une ville où le nouveau culte était toléré ou comme place de sûreté. De là une affluence énorme des calvinistes de la province ou des provinces limitrophes.

La bourgeoisie protestante ruinée se vit, surtout pendant la première partie des désordres religieux, écartée systématiquement des offices d'administration, de justice et de finances, et bien que plus tard les rois soient revenus sur ces mesures, on peut dire que d'une manière générale, elle n'accepta la paix que pour reprendre la lutte dans des conditions plus avantageuses.

Les religionnaires étrangers à Bergerac qui vinrent s'y fixer ajoutèrent un nouvel élément de désordre à ceux qui existaient déjà. Presque tous, dans les guerres précédentes, avaient mené la vie aventureuse du soldat : ils se soumettaient difficilement à un travail régulier. Chacun d'eux portait au cœur cette haine implacable du proscrit : aigris par les persécutions, aux prises avec les difficultés matérielles de la vie, ils appelaient de tous leurs vœux la guerre, parce que dans la guerre seule, ils pouvaient trouver l'occasion de satisfaire leur vengeance. Par le pillage, ils pouvaient espérer de refaire leur fortune compromise ou détruite par les commotions politiques. C'est surtout dans cette classe que se recrutaient ces hommes qui, malgré les peines les plus sévères édictées contre le colportage, faisaient parvenir, sur les deux rives de la Dordogne, les nombreux écrits de Calvin et les répandaient dans les parties les plus reculées du comté.

Depuis Henri II, d'une manière apparente ou cachée, Bergerac fut en lutte avec le pouvoir royal, et ses habitants inaugurèrent un système politique nouveau qui peut être regardé comme un premier essai du régime républicain dans notre province.

A la tête de .cette population, nous trouvons les ministres calvinistes qui déployèrent un zèle et une activité incroyables. En dehors de la prédication, ils organisaient à Bergerac et dans toutes les villes voisines, de nombreuses réunions où se développaient les doctrines de Genève et plus tard les intérêts politiques de la région. Par ces assemblées, où se trouvaient des hommes de toutes les conditions, ils préparèrent, pour une large part, ce grand mouvement social qui se manifesta à cette époque.

Leur influence fut considérable, et les habitants du sud-ouest du Périgord montrèrent pour la religion nouvelle un attachement dont ne purent triompher ni la persuasion ni la violence. Eloignés des fonctions publiques, les plus riches se livrèrent au commerce, les plus pauvres prirent des métiers, et plus tard, quand ils n'eurent d'autre alternative que de quitter leur patrie ou d'abjurer, ils furent de ceux qui, préférant l'exil, portèrent à l'étranger, avec la haine de la France, leur fortune et leur industrie.

Cette concentration des calvinistes, sur un seul point de notre province, leur permit d'avoir, dès le début de la lutte, une organisation puissante, je dirai même supérieure à celle de leurs adversaires, puisqu'ils furent toujours prêts les premiers, du moins pendant les premières guerres de la Réforme.

Après le massacre de Vassy, Montluc et Burie n'avaient pas encore réuni leurs troupes, que Duras et son armée, composée en majeure partie de religionnaires du Bas-Périgord, s'étaient emparés de la vallée de la Dordogne, de la Gironde et menaçaient la ville de Bordeaux.

Dans la seconde prise d'armes, les protestants de Bergerac donnèrent le premier signal des hostilités en attaquant le château du marquis de Trans[19].

Quand éclata la troisième guerre religieuse, Catherine de Médicis faillit surprendre Condé et Coligny. Blaise de Montluc avait reçu l'ordre d'arrêter Jeanne d'Albret. Mais au moment de mettre son projet à exécution, il apprit que Clermont de Pilles, à la tête de deux mille protestants de Bergerac, avait rejoint la reine de Navarre et protégeait sa marche à travers l'Agenais et le Périgord.

Pendant une longue série d'années, Bergerac ne fut pas seulement le quartier général des calvinistes dans notre province, mais la capitale protestante de la Guienne.

II

La vallée de la Dronne. — Aubeterre. — François Bouchard d'Aubeterre. — Le baron de Saint-Surin. — Prédications des pasteurs calvinistes de l'Angoumois dans le Nontronnais et les environs de Ribérac. — Causes politiques qui ont favorisé la Réforme dans cette partie du Périgord. — Les volontaires de la Dronne.

 

A la région occidentale de notre province, la vallée de la Dronne formait une limite naturelle entre le Périgord, l'Angoumois et la Saintonge.

En la parcourant, on ne retrouve pas les sites si pittoresques des rives de la Vézère, ni les perspectives parfois si grandioses des bords de la Dordogne, mais on y voit de frais paysages et les ruines féodales qui couronnent plusieurs de ses collines, viennent ajouter aux charmes de la nature, les émouvants souvenirs de l'histoire.

Aubeterre commande cette vallée.

Au xvie siècle, cette ville relevait de la juridiction ecclésiastique de Périgueux et, comme châtellenie, dépendait de la sénéchaussée d'Angoulême.

Bâtie en amphithéâtre sur los blanches falaises de la rive droite de la Dronne , elle offre à l'œil du voyageur un assemblage étrange d'élégantes constructions modernes et de vieilles maisons gothiques, entourées des anciens remparts transformés en promenades que dominent les hautes terrasses de couvents abandonnés et le fier donjon des Bouchard d'Aubeterre.

Quand on visite ses rues aujourd'hui si paisibles, on surprend, pour ainsi dire à chaque pas, des indices de lutte. Les monuments religieux surtout portent les traces du fanatisme et de la guerre civile. Malgré soi la pensée se reporte à l'ère sanglante de la Réforme où Aubeterre joua un rôle si important, où des intérêts si divers agitèrent sa population.

Poste militaire avancé des religionnaires de l'Angoumois, elle resta entre leurs mains jusqu'après la paix de La Rochelle. C'était là que venaient les lieutenants de Condé pour attendre les renforts du midi et surveiller leur marche à travers les nauves de la Double.

Aubeterre, après la bataille de Vergt, recueillit les débris de l'armée de Duras ; elle donna également asile aux soldats de Mouvans et de Pierre de Gourdes, après le combat de Mensignac et le désastre de Chantegeline.

Du haut de ces murs, les protestants purent voir Montluc et sa garde[20] conduisant, jusqu'à la frontière du Périgord, les bandes gasconnes de Charny, qui eurent une part si glorieuse à la victoire de Dreux et méritèrent par leur bravoure l'honneur de former nos premières compagnies de gardes françaises.

Peu de temps après, un retour offensif de Duras et de La Rochefoucauld, qu'une seule journée de marche séparait des catholiques, ramena le gouverneur de la Guienne près d'Aubeterre. Montluc s'arrêta à Saint-Privat; puis, rassuré sur le sort de l'armée du duc de Montpensier, il reprit la route de Bergerac et se rendit ensuite à Agen. Nous trouvons dans ses Commentaires, l'impression que lui laissa son passage à travers notre province : « Ainsi m'en revins, renvoyant tout le monde à leur maison, n'y ayant rien en toute la Guienne qui bougeât, n'y qui osât dire qu'il avoit esté de ceste religion, car tout le monde alloit à la messe et aux processions, assistoit aux offices divins; et les ministres, trompettes de tout ce boute-feu, avaient vuidé, car ils savent bien qu'en quelque coin qu'ils fussent, je les attaquerois et leur ferais bonne guerre. »

Prise d'assaut après la bataille de Moncontour, la ville d'Aubeterre se rattacha plus que jamais au parti calviniste lorsque la paix de Saint-Germain eût été conclue.

Cédée au duc d'Alençon, chef des politiques, elle arbora plus tard le drapeau catholique, et c'est de là que le sénéchal du Périgord, gendre du marquis de Bourdeille, partit pour des expéditions si nombreuses, tantôt contre les protestants, tantôt contre les ligueurs, donnant sa vie pour une cause que son père avait ardemment combattue[21].

Aubeterre ne fut pas seulement un point stratégique important dont les catholiques et les protestants se disputèrent la possession. Elle fut une des premières villes qui donnèrent leur adhésion à la Réforme, et son rôle à l'ouest du Périgord peut être comparé à celui de Bergerac au sud de la province.

Au xvie siècle, elle appartenait à la puissante famille des Bouchard, dont le château se voit encore sur un rocher creusé à la base d'une église monolithe.

Cette famille, qui a donné au Périgord, durant les troubles religieux, un évêque et un sénéchal, avait pour chef François Bouchard d'Aubeterre, seigneur de Saint-Martin de la Coudre[22].

Son pouvoir s'étendait sur vingt-deux paroisses de l'Angoumois et du Périgord. Sa richesse était grande, car, d'après un chroniqueur de cette époque, « la vicomte d'Aubeterre valoit autant de mille livres que le boisseau de froment valoit de sols »[23].

Lié d'amitié avec du Bary de Larenaudie, qu'il accompagna lors de la conjuration d'Amboise, François d'Aubeterre prit part aux nombreux combats livrés autour du château où François II et les Guise s'étaient retirés. Fait prisonnier à Noisy, avec un corps de partisans périgourdins[24] dont le baron Castelnau de Chalosse avait le commandement, il passa en jugement et fut condamné à mort. Le roi lui fit grâce de la vie; mais les Guise obtinrent la confiscation de ses terres au profit du maréchal de Saint-André. Obligé de fuir, il se retira à Genève où, dit Brantôme « il étoit faiseur de boutons de son mestier, comme étoit la loi là introduite que chacun d'eux eût un mestier et en vescut. »

Rentré en France, à la suite de l'édit de janvier 1561, il réussit à recouvrer ses biens et fonda à Aubeterre un temple, « ainsi qu'en fait foi la correspondance de cette église avec Calvin »[25].

François d'Aubeterre fut admirablement secondé dans sa propagande pour la religion nouvelle par son frère Guy Bouchard, évêque de Périgueux, qui, après avoir embrassé le calvinisme, se retira à la Prade, sur les confins de l'Angoumois, et par son gendre Gabriel de la Mothe-Fouqué, baron de Saint-Surin[26], qui était proche parent de Burie, gouverneur de la Guienne pour le roi de Navarre : aussi ses terres étaient-elles respectées par les chefs catholiques : c'est même chez lui que se retirèrent presque tous les gentilshommes compromis dans les troubles de Bordeaux en 1562[27].

Des ministres protestants de l'Angoumois vinrent souvent, à la sollicitation du marquis d'Aubeterre et de son gendre, pour se livrer à des prédications dans la vallée de la Dronne, c'étaient : Charles de Sainte-Marthe, Léopard et surtout Saurain, qui accompagne ses coreligionnaires, comme aumônier militaire, attaché aux troupes du comte de La Rochefoucauld[28]. Grâce à eux, le calvinisme se répandit dans le pays qui entoure Ribérac et le Nontronnais.

De grands événements politiques avaient en quelque sorte préparé dans cette région les progrès de la Réforme.

Pour faire face à des dépenses ruineuses, François Ier, et plus tard Henri II, avaient établi, dans les provinces de l'ouest de la France, l'impôt de la gabelle. Cette mesure impopulaire fit éclater en 1548 une violente insurrection dans la Saintonge. Un gentilhomme nommé Puymarau se mit à la tête des insurgés, dont le nombre s'éleva au chiffre de cinquante mille, parmi lesquels se trouvaient beaucoup d'habitants du nord-ouest du Périgord.

Anne de Montmorency fut chargé de combattre ce soulèvement. La révolte fut étouffée dans le sang : mais les vaincus, échappés à la vengeance du connétable, conservèrent le souvenir de cette atroce répression et se jetèrent avec ardeur dans toutes les voies d'opposition. Plus tard, lorsque les disciples de Calvin commencèrent leurs prédications dans la vallée de la Dronne, ils virent se grouper autour d'eux, non-seulement ceux qui voyaient dans les idées religieuses nouvelles une réforme aux abus, mais ceux, bien plus nombreux, qui avaient des vengeances à exercer. Lorsque Condé et La Rochefoucauld appelèrent la population aux armes, les anciens volontaires de Puymarau accoururent en foule sous leurs bannières.

Dans la première guerre de religion, François Bouchard d'Aubeterre recruta dans le Ribéracois et le Nontronnais un corps de 600 arquebusiers, qui s'emparèrent de Poitiers et de Tours et ouvrirent ainsi aux calvinistes du midi la route d'Orléans, où Coligny avait son quartier général.

L'effervescence des passions politiques et religieuses, dans toute la partie du Périgord contiguë à l'Angoumois et à la Saintonge, fut aussi grande que dans ces deux dernières provinces. C'est de ce milieu de fanatisme et de haine que sont sortis deux hommes dont le nom vivra aussi longtemps que le souvenir de nos discordes civiles : du Bary de Larenaudie, le chef de la conjuration d'Amboise, était un gentilhomme nontronnais; Poltrot de Méré, l'assassin de François de Guise, était un ancien page de Bouchard d'Aubeterre.

A Bergerac, la bourgeoisie surtout s'était montrée favorable aux nouvelles doctrines. Dans la vallée de la Dronne, les partisans de Calvin se recrutèrent principalement dans la grande et la petite noblesse et dans le peuple. Pour cimenter cette alliance, Jeanne d'Albret, par lettre datée de La Rochebeaucourt le 22 octobre 1568[29], ordonnait aux chefs protestants de cette région de saisir les deniers royaux, les biens du clergé, de lever les tailles et, pour faire le partage des munitions déjà prises, de s'adjoindre quatre ou cinq habitants de chaque village.

III

 

La Double. — Histoire militaire de la Double. — Armand Clermont de Pilles. — De la Rivière. — Jean de Mesmy, seigneur de Lisle. — Le lieutenant-général Poynet à Périgueux. -— Ministres protestants envoyés par Calvin. — Pierre Brossier. — Préparatifs de guerre des calvinistes du Périgord.

 

Entre la fertile vallée de l'Isle et celle de la Dronne, s'élève un immense plateau que limitent, au nord, Sainte-Aulaye et Saint-Vincent-de-Connezac ; au sud, le Pizou et Mussidan.

Cette contrée, dont le développement est environ de 48,000 hectares[30] n'offre à la superficie qu'un sable assez fin mêlé à du gravier el à des cailloux, uni dans une très faible proportion à de la terre végétale. Le sol, pierreux et peu épais, repose sur une profonde couche d'argile. Comme les pentes sont faibles, l'eau, arrêtée dans son cours, recouvre des espaces parfois considérables ; de là, des étangs et des marécages connus sous le nom de nauves, qui font de ce pays un foyer de fièvre et une des régions les plus insalubres du sud-ouest de la France. A part quelques points isolés[31] dans ce coin de l'ancien Périgord, on ne découvre qu'une nature sauvage ; à travers les bois taillis ou les vieilles châtaigneraies se déroulent des paysages tristes et sombres comme ceux de l'ancienne Sologne : c'est la Double.

A l'époque où éclata la Réforme, la Double avait le titre de vicomte, avec Légé pour chef-lieu[32].

La juridiction s'étendait sur dix-huit bourgs ou villes. Elle avait un archiprêtré qui, depuis le xvie siècle, était à Vanxains et renfermait 41 paroisses[33].

Ce pays fut le théâtre de faits de la plus haute importance, et on peut dire que son histoire peut servir de canevas à l'histoire militaire de toute la province durant la seconde moitié du xvie siècle.

A peine le premier des Condé eut-il lancé son manifeste que les volontaires du midi, commandés par de Grammont, traversaient toute la partie occidentale du Périgord pour se rendre à Barbezieux. Après le sanglant combat de Targon, les protestants, sous les ordres de Duras[34], se retirèrent sur la Dronne, poursuivis par les lieutenants de Montluc : de Masse, d'Argence et Sainthaurent, et, divisés en trois colonnes, traversèrent la Double pour venir prendre position à Saint-Astier, Neuvic et Mussidan[35].

Menacé de voir ses communications coupées avec l'Agenais par le duc de Montpensier, qui venait avec des troupes catholiques de s'établir à Périgueux, Duras divise ses forces entre La Linde, Bergerac et Sainte-Foy, puis, franchissant la Dordogne, va chercher des renforts dans l'Agenais et le Bas-Quercy.

Informé de ces échecs successifs, La Rochefoucauld[36], qui avait déjà commencé son mouvement sur Paris, rentre en Saintonge et envoie aux calvinistes du Périgord, refoulés sur le Lot, un secours de 300 cavaliers, commandés par Bordet, trois enseignes de gens de pied sous les ordres de Montferrand, de Saint-Paul et de Pardaillan, et quatre pièces d'artillerie. Par suite de la négligence de Burie, les calvinistes de la Saintonge traversèrent la vallée de la Dronne, de l'Isle et de la Dordogne sans être inquiétés et firent leur jonction avec Duras à Gourdon.

Après de nombreux combats sur le Lot et le Tarn, Montluc et Burie échouent à Montauban et se rendent l'un dans l'Armagnac, l'autre sur les bords de la Dordogne. Profitant de la division des forces catholiques, les chefs protestants se rapprochent du Périgord, prennent d'assaut Carlux, tentent, mais inutilement, de s'emparer de Sarlat et cherchent à gagner la rivière de l'Isle.

Informé par le duc de Montpensier de la marche des religionnaires à travers le Sarladais, sachant également qu'ils s'attardaient au siège et au pillage des villes les plus importantes, Montluc résolut de les atteindre. Il quitte Lectoure, rallie les troupes espagnoles cantonnées à Agen, entraîne les soldats de Burie, campé aux Mirandes, passe la Dordogne à Siorac, traverse la Vézère et, tombant à l'improviste suc l'armée de Duras, en fait un affreux carnage dans les plaines de Vergt, 9 octobre 1562[37].

Le lendemain, de nombreux fuyards pénétraient dans la Double. Malgré les pertes sérieuses qu'il venait d'éprouver, le général protestant infligea à son tour un sanglant échec à ses ennemis. Guidé par deux paysans, il réussit à cerner un corps de 500 hommes commandés par le capitaine Laumonerie et campés au hameau d'Emburie, près Mussidan. Tous les soldats catholiques furent tués, à l'exception de trois[38].

Le 11 octobre 1562, Montluc, Burie[39] et le duc de Montpensier[40] étaient réunis à Mussidan. Les nouvelles reçues de différentes parties de la Guienne étaient mauvaises. La population calviniste ne subissait qu'en frémissant le joug du vainqueur. A Bergerac, sous prétexte de religion, deux riches marchands catholiques avaient été pillés et tués. Il fut décidé que Montluc resterait, tandis que Burie et le duc de Montpensier conduiraient au duc de Guise et au connétable de Montmorency les troupes victorieuses[41]. Le lendemain, l’armée catholique, composée de six compagnies de gens de pied, de cinq compagnies de gens d'armes, de vingt-trois enseignes de Gascons et d'Espagnols, établissait ses bivouacs entre Sainte-Aulaye et Vanxains.

Une fois de plus, le bruit des armes cessa dans notre province ; l'attention générale se portait sur les opérations militaires qui se préparaient autour de Paris. Bientôt, les plus sinistres nouvelles vinrent jeter le deuil au milieu de la population calviniste. Le prince de Condé, vaincu à Dreux, était prisonnier. Orléans, la dernière place forte des protestants, était assiégée.

Dans des circonstances aussi difficiles, un officier de Coligny, originaire de Bergerac, Armand Clermont de Pilles, après avoir franchi les lignes d'investissement d'Orléans, traversait toute la France avec une escorte de quatre gentilshommes, pénétrait dans la Double pour gagner les bords de la Dordogne et chercher à relever la fortune des protestants[42].

Dans son passage au milieu de ce pays, qui s'ouvre au nord sur Aubeterre, au sud sur Bergerac, à l'ouest sur la Saintonge et le Bordelais, à l'est sur Périgueux, Saint-Astier et Neuvic, il comprit tout le parti qu'on pouvait tirer de cette région si pauvre, d'un abord si difficile et forma le projet d'y revenir.

Apres avoir révélé sa présence par quelques attaques sur Bergerac et de hardis coups de main sur plusieurs villes du voisinage[43], il attire a lui les troupes catholiques en simulant une retraite sur l'Agenais ; puis, changeant brusquement de direction, il gravit les coteaux qui dominent Montpazier, traverse Beaumont et, à marches forcées, arrive sous les murs de Mussidan, qu'il prend par escalade[44]. Cette ville devient aussitôt le rendez-vous de tous les protestants de la province, qui s'établissent solidement dans la partie inférieure du bassin de l'Isle et de la Dronne.

Informé de l'arrivée de ce nouvel ennemi, Montluc quitte Agen, donne des ordres au sénéchal du Périgord pour lui fournir de la cavalerie et mande à son fils de diriger de Bordeaux sur la Double de l'infanterie et du canon[45].

Malgré l'infériorité numérique de leurs troupes, de Pilles et son lieutenant de La Rivière[46] acceptent la lutte.

On croyait de Pilles à Mussidan et déjà il est aux portes de Bergerac, dont il s'empare par surprise. Après avoir mis cette ville en état d'opposer une résistance sérieuse au gouverneur de la Guienne, il revient sur ses pas, rejette sur Périgueux les troupes de d'Escars de Lavauguyon[47], et, pendant que le fils de Montluc avançait péniblement dans les marais de la Double, grâce à la connaissance parfaite qu'il avait de ce pays, le capitaine protestant passe du Périgord dans le Bordelais, brûle Castres, Guîtres, Léognan et Libourne, qu'il livre au pillage, et après avoir augmenté ses forces de celles des religionnaires de la Saintonge, reparaît près de Mussidan, chargé des dépouilles de ses ennemis, préparé pour une lutte décisive, lorsque le traité d'Amboise vint suspendre les hostilités.

De Pilles n'est pas seulement le héros de Bergerac; il est aussi le héros de la Double. C'est là où l'élève de Coligny se signala comme général et comme organisateur; c'est dans cette partie de notre ancienne province que commencèrent ses exploits, qui, au dire de Mézeray, «  surpassent la croyance et presque la vertu humaine. »

Au mois d'août 1565, les habitants de la Double venaient saluer à Mussidan Catherine de Médicis et Charles IX, se rendant de Bergerac à Bordeaux, après les célèbres conférences de Bayonne[48].

Trois ans plus tard, ils voyaient passer une reine proscrite : c'était Jeanne d'Albret allant à La Rochelle rejoindre les chefs du parti protestant et leur offrir « sa vie, ses moyens, ses enfants à la défense de la cause ».

A partir de la troisième guerre de religion, on peut dire que la Double fut le rendez-vous de toutes nos illustrations militaires. Dès le début, de Pilles la traversa, conduisant à d'Andelot vingt-trois enseignes pour le siège d'Angoulême[49].

Coligny, après la défaite de Jarnac, avait pris ses quartiers d'hiver sur les frontières du Limousin, attendant les renforts envoyés par les princes Allemands et les sept vicomtes[50].

Pour s'opposer à l'arrivée des protestants du midi, le duc d'Anjou et le maréchal de Tavannes envoyèrent en Périgord le jeune comte de Cossé-Brissac, avec le marquis de Pompadour et Henri de Guise pour lieutenants. Aubeterre fut emportée d'assaut, et les catholiques se dirigèrent sur Mussidan, où les attendaient Blaise de Montluc et d'Escars de Lavauguyon. On sait que Brissac et Pompadour furent tués[51] . Un de leurs officiers les plus distingués, le colonel Sarlabous[52], fut très grièvement blessé.

Quand les calvinistes eurent fait leur jonction avec l'armée du duc des Deux-Ponts, le comte de Montgommery[53], chargé par Jeanne d'Albret de reprendre le Béarn, dont Terride s'était rendu maître, passa dans la Double à la tête de 4,000 arquebusiers et de 500 chevaux. De Pilles, venu de Saintes, éclairait sa marche.

La partie du Périgord comprise entre la Dronne et l'Isle fut, après la bataille de Moncontour, le théâtre de luttes qui peuvent nous donner la mesure des violences auxquelles entraîne le fanatisme. Les protestants du Comtat-Venaissin, ceux du Dauphiné, les religionnaires de l'Auvergne, du Vivarais el du Rouergue, commandés par Montbrun, Mirebel et Verbelet[54], se voyant séparés du gros de l'armée protestante, quittèrent l'Angoumois et la Saintonge et cherchèrent à rentrer dans leur pays, en traversant notre province. C'était à l'entrée de l'hiver : des pluies torrentielles avaient rendu les routes impraticables ; la Double n'était qu'un immense marais. A peine furent-ils engagés dans cette contrée qu'ils furent assaillis par des bandes de paysans armés, dont le nombre ne faisait que s'accroître à mesure qu'ils avançaient. Au passage de chaque ruisseau, dans les gorges des montagnes avaient lieu des combats incessants. Les prisonniers et les traînards étaient impitoyablement massacrés.

Au milieu de ces vastes solitudes, le bruit du tocsin signalait d'un village à un autre le passage des religionnaires, qui ne laissaient derrière eux que la ruine et l'incendie. Partis au nombre de plusieurs milliers de la frontière occidentale du Périgord, lorsqu'ils arrivèrent sur les bords de la Dordogne, ils n'étaient plus que 600. Déjà leur avant-garde avait franchi la rivière, quand une crue subite retarda le passage de l'arrière-garde, composée d'environ 300 hommes. Surpris par la garnison de Sarlat, les soldats calvinistes, bien que harassés de fatigues, sans munitions et presque sans armes, se préparèrent à une lutte suprême. Sous les yeux de leurs coreligionnaires, qui ne pouvaient leur porter secours, ils se battirent avec le courage du désespoir et furent massacrés jusqu'au dernier.

Le traité de Saint-Germain mit fin à toutes ces horreurs. Mais deux ans après, à la suite de la Saint-Barthélémy, les protestants reprenaient les armes.

Lorsque la quatrième guerre de religion eût été terminée, les calvinistes eurent pour chef Langoiran[55], ancien lieutenant de La Noue, et de Vivans[56], ancien officier de de Pilles. Sans tenir compte des suspensions d'armes, ils ravagèrent l'un le Bergeracois, l'autre le Sarladais, et tinrent en échec deux généraux catholiques chargés du gouvernement de la Guienne, le marquis de Losse[57] et le marquis de La Valette[58].

Ce qui favorisait le succès des protestants exaltés, c'était la création du parti des politiques, qui voulaient avant tout la paix et la répression des factions. Ils eurent beaucoup de partisans dans la Double, surtout à Aubeterre, dont le commandant était une créature du duc d'Alençon.

A cette époque, en présence des grands événements qui se préparaient à Paris, il s'opéra une grande concentration de troupes à Ribérac. La Noue[59] et le vicomte de Turenne[60] traversèrent la Double à la tête de 600 cavaliers et de 2,000 fantassins. Ces deux chefs étaient accompagnés d'une foule de gentilshommes, parmi lesquels on remarquait les de Saint-Geniès, le vicomte de Gourdon de Cabrières, de Beynac de Salignac, un cadet de la maison de Limeuil, de Bonneval, de Beaupré et de Montguyon. Après plusieurs jours d'attente, on apprit que le complot formé par le duc d'Alençon, le roi de Navarre et les Montmorency pour s'emparer du gouvernement avait échoué, et les politiques se retirèrent pour reprendre la guerre après le traité de Milhau.

Mais cette situation, déjà si compliquée, devait s'aggraver par l'intervention des Guise et la formation de la Ligue.

A partir de cette époque, le Périgord, et surtout la partie comprise entre la Dronne et l'Isle, furent le théâtre de luttes sans fin. Le vicomte de Turenne, lieutenant d'Henri de Navarre, incendia plusieurs villages entre Sainte-Aulaye, Ribérac et Neuvic. Le duc d'Epernon, gouverneur de l'Angoumois, ravagea la Double et vint mettre le siège devant Aubeterre. Après la bataille de Coutras, les calvinistes entrent dans notre province et s'emparent de Mussidan. Peu après, le chef des ligueurs en Périgord, M. de Montpezat, neveu du duc de Mayenne, pénétrait dans la même ville, après un assaut meurtrier. Enfin, David Bouchard d'Aubeterre, ayant abandonné les politiques, réussit à rétablir dans la Double l'autorité d'Henri III. Il y fut le dernier et le plus vaillant champion de la cause royaliste.

A ce navrant tableau d'une guerre commencée en 1562, et qui durait encore plusieurs mois après la rentrée d'Henri IV à Paris, il convient d'en ajouter un autre non moins triste. A la suite de tous ces massacres, la peste éclata à plusieurs reprises dans l'Angoumois et à Bergerac; elle se répandit au loin et lit les plus grands ravages, au milieu de ces populations que le fer avait déjà si cruellement décimées.

La misère fut extrême. Nous trouvons dans le livre des Chroniques de Bergerac (année 1563), que la poignée de blé seigle se vendait 50 et jusqu'à 60 sols. Plus tard, la charge de blé coûtait 260 francs au taux actuel de notre monnaie[61].

Ce pays si éprouvé avait été visité par les disciples de Calvin, plusieurs années avant les autres parties de la province. La doctrine religieuse nouvelle était prêchée à Aubeterre et dans le bassin de la Dronne dès 1534, alors qu'elle ne faisait son apparition à Sainte-Foy que vers 1537 et à Bergerac en 1541.

Bien que nombreux, les protestants n'avaient pas encore une organisation sérieuse, quand apparut Jean de Mesmy, seigneur de l'Isle[62]. Poussé par le plus ardent prosélytisme, il faisait de nombreuses réunions dans la Double ; plus tard même, il provoquait des assemblées générales à Mussidan : il se fit dans le peuple une telle réputation et sut inspirer une telle confiance aux ministres du nouveau culte, qu'avant l'ouverture des hostilités, au colloque tenu à Villeneuve-d'Agen, où furent votés les articles relatifs aux confédérations des églises qui avaient été faits au synode de Sainte-Foy, il fut chargé de la superintendance du fait des armes[63] .

« Ce fut une très mauvaise provision, dit Th. de Bèze, non que le sieur de Mesmy ne fut fort homme de bien et très affectionné, mais parce qu'avec l'indisposition de son corps, il n'avait manié les armes et aussi avait ce défaut qu'il était fort adonné à ses sens et ceux de sa suite[64]

Assuré de son influence dans la Double, Jean de Mesmy cherchait à l'étendre sur tout le bassin de l'Isle et rattacher Périgueux aux idées nouvelles; mais il rencontrait de grandes difficultés. Les émissaires de Calvin ne s'approchaient qu'avec crainte de cette ville, où leurs démarches étaient surveillées, où le sénéchal, mettant à exécution les ordres du souverain, recherchait les religionnaires et les punissait parfois avec la dernière rigueur.

Mais un des moyens employés pour s'opposer à la marche de la Réforme servit, au contraire, à leur donner un plus grand développement. Henri II établit la Cour des aides à Périgueux (1551). Le lieutenant général Poynet, « tenait la main aux édits et la bride court aux huguenots ; mais, s'étant fait pourvoir d'un office à cette cour, il résigna son office à son frère, qui à moins de six mois facilita » l'apostasie[65]. »

A partir de ce moment, les ministres protestants eurent toute latitude et les prêtres catholiques durent se cacher. A Bergerac même, deux d'entre eux ne réussirent qu'à grand'peine à se soustraire à la violence des religionnaires.

Ce qui porta une grave atteinte à l'influence du parti catholique dans notre province fut la conduite scandaleuse de Guy Bouchard d'Aubeterre, élevé en 1554 au siège de Saint-Front.

On sait qu'en vertu d'un concordat, François Ier et ses successeurs eurent le droit d'accorder les bénéfices ecclésiastiques, qui ne lurent donnés qu'à la faveur. De là, les plus graves abus. Les chefs ecclésiastiques, presque toujours absents, laissaient les soins de l'administration à des agents subalternes qui n'avaient aucun souci des intérêts spirituels et cherchaient surtout à assembler des richesses. On s'explique ainsi facilement comment, après un évêque pénétré de la sainteté de son ministère, comme Foucault de Bonneval, on trouve un prélat indigne, Guy Bouchard d'Aubeterre, qui abjura publiquement la foi catholique et donna à son diocèse, pendant plusieurs années, le triste exemple de la vie la plus dissolue.

Malgré son éloignement, Calvin suivait avec le plus vif intérêt les progrès de la Réforme dans l'ouest de la France, qui avait été le théâtre de ses premières prédications et de ses premiers succès. Il envoya plusieurs pasteurs de Genève : Bordat vint se fixer à Bergerac ; Chastaigne à Castillon-sur-Dordogne ; Robert Fraysse et Armand Cordier vinrent à Eynesse, près Sainte-Foy, et desservaient le Fleix, la Force et Gardonne ; Etienne Gragnon fut à Sarlat : Richard à Montignac-le-Comte. Un pasteur du nom de Mazet vint prêcher à Eymet, Saint-Cyprien, Issigeac et la partie méridionale du Sarladais : chacune des villes où il se rendait lui payait une cotisation mensuelle de dix livres tournois[66].

A cette date, grâce aux sollicitations de Jean de Mesmy, un pasteur de l'Eglise réformée vint de Rochechouart à Périgueux[67]. Il se nommait Pierre Brossier et commettra à prêcher à l'hôtellerie du Chapeau-Vert. Dénoncé et plus tard poursuivi par l'officier de justice, il ne réussit à su sauver qu'en se cachant dans une maison de campagne de son protecteur. Plus tard, il fut surpris, conduit en prison, et ne recouvra la liberté qu'à la suite de ledit de 1561. C'est lui qui fit construire à Périgueux un temple « bien polisse »[68].

A partir de cette époque, grâce au zèle des pasteurs et à l'appui tantôt apparent, tantôt caché de la famille d'Albret, le nombre des religionnaires s'accrut dans la province dans des proportions considérables. A Bergerac, les religieux de quatre couvents se firent calvinistes. L'église Saint-Martin, consacrée au culte catholique, fut rasée, et avec ses matériaux, on construisit un temple au Mercadil ; on éleva même des fortifications si importantes, que la ville passait pour une des principales places fortes de la Guienne.

Ces précautions prises par la population de Bergerac prouvent que les chefs protestants avaient l'intention de défendre par les armes leurs croyances religieuses. Au reste, cette tendance des partisans de Calvin s'était traduite déjà depuis longtemps par des faits isolés signalés au sénéchal de la province et au Parlement de Bordeaux.

Le 26 janvier 1552, une assemblée de gens armés avait eu lieu à Sainte-Foy, sur les terres du marquis de Trans.

Sous François II, aussitôt après la conjuration d'Amboise, le comte d'Escars et de Thermes partageaient avec de Burie le gouvernement de la Guienne, parce que ce dernier était accusé d'aider à l'organisation des calvinistes. M. de Losse, « uns très gentil chevalier », capitaine des gardes du roi de Navarre, eut la surveillance spéciale du Bas-Périgord[69]. Les protestants de Bergerac détenaient les clefs de la ville et s'étaient constitués comme indépendants[70]. Le juge-mage de Périgueux, M. de Marquessac, étant instruit que plusieurs habitants achetaient des armes, sollicitait du Parlement de Bordeaux le désarmement de la population[71].

Mais les mesures défensives prises par les calvinistes ne lardèrent pas à prendre un caractère plus général. Au synode de Sainte-Foy, « il fut ordonné par les gentilshommes du Périgord qu'on éliroit deux généraux, appelés protecteurs, sur les deux Parlements de Bordeaux et de Toulouse, à chacun desquels répondaient les colloques d'icelles : ayant aussi chacun de ces colloques son chef ou colonel ayant sous lui des capitaines des églises de chaque colloque, le tout pour conduire vers Sa Majesté les forces régulières des églises, si besoin étoit, et cependant aussi pour être sur leurs gardes et pouvoir se défendre, si leurs adversaires persévéraient à les menacer[72]. »

Avec un pareil état des esprits, des rixes étaient inévitables : elles se produisaient même fréquemment, surtout autour de Bergerac, et longtemps avant les guerres de la Réforme. Au bourg de Font-de-Roque, les calvinistes réclamaient un lieu spécial pour leur culte ; les catholiques leur assignèrent le cimetière. Plus tard, les religionnaires se sentirent les plus forts et voulurent pénétrer de force dans l'église. Aussitôt les deux partis coururent aux armes, et au-dessous du château de Puyguilhem eut lieu un véritable combat, où le chef catholique, nommé Robertie, tua d'un coup d'épée Guibert, le chef des protestants[73].

Ph. Laroche.

(La fin prochainement.)

pp. 485-507

ÉTUDES HISTORIQUES SUR LA RÉFORME

ET LES GUERRES CIVILES DANS L'ANCIEN COMTÉ DE PÉRIGORD

(1562-1598). — (Suite et fin.)

IV

Du rôle du Périgord dans les guerres de la Réforme par suite de sa position géographique. Misère extrême des paysans. Guerre de partisans.

Les populations du Sarladais et de la partie du Haut-Périgord limitrophe du Limousin fournirent, dès le début, beaucoup moins d'adhérents à la Réforme que celles de l'ouest de la province, et cependant le fléau de la guerre les frappa aussi cruellement. Plus tard, sortant du rôle passif qu'elles avaient joué, elles se lancèrent dans la lutte avec une violence sans égale, surtout dans le pays compris entre la Dordogne et la Vézère[74].

Il me parait utile à ce sujet de faire connaître la situation vraiment exceptionnelle que, pendant la longue période des guerres de la Réforme, le comté de Périgord dut à sa situation géographique.

Si nous sortons un instant du cadre restreint que nous nous sommes tracé pour aborder l'histoire générale de la Réforme en France, nous voyons que, dans les deux premières guerres de religion, le plan des généraux calvinistes consistait à chercher à surprendre la cour et à concentrer les opérations militaires du côté de Paris, tandis qu'une armée de secours s'organisait sur les bords de la Charente pour se porter aussi rapidement que possible sur la Loire et la Seine.

Quand, pour la troisième fois, les calvinistes reprirent les armes, ils réunirent leurs forces à La Rochelle, place de premier ordre par sa position maritime, où ils recevaient de l'Angleterre de l'argent et des munitions de guerre, en sorte que pendant une longue période d'années, cette région de la France fut le rendez-vous de tous les volontaires du midi.

Contenue par la main de fer de Montluc, la population de la Guienne ne donna qu'un nombre relativement restreint de soldats à la cause protestante. On peut même dire que les calvinistes n'y eurent pendant longtemps qu'une organisation imparfaite : mais dans les Etats de la famille d'Albret, sur tout le littoral de la mer Méditerranée, dans l'ancien pays des Albigeois et surtout sur le versant occidental des Alpes, où Calvin avait propagé lui-même sa doctrine, la foi protestante s'enflamma de toutes les passions politiques et les huguenots disposaient de forces redoutables.

Les soldats calvinistes de la Navarre, du Béarn, des comtés d'Astarac, de Bigorre et de Comminges par l'Armagnac gagnaient le Bas-Quercy et par Moissac se rendaient à Cahors.

Ceux du comté de Foix et du Bas-Languedoc arrivaient sur les bords du Lot par Montauban et le pays des sept vicomtes.

Les protestants de la partie orientale du Languedoc, du Vivarais, de la Provence et du Dauphiné, franchissant les Cévennes et ralliant les religionnaires du Gévaudan, traversaient le Rouergue et se rendaient dans le Haut-Quercy.

Tous convergeaient vers le sud-est de la province de Périgord et arrivaient par milliers entre Souillac et Gourdon.

Après avoir traversé la Dordogne à Souillac, ils longeaient le versant méridional du Sarladais, suivaient les riches plaines de Saint-Cyprien, du Bugue et de Bergerac, franchissaient le bassin de l'Isle et de la Dronne et trouvaient à Aubeterre les lieutenants de la Rochefoucauld et de Condé.

A l'est de la France, en prévision des secours que les princes luthériens d'Allemagne organisaient sur les bords du Rhin, et pour barrer aux protestants du midi et du sud-est du royaume la route de la capitale, une armée catholique était en permanence dans le Nivernais et la Bourgogne.

Pour répondre à l'appel des généraux calvinistes et se rendre soit sur les bords de la Charente, soit à La Rochelle, les volontaires du Lyonnais, du Forez, du Velay et de l'Auvergne descendaient par bandes isolées des montagnes du Limousin et de l'Auvergne qui s'étalent à l'est de notre province comme un immense croissant.

Ceux qui suivaient le cours de la Dordogne traversaient toute la vicomté de Turenne et pénétraient dans le Périgord par Carlux, Salignac et Terrasson.

De ces trois villes qui sont à la base d'un immense triangle, dont le sommet serait au point de jonction de la Vézère et de la Dordogne, les protestants arrivaient dans les plaines de Saint-Cyprien par des routes différentes.

Ceux de Carlux suivaient la région comprise entre Sarlat et la rive droite de la Dordogne.

Ceux de Salignac prenaient les hauts plateaux du Bas-Périgord[75], et par Saint-Crépin, Saint-Quentin-Marcillac et Castel arrivaient à Saint-Cyprien.

Ceux de Terrasson, par la rive gauche de la Vézère, pénétraient dans la vallée du Coly : entre Pelevesy et Commarque, dans la vallée de la Beune, ils rejoignaient leurs coreligionnaires sous les rochers des Eyzies.

Par le Bugue et Lalinde, tous marchaient sur Bergerac. Les protestants venus du Bas-Limousin entraient dans le Haut-Périgord par la rive droite de la Vézère qui les conduisait à Limeuil.

Les calvinistes du Haut-Limousin, partis de Saint-Yrieix, suivaient la vallée de l'Isle, et par Jumilhac-le-Grand, Corgnac, Savignac-les-Eglises, Périgueux et Saint-Astier, arrivaient dans la Double. Ceux qui venaient de Châlus longeaient la Dronne, et par St-Pardoux-la-Rivière, Saint-Front, Champagnac-de-Belair, Brantôme, Valeuil, Bourdeille, Lisle, Saint-Apre, gagnaient Ribérac et Aubeterre.

Après la prise de Nontron par La Rochefoucauld et d'Angoulême par d'Andelot, les protestants de la région septentrionale du Limousin suivaient un chemin plus direct : ils allaient à La Rochelle par le Nontronnais, l'Angoumois et la Saintonge.

Partis des points les plus extrêmes, des frontières d'Espagne, du littoral de la Méditerranée, des Alpes, les réformés affluaient vers notre province et venaient s'échelonner à des hauteurs différentes sur la route qui conduisait à Paris [76].

Jusqu'à la paix de La Rochelle, le Périgord fut le grand chemin des protestants du midi, du sud-est et du centre de la France.

On n'y livra pas de grandes batailles; mais de 1562 à 1570, ce pays fut le théâtre de combats nombreux qui imprimèrent aux événements militaires ultérieurs une marche favorable pour les catholiques. Le succès de Vergt prépara la victoire de Dreux, et l'échec de Crussol d'Assier et de ses lieutenants entre l'Isle et la Dronne fut pour les calvinistes le prélude du désastre de Jarnac. Lorsque le prince de Condé eut été tué, l'amiral de Coligny, nommé généralissime des troupes calvinistes, traversa notre province dans les circonstances les plus diverses : après Jarnac, pour aller en Limousin faire jonction avec l'armée du duc des Deux-Ponts, sous les murs de Châlus ; lorsque les protestants eurent gagné la victoire de la Roche-Abeille, pour se rendre à Poitiers ; après Moncontour, pour échapper à l'armée de Tavannes et du duc d'Anjou.

Coligny, qui passait pour un des plus habiles tacticiens de son époque, ajoutait une importance de premier ordre à la possession du Périgord. Par la Double, il pouvait donner la main aux religionnaires de l'Angoumois et de la Saintonge et maintenir ses communications avec La Rochelle : en remontant le cours de l'Isle et de la Dronne, il lui était possible de gagner les montagnes du Limousin, de pénétrer au cœur de l'Auvergne et, par la vallée de l'Allier, de gagner la partie moyenne de la Loire, où l'armée catholique du Nivernais et de la Bourgogne était aux prises avec les protestants allemands.

La vallée de la Dordogne lui fournissait les mêmes avantages ; de plus, c'est par elle que lui arrivaient sans cesse des renforts du Quercy et de l'Agenais.

Lorsque Henri de Navarre reparut à la tête des religionnaires, les anciennes possessions de la famille d'Albret étaient tombées au pouvoir des catholiques, à l'exception du comté de Périgord. C'est dans cette province que, de concert avec Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, il soutint victorieusement les premiers efforts de la Ligue et inaugura cette longue série de victoires qui lui ouvrirent les portes de Paris, après une lutte de près de vingt ans.

Deux fois, les émissaires de Catherine de Médicis et d'Henri III vinrent le trouver sur les bords de la Dordogne pour arrêter les progrès de ses armes, et les conditions de paix que le fils de Jeanne d'Albret dicta à ses ennemis à Bergerac, en 1577, et au Fleix, en 1580, furent assez avantageuses pour servir plus tard de base à l'édit de Nantes.

Pour se faire une idée des désordres que commettaient en Périgord les troupes de passage et celles que les événements de la guerre obligeaient à y séjourner, il est utile de faire connaître les divers éléments qui les composaient.

En dehors des soldats réguliers, les généraux protestants avaient sous leurs ordres des volontaires mal disciplinés qui pour vivre soumettaient la population à de dures réquisitions : en raison de l'extrême pauvreté du pays, ils étaient obligés de former de nombreux détachements.

Pour surveiller ou atteindre leurs adversaires, les catholiques divisaient aussi leurs forces.

Pendant les deux premières guerres de religion, Angoulême était le centre d'approvisionnement de l'armée royale[77]. Une très faible partie des convois dirigés vers les différents corps de troupes arrivait à destination : presque tous étaient pillés par les partisans huguenots, et les catholiques à leur tour se trouvaient dans la nécessité de frapper le paysan de contributions forcées.

M. de Caslelnau, qui accompagna le duc d'Anjou dans la guerre de 1568 à 1570 et fut témoin de désordres commis dans le Limousin et le Périgord, écrivait à ce sujet : « Les pauvres laboureurs étaient chassés de leurs maisons, spoliés de leurs meubles et bétail, rançonnés, volés aujourd'hui des uns, demain des autres, et s'enfuyaient comme des bêtes sauvages.[78]»

Les deux partis avaient fait appel à l'étranger. Dans l'armée catholique se trouvaient des Suisses, des Italiens et des Espagnols. Ces derniers, qui composaient une partie de l'infanterie de Montluc, étaient de féroces aventuriers, mutins et pillards, qui commirent en Périgord les plus grands désordres.

Dans les deux camps, mais principalement dans celui des calvinistes, on rencontrait des Allemands qui se faisaient surtout remarquer par leur rapacité. Ils avaient à leur suite d'innombrables chariots chargés du butin amassé dans les provinces déjà parcourues. Souvent, lorsque leur solde n'était pas payée, ces mercenaires abandonnaient leurs chefs et rançonnaient le pays, sans distinction de religion. C'était un véritable brigandage.

Bientôt la misère du Périgord fut extrême. Sans pain, souvent sans asile, en face d'une société où la justice était impuissante, les malheureux habitants des campagnes ne prirent conseil que de leur désespoir. La vengeance en fit des soldats.

Les uns, groupés autour de leur seigneur, l'aidèrent à soutenir les armes à la main ses prétentions féodales ; les autres, Rattachant à un soldat de fortune, quittèrent leur village désolé et, renouvelant les désordres des grandes compagnies du xive siècle, portèrent sur d'autres points de la province ou dans les pays voisins, la ruine et la mort.

Ce fut une guerre bien plus meurtrière que celle soutenue un siècle auparavant contre les Anglais.

Catholiques et protestants montraient le même acharnement ; mais de plus, les sectateurs de Calvin pillaient les églises, violaient les tombeaux des saints et brisaient les statues[79]. On trouve encore sur presque tous les monuments religieux remontant à cette époque des traces de dévastation.

Plusieurs fois, en parcourant le Périgord, les religionnaires se trouvèrent aux prises avec nos paysans armés. Notre province n'offrait que très peu de routes. Les troupes protestantes étaient obligées de s'engager dans des chemins profondément encaissés, surmontés de haies élevées ou recouvertes par les épaisses branches de vieux châtaigniers. Pendant l'hiver, ces chemins servaient de lit aux eaux qui sortaient en abondance de tous côtés. Les cavaliers avec leurs pesantes armures, les pièces d'artillerie, les chariots et les munitions s'engageaient dans des gorges sans fin, où même la seule voie praticable n'était pas toujours assez large : de là des difficultés sans nombre pour la marche des convois, et lorsque survenait la déroute, la retraite devenait très difficile, sinon impossible.

A des époques diverses et sur différents points de notre province, dans les plaines de Vergt, entre les bois de Chancelade et la Dronne, dans les sombres forêts du Bas-Périgord; dans la Double, sur les bords de la Vézère et de la Dordogne, les bandes de Duras, les protestants du Dauphiné, du Languedoc et de l'Auvergne, les reitres allemands de l'amiral de Châtillon apprirent à redouter ces milices improvisées. Mais ces luttes ne servaient le plus souvent qu'à provoquer de la part des religionnaires de cruelles représailles, et alors la guerre prenait un caractère de férocité et de barbarie.

Mais les paysans périgourdins ne furent pas tous les défenseurs de la cause catholique : ceux des environs de Bergerac, de la Double et de la vallée de la Dronne furent souvent des auxiliaires utiles pour les chefs protestants. Armand Clermont de Pilles et de Larivière, dès le début de leurs entreprises dans le midi de la province, eurent surtout sous leurs ordres des troupes de paysans armés de fourches et de faulx. Grâce à eux, ils organisèrent un système d'espionnage très habile qui leur permit, avec des forces inférieures, de tenir tête aux lieutenants de Montluc et de déjouer les desseins de leurs ennemis, par la promptitude, l'audace et la sûreté de leurs attaques.

A la suite de tous ces événements, on vit se former une classe d'hommes bien plus dangereux que les fanatiques; je veux parler des exploiteurs de la misère publique. On en trouve chez les catholiques et les protestants.

Deux lieutenants de Montluc, les capitaines de Bazac et de la Brunetière, ravageaient la vallée du Drot, profanaient les tombeaux de la famille de Foix, entièrement dévouée à la cause catholique[80].

Une bande de ces audacieux partisans s'était emparée de La Roche-Chalais et commettait de tels excès que de Montferrand, gouverneur de Bordeaux, pria Montluc de lui venir en aide pour avoir raison de ces malfaiteurs qui, après une longue résistance, durent se rendre à discrétion. Un d'entre eux avait tué de sa main cent dix-sept catholiques. Tous furent passés au fil de l'épée. « C'étaient, au dire d'un historien, des gens sans aucune religion et des libertins. » [81].

La vue de tous ces pillages réveillait souvent les mauvais instincts de la foule : il n'était pas rare, au milieu des populations catholiques, de rencontrer des hommes du peuple guider les religionnaires dans les perquisitions et partager ensuite avec eux le blé, le vin et les approvisionnements des châteaux ou des couvents.

Dans ces longues luttes qui ensanglantèrent notre sol, on ne saurait méconnaître le rôle important que jouèrent les croyances religieuses et l'ambition des grands ; mais ce qui fit naître une crise aussi générale et surtout aussi violente dans notre province, ce fut la misère.

Ce qui le prouve, c'est que, lors de l'avènement d'Henri IV, lorsqu'une ère de paix s'ouvrait pour la France, quand les chefs de tous les partis avaient déposé les armes, les paysans du Périgord et des provinces limitrophes, dans l'impossibilité de payer les impôts, se soulevèrent en masse, et on peut dire que la guerre des Croquants fut la conséquence inévitable des guerres religieuses du xvie siècle. De longues années de souffrances l'avaient préparée.

V

La noblesse du Périgord. — Les citoyens seigneurs de Périguenx. — Leur esprit politique. — Leur rôle pendant les guerres de la Réforme. — Périgueux ville de sûreté. — Les habitants de Saint-Astier. — Chillaud des Fieux et de Montardy. — Le clergé de Périgueux.

 

Au cours de ces luttes intestines, le Périgord fournit aux différents partis des hommes de guerre d'une grande valeur : les deux maréchaux de Biron, Jean de Losse, François d'Hautefort, le marquis de Bourdeille et le sénéchal d'Aubeterre conduisirent plus d'une fois les soldats catholiques à la victoire : dans le camp des protestants, Geoffroy de Vivans s'acquit une juste célébrité. Ses exploits dans le Sarladais sont restés légendaires, et Montluc, si sobre d'éloges à l'égard de ses adversaires, rendait hommage à la bravoure et à l'habileté de Clermont de Pilles. Au reste, on peut dire que d'une manière générale la noblesse de notre province montra les qualités brillantes d'une caste guerrière.

Mais l'histoire n'intéresse pas seulement par des récits de bataille ; elle est surtout utile par l'enseignement moral qu'elle nous donne.

En étudiant le rôle des citoyens seigneurs de Périgueux pendant la Réforme, il nous sera facile d'apprécier l'importance capitale que les mœurs exercent sur les destinées d'une population.

Le mouvement intellectuel que nous avons signalé à Bergerac s'était également produit à Périgueux. Stimulés par la présence du maître des écoles, les jeunes gens de cette dernière ville cherchaient par des études sérieuses à obtenir les charges si enviées de justice, de finances ou d'administration : ils se rendaient également aux universités de Bordeaux, de Cahors et de Toulouse, où plusieurs d'entr'eux entraînés par les novateurs, embrassaient la religion calviniste.

Toutefois, le prosélytisme de ces nouveaux adhérents fut assez faible. Tandis, en effet, qu'elle était extrême dans le sud et l'ouest du Périgord, l'agitation protestante était à peine signalée au centre de la province, avant l'arrivée de Jean de Mesmy et du pasteur Brossier.

A partir de cette époque, le nombre des religionnaires devint plus considérable et le Parlement de Bordeaux envoya deux conseillers, Amelin et Mesparent, pour les surveiller (1562). Plus tard, cette mesure ayant paru insuffisante, il fut institué un tribunal présidé par d'Escars de Lavauguyon et composé d'officiers supérieurs auxquels on adjoignit deux présidents et quatre conseillers[82].

Malgré l'active surveillance du Parlement de Bordeaux et les moyens de rigueur auxquels on eut recours, les calvinistes continuèrent à commettre de nombreux désordres dont le R. P. Dupuy nous a tracé le tableau[83].

A l'époque du massacre de Vassy, le parti calviniste était assez puissant à Périgueux pour ramener un pasteur nommé Romigly que le gouverneur avait fait expulser[84].

Ces faits nous paraissent suffisants pour établir qu'au moment où éclatèrent les guerres de la Réforme, cette ville entraînée par le mouvement général, prenait part à la révolte contre l'Eglise et contre le Roi ; mais à proportion qu'on avance dans la lutte entre les catholiques et les protestants, elle se sépare de la cause calviniste et bientôt nous voyons s'élever l'antagonisme le plus complet entre Périgueux et Bergerac.

Un philosophe du siècle dernier disait que « les mœurs d'un peuple lui sont plus chères et plus sacrées que les lois : les premières sont le principe actif de la conduite, les secondes n'en sont que le frein. »[85] (8)

Filles du temps, les mœurs ne subissent que des changements lents et comme insensibles, les lois se transforment et disparaissent avec les circonstances politiques qui les ont fait naître.

L'histoire de Périgueux nous fournit une preuve éclatante de cette vérité.

Aussi haut que l'on remonte dans le passé de cette ville, on voit que ses habitants, à travers des vicissitudes sans nombre, ont toujours été guidés par le même principe, inspirés par le même esprit, et cet esprit n'est autre que celui des anciens municipes romains.

C'est que Vésone n'a pas seulement légué au chef-lieu de notre province des monuments qui font encore l'admiration du visiteur. Elle laissa après elle des institutions qui, plus encore que ses arènes, ses thermes et ses temples, portaient l'empreinte du génie romain; car elles firent germer au sein des populations qui se succédèrent sur cette partie du sol de la vieille Aquitaine, l'amour de la liberté.

C'est l'amour de la liberté qui soutint Vésone pendant les nombreuses invasions des barbares ; il arma tour à tour la Cité et le Puy-Saint-Front contre les Archambaud et, alors que notre province était un pays frontière, il fit de Périgueux un foyer de résistance contre la domination anglaise.

Cette lutte commune contre les ennemis du dehors et les ennemis du dedans, contre la féodalité et les Anglais, avait depuis longtemps établi les liens les plus étroits entre la Cité et les rois de France.

Poursuivant l'œuvre d'émancipation commencée par Louis VI, si heureusement continuée par Louis VII et le ministre Suger, Philippe-Auguste voulut récompenser, comme elle le méritait, une ville qui lui avait donné des preuves si nombreuses et si constantes de dévouement. Au mois de mai 1204, au milieu de son armée campée sous les murs de Rouen, il reçut le même jour l'hommage et le serment de fidélité du comte de Périgord et de la Cité de Périgueux.[86].

Dans cette circonstance solennelle, il reconnut que les habitants de la Cité formaient une corporation de vassaux nobles, marchant de pair avec les grands feudataires de la couronne. Avec le droit de haute, basse et moyenne justice, il leur accordait l'exemption de la taille, leur imposait l'obligation du service militaire avec la faculté de nommer les chefs des milices envoyées pour le service du Roi.

Tous les citoyens nobles et roturiers, possesseurs par indivis de ces privilèges, étaient tenus de prêter serment de fidélité entre les mains du maire et des consuls à chaque nouvelle élection. Les membres du clergé et l'évêque lui-même comme faisant partie de la corporation ne pouvaient se soustraire à cette obligation.

Sous le règne de saint Louis, la Cité et le Puy-Saint-Front, renonçant à leurs querelles, que les Archambaud entretenaient depuis plus d'un demi-siècle, passèrent un traité d'union qui est resté le titre fondamental de la constitution politique de Périgueux. A celte occasion, tous les privilèges accordés par Philippe-Auguste furent maintenus, et on peut dire qu'ils ont reçu une nouvelle consécration à l'avènement de chacun de nos rois.

Au milieu d'une population si favorisée et si digne de l'être par son patriotisme, l'administration ne fut pas confiée à quelques familles privilégiées : elle resta la charge commune, elle fut vraiment la chose publique à laquelle chaque citoyen portait un égal intérêt. Parfois même ce sentiment s'exaltait jusqu'à la passion.

Cet ensemble de circonstances suffit pour donner à l'histoire de Périgueux une physionomie spéciale, et lui assigner une place à part dans l'histoire politique de notre pays. Municipe sous les successeurs d'Auguste, ville libre sous les Carlovingiens, fédération noble sous les Capétiens, tout en restant fidèle à son glorieux passé, sans cesser un seul instant d'être elle-même, Périgueux, sous la dynastie des Valois, se trouvait une des villes les plus favorisées de la Monarchie, grâce à une administration qui puisait sa force dans le double principe de l'autorité et de la liberté.

Les privilèges de Périgueux n'eurent-ils pas à souffrir du développement de la Réforme?

La Réforme ne souleva pas seulement une question de dogme : elle fit naître bien d'autres conflits. Elle mit surtout enjeu l'intérêt et, suivant l'expression de Bossuet, « que l'intérêt est puissant et qu'il est hardi, quand il peut se couvrir du prétexte de la religion[87] ! »

Au xvie siècle, la société reposait sur deux bases : l'Eglise et la royauté. Luther en Allemagne, plus tard Calvin en France, portèrent une grave atteinte à la puissance du pape. La royauté devait en subir un funeste contre-coup.

Par une sorte de fatalité, alors que pour combattre les idées religieuses nouvelles, il eût fallu un gouvernement prudent, mais ferme, le pouvoir tomba entre les mains d'un enfant en bas-âge et d'une princesse italienne imbue des idées de Machiavel. La minorité de François II vit se reproduire ce qu'avait amené, un siècle et demi auparavant, la folie de Charles VI. Les oncles du jeune roi, les Guise, prirent tout-à-coup une haute situation à la cour. Leur immense fortune, leur gloire militaire, leur ambition démesurée provoquèrent la jalousie des familles les plus considérables du royaume : de là des luttes qui faillirent conduire la France à sa ruine.

Profitant de ces divisions, la bourgeoisie riche et éclairée voulut, comme au temps d'Etienne Marcel, avoir une plus large part dans les affaires publiques.

Atteints dans leur foi politique et leur foi religieuse, les habitants des campagnes se disaient entre eux ce que disait un paysan agenais à un gentilhomme calviniste : « Qu'on nous montre dans la Bible si oui ou non nous devons payer la dîme[88]. »

L'anarchie était dans les esprits, et bientôt aucune puissance humaine ne fut capable de conjurer l'orage qui depuis longtemps s'amoncelait au-dessus du vieil édifice social dont la Réforme avait sapé la base.

En posant une question de conscience, il faut le reconnaître, Calvin a fait aussi table rase de nos institutions. C'est lui qui a ouvert, pour notre pays, l'ère des révolutions politiques et sociales.

Au milieu de ce bouleversement général, dans le violent et dernier assaut de la féodalité contre la monarchie, quelle pouvait être la conduite des habitants de Périgueux ?

Périgueux n'était pas une ville de commune, comme Bergerac ou Sarlat, une association du Tiers-Etat dont l'existence civile était liée à celle d'un seigneur, comme la plupart des villes de notre province. C'était une confédération à la fois militaire et politique ayant reçu du roi des privilèges auxquels pouvaient seuls prétendre les grands vassaux du royaume. Sa fortune était donc étroitement liée à celle de la couronne, et comme la cause du roi se confondait avec la cause catholique, les citoyens seigneurs de Périgueux s'armèrent pour les défendre.

Dans ces guerres si funestes à notre province, ils montrèrent le dévouement le plus absolu à la cause de Catherine de Médicis et de ses enfants : mais soucieux au plus haut degré de leurs droits séculaires, ils ne tolérèrent jamais le moindre empiétement et surent imposer leur volonté même à leurs plus fidèles alliés.

En mai 1563, lorsque Clermont de Pilles et de la Rivière se furent emparés de Mussidan, le lieutenant-général de la Guienne, d'Escars de Lavauguyon, étant venu porter secours aux catholiques à la tête de 3,000 hommes, il ne put obtenir de faire passer ses troupes à Périgueux : on lui permit de séjourner deux jours dans la ville et ses troupes durent rester à Agonac[89].

En 1585, le sénéchal d'Aubeterre ayant imposé à Périgueux l'entretien de cent soldats, le conseil se réunit et ne voulut se soumettre qu'à la condition de nommer les officiers[90].

Au mois de décembre de la même année, le marquis d'Hautefort vint lui-même solliciter des maire et consuls l'autorisation de laisser passer cent arquebusiers à cheval qu'il avait laissés hors de la banlieue. On lui accorda cette permission « grâce que ledit sieur s'étoit toujours montré affectionné au bien de la communauté »[91].

En 1592, le marquis de Montpezat fut chargé par le roi de la défense de la province et crut devoir se fixer à Périgueux, comme centre de sou commandement : mais comme dans la ville et la banlieue, le commandement n'avait jamais été exercé que par les maire et consuls, ces derniers exigèrent de lui le serment de fidélité, qu'il prêta après une procession solennelle à laquelle assista tout le clergé.

Ce serment fut consigné sur les registres de l'hôtel-de-ville, « afin qu'il fût bien reconnu que la ville ne faisoit que prêter territoire au sénéchal et que ce dernier ne tenoit que d'elle l'auditoire, le prétoire et le sol même où s'exerçait la justice du roi».

Le roi ayant nommé un exécuteur des œuvres de justice criminelle ordinaire par sentence du sénéchal, les maire et consuls s'y opposèrent formellement, soutenant que comme le territoire était à eux seuls, ils avaient seuls le droit de nommer cet exécuteur.

Ce sentiment du droit qui se révélait avec tant de hauteur chez les citoyens seigneurs de Périgueux en présence des grands seigneurs de la province, des officiers royaux et du roi lui-même, nous expliquera la puissance de leurs efforts quand il fallut repousser les attaques de leurs ennemis.

Ils mirent sous les armes ou gardèrent à leur solde près de quinze cents hommes.

Dans cette œuvre de défense commune, les maire et consuls firent preuve d'un zèle extrême. Plusieurs d'entre eux « dressoient les capitaines, les sergents, caporaux, dixeniers ; ils leur faisoient prêter serment, leur donnant espérance avec la bonne garde et vigilance d'un chacun, d'attendre à leurs bonnes intentions, promettant assistance et soulagement en tout ce qu'il seroit possible. »[92]

Eux-mêmes veillaient aux approvisionnements militaires, faisaient marché avec les maîtres fondeurs pour se procurer des canons, dirigeaient les travaux de fortifications, assuraient la tranquillité de la ville et de la banlieue, conduisaient des expéditions et échangeaient les prisonniers.

Malgré l'active surveillance des maire et consuls, les chefs protestants de Bergerac, de Vivans, Langoiran et de Lambertie, réussirent à pénétrer par surprise dans Périgueux et à s'y maintenir.

A peine cette nouvelle fut-elle arrivée à Bergerac, que les calvinistes de cette région accoururent en foule pour avoir leur part de butin[93]. L'église de la Cité fut pillée. Les tombeaux furent violés et les cendres des saints jetées au vent. Le palais épiscopal, les couvents des Cordeliers et des Jacobins furent démolis et la basilique de Saint-Front ne fut conservée qu'en raison du danger qu'aurait fait courir aux maisons voisines la chute d'une pareille masse de pierres.

Le château Barrière, qui appartenait aux d'Abzac de La Douze, dévoués à la cause catholique, devint la proie des flammes.

Parmi les habitants, les plus riches furent emprisonnés et ne purent recouvrer leur liberté qu'au prix de fortes rançons. Un grand nombre réussit à s'échapper et trouva asile à Brantôme, Nontron, Saint-Astier, Lisle, Bourdeille, Grignols et Château-l'Evêque [94].

Malgré ce grand désastre, les citoyens seigneurs de Périgueux ne tardèrent pas à s'organiser et à reprendre les hostilités. Maîtres des principaux châteaux et des bourgs de la banlieue de Périgueux, ils arrêtaient tous les vivres et les secours destinés aux protestants, en sorte que pendant longtemps Langoiran et de Vivans furent comme assiégés dans leur nouvelle conquête.

Enhardis par quelques succès, les catholiques résolurent d'entrer de vive force dans la ville. Aux fêtes de Noël 1577, le sieur des Coutures franchissait le mur d'enceinte et ne se retirait qu'après un combat acharné.

Plus tard, Guillaume de Leymarie, sieur du Bost, les sieurs de Beynac, de Trigonan, des Bories et d'Hautefort organisaient au château du Lieu-Dieu une entreprise semblable et qui fut aussi malheureuse.

Ces échecs répétés, loin de jeter le découragement dans le cœur des citoyens seigneurs de Périgueux, ne semblaient que les exciter davantage à secouer le joug des protestants. La lutte ne cessait même sur un terrain que pour reprendre plus vive sur un autre.

Le juge-mage Pierre de Marqueyssac et les officiers de justice s'étaient retirés dans la ville de Bourdeille, où habitait le sire de Bourdeille, gouverneur pour le Roi dans la province. Les proscrits de Périgueux en ayant été instruits, décidèrent qu'ils ne se rendraient pas dans leur ancienne ville, à quelque prix que ce fût, tant qu'elle serait occupée par les huguenots, et ils prièrent le sénéchal de vouloir bien désigner une autre ville où se rendrait la justice.

Au mois d'octobre 1577, il fut arrêté et résolu que la justice royale serait rendue à Saint-Astier.

Bien que cette mesure eût été prise avec la permission du maréchal de Biron, gouverneur de la Guienne, et du Parlement de Bordeaux, les calvinistes établirent un tribunal suprême à Périgueux.

 

« Les officiers de justice huguenots requéroient contre les catholiques et par leurs appointements, les appeloient infracteurs de la paix, violateurs de la parole du Roi, séditieux et perturbateurs du repos public, inhibant et défendant à ceux du ressort de plaider par-devant eux, cassant la procédure, avec condamnation d'amendes et toutes les exécutions dont ils se pouvoient aviser.

Les dits catholiques séant et exerçant la justice à Saint-Astier, au contraire, méprisoient telles procédures, n'oubliant pas de s'aider d'autant et rigoureuses peines contre eux et leurs sectateurs, et faire exécuter leurs jugements qui étoient beaucoup plus justes que les autres, remplis d'envie et d'animosité et de passions discordantes; si bien que non-seulement le siège d'appel du sénéchal de Périgueux, mais aussi le présidial de Périgord fut installé à Saint-Astier, ensemble le bureau et recette des tailles.

Voyant, les huguenots, qu'ils ne pouvoient parvenir au but de leurs desseins, ils se déclarèrent ennemis des catholiques, qu'ils nommoient habitants de Saint-Astier, comme indignes d'avoir le nom d'habitants de Périgueux. »

 

Plusieurs fois de Vivans chercha à s'emparer de Saint-Astier; mais Jean de Chillaud, écuyer, seigneur des Fieux, commandant la garnison de cette ville, repoussa les attaques des huguenots « et leur en fit oublier le chemin. »

Depuis bientôt six ans que les calvinistes étaient maîtres de Périgueux, les catholiques n'avaient fait aucune concession.

Ni les ordres du sénéchal, à chaque édit de pacification, ni les injonctions du roi de Navarre, qui cependant avait sévèrement puni la révolte des habitants de Cahors, ni les sollicitations pressantes de Henri III, qui tremblait pour sa couronne, ne purent arrêter les citoyens seigneurs de Périgueux. L'étranger avait pénétré dans leurs murs, ils voulaient le chasser.

Malgré l'insuccès de des Coutures et de Leymarie, le commandant de Saint-Astier, Chillaud des Fieux[95] et son parent Jean de Montardy[96] formèrent, de nouveau, le projet de chasser les protestants de Périgueux : ils furent secondés dans cette périlleuse entreprise, par les sieurs de Chabannes, de la Brangelie, de Trigonan, de la Mothe Saint-Privat de Sufferte, de la Forêt, de la Roderie[97].

Partis de Château-l'Evêque, ils arrivaient le 26 juillet 1581, jour de Sainte-Anne, à l'hôtellerie de Sainte-Catherine, et s'emparaient d'un des forts de Périgueux. Grâce à l'arrivée de Jean de Montardy, à la tête de 200 hommes d'armes, les calvinistes et leur chef, le capitaine de Belzunce, durent se retirer.

Le triomphe de Chillaud des Fieux et de ses lieutenants, constituait un fait d'une grande importance.

La prise de Périgueux par les huguenots, après les premiers Etats de Blois, avait été une infraction aux traités, mais la paix de Bergerac, en 1577, celle du Fleix, en 1580, avaient laissé cette ville, comme place de sûreté, entre les mains des religionnaires, et Henri de Navarre en exigeait la remise immédiate.

Le maréchal de Matignon, qui avait pris la direction générale de la Guienne, et le sénéchal de Bourdeille, avaient encouragé en secret Chillaud des Fieux et de Montardy dans leur entreprise ; mais ils ne pouvaient ostensiblement leur envoyer des secours : aussi les citoyens seigneurs de Périgueux formèrent-ils le projet de s'adresser directement au roi de France pour expliquer leur conduite et implorer sa protection, bien décidés à s'ensevelir sous les ruines de leur ville, plutôt que de recevoir une garnison protestante.

Messire Jean de Montardy, chevalier des ordres du roi, et Elie Desjean, conseiller au présidial de Périgueux, furent chargés de cette mission délicate[98].

Henri III était dans une situation des plus critiques. Ses honteuses passions lui avaient enlevé l'estime des chefs du parti catholique. La Ligue commençait à s'étendre dans les masses et formait déjà un parti révolutionnaire considérable. Les factions armées étaient en présence et n'attendaient qu'une occasion pour en venir aux mains. La révolte de Périgueux contre Henri de Navarre pouvait amener la reprise des hostilités, et le roi irrité jugeait cet acte avec sévérité.

Par suite de l'intervention de M. de Neuvic[99], MM. de Montardy et Desjean obtinrent la faveur du duc de Guise, et une audience leur fut accordée au Louvre.

Dans un langage respectueux, mais ferme, ils exposèrent au roi les souffrances que depuis six ans ils avaient endurées : ils firent connaître les sacrifices qu'ils s'étaient imposés pour la défense de la cause catholique qui était aussi la sienne, et rappelant les liens étroits qui depuis des siècles unissaient Périgueux à la couronne, ils dirent que le premier usage qu'ils voulaient faire de celte liberté qu'ils venaient d'acheter au prix de leur sang, était de lui renouveler leurs serments d'inviolable fidélité.

Ces preuves de dévouement données à un prince qui sentait le pouvoir lui échapper, en présence d'une cour où chaque jour amenait des défections nouvelles, émurent le cœur du roi et changèrent ses dispositions. Le sentiment de l'honneur se réveilla pour un instant dans l'âme de Henri III, et grâce à son influence, Périgueux ne fut plus une place de sûreté. Le roi de Navarre acceptait en échange deux villes de l'Agenais, Monségur et Puymirol avec une somme de mille écus en argent.

Quand on parcourt les annales de cette époque si orageuse, on ne peut refuser son admiration à cette population vaillante, qui, animée d'un sentiment de reconnaissance politique, trop rare pour ne pas être signalé, soutint au prix de tant de sacrifices, le trône chancelant des Valois.

Dans ces temps troublés qui rappellent les plus mauvais jours du moyen-âge, où tout cédait à la force brutale, la bannière des citoyens seigneurs de Périgueux fut celle de la justice et du droit et ils durent leur salut à cet amour des libertés politiques qui pendant quinze siècles avait été comme le génie tutélaire de leur ville.

Les successeurs de Henri II guidés par une fausse politique, peut-être aussi à cause de leur impuissance, négligèrent trop ces fidèles alliés qui, pour sauver leurs vieilles franchises, se jetèrent plus tard dans les bras de la Ligue.

Dans cette dernière phase des guerres religieuses, les catholiques du centre de la province eurent à traverser les fortunes les plus diverses; mais, conduits par des chefs dont quelques-uns furent d'habiles capitaines et de grands citoyens, ils luttèrent sans défaillance, et c'est surtout dans cette période si tourmentée de son histoire que Périgueux s'est inspiré de sa belle devise :

 

FORTITUDO MEA CIVIUM FIDES

 

Ma force, c'est la fidélité de mes citoyens.

 

Aux raisons politiques qui éloignèrent Périgueux du parti protestant, il est juste d'ajouter une autre cause que nous retrouvons dans plusieurs villes de notre région, notamment à Sarlat.

La majeure partie de la population appartenait de cœur à l'Eglise catholique et en respectait les traditions. En décrétant toutes les réformes dont l'Eglise avait besoin, le Concile de Trente opposa aux novateurs une puissante barrière. Un ancien officier espagnol, Ignace de Loyola, pour mieux combattre l'esprit d'indépendance et de libre examen, fonda une Société célèbre, la compagnie de Jésus, qui fut toujours d'un dévouement absolu envers le Saint-Siège et se signala par son zèle pour l'éducation de la jeunesse et ses prédications.

Pendant la longue crise qu'il eut à traverser, le clergé du Périgord lutta contre l'hérésie avec des armes différentes.

Dans le combat de nuit qui amena la prise de Bergerac par les huguenots, le curé Peyrarède rallia plusieurs fois les défenseurs de la ville et, au milieu des ruines de son église, il opposa aux soldats victorieux de Pilles une résistance héroïque[100].

Un chapelain de Pellevesy[101] prépara le triomphe des ligueurs à Sarlat. Dans cette dernière ville, deux grands prélats, les Lamothe-Fénelon, l'oncle et le neveu[102], furent l'âme de la résistance contre les protestants. Lorsque le vicomte de Turenne vint mettre le siège devant Sarlat[103], ils rivalisèrent de vaillance et de patriotisme avec les Carbonnières, les Saint-Clar, les Gérard du Barry, les Fontpitou et les Montmège, qui avaient mis leur épée au service du roi et de la cause catholique.

Lorsque Périgueux tomba aux mains des protestants, un chanoine de Saint-Front, le père Bord[104], resta à son poste, et, au péril de sa vie, prodigua les consolations de son ministère à ses malheureux compatriotes. C'est lui qui célébrait l'office divin à la chapelle Sainte-Anne, où le culte catholique était encore toléré.

Monseigneur de Bourdeille, entouré des fidèles proscrits par les chefs protestants, donnant du haut de la montagne du Toulon sa première bénédiction épiscopale à la ville de Périgueux où flottait le drapeau calviniste, doit rester comme l'image glorieuse de cette Eglise nouvelle régénérée par l'épreuve, cherchant par la prière à reprendre sur les âmes l'empire qu'elle avait perdu, et voulant triompher de ses ennemis par le seul ascendant de ses lumières et de ses vertus !

Ph. Laroche.



[1] Th. de Bèze. Histoire ecclésiastique, titre I, page 27.

[2] Extrait du livre des chroniques de Bergerac.

[3] D. Rennes. Histoire du protestantisme à Bergerac.

[4] Dessalles. Histoire du périgord T. I, p. 194.

[5] Augustin Thierry. Histoire du Tiers-Etat, p. 299( ?).

[6] Mémoires de Gaspard de Saulx de Tavannes.

[7] La bourgeoisie de la province prenait exemple sur celle de Paris, où l'on comptait à cette époque 72 collèges et 15,000 étudiants presque tous pauvres. -Augustin Thierry, (ouv. cité, p. 119.)

[8] Voici la formule de présentation au maître des Ecoles de Périgueux, telle qu'elle est formulée dans le livre des jurades de Bergerac :

« Messieurs les consuls de la présente ville de Bragerac, à vous le maistre des Escolles de Périgueux, vous présentons discrète personne, Me Pierre Treilhe, régent comme idoine et suffisant pour régir, tenir les escolles de la présente ville de Bragerac, comme il a tenu par cy-devant et pour l'année prochaine et unissant à mesme jour, à la feste de Saint-Jean-Baptiste prochaine et finissant à mesme jour l'an révolu, afin de confirmer et bailler les dictes Escolles.

Donné sous le scel de la dite ville de Bragerac, le premier jour de juing l546 ».

[9] En 1524, la peste faisait les plus grands ravages à Bergerac.

[10] Je dois les principaux détails sur les Ecoles de Bergerac à l'obligeant M. Dupuy, archiviste de cette ville. Mon excellent ami et collègue de la Société historique, M. Charles Durand, a mis également à ma disposition les nombreux documents qu'il a recueillis sur Bergerac : qu'ils trouvent ici l'expression de ma reconnaissance.

[11] Fondée par Louis XI en 1473.

[12] Fondée par le pape Jean XXII en 1332.

[13] Fondée par le roi Louis IX en 1228, confirmée par le pape Grégoire IX en 1233.

[14] Dictionnaire de Moréri. - Article Périgord.

[15] Ernest Gaullieur. Histoire de la Réformation à Bordeaux et dans le ressort du parlement de Guienne, ch. IV, p. 59.

[16] Idem.

[17] L’Estat de l'Eglise du Périgord, par le H. P. Dupuy, récollet.

[18] Fourgeaud-Lagrèze. Le Périgord littéraire. L'imprimerie en Périgord (1498-1874). Ribérac 1875.

[19] Gaston de Foix, seigneur de Trans, vicomte de Gurson.

[20] La garde particulière de Montluc, composée de 200 arquebusiers à cheval, 100 arquebusiers à pied et un enseigne de gens de pied, avait pour capitaine un gentilhomme de l'Armagnac nommé Sainthaurens, qui figure avec honneur dans 1es guerres religieuses à la défense de Cahors, de Leyrac et au siège de Rabastens. La famille de Sainthaurens est une des plus anciennes du midi de la France. Au Ve siècle, elle a fourni un évêque qui a occupé le siège d'Auch et de Toulouse, où il est encore vénéré comme un patron.

On la trouve répandue dans le Berry, le Limousin et la Saintonge. Son nom a une orthographe qui varie dans les actes suivant les temps et les localités. On trouve écrit Saint-Orens, Sainctorens, Saint-Aurens et Saincthaurent.

Recherches dans la généralité du Limousin, par le marquis de Magny, secrétaire du collège héraldique de France (1846).

Un parent du capitaine des gardes de Montluc, ancien page de la duchesse de Mercœur, se fixa à Bussac (Creuse) sous Henri III : il était originaire d'Auch et ses descendants ont occupé une haute situation dans la Marche.

Pour ne citer que les derniers représentants de cette branche, je nommerai : Théophile de Saincthorent, né en 1795, ancien député de la Creuse, ancien membre du conseil général.

Jean-Marie-Théophile de Saincthorent, son fi1s, né le 7 juin 1820, mort en 1881, ancien député de la Creuse, ancien commandant de mobiles, auteur d'un ouvrage très estimé sur les Chevaux de la Marche et du Limousin.

Le chef de cette famille est M. Antoine-Lucien de Saincthorent, ancien officier de mobiles, fixe actuellement à St-Léon-sur-Vézère, par son mariage avec Mlle Thérésa du Cluzeau de Clérant.

[21] David Bouchard d'Aubeterre, ayant abjuré le protestantisme, rentra en possession de ses biens, grâce à l'influence du marquis de Bourdeille, dont il épousa la fille: il fut sénéchal du Périgord et mourut d'une blessure reçue à l'assaut du château de Lisle, pendant les guerres de la Ligue.

[22] Il fut assassiné en 1573. Son fi1s, David Bouchard d'Aubeterre, fut sénéchal du Périgord.

[23] chronique protestante de l'Angoumois, par Bujeaud.

[24] Mémoires de M. de Vieilleville

[25] Chronique protestante de l'Angoumois, par Bujeaud, p. 18 et 19.

[26] M. Dujarric-Descombes, notre érudit collègue, fera paraître prochainement une étude sur Guy Bouchard d'Aubeterre, sieur des Plassons, évêque de Périgueux, 1S54-155B, et l'introduction du protestantisme en Périgord.

[27] Histoire de la Réformation à Bordeaux, par E. Gaullieur.

[28] Bujeaud, ouvrage cité.

[29] Brienne, p. 20e.

[30] Dictionnaire topographique du département de la Dordogne (de Gourgues).

[31] Des religieux (trappistes) établis près d'Echourgnac en 1868 ont fait d'importants travaux d'assainissement.

[32] Bourg de la commune de La Gemaye. De Gourgues (ouvrage cité).

[33] De Gourgues.

[34] Symphorien de Durfort, baron de Duras, colonel de l'infanterie légionnaire de la Guienne. Général calviniste tué au siège d'Orléans.

[35] Rennes, ouvrage cité. Dupleix.

[36] Beau-frère du prince de Condé et chef des religionnaires de l'Angoumois et de la Saintonge.

[37] Commentaires de Blaise de Montluc.

[38] Histoire de la Réformation de Bordeaux, par E. Gaullieur.

[39] Burie, gouverneur de la Guyenne pour le roi de Navarre.

[40] Louis de Bourbon, duc de Montpensier, prince de La Roche-sur-Yon, vint deux fois à Périgueux prendre le commandement des troupes catholiques, 1562-1568.

[41] Commentaires de Blaise de Montluc.

[42] Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique, — de Thou. — Le R. P. Dupuy, ouvrage cité.

[43] Armand Clermont de Pilles, né à Bergerac, chef des protestants du Périgord, fut tué à la Saint-Barthélémy, dans la cour du Louvre.

[44] Histoire ecclésiastique de Théodore de Bèze. - Rennes, ouvrage cité. — P. Dupuy. — Dupleix.

[45] Commentaires de Blaise de Montluc.

[46] D'après Montluc, de la Rivière était le fils d'un notaire de Bergerac. D'après M. E. Gaullieur, le père du chef protestant s'appelait Hélie de la Rivière et était seigneur de la Forge et de la Faurelie, près Montpont.

[47] Jean des Cars de Perusse de Lavauguyon, issu d'une famille du Limousin, alliée aux d'Hautefort, aux de Sauvebœuf, aux de Royère, aux de Montmège et aux de Beauroyre, a été gouverneur du Périgord et du Bourbonnais dans les guerres de religion. On trouvera des renseignements importants sur les des Cars de Perusse dans la sigillographie du Bas-Limousin, ouvrage d'une grande érudition, digne complément de la Sigillographie du Périgord, dû à la plume savante de notre sympathique vice-président, M. Philippe de Bosredon.

[48] Livre des Chroniques de Bergerac. Chronique protestante de l'Angoumois, par Bujeaud.

[49] Chronique protestante de l'Angoumois, par Bujeaud.

[50] On appelait ainsi un groupe de chefs protestants du Bas-Quercy. C'étaient : le vicomte de Burniquel, le vicomte de Paulin, le vicomte de Montclar, le vicomte de Sérignac, le vicomte de Caumont, le vicomte de Montaigu et le vicomte de Rapin.

[51] Timoléon de Cossé, comte de Brissac, a commandé l'avant-garde de Montpensier en Périgord. Il attaqua les protestants à Mensignac et les défit à Chantegeline. Le marquis de Pompadour était parent des d'Hautefort. (Brantôme, Vies des hommes illustres françois. De Thou, Hist., livre 45. Le Laboureur, tome des Hommes illustres, Davila, liv. 4 )

[52] Raymond de Cardaillac de Sarlabous, créature des Guise, fut un de ceux qui tuèrent Coligny. Ce fut lui qui jeta par la fenêtre le corps de l'amiral.

[53] Gabriel de Lorge, comte de Montgommery, ancien capitaine de la garde écossaise sous Henri II, dont il fut le meurtrier involontaire, embrassa la religion réformée. Il en fut un des chefs les plus habiles. Il eut la tête tranchée en place de Grève en 1574.

[54] Histoire de France du P. Daniel.

[55] Langoiran, cadet de la maison de Montferrand, s'empara de Périgueux (1575). C'était un homme cruel, mais d'un esprit très pénétrant. Quelques jours avant la Saint-Barthélémy, il vint prendre congé de Coligny, lui disant qu'il repartait pour le Périgord. Comme l'amiral lui témoignait son étonnement à ce sujet, Langoiran lui répondit: « Je quitte Paris parce qu'on nous y fait trop de caresses ».  (Davila, 17. - Mathieu).

[56] Geoffroy de Vivans, né à Castelnau, gouverneur du Périgord pour les protestants, se signalai la bataille de Coutras. (L'abbé Audierne lui a consacré une notice biographique dans le Périgord illustré.)

[57] Jean II de Losse, né au château de Losse, près Montignac-le-Comte, commandant de la garde écossaise de Charles IX, précepteur d'Henri IV, gouverneur de Verdun, etc.

[58] Jean-Louis Nogaret de la Valette, depuis duc d'Epernon, colonel de la cavalerie légère, partagea avec Jean de Losse le gouvernement de la Guienne après Montluc.

[59] La Noue, gentilhomme breton, général protestant, qui défendit La Rochelle contre les catholiques.

[60] Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, lieutenant d'Henri de Navarre en Guienne. On trouvera des documents sur le vicomte et la vicomté de Turenne dans la sigillographie du Bas-Limousin, par MM. Philippe de Bosredon et Ernest Rupin. (Brive, 1886.)

[61] E. Gaullieur, ouvrage cité.

[62] D'après m. Tamizey de Larroque, Jean de Mesmy serait originaire du Périgord ; d'après m. e. Gaullieur (ouvrage cité), il serait d'une famille noble de l'Aunis et de la Saintonge.

[63] Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique, p. d63.

[64] Id.

[65] Le R. P. Dupuy.

[66] Bulletin de la Société du protestantisme français. Année 1869, n° l et n° 2, p. 72. Année 1860, n° 9 et n° 10, p. 297. (Ouvrage de M. E. Gaullieur.)

[67] Ce fait eut lieu sous l'épiscopat de Pierre Fournier.

[68] Le R. P. Dupuy (ouvrage cité).

[69] E. Gaullieur ouvrage cité

[70] Id. — Docteur Rennes.

[71] id.

[72] Rennes (ouvrage cité).

[73] E. Gaullieur (ouvrage cité).

[74] On lira l'histoire de la Réforme et des guerres civiles au xvie siècle, dans le Sarladais, dans les Chroniques de Jean Tarde, chanoine théologal et vicaire-général de Sarlat. Cet ouvrage, nouvellement édité par deux de nos savants collègues, M. le Vte Gaston de Gérard et M. Gabriel Tarde, a été enrichi d'annotations du plus haut intérêt et renferme des renseignements biographiques très complets sur les anciennes familles du Bas-Périgord.

[75] On s'accorde généralement à diviser notre ancienne province en deux parties : le Haut-Périgord ou Périgord blanc et le Bas-Périgord ou Périgord noir. Cette opinion est celle de Moréri (édition de 1714), Malte-Brun, de Gourgues, Mérilhou. Mais elle n'est pas celle de C. de l'Isle, premier géographe du roi, membre de l'Académie royale des sciences. Dans une carte dressée par lui. (carte du Bourdelois et du périgord, faite à Paris en 1714, dont je dois la communication à mon ami M. Paul Clergeaud, le Périgord-Noir serait distinct du Bas-Périgord : il ferait suite à la Double et comprendrait le Ribéracois et le Nontronnais dans la partie limitrophe de l'Angoumois.

[76] Au sortir de la province de Périgord, l'ancienne route de Paris passait par Barbezieux et Châteauneuf. (H. Martin.)

[77] Bujeaud (ouvrage cité).

[78] Michel de Caslelnau de Mauvissière, auteur de mémoires très estimés.

[79] Sismondi, t. XIX, p. 85.

[80] E. Gaullieur. (Ouvrage cité.)

[81] Guinodie, Histoire de Libourne. Comment. De Montluc.

[82] Eug. Gaullieur. Ouvrage cité.

[83] ouvrage cité.

[84] Histoire ecclésiastique de Th. de Bèze, tome II, p. 465.

[85] Duclos, Considérations sur les mœurs.

[86] Dessalles, Histoire du Périgord.L'abbé Audierne, Périgord illustré. Recueil des titres de Périgueux. Paris 1775. On trouve également des notions très complètes sur la municipalité de Périgueux, dans la Sigillographie du Périgord par M. Ph. de Bosredon, et dans le Dictionnaire topographique du département de la Dordogne par M. de Gourgues.

[87] Discours sur l'histoire universelle, partie II, chap. XXVI.

[88] Commentaires de Blaise de Montluc.

[89] Recueil des titres de la ville de Périgueux.

[90] id.

[91] id.

[92] Recueil des titres.

[93] Histoire de la prise de périgueux par les Huguenots en 1575 et de la reprise de cette ville par les catholiques en 1581, par M. l'abbé Audierne, 1821, imprimerie Michelet, à Sarlat.

[94] id.

[95] La famille de Chillaud des Fieux a pour descendant direct M. Jean-Julien Chillaud-Dumalne, chef d'une librairie militaire à Paris. (Note de M. l'abbé Audierne dans la Prise de Périgueux.)

[96] La famille de Jean de Montardy, représentée actuellement par MM. Edmond-Gaston et Elie de Montardy, est une des plus aaciennes de notre province. En 146S, Jean, seigneur de Montardy, rendait hommage à Alain d'Albret et en recevait privilèges. (Archives des Basses-Pyrénées, E. 771.) En 1539, Antoine de Montardy était prieur de Chancelade. En 1541, Arnaud de Montardy rend hommage à Henri de Navarre. (Archives des Basses-Pyrénées, B. 1293, sur parchemin). En 1625, Suzanne de Montardy était prieure au couvent de Saint-Pardoui, en Périgord

[97] Histoire de la prise de Périgueux, etc. Ouvrage cité.

[98] Id.

[99] Histoire de la prise de Périgueux, par M. l'abbé Audierne.

[100] R.P. Dupuy. Ouvrage cité.

[101] Ancien repaire noble, situé dans la commune de Saint-Geniès, canton de Salignac. Ce château appartient à la famille de Montmège.

[102] Le neveu succéda à son oncle en 1578.

[103] On aura des détails bien complets sur cette époque si intéressante de notre histoire locale en lisant le Résumé de la relation des deux sièges de Sarlat, en 1587 et 1651, avec notes et éclaircissements, par J. B. Lascous, ancien secrétaire général du Ministère de la justice, ancien conseiller à la Cour de cassation. Paris, 1832.

[104] Le R. P. Dupuy. Ouvrage cité.

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