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Source: Bulletin SHAP, tome XVI (1889) pp. 65-74.

 

ESSAIS TOPOGRAPHIQUES, historiques et biographiques sur l'arrondissement de nontron.

 

canton de nontron. (Suite.)

 

IX. — Commune de St-Martin-le-Peint.

 

Cette commune de St-Martin-le-Peint (sanctus Martinus Pictus), et non le Pin, admis par erreur au xviiie siècle; cette paroisse, disons-nous, est bornée, au nord, par celle de Javerlhac ; à l'ouest, par celle d'Hautefaye ; au sud, par la commune de Lussas et à l'est, par celle de Nontron.

Son territoire, de la première formation secondaire, parsemé de collines de 200, 203, 245, 264 et 274 mètres d'altitude, est traversé par divers ruisseaux et par le Bandiat. On y trouve les bourg, villages, hameaux et lieux ci-après :

Lacaux. —Tranchepouyères. — Chantemerle. — Le Repent. -- Crachat. — Loradour. — Pasbrouillé. — Le Grand-Village. — Bourg de St-Martin. — La Tuilière. — La Borderie. — La Combe-au-Cros. — Guitières. — Mérignac. — Talivaud. — Les Cases. — Blanchetières. — Moulin de la Côte. — Ribeyrolle. — Chez-Thomas. — Lespinasse. — Ars. — Moulin de Beauvais.

Sa population était, en 1365, de 102 habitants pour 17 feux; elle a été, depuis, de 272 au xviie siècle ; en 1804, pour 77 maisons, 648 habitants ; de 660 en 1852, de 659 en 1866 ; de 671 en 1861 ; de 656 en 1866 ; de 624 en 1872; de 648 en 1876; de 639 en 1881.

De même que toutes les autres paroisses du canton, celle de St-Martin-le-Peint, Sanctus Martinus Pictus, est fort ancienne et remonte bien au-delà du xiie siècle, d'après les documents écrits et d'après le style d'architecture de son église, dont la porte, à plein cintre et ornée de sculptures, au lieu d'être au couchant, s'ouvre à l'extrémité ouest du côté sud.

Voici, d'ailleurs, ce qu'en disait notre savant et regretté confrère M. l'abbé René Bernaret, le 8 janvier 1876 :

Eglise romane avec une abside circulaire et, par devant, un clocher de même style, qui mérite l'attention des connaisseurs. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est le portail à plusieurs arcatures, sis du côté de l'épître. On y voit plusieurs figures grotesques, symbolisant sans doute les vices exclus de l'Eglise, telles que des renards, des chiens, des porcs, des serpents, etc. Il y a une femme qui porte une hotte; une autre porte deux seaux sur ses épaules, une autre son corsage.

Quant aux documents écrits, voici, par rang de dates, ceux que nous avons pu nous procurer :

1252. — Testament de Guillaume de Magnac, Guillelmus de Manhac senior miles de Nontronio par lequel il lègue : Septemnarium et tricennarium et duodecim denarios redduales sancti Martini picti. Datum die lune post exaltationem sancte crucis.

1271. — Testament d'Itier de Magnac, lterius de Manhac, miles de Nontronio, qui lègue : Ecclesiis Sancti Martini Picti et de Milhac unicuique septimum et tricesimum et duodecim denarios renduales. Datum quinto decimo kalendas octobris.

1352. — Testament par lequel autre Itier de Magnac, chevalier de Nontron, lègue : Ecclesie Sancti Martini Picti sexagenta solidos semel... Die ultima mensis septembris...

L'abbé Nadaud dit, de son côté :

St-Martin-le-Peint, Sanctus Martinus Pictus, cure sous le patron de St-Martin-de-Tours, 630 communiants, décimes 102lt. — L'évêque de Limoges y nommait dès 1519. — Il fut ordonné de rebâtir cette église en 1499. — Louradour, chapelle ruinée.

II résulte, d'autre part, et en ce qui concerne le personnel ecclésiastique, que les Bénédictins de l'abbaye St-Augustin de Limoges possédaient dans cette paroisse une quantité, considérable de rentes, dont M. Vallade, de Jomelière, était encore fermier en 1789 ; ce qui donne à supposer que, dans le principe, ces moines avaient dû y fonder une abbaye, ou tout au moins un prieuré. Cela ressortirait aussi de l'état des lieux, le bourg ne se composant que des bâtiments de trois colons, en outre du presbytère et de l'église, construits à mi-côte et dominant, à moins de cent mètres de là, une autre construction placée dans un étroit vallon. Cette construction, qualifiée de château au xviie siècle, paraît plutôt avoir été anciennement une résidence monacale par le site où elle se trouve, par son architecture, formant un simple carré long, à rez-de-chaussée surmonté d'un seul étage, sans tour ni tourelles nobiliaires, sans aucun moyen de défense, et enfin par sa porte à plein cintre surmontée d'une petite niche destinée probablement à abriter la statue de saint Martin.

Curés et vicaires. — Parmi lesquels : En 1471, Discretus et prudens vir Johannes Roduel, pastor capellanus seu rector ecclesie Sancli Martini Picti. — 1656, Merlanjon, curé. — 1657, Viellavoys, vicaire. — 1658, Peyrier, vicaire. — 1673, de La Chassaigne, curé. —1683, Chassaigne de la Veoune, curé. — 1692, Desage, curé. — 1710, Louis Bandou de la Seauve.— 1711, Jean Joubert, qui fut nommé par Monseigneur de Charpain, évêque de Limoges et prit possession de l'église et de la cure, suivant acte de Jalanihat, notaire, du 2 février de la dite année. — En 1748, François Dubreuil, curé. — M. de Sarode, curé actuel.

Si, des institutions religieuses nous passons au régime seigneurial, nous trouvons parmi les principaux seigneurs ;

Du xiie au xive siècle, divers membres de la famille de Magnac, d'après les testaments ci-dessus des années 1252, 1271 et 1352, tirés des Archives des Basses-Pyrénées, et d'après les indications suivantes recueillies dans Doat :

1255. — Reconnaissance par Pierre Tison, chevalier de Nontron, a foy et hommage d'Ytier de Maignac et ses frères d'une borderie appelée Vanduriencha, paroisse de St-Martin-le-Peint, die Martis post resurectionem Domini anno....

1300. — Hommage à Ytier de Maignac par Pierre Tisonis, fils de Foucauld, de Nontron, d'une borderie appelée Labaudimencha, die decimo quarto kalendas Augusti anno 

1318. — Hommage à Ytier de Maignac, par Bernard de Lyrava, donzel, du Mas, appelé de Chalaloup, die Veneris post inventionem sancte crucis anno....

1318. — Reconnaissance de rente sur biens à St-Martin-le-Peint et Javerlhac par Guye, veuve d'Adhémard de Maignac, chevalier, en faveur d’Itier de Maignac, die dominica ante festum beati Urbani.

1340. — Hommage au même, par Bozon, fils du dit Pierre Tison, chevalier, pour biens situés dans la paroisse de St-Martin-le-Peint, die Martis post hyemale festum beati Martini anno....

1256. — Vente par Guillaume Julzes, chevalier, au seigneur Itier de Magnac, de six deniers de rente, in manso de Lasaias, in parochia Sancti Martini Picti, dont nous reparlerons.

Nous trouvons encore clans l'inventaire des Archives des Basses-Pyrénées :

1256. — Vente de rentes assises en la paroisse de St-Martin-le-Peint, par Bernard de Suolio à Itier de Magnac.

1270-79. — Acensement de la terre du Fraycher, paroisse de Saint-Martin-le-Peint, par Itier et Guillaume de Magnac, chevalier, à Guillaume des Arcs.

Parmi les autres seigneurs particuliers de cette paroisse figurait encore, au xiiie siècle, Raymond de Saint-Martin, chevalier, qui, dit le Nobiliaire, de Nadaud, verbo Limoges :

Vendit le lundi après l'octave de Pâques 1275, à Marguerite de Limoges, diverses rentes sur les paroisses de St-Marlin-le-Peint, St-Etienne-le-Droz et Pluviers. Son exécuteur testamentaire, maître Gérald de Maumont, damoiseau, seigneur de Montfort, employa ces rentes et les vignes situées vers Chalus-Chabrol à fonder, suivant son intention, un monastère de filles en l'honneur de sainte Catherine, près du bourg de St-Pardoux-la-Rivière... ».

 

Ajoutons que, d'après deux actes de février 1291 et du samedi, avant la fête de la Toussaint 1292, dont nous avons donné le texte au chapitre du canton de St-Pardoux-la-Rivière, eurent lieu la fondation de ce monastère et la donation, entr'autres biens de la terre : que fuit quondam Raymondi de Sancto Martino, militis defuncti, cum omnibus suis pertinentiis prout dicta comitissa emit et acquisivit dictam terrain a milite supra dicto.... — En conséquence et le 22 novembre 1445, les religieuses de ce monastère baillèrent à emphytéose perpétuelle : Maynamentum vulgariter nominatum Trancheyrat, silum in parochia sancti Martini Picti, Lemovicensis diocesis, castellanie loci de Nontronio.— Acte du 29 juin 1452 : reconnaissance de rente sur le villagium vocatum Chabertery, situm in parochia de sancto Martino Picto; lequel village est dit : Villagium de Chabretiere dans une caillette du 13 mars 1500. — Constatons en passant que, de tous les noms donnés aux mas et villages ci-dessus, il ne subsiste aujourd'hui que celui de Tranchepouyère, pour Tranchepeyra, Tranchepière, lequel appartenait, en 1623, à Jean de Labrousse.

Du xive au xve siècle, tous les biens de la famille de Magnac passèrent aux mains de Ayssaline de Magnac, sœur d'Itier et femme de Guy Paute, ou Paulte, de Nontron, lesquels, en 1384, se portèrent héritiers des biens de la famille. De ce mariage, Mondot ou Raymond Paute, à la demande duquel Jean de Bretagne, vicomte de Limoges, donna, en 1390, mainlevée des revenus saisis au préjudice d'Itier de Magnac. Le dit Raymond rendit, le 24 juillet 1422, hommage au dit vicomte pour la seigneurie de Magnac, dont le fief principal était dans la paroisse de Milhac de Nontron. (Bulletin de la Société, 1880, p. 388). Peu de temps après, le vicomte s'arrangea avec les héritiers qu'il désintéressa et devint définitivement possesseur de toute la seigneurie.

Le vicomte de Limoges ajouta à sa suzeraineté la possession réelle et effective de tous les héritages et de toutes les rentes, non seulement dans la paroisse de St-Martin-le-Peint, mais encore en ce qui concerne le canton de Nontron, dans celles de Nontron, Augignac, le Bourdeix, St-Etienne-le-Droux, Javerlhac, Bondazeau, Nontronneau, St-Martial-de-Valette, St Martin-de-Valette, St-Front-de-Champniers.

Alain d'Albret, tant en son nom que comme fondé de pouvoir de son fils, Jean, roi de Navarre, vicomte de Limoges, vendit :

 

Par acte passé à Pampelonne, le xxve jour du mois d'aoust, l'an de grâce mil cinq cens et ung, pour 4,000lt, les paroisses de Saint-Martin-le -Peint et de Savinhac, assises et situées en leur seigneurie et juridiction de Nontron avecques tous leurs droiz, domaynes, maisons, manoirs, villaiges, maynemens, borderies, prés, terres, boys, pasturaiges, estangs, molins, mouvans, garennes, forêts, colombiers et quelxonques fiefs et héritaiges, cens, rentes, ventes, honneurs, acaptes, hommes, tenanciers, emphytéote, guet de garde, directe et foncière seigneurie en toute justice haulte, basse, moyenne, mère mixte, impere et tout ce qui en despend, et tous autres droiz, debvoirs, appartenances, appendances et deppendances           Ensemble tous et chascuns les héritaiges mouvans et tenus des dits seigneurs en la paroisse et chastellenye de Javerlhac …..

 

Mais, après le décès de Dauphin Pastoureau en 1505, la seigneurie de St-Martin-le-Peint fut, comme celle de Javerlhac, partagée entre ses enfants, démembrée par des ventes postérieures et dévolue à divers seigneurs, à savoir :

De La Chassaigne. — Le 15 novembre 1561, hommage rendu à Alain d'Albret par le conseiller de La Chassaigne, pour la tierce partie de la paroisse de St-Martin et autres, distraites de la quarte partie de Javerlhac. — Le 10 mai 1567, Joseph de La Chassaigne, président au Parlement de Bordeaux, est seigneur de St-Martin-le-Peint. — Du 20 mai 1585, devant Agard, notaire, reconnaissance de rentes sur le bourg de St-Martin-le-Peint en faveur du fils du dit Joseph, messire Geoffroy de La Chassaigne, seigneur de Pressac, St-Martin-le-Peint, Nontronneau, St-Front-de-Champniers et, en partie, de Javerlhac, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

(…)

Les Cases. — N'était qu'un simple mas en 1256, selon l'extrait suivant d'un acte, conservé aux Archives des Basses-Pyrénées et portant vente de deux sols et six deniers de rente sur le dit mas.

Universis presentes litteras inspecturis Guillelmus Jutzes, miles, salutem : Noveritis quod ego pro me et heredibus meis vendidi et concedi domino Iterio de Manhaco, militi, et heredibus ejus, duos solidos et sex denarios quos habebam in manso de Lasajas (Las Cajas) in parochia Sancti Martini picti.... Dictus miles dedit mihi triginta solidos Lemovicensis monete... In cujus rei testimonium dicto domino Iterio dedi presentes litteras sigillo domini Jordani, priore de Nontronio, sigillatas, anno Domini millesimo ducentesimo quinquagesimo sexto.

Le mas des Cases dut être agrandi et converti en fief noble par la famille de Magnac, dont les successeurs y construisirent un manoir, composé d'un corps de logis, flanqué d'une tour ronde, qui existe encore.

(…)

(A suivre.)

R. de Laugardière

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