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Source : Bulletin SHAP, tome XVII (1890), pp. 130-134.

TESTAMENT de JEAN DE LOSSE, SEIGNEUR DE BANNES (1)

 

1580

 

Au nom de Dieu, soyt. Amen.

 

Sachent tous présents et à venir que aujourd'huy premier du moys de febvrier mil cinq cent quatre-vingts, au chasteau de Losse, paroisse de Thonac, en Périgort, régnant très chrestien prince Henry, par la grâce de Dieu, rov de France et de Poulongne, par devant moy, notaire réal soubz signé et des témoings soubz nommés, a esté présent et constitué en sa personne, hault et puissant seigneur Jehan de Losse, escuyer, seigneur de Bannes, gentilhomme ordinaire de la Chambre du rov, capitaine du chasteau du Louvre et de la citadelle et cité de Verdun, en Lorraine, lequel estant, grâce à Dieu, sain de son corps, en sa bonne mémoire, senz et entendement ; considérant estre mortel et n'y avoir chose plus certaine que la mort, l'heure de laquelle est incertaine, et qu'il est sur le poinct de faire certain voiage ; considérant les dangers qui journellement se retrouvent sur les champs, ne voulant décéder intestat, affin qu'à l'advenir ses parens et amis n'ayent entre eulx contestations, débats ou procès ensembles, à raison des byens qu'il a plu à Dieu lui donner en ce monde ; pour ces causes et autres bonnes considérables, à ce le mouvans, a faict son testament et ordonné sa dernière volonté en la forme qui s'ensuyt :

Et premièrement, ha le dit sieur testateur, suyvant l'ancienne et bonne coutume des bons chrétiens et catholiques, faict le signe de la saincte croix, disant au nom du Père, du Filz, du Sainct-Esprit. Amen.

En après se recommandant à Dieu, nostre bon Père tout-puissant, l'a prié par son Filz, nostre seigneur Jésus-Christ, lui pardonner les faultes et offenses par lesquelles il pourrait avoir provoqué son ire, et quand sera son bon plaisir l'appeler de ce monde, que son bon plaisir soyt colloquer son âme au sein d'Abraham et au nombre des bienheureux de son Paradis.

Item a voulu, veult et ordonne le dit sieur testateur, que son corps soyt ensevely en l'église parochialle de Thonac et au tombeau où est ensepvely le corps de feu Léon de Losse, son frère, quy fut tué au camp, devant La Rochelle, par les ennemis de Dieu et du Roy. — Et où le dit testateur décèderoit hors du présent pays de Périgort et en quelque part que ce soit, au dit cas veult et ordonne le dit sieur testateur, que son héritier universel soubz nommé soyt tenu faire apporter son dit corps au dit lieu de Thonac, pour estre ensepvely dans le dit tombeau, et veult que le jour de l'enterrement de son dit corps, Soyent appelez cent prêtres ou, reli­gieux même, chantans, et qu chacun d'eulx soyt payé pour messe cinq solz tournois, autant le jour de ses honneurs et de même au bout de l'an de son dit enterrement ; plus, veult et ordonne que le dit jour de son enterrement, douze pauvres soyent habillés de deuil, à savoir, de robbes, chausses et chaperons, ayuntz chacun d'eulx uue torche de cire en mains les dits jours d'enterrement, honneurs et bout de l'an, et que les dits pauvres soyent nourris lesdits trois jours, et qu'à chacun d'iceux et des dits trois jours soyt donné, outre ladite nourriture, douze deniers tournois d'aumosne.

Pour le reguard des torches, cierges, chapelle ardente et autres louables cérémonies accoutumées d'estre faictes et observées à personnes de sa qualité, a dict se remettre à la discrétion de son héritier universel soubz nommé,

Plus a donné et lègue ledit testateur, aux prêtres, enffans de ladite église de Thonac, qui seront lors de son décès et pour l'advenir vingt-ung escus soleils et deux tiers d'escu, revenans à là somme de soixante-cinq livres tournois ; en ce que lesdits prêtres seront tenus de dire et célébrer à jamais et à perpétuité, à tel jour qu'il décédera, une messe en notes pour le salut de son âme et de ses feuz parents et amis, de laquelle somme veult et entend ledit sieur testateur, que ses héritiers cy-après nommés soyent tenus achepter rentes ou pièces vallant la dite somme pour des effruitz en payer annuellement ladite messe.

Item, plus veut et ordonne ledit sieur testateur, estre dicte en l'esglise de Bannes, après sou décès, à perpétuité, tous les ans, et à tel jour qu'il décédera, une messe des trespassez, et, pour ce faire, a donné et légué la somme de quinze livres tournois, pour d'icelle somme en estre aussi achepté par ses héritiers soubz nommés rentes ou pièces valables, pour les effruilz qui en proviendront payer ladite messe.

Item, plus veut et ordonne ledit sieur testateur, estre aussi payé par ses héritiers à deux pauvres filles de ladite paroisse de Bannes ….. pour ayder à les marier, cinquante livres tournois à une chacune d'elle, une fois payée, la moytié le jour de leurs nopces et l'aultre moytié dans ung an après.

Plus a donné et lègue ledit testateur, aux paouvres mendians, pour l'honneur de Dieu, la somme de soixante livres tournois, payables par ses héritiers, vingt livres le jour de ses honneurs et le reste le jour du bout de l'an de la sépulture.

Plus a donné et lègue à l'hospital de la ville de Montignac la somme de cinquante livres tournois, une fois pavée par ses héritiers universels soubz nommés, de laquelle somme veult aussi et entend estre achepté rente ou pièce valable , afin qu'à l'advenir les paouvres s'en puissenl prévaloir.

Plus a ledit sieur testateur donné et lègue à messire de Saint-Clar, chevalier de l'ordre du Roy, seigneur de Puymartin, son oncle, tous ses chevaux, armes et accoutrement, en quelque part qu'il en aye, et ce pour l'amytié qu'il lui porte, plaisir et aggréables services qu'il a de luy reçus.

Plus a donné et donne à ung nommé le sieur Mariane, qui est à sa suyte, pour ses aggréables services et qu'il espère de lui recepvoir, la somme de cent escus soleils et un cortaul à lui délivré une fois par ses héritiers, incontinent après son décès.

Plus a donné et lègue à          son tailleur et homme de chambre, la

somme de trente escus soleils et ung cortaut à lui délivrer incontinent après son décès par ses héritiers.

Plus a donné et lègue à son palefrenier nommé Anthoine la somme de dix écus soleils, oultre ses gaiges ordinaires qu'il lui pourroit debvoir, veult et ordonne lui estre aussi payés incontinent après son décès.

Et parce que le fondement de tout testament est l'institution de l'héritier, au reste de tous et chacun ses biens, meubles et immeubles, présens et avenir, et en quelque lieu qu'il les puisse avoir, noms, actions et exercices d'iceux, ledit sieur testateur a fait et institué, et de sa propre bouche, nommé son héritière universelle, sçavoir, est haulte et puissante dame Anne de Saint-Clar, dame de Losse, sa mère, et ce pour jouyr des effruits de ses dits byens et eu disposer à son plaisir et volonté, sa vie durant seuillement, voulant et ordonnant, ledit testateur, que après le décès de ladite dame, sa dile mère, ses dits byens soyent et appartiennent de plain droit à Jehan de Losse, escuyer, seigneur dudit lieu, son frère et père de son dit nepveu ; veult et entend qu'il jouysse de ses dits byens et en puisse disposer en faveur de tel de ses enffants légitimes que bon luy semblera et non d'autres, et où il décéderait sans enffant légitime, audit cas luy a substitué Annet de Saint-Clar, escuyer, son cousin, fils dudit seigneur de Puymartin, et où ledit Annet décéderait sans enffant légitime, audit cas luy a substitué Claude de Saint-Clar, frère dudit Annet, à la charge touteffois que ses dits héritiers nommés et substitués seront tenus porter son nom et armoiries.

Et sy aucun aultre testament ou testaments, dispositions, codicille ou donation à cause de morl, ledit sieur testateur avoit ci-devant faicts, les a cassés, révoqués et annulés et par exprès certain testament qu'il dit avoir fait ci-devant en la ville de Paris, resu par        persistant en celuy-cy. Et où il ne vaudrait pas testament, veut qu'il aye valeur par codicille, et ou ne vaudroit pas codicille, qu'il vaille par donation faite à. cause de mort et autrement comme pourra valoir de droict, disant et déclarant eslre sa dernière et extrême volonté.

Suppliant ledit exécuteur de son dit testament a faict et nommé les seigneurs de Sauveterre et du Bosc, lesquels a prié ne lui desnier cet honneur de faire plénièrement exécuter le contenu en icelluy, offrant en cas pareil et plus grand leur servir et à iceux a donné et autres charges et mandement spécial de pouvoir vendre de ses biens jusque à la concurrence de ses dits léguais ; et pour plus grand certitude de son dit testament, et afin qu'il soyt tenu pour ferme et stable, a appelé à tesmoings pour entendre la teneur d'icelle, sçavoir, est : Jean de La Manaurie, escuyer ; Jehan Bourgeois, cappitaine dudit chasteau de Losse ; Jehan Haudon , fils du seigneur des Gastaudies , page dudit sieur teslateur ; maître Simon Delpeuch, notaire de Thonac ; Pierre Lacombe, cuisinier de ladite dame de Losse ; Gabriel Godai, sommelier, et Jehan La Roche, dit Nègre, couturier, habitant du village de Linard, paroisse de Brenac, chacun à ce appelé par ledit sieur testateur; lesdits Lacombe, Godai et La Roche ont dit ne sçavoir signer, de ce requis par moy.

De Losse, testateur. Manaurie, tesmoing. Bourgeois, id. Jean Haudhoyn, id. Delpeuch.

 

Sourbier, notaire réal, qui ai resu ledit testament, par commandement dudit sieur testateur, de la teneur susdite, couchée et escripte de ma main.

 

Jean III de Losse, dont on vient de lire le testament, fils de Jean II de Losse et d'Anne de Saint-Clar de Puymartin, fut élevé à la cour comme enfant d'honneur du roi Charles IX; il était habituellement à la tête de 24 piqueurs qui accompagnaient le roi à la chasse. Il fit ses premières armes avec le duc de Guise, en Hongrie, lorsque le sultan Soliman vint mettre le siège devant Seigeth. En rentrant en France, il s'arrêta à Vienne, où, à la suite d'une chute de cheval, il dut subir l'opération du trépan.

De retour à Paris, il fut nommé gentilhomme de la chambre du roi. Il commanda à Verdun et dans le pays Verdunois, sous les ordres de son père, qui ne tarda pas à résigner ses fonctions de gouverneur en sa faveur. Guidon de la compagnie du prince de Longueville, capitaine de 50 hommes d'armes sous Henri III, il assista aux batailles de Dreux et de Jarnac. Il fut blessé à Cognac. Il se signala au combat de Fumel, où Vivans fut vaincu, à la défaite des Provençaux près Montanceix. Il fut chargé du commandemant de la garde écossaise. Marié, en 1573, avec Jeanne-Isabeau de Roquefeuil, il eut trois enfants mâles et sept filles. Il fut enterré dans l'église de Thonac, paroisse du château de Losse, près Montignac-le-Comte, en 1602.

Ph. Laroche, Docteur-médecin.

(l) Extrait des minutes de l'étude de Me Daurios, notaire à Montignac-le-Comte.

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