Source : Bulletin SHAP, tome XXV (1898), pp.
102-137 (extraits).
LES SEIGNEURS DE PUYCHARNAUD DU
NOM DE LA RAMIERE.
Ce n'est pas une généalogie que
nous offrons au lecteur ; c'eut été, semble-t-il, la meilleure forme sous
laquelle on eut pu présenter les personnages, ainsi que les documents qui les
font connaître. Mais la Société
historique et archéologique du Périgord s'est
interdit de publier ces sortes de travaux. Le lecteur ne nous en voudra donc
pas si nous ne sommes pas aussi complet que nous aurions pu l'être, et si nous
nous voyons forcé de laisser dans l'ombre certaines branches de cette
intéressante famille de la Ramière, mi-partie protestante et mi-partie
catholique ; nous devons nous borner aujourd'hui à parler des seuls seigneurs
de Puycharnaud en Périgord.
Nous ne pouvons cependant garder un
silence absolu sur les ancêtres du premier possesseur, qui, semblable en cela à
bien d'autres, se chercha une souche quasi royale[1].
La maison de la Ramière, malgré ses prétentions
espagnoles, nous paraît originaire de l'Agenais, où elle a habité un fief de
son nom, la Ramière, puis Pécharnault,
dont le savant M. le baron de
Verneilh Puyrazeau parle avec tant de compétence à l'occasion du Puycharnault
périgourdin : enfin Clayrac,
Monflanquin et Tonneins. Une
branche y resta et y demeura fort longtemps protestante ; le rameau qui s'en
détacha pour s'établir en Périgord ne tarda point à embrasser la religion
catholique.
L'hypothèse émise par M. de
Verneilh au sujet de l'établissement du capitaine
la Ramière dans la paroisse
Saint-Etienne Le Droux paraissait très probable ; le site est charmant ; placé
sur une petite vallée entre deux étangs, le château jouit d'une vue très
étendue sur les collines du Limousin : ne sont-ce pas là les conditions
préférées par les gentilshommes de la fin du xvie siècle, pour y
bâtir leur demeure ? A défaut de documents écrits qui forment des certitudes,
on doit se contenter d'hypothèses, et alors tout semble bon pour les étayer.
Or, il y a non loin de Puycharnaud, entre Marval et Pensol, une sorte de camp
retranché en terre qui porte encore le nom de Redoute de Coligny, Le capitaine la Ramière faisait partie de l'armée de
Coligny, Agrippa d'Aubigné et de Thou en font foi, et si l'on va de la Roche
l'Abeille à Saint-Jean-d'Angély, par Pensol, Marval et Piégut, ne passe-t-on
pas fatalement par Puycharnaud ? On pourrait objecter, il est vrai, que Pierre
de la Ramière, dit le capitaine la Ramière mourut en 1569, et qu'il n'eut point
le temps de faire bâtir un château de cette importance entre le combat de la Roche-l'Abeille
(15 et 16 juin 1569), où il se couvrit de gloire, et le mois d'octobre de la
même année, où il fut tué à Saint-Jean-d'Angély ; n'a-t-on pas trouvé
d'ailleurs la date 1587 gravée sur une des pierres de l'ancien château. Il est
cependant qualifié dans son contrat de mariage en date du 11 octobre 1553,
seigneur de Pucharnaud : mais il s'agit évidemment de la maison noble de
Pécharnault, en Agenais, car... s'il faut en croire M. de Laugardière[2], en 1578, le seigneur de la Maisonneuve (il n'est pas
encore question de Puycharnaud) était Pierre Emery ou des Aymeries, et en 1607,
son petit-fils Annet de Fontaine. Or, le premier la Ramière que nous trouvions
comme seigneur de Puycharnaud-la-Maison-neuve (les deux noms se trouvent toujours
accolés jusque vers 1650) est un cadet de cette famille, Jean, fils de Jean le
gouverneur de Meilhan, l'ami de Henri IV et petit-fils de Pierre, le vaillant capitaine. Or,
ce Jean de la Ramière épousa le 1er juillet. 1617 Anne des Aimerys. La conclusion
à tirer, c'est que la Maisonneuve lui vint de ce côté, et que, en souvenir de
la maison familiale, il y ajouta le nom de Puycharnaud ; il ne faudrait donc
pas non plus attribuer la construction du château à un la Ramière, mais bien à
un des Aymeries.
Les armes de la maison de la Ramière sont : d'azur au sautoir d'or cantonné de quatre étoiles d’argent
; couronne de marquis ; supports :
deux lions[3].
Bien que nous dussions régulièrement ne commencer
cette histoire des seigneurs de Puycharnaud qu'à Jean, époux d'Anne des
Aimerys, nous croyons utile de remonter à quelques degrés au-dessus, nous
contentant de constater que les la Ramière établissent une filiation suivie
depuis le commencement du XIIIe
siècle. Les titres sur lesquels ils s'appuient ne sont au chartrier de
Puycharnaud que depuis 1529[4] et c'est à cette date que nous commencerons notre
étude sans nous occuper autrement du senor Ramières qui,
au dire de Munster, fut nommé roi vers 720 par un noyau de nobles Goths
repoussés dans un coin de l'Espagne par les Sarrazins triomphants.
Passons rapidement sur Claude de la Ramière, fils de
Guilhem et de Jehanne de Saint-Michel ; sa principale gloire est d'avoir donné
le jour au plus célèbre capitaine la Ramière. Marié en premières noces à
Isabeau Salette[5], dont il eut quatre enfants, il épousa en secondes
noces Françoise de Cladeuch[6] qui fut la mère de Pierre. Comme seigneur de Prades et
de Pécharnault, il rendit hommage le 9 septembre 1531 à Jehanne d'Escars, dame douairière de Caumont, comme
dame de Tonneins - dessus ; « elle, étant assise sur un banc, dit l'acte, et
ledit C. de la Ramière ayant un genou enterre sur un carreau
de velours violet quelle lui baille, et le seigneur de la Ramière tenant les
deux mains nues sur la croix, tête nue, le crucial étant ouvert, ledit de la Ramière
prête foi et hommage et serment d'être bon et fidèle vassal, ensemble ses hoirs
et successeurs. Ledit seigneur de la Ramière donne à ladite dame une paire de
gants pour la maison de Prades, la baisant à la joue droite en signe de
perpétuelle dilection, foix, paix et union ». Claude de la Ramière, par son
testament du 15 janvier 1548, rendit
Pierre, son fils, son héritier universel, ordonna son enterrement « dans la
chapelle qu'il a dans l'église des Révérents Pères Carmes à Tonnens-dessus et
qu'il y ait cent prêtres chantant messe ».
De son premier mariage, Claude de
la Ramière n'avait eu qu'un fils, Charles de la Ramière, qui entra dans les
ordres ; c'est ce qui explique comment Pierre, bien que n'étant pas l'aîné, fut
néanmoins l'héritier universel de son père. Charles, dans son testament du 12 septembre 1553, laissa
« plusieurs beaux biens et meubles à ses sœurs et représente que le Sr
Pierre de la Ramière, son frère, est assez riche et pourveu ; à cette cause ne lui lègue qu'un écu soleil ».
Arrivons enfin au capitaine la Ramière. Fils, comme nous l'avons vu, du second mariage de
Claude, et de Françoise de Cladeuch, Pierre épousa, par contrat du 11 décembre 1553 Gallienne
du Cluzel de la Treyne[7] fille de feu Jean seigneur de la Treyne en Quercy,
gentilhomme de la maison du Roi, et de damoiselle Jeanne de Coustin[8], dame de la Treyne. Cette dernière étant morte vers 1557, Pierre de la Ramière reçut de son beau-frère Louis, la
somme de 1140 livres pour sa part dans l'héritage maternel de sa
femme.
Pierre de la Ramière, comme nombre
de gentilshommes de son pays, embrassa la religion protestante, à une date que nous ne pouvons préciser, et entra dans
l'armée de Coligny où il ne tarda pas à se faire remarquer. Nous le trouvons
d'abord à Orléans, le 11 septembre
1568, faisant rédiger par Dubanc, notaire au Châtelet de
cette ville, un codicille à un testament antérieur. Nous le voyons ensuite, le 15 juin 1569, grâce
à une manœuvre à la fois savante et hardie, grâce aussi à l'à-propos de cette manœuvre, faire gagner à son parti
le combat de la Roche-l'Abeille. De Thou[9] l'appelle « officier d'une grande bravoure », et les événements
justifient cette opinion. Coligny, voyant le désordre se mettre dans ses
troupes, leur envoya des renforts, et chargea notre héros, accompagné de Rouvray
et de Pouilly, de faire le tour du village et de l’attaquer en flanc : «Ils
marchèrent tous trois, dit de Thou, avec leur détachement, le long dès bords de
l'étang, et vinrent prendre les catholiques en flanc et en queue. » Les troupes
de Strozzi furent ainsi mises en déroute et poursuivies par un corps de
cavalerie lancé à cet effet. Il semble donc évident que c'est au capitaine la
Ramière que les troupes protestantes durent la victoire.
Quelque temps après, au mois d'octobre 1569, nous
retrouvons Pierre de la Ramière enfermé dans la ville de Saint-Jean-d'Angély,
en Saintonge, petite place forte mal défendue « n'ayant point de rempars, dit
Agrippa d'Aubigné[10] commandée tout de son long de divers rideaux de terre,
assez avantageux, et trop près un fossé profond, mais estroit, et n'y ayant de
deffense que quelques meschans espérons faits de fumier et de fagots que Piles[11] faisoit avancer tant qu'il pouvoit. » La garnison se
composait d'un peu moins de six cents arquebusiers et soixante cuirasses.
Charles IX arriva le 26 octobre 1569 et
aussitôt fit sommer la ville de capituler. Le gouverneur répondit qu'il n'avait
de comptes à rendre qu'au roi de Navarre, gouverneur d'Aquitaine, qui « les
avoit mis là-dedans ». L'armée royale attaqua alors les portes de Niort et
d'Aunis ; ce fut pendant le combat que la Ramière, commandant la ville en
l'absence de Piles, fut blessé au bras droit par un éclat de canon. Sur l'avis
des chirurgiens, son bras fut coupé et il mourut des suites de l'opération
trois jours après. Mais, dans l'intervalle, l'assaut des royaux ayant été remis
au lendemain de la première attaque, ils « trouvèrent qu'en la nuict, par la diligence
de la Ramière, (lequel y estant blessé s'y fit mourir de travail) les assiégez
avoyent levé une espaule à leur droicte et desrobé un flanc au-dessous de la
porte d'Aunix, où les attaquans receurent grand dommage le lendemain[12] ». Pierre de la Ramière fut inhumé dans le temple des
Cordeliers. Il laissait sa veuve à la tête de sept enfants, six garçons et une
fille, tous en bas âge ; l'aîné, Gilles, fut héritier universel à l'exception
de la maison de Peucharnault qui fut donnée à Jean, le second. Il s'agit encore
ici du castel de Pecharnault en Agenais. Gallienne de la Treyne paraît, après
la mort de son mari, avoir été persécutée « à cause
de la religion protestante qu'elle et son mari avoient prise », et avoir
beaucoup souffert « par divers » procès et pillage de ses maisons ». « Il se
voit, ajoutent les inventaires de titres, que la maison étoit très bonne lors
du décès dudit seigneur son mari par les beaux meubles, tapisseries, or,
argent, pierreries, papiers et autres choses y dénoncées. » Ces inventaires
mobiliers, auxquels il est fait allusion, ne se trouvent malheureusement pas au
chartrier de Puycharnaud ; ils eussent été intéressants et instructifs à
consulter. Gallienne de la Treyne mourut après sa fille, vers 1572.
Nous avons vu plus haut que Jean de
la Ramière, second fils de Pierre, eut en partage la terre de Pecharnault en
Agenais; il fut, disent les chroniques, un des braves gentilshommes de son
temps. Il se maria en premières noces avec Jeanne du Vignal de Broval, et en
secondes noces avec Suzanne du Cluzel de la Treyne, sa cousine germaine. De son
premier mariage il eut deux fils dont le second, Jean, fut la souche, comme
nous l'avons déjà dit, des seigneurs de Puycharnaud-la-Maisonneuve, en
Périgord, dont nous parlerons plus loin.
Jean de la Ramière, fils de Pierre,
ne paraît pas avoir démérité de son père. Aimé de Henri IV, à la cause duquel
sa famille était attachée, fervent protestant, il se lia avec toutes les
sommités huguenotes de ce temps, Loménie, Sillery, le vicomte de Turenne futur
duc de Bouillon, etc.
Nommé gouverneur de la ville de Meilhan en Agenais, il
s'acquitta de ses fonctions avec fermeté et intelligence, malgré les
difficultés qui lui furent suscitées[13] .
(…).
Cte Charles dé Beaumont.
pièces
justificatives. 1
LETTRE DE HENRI, ROI DE
NAVARRE, A M. DE PUYCHARNAUD
3 janvier 1588.
Monsr de Peychanaurd
j'ay receu vostre lettre, je suys bien marry des incomoditez que vous avez pour
la place où vous estes ; mais je vous prye pour cella de ne perdre cœur et vous
eforcer le plus qu'il vous sera possible de les surmonter jusques à ce que je
soye par della qui sera en bref, Dieu aydans et lors j'y donneray l'ordre que
vous aurez occacion (?) de vous contenter ; sans les crues (?) qui sont très
grandes vous m'eussiez eu plus tost ; mais asseurez-vous que je ne vous
oublieray poinct et scauray, recongnoistre le service que vous m'aurez faict.
Quand aux nouvelles que vous me mandez des forces qui viennent a Mr le maréchal
de Matignon[14], j'ay advis qu'elles venoyent (?) seullement a Mr
le maréchal d'Aumont[15] pour luy ayder à prendre le Blanc en Berry et puys
que ceux de dedans se sont renduz pour s'en retourner çà et là et ne
viendroient poinct en deçà ayant sceu corne Monseigneur de Matignon vient à
Fleurance[16]. Si
vous aprenez quelque chose, faictes m'en part, sur tout je vous prye de prendre
courage pour la conservacion de vostre place et y faire tout ce que vous
jugerez importer pour mon service, de sorte que la garnison y soyt entretenue.
Je me promectz cella de vous ; aussy pouvez-vous faire certain estat de mon
amityé et ceste-cy n'estant à aultre
fin je prieray Dieu vous avoyr Monsr de Peycharnauld en sa saincte
et digne garde. — De Mauraizin[17] ce IIIe jour de janvier 1588. Vostre byen
afectyonné amy
Henry.
(Adresse :) Monsr de Puycharnauld,
(En côté est écrit :) Ne varietur.
Rabastens, comissaire
; Montozon, comissaire.
II
LETTRE DU VICOMTE DE TURENNE
a
m. de puycharnaud
1er novembre 1589.
Henry de la Tour viconte de Turenne[18], conte de Montfort et premier gentilhomme de la
chambre du Roy, capitayne de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances,
commandant en Guyenne pour, le service de Sa
Majesté au Sr de Peucharnaut, gouverneur de Meilhan[19], salut. Ayantz esté advertiz que pour parfaire la fortiffication
que nous avons ordonné estre faicte aud. Meilhan et le rendre en estat
de défense, il est besoing et expédient de faire démolir et razer certaynes
maisons qui empeschent que ladite fortiffication ne se puisse parachever et qui
demeurantz debout et en l’estat qu'elles pourroient beaucoup nuyre et endommager
tant a, la conservation que desfance dudit lieu et qu'en oultre il est
nécessaire de prendre grande quantité de tonneaulx, barriques et aultres
vaisseaulz et aussi faire couper quelque quantité de bois près
et ez environs de ladite ville, le tout pour estre employé au faict de ladite
fortiffication tant pour la ville
du hault que pour le fort d'embas nommé de Sorbez,
près duquel mesmes il y a certain bois, ou l'ennemy se pourroit cacher et faire embuscades. A ceste
cause nous vous mandons et enjoignons par ces présentes de prendre finalement (?)
et sans delay à faire
travailler à la démolition desd. maisons que vous jugerez nuyre et
pouvoir apporter empeschement et préjudice à lad. fortiffication, et
construction d'icelle ; faire prendre desd. tonneaulz, barriques et aultres
vaisseaulz, la quantité que vous advisez estre nécessaire, et en oultre faire
coupper et abbattre les bois qui seront de besoing pour faire fascines et estre
employées à lad. fortiffication en lieulx
que seront plus proches et commodes et notamment celuy qui sera près dud. fort
de Sorbez ; et toutes fois avec le moins de dommage que faire se pourra. De ce
faire vous avons donné et donnons pouvoir, authorité, commission et mandement
spécial. Mandons et enjoignons aulz consulz et habitants dud. Meilhan et aultres
qu'il appartiendra qu'a vous en ce faisant ilz obéissent et entendent preslant
toute l'ayde, faveur et le nombre de charroy et manœuvres que besoing sera.
Donné à Nérac[20] le premier de novembre mil V° IIIIxx neuf.
Turenne
Par
Monseigneur : Couton
(?) (Trace d'un cachet.)
(En
côté est écrit :) Montozpn commissaire. Ne varietur : Rabasteins commissaire.
LETTRE DU VICOMTE DE TURENNE
a
M. de
puycharnaud. 39 décembre 1589.
Henry de la Tour, vicomte de Turenne au Sr de
Puicharnault, commandant pour le service du Roy à Meillan, salut. Ayant esté advertiz
que pour parfaire la fortification que nous avons ordonnée estre faicte aud.
lieu de Meillan pour le rendre en estat de déffense tel qu'il est besoing pour
le servisse de Sa Majesté. Il est besoing et très nécessaire de faire demollir
et razer quelques maisons qui empeschent que lad. fortification ne se peut
parachever pour que dorénavant en l’estat qu'elles sont pourvoient de beaucoup
nuire et rendre comme inutilles le fort, qu'austy pour faire les bastions et
terrasses nécessaires il faut faire couppe de quelque quantité de bois près
lad. ville de Meilhan pour servir de fassines. A ceste cause nous vous avons
commis et depputé, commectons et depputons par ces présentes tant pour faire
faire la démollition des maisons que vous jugerez nuire et servir d'empeschement
à lad. fortiffication pour construction d'ung fort aud. lieu de Meillan, que
pour faire faire couppe de telle quantité de bois que besoing sera pour faire
lesd. facinnes ez lieux les plus commodes et moings domageables néanmoins au
public que faire se pourra. De ce faire vous avons donné et donnons plein
pouvoir, commission et mandement especial, mandant aux consulz et habitans dud.
Meillan et à tous autres qu'il apartiendra que à vous en faisant prester tout
ayde en vous fournissant tel nombre de charroy que besoing sera.
Donné à Nérac, le XXIX décembre MV° IIIIxx
neuf.
Turenne.
Par Monseigneur : ROZEL.
(Petit cachet : écu ecartelé
aux 1er et 4e de …. semé de France i une tour ouverte de
….. qui est de la Tour ; aux 2 e et 3 e de.................................................... à
trois fasces de )
IV
LETTRE DE HENRI IV, ROI DE
FRANCE
a
M. de
puycharnaud 7 avril 1590.
Henry, par la grâce de Dieu, Roy de
France et de Navarre, à notre bien amé le Sr de Puycharnaud, salut.
Ayant confidence qu'il est expédient pour notre service de tenir quelque nombre
de gens de guerre dans la ville et chasteau de Meillean sur la Garonne pour
s'opposer aux courses et oppressions que ceulx de la ville Marmande qui sont
déclarés rebelle et autres de leur party pourroient faire à nos bons subiectz ;
aussy pour conserver et déffendre la dite ville et chasteau de Meillan en
nostre obéissance et à ceste occasion estant besoing de faire ellection de
quelque personnage pour leur commander ; Nous pour l'assurance que nous avons
de vostre fidellité, vaillance et expérience au faict des armes et bonne
diligence. Pour ces causes et autres à ce Nous mouvant vous avons commis,
ordonné et deppulté, commectons, ordonnons et députons par ces présentes pour
la conservation et garde de nostre ville et chasteau de Meillan, et vous avons
donné et donnons pouvoir et puissance de commander aux gens de guerre qui sont
et seront ordonnez pour lad. place et se trouveront comprins en l’estat de
garnison que nous faisons dresser pour toute la province de nostre pays de
Guyenne ; regarder et avoir socil à la seureté et conservation d'icelle ville et chasteau ; empescher les courses et
rompre les entreprises et desseings que nosd. subiectz rebelles pourroient
avoir sur icelle, leur courir sus et
résister par toutes veyes et manières que verrez le pouvoir faire ; commander
aux habitants et pareillement auxd. gens
de guerre ce que vous congnoistrez estre pour le bien de nostre service ; faire
vivre jceulx gens de guerre avec ung ordre et police et générallement faire par
vous ce que jugerez estre au bien, repos et conservation de lad. ville et
chasteau en nostre obéissance ; le tout soubz l’auctorité touteffois de nostre
très cher et amé cousin le Sr de Matignon, maréchal de France,
commandant pour nostre service en nostre dit pays de Guyenne, auquel nous
mandons que de nostre présente commission vouloir et intention il vous face,
souffre et laisse jouyr et user pleinement et paisiblement ; et à vous obéyr et
entendre de tous ceulx et aultrez qu'il appartiendra, et choses touchans et
concernans icelle Car tel est nostre plaisir. Donné au camp de Melun le viie
jour d'avril l’an de grâce mil cinq cens quatre vingtz dix et de nostre règne
le premier.
Henry.
Par
le Roy : Forget.
(En travers est écrit :) Ne varietur,
Rabastens, commissaire, Momtozon, commissaire.
Veu pur nous : Dupuy,
commissaire.
(Grand sceau de cire blanche, en mauvais état, sur
simple queue de parchemin.)
V
LETTRE DES CONSULS DE MEILHAN
A CHARLES DE LA RAMIERE
20 septembre 1590.
Monsieur, nous avons peu entendre
que le cappitaine Roy envoyé homme exprès vers la Maiesté du Roy à laquelle il
escrit, ensemble à Mr de Pucharnault vostre frère, nostre gouverneur
et par ce que sur le différent que nous avons heu en vostre présence et depuis
il pourroyt escripre contre nous, nous vous avons vouleu envoyer ceste-cy pour
vous prier humblement (croyans que led. homme envoyé vers lad. Maiesté ne fera
sou voyage que n'en soyes adverty) nous fere c'este honneur de vouloyr
tesmoigner la bonne affection que vous avez cogneu de nous au service de la
Maiesté et les bons offres que nous fismes la dernière foys qu'estiès en ce
lieu tant pour la conservation de la place que fortification d'icelle
que led. cappitaine Roy n'auroyt vouleu accepter, ainsau contraire prins toute
la charge, nous privant par ce moyen de noz debvoyrs et authorités contre
lequel nous serions opiniâtres à raison du commandement qu'il entreprins de
soy-mesme, le tenant comme le plus grand ennemy que le pouvre peuple de ce lieu
aye comme les effectz passés en ont rendeu témoinage, mesme en ce que en vostre
présence nous ayant promis de nous rendre dix escus de quatorze qu'il en avoyt
prins de ceux de Marmande, il a refuzé contre sa promesse
de nous bailher. Que nous importe la continuation des accordz faictz avec les
susdits de Marmande pour nostre repos ; qu'es le plus grand domaige que nous
scauroyt advenir pour la récolle
de noz effruictz et ruine du pouvre peuple. Nous vous supplions donc, Monsieur,
croire que nous ne sommes aultres que ce que nous vous avons juré pour rendre
l'obéissance que debvons à ceux à qui il apartient. Laquelle Monsieur vostre
frère estant ycy, ou vous eu son lieu vous montrerons par effetz cy évidentz
que ne prendras occasion de vous plaindre de nous pour demurer à jamais,
Monsieur, vos affectionés serviteurs
Les consuls de Milhan
Frauberes, Graux, J. Debouges.
A Milhan ce XXe
septembre 1590.
S'il vous plaisoyt escripre aud.
cappitaine Roy pour le faict dud. Marmande, peult estre que cela empescheroyt
l'interruption dud. accord.
(Adresse :) — à Monsieur
— Monsieur Charles de la Ramière à Thonens[21].
LETTRE DU VICOMTE DE TURENNE
A m..DE PUYCHARNAUD
1er décembre [1590].
Monsr de Puychernaud, j'ay voulu vous faire
la présente estant très asseuré que serez bien aise d'enlendre de mez
nouvelles. Je suis arrivé en Angleterre depuis quinze jours en ça ou j'ay esté
receu le plus honorablement, que seigneur qui y soit venu il y a longtemps.
Après y avoir heureusement faict les affaires du roy, je me prépare à partir
pour l'Allemaigne[22]. J'espère que le mesme heur m'y accompaignera et que
je seray au mois d'avril sur la frontière avec une bonne armée. J'ay laissé en
Court Rozel[23] et voire frère pour solliciter vos affaires de
Meillan. Je m'asseure qu'ilz y apporteront toute la dilligence requise.
Conservez moy votre amitié et asseurez vous qu'en toutes les occasions ou je
vous pourray demonstrer les effectz de la mienne, je le feray de très bonne
affection comme celluy qui est
Vostre
affectionné amy
Turenne.
A
Londres ce premier décembre.
(Adresse :) — A Monsr — Monsr de
Puychernaud
(Original
signé.)
VII
LAISSER PASSER DU DUC DE
MAYENNE
pour
m. de puycharnaud
27 mai 1592.
Le duc de Mayenne, lieutenant général de l'Estat et
Couronne de France[24].
A Vous, gouverneurs de provinces, villes et places, ou
leurs lieutenans, capitaines, chefs et conducteurs de gens de guerre, et tous
autres qu'il apartiendra sur lesquelz nostre pouvoir s'étend, nous vous prions
et néanmoins enjoignons très expressément de laisser librement et seurement
passer le sr de Peucharnault luy septme avec chevaux, armes
et bagages, s'en allant de Paris pour ses affaires particulières, sans luy faire ny
souffrir estre faict tant en allant que à son
retour aucun empeschement aine tout ayde, secours s'il en a besoin. Et ne
servira le présent passe port que pour deux mois et la promesse que pendant
ledit temps, ledit Sr de (sic) ne fera
chose préjudiciable à ce party. Donné à Rouan le XXVII may 1592.
Charles de
Lorraine.
Baudouynet.
(En
travers est écrit :) Veu par par nous.
(Cachet
aux armes.) Dupont
commissaire.
LETTRES PATENTES DE HENRI IV
pour
la ville de Meilhan. 19 juin 1592.
Henry par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, à tous ceulx qui
ces présentes lettres verront, salut. Nos amez le Sr de Peuchernault,
gouverneur de nostre ville et château de Meillan, et les consulz de lad. ville
nous ont faict dire et remonstrer que estant lad. ville de Meillan, scituée sur
la rivière de Garonne en lieu très important pour résister aux villes
circonvoisines estant de la faction de la Ligue et d'ailleurs en une assiette
très forte de nature, nostre très cher et bien amé cousin le duc de Bouillon ayant
lors commandement en Guyenne auroit commandé ausd. pos.( ?) de faire
fortifier lad. ville, et à cest effect prendre et desmolir les maisons qu'ilz jugeroient nécessaires
peur faire lesd fortiffications et dont il leur auroit baillé ses commissions particulières ; à quoy ils auroient obéy
et satisffait et ainsy qu'ils auroient. estimé pour le mieux ; depuis lequel
temps et après nostre advènement à ceste couronne nostre dit cousin, le duc de
Bouillon auroit obtenu de nous créations patentes par lesquelles nous avions
advoué, auctorisé et confirmé tout ce qu'il auroit faict ou faict faire en
Guyenne tant au faict de la guerre que au faict de la justice et police. Ce
néantmoins aucuns desd. habitans de Meillan desquelz les maisons ont esté prinses et
desmolies comme dict est pour lesd. fortiffications ont poursuivy et
poursuivent encores de présent lesd. exposans au Parlement de Bourdeaulx et
s'en promettent une finalle comdemnation qui seroit directement contre noz
voulloirs et intentions assez déclarées par nosd. créations d'adveu et
consfirmation octroyée à nostre
dit cousin le duc de Bouillon. Nous, à ces causes et aultres considérations à ce
nous mouvant de nostre propre
mouvement, certaine science, plein pouvoir et autorité royal, et après avoir
sur ce eu l'advis de nostre conseil à nous en conséquence desd. premières
créations advoue, auctorise et confirme, advouons, auctorisons et confirmons
tout ce qui a été faict par led. Sr de Peuchernault,
gouverneur et consulz de nostre dite ville de Meillan, en vertu des pouvoir et
commission à eulx baillé par nostre dit cousin le duc de Bouillon ; et ce
faisant avons cassé, révocqué et annullé, cassons, révoquons et annulons toutes
lesd. poursuittes contre eux pour ce regard, faictes et intentes en nostred.
cour de Parlement de Bourdeaulx et à icelle et aussy à tous noz aultres juges
avons interdict toute court, jurisdiction et congnoissance pour laquelle nous nous
sommes réservée et à nostre conseil privé
faisant très expresse deffense aud. Parlement d'en plus congnoistre et ausd.
particuliers habitans d’en faire plus aucunes poursuittes à peine de nullité et
de tous despens, domaiges et interestz.
Et oultre voulions, ordonnons et nous plaist
que lesd. fortiffications soient continuées et parachevées par lesd. exposans
en ce qui reste ay fortifié sans qu'il y soit faict ou donné aucun
contredict et empeschement. Sauf à pourveoir
de récompense à ceux ausquelz appartiennent lesd. maisons tant celles qui ont
esté ja démolies que celles qui faudroit encore desmollir pour parachever lad.
fortiffication pour laquelle ils se pourvoiront
par devers nostre cousin le maréchal de Matignon pour information faicte de la
valeur d'icelles et de la qualité
de ceux à quy elles appartiennent, nous donner adviz
de la juste récompense qui leur en sera due et sur quoy elle pourra estre plus
seurement prinse et assignée pour le tout veu y estre par nous pourveu. Mandons
aussy en oultre au premier de noz huissiers ou sergens sur ce requis faire
toutes signifflcations et exploicts que besoing sera pour l'exécution de cesd.
présentes sans pour ce demander place, visa ne pareatis : car tel est nostre
plaisir.
Donné au camp de
Ste Foix le XlXme jour de juing l'an de grâce mil Ve
quatre-vingtz douze, et de nostre règne le troisième.
Henry.
Par
le Roy : Forget.
(En côté est écrit
:) ne varietur; Rabastens commissaire.
Montozon, commissaire.
Veu
par nous : Dupuy commissaire.
(Original
parchemin, grand sceau (perdu) sur simple queue de parchemin
[1] Les sources auxquelles nous avons
puisé sont : l'important chartrier du château de Puycharnaud, que son
possesseur actuel M. le marquis de Malet, descendant direct des La Ramière,
conserve avec un soin jaloux ; à la Bibliothèque nationale, département des
manuscrits : Carrés de
d'Hozier, vol. 525, doss. 348, f° 349 à 401. — Cabinet
de d’Hozier vol. 284 n° 7726. — Nouveau d'Hozier, vol. 279,
doss. 6449. — Français. 32.132, f 51, n° 23. — Armorial
général, Guyenne, p. 304, 444,953. — Enfin, nous avons
utilisé les notes qu'ont bien voulu nous fournir M. le marquis de Cardaillac et
M. H. Tamizey de Larroque qui nous a signalé en outre plusieurs pièces aux
Archives de Lot et-Garonne. Nous les en remercions ici sincèrement.
[2] R. de Laugardière, Essais
topographiques sur l'arrondissement de Nontron
[3] V. d'Hozier Armorial
général: vid. sup. et les généalogies du chartrier de
Puycharnaud. Nous les signalerons en outre : à la clef de voûte de la chapelle
de gauche et au sommet de l'arc séparant cette chapelle de la nef, dans
l'église de Saint-Estèphe ou Saint-Etienne-le-Droux ; à l'église de Pluviers, à
l'extérieur du mur nord, ces mêmes armoiries se voient encore à demi-effacées
sur une litre seigneuriale ; enfin l’ex-libris de
Louis-Gabriel de la Ramière les montre au milieu d'un gracieux cartouche de
style Louis XV , se détachant avec leurs supports et leur couronne sur un
soleil rayonnant.
[4] Une note contenue dans une des
généalogies du XVIIIe siècle
indique que les titres antérieurs sont restés en Agenais. Nous n'en avons
trouvé que l'analyse dans les inventaires dressés par Montozon et Rabastens,
commissaires départis.
[5] Ou de la Selle selon le marquis
de Cardaillac.
[6] De Cladeuch ou Cladech porte : d'or à une molette de sable surmontée de 3 billetles du même rangées en chef
et une bordure de gueules. (A. de Froidefond de Boulazac, Armorial de la Noblesse du Périgord.)
[7] Du Cluzel porte : d'or
au chêne terrassé de sinople, glanté d'or au cerf passant de gueules, brochant
sur le fût de l'arbre. (De Froidefond, loc. cit.)
[8] De Coustin
de Bourzolles porte : d'argent au lion de sable, armé, lampassé et couronné
de gueules (de Froidefond, loc.
cit.)
[9] De Thou, Histoire
universelle, in-4°, Londres
1734, t. V. p. 592.
[10] Agrippa d'Aubigné, Histoire
universelle, liv. V, chap. XIX.
Edit. de Ruble (Société de l'Histoire de France) t. III, pp. 135 et 137.
[11] Armand de Clermont de Piles, l'un
des meilleurs capitaines du parti protestant, tué à la Saint-Barthélémy.
[12] Agrippa d'Aubigné, loc.
cit.
[13] Voir Pièces justificatives, I à XVII.
[14] Jacques de Goyon de Matignon,
1525-1597. Maréchal de France en 1579 et lieutenant général de Guyenne en 1584.
Il devait battre le roi de Navarre à Nérac quelques jours après.
[15] Jean d'Aumont dit Le Franc Gaulois,
maréchal de France (1522-1595), tué d'un coup de
mousqueton à Camper, près Rennes, en combattant le duc de Mercœur.
[16] Chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Lectoure, département du Gers (Armagnac).
[17] Chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Lectoure. Le roi de Navarre y passa du 2 au 7 janvier 1588.
[18] Henri de la Tour d'Auvergne,
vicomte de Turenne, devenu duc de Bouillon en 1591, par son mariage avec
Charlotte de La Marck, héritière de Bouillon et Sedan. Né en 1555, il mourut en
1623, après avoir épousé en secondes noces une fille du prince d'Orange dont il
eut le célèbre maréchal de France ; Henri IV, auquel il était très attaché, le
nomma maréchal de France en 1592 et le chargea de missions importantes en
Angleterre.
[19] Meilhan, chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Marmande, département de Lot-et-Garonne (Agenois).
[20] Chef-lieu d'arrondissement du département
de Lot-et-Garonne.
[21] Tonneins, chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Marmande.
[22]
Nous
croyons curieux de rapprocher de cette lettre les passages suivants de l'Histoire du maréchal duc de Bouillon :
« Dès que le vicomte de Turenne eut reçu les
instructions pour la reine d'Angleterre, pour les Provinces-Unies et pour les
princes protestants de l'Allemagne, il partit pour l'Angleterre (il avait ordre
du Roy de commencer par là) accompagné de Pallavicin et de Paul Choart de
Buzanval que le Roy y envoïoit en qualité d'ambassadeur ordinaire, car le
vicomte avoit celle d'ambassadeur extraordinaire La Reine qui
avoit vu le Vicomte lorsqu'il avoit accompagné le maréchal de Montmorency du
temps de son ambassade en Angleterre et qui avoit oui depuis parler de lui
comme d'un seigneur d'un mérite extraordinaire, souhaitoit passionnément de le
connoitre. Elle le reçut donc avec toute la
distinction due à sa naissance, à ses grandes qualitez et a l'estime particulière qu'elle avoit pour
lui. Quelques jours après, le vicomte s'embarqua pour la Hollande, accompagné
de Pallavicin et de Buzonval. Il y eut des
conférences avec le prince Maurice ….. après avoir renvoié Buzanval en
Angleterre rendre compte à la Reine de ce qu'il avojt négocié auprès des Etats,
il s'embarqua pour Hambourg et de là se rendit par Dresde, ou Christian I du
nom, Electeur de Saxe, faisoit sa
résidence. Dans la première audience que le Vicomte eut avec ce Prince, il lui
rendit la lettre du Roy (du 3 octobre 1590) [Histoire du Maréchal duc de Bouillon, t. III, pp. 19-25. Amsterdam 1726.]
[23] Secrétaire du vicomte de Turenne.