Source : Bulletin SHAP, tome XXXIII (1906)
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La
chapelle des Barnabé (extrait)
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Peintres
de bannières à Périgueux aux XIVe et XVe siècles
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Vente
de la forêt de Thiviers (1582)
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Frais
de collège d’Annet de Fayolle (1545)
pp. 57-72 (extrait)
LA CHAPELLE DES BARNABÉ
(…)
Les archives de Périgueux possèdent un titre antérieur d'un
demi-siècle, où il est question de la porte de Saint-Front dite de la Grammelha[1]. C'est une ordonnance de police rendue le 25 novembre 1337, par les maire
et consuls de la ville pour défendre aux marchands d'œufs, de fromages,
châtaignes et autres denrées, sous peine de confiscation de leurs marchandises,
d'embarrasser le chemin qui conduit des Salinières à la porte de Saint-Front
appelée la
Grammelha, in itinere per quod itur de loco vocato las Salinarias versus portam
ecclesie Sancti Frontonis vocatam la Grammelha.
C'est bien la Grammelha qu'il faut lire ce dernier mot et non la Graminelha, comme l'a inexactement fait M. Léon Lapeyre, ancien bibliothécaire de
Perigueux.
Le terrier de la famille de Barnabé cite plusieurs fois la
porte ainsi dénommée, qui se trouvait devant la place de la Clautre ; mais elle
y est constamment désignée, dès 1348, non pas sous le nom de Grammelha, mais sous celui de la Gaumelha ou Gaumeilha.
Le patois moderne n'a conservé ni l'une ni l'autre de ces
appellations.
Il est peu de mots de notre vieil idiome périgourdin qui
ait prêté à d'aussi nombreuses interprétations.
Admettant l'appellation du terrier des Barnabé, les uns
seraient disposés à trouver dans Gaumelha une altération de Gaumelha, qui signifierait quelque chose comme endroit exposé à la chaleur, de cômo, chaleur lourde, étouffante. D'autres le rapprocheraient de Gaulha : ce serait alors endroit boueux.
Avec Grammelha, les linguistes ne sont pas mieux d'accord. Etant donnée l'origine grecque
de Saint-Front, les uns feraient dériver ce.mot de γραμμη ἴερα, limite, ligne, entrée sacrée, mot employé en Grèce, dans certains jeux
pour désigner une partie sur laquelle les joueurs ne pouvaient pas être pris.
Morteyrol relevant dans le breton le substantif Krôsmol ou Grosmol,
qui signifie murmure, plainte sourde que fait entendre une
personne en montant, en fait venir le périgourdin Gromella,
Graumella. Cette étymologie a du moins le mérite de se rapprocher de
la véritable[2].
M. Michel Hardy qui, dans le Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord[3], a consacré un article à l'encombrement de la rue Salinière à Périgueux,
donne selon moi, de ce mot Grammelha une explication que l'on doit accepter d'autant plus volontiers qu'elle
est conforme à la tradition locale.
Le regretté archiviste fait dériver ce mot de l'adjectif gram, triste, plaintif, d'où serait venu notre verbe réfléchi se grommeler.
Ainsi :
« La porte de la
Grammolha serait
la porte de la plainte, porte des soupirs et des
sanglots. Ce nom lui serait
venu de la triste cérémonie qui s'y accomplissait lors des exécutions de
justice. Avant d'être remis au bourreau, le criminel était conduit devant la
principale porte d'entrée de l'église de Saint-Front et là faisait son amende honorable.
Dans son langage expressif, le peuple aura voulu rappeler ces souvenirs en
désignant cette porte sous le nom de la Grammelha ».
Quoi qu'il en soit, les boutiques achetées par Hélie de
Barnabé n'allaient pas tarder à perdre leur destination profane, pour en
recevoir une autre plus en harmonie avec le lieu qu'elles occupaient entre la
porte du clocher et le pilier sud de la basilique.
Hélie de Barnabé était un riche habitant de cette place de
la Clautre, dont le nom rappelle le cloître placé à l'ouest de l'antique
église, et à laquelle la population s'obstine à conserver son appellation
primitive, malgré une délibération du corps municipal qui la débaptisa le 24
mai 1835, pour lui donner le nom d'un maire soucieux de l'embellissement de la ville, M., de Marcillac Il devait sa-fortune à l'orfèvrerie. C'était le type le plus accompli de ces anciens bourgeois,
toujours prêts à défendre leurs prérogatives et l'indépendance de leur cité[4]. Ardent patriote, il prêta cinq cents francs d'or à Du Guesclin pour
aider le connétable dans sa campagne contre les Anglais en Périgord.
De son mariage avec Alays Jehan, il laissa un fils, Arnaud,
digne héritier de sa fortune et de son zèle patriotique. Arnaud de Barnabé joua
un rôle prépondérant dans cette guerre dont la conclusion fut la chute de la
maison comtale de Périgord[5]. On le vit, en 1390, à la tête des bourgeois de Périgueux, au siège du
château de la Rolphie, lequel appartenait à Archambaud V. Afin de lui décerner
un témoignage de leur reconnaissance pour le courage qu'il avait déployé dans
cette circonstance et de la confiance qu'ils mettaient en lui pour l'avenir,
ses concitoyens l'appelèrent à la mairie, que déjà son père et son aïeul
avaient occupée[6]. Cette confiance il la justifia si pleinement que de 1395 à 1419 il fut
réélu six fois maire de Périgueux, ce qui ne s'est pas revu depuis.
On comprendra dès lors que les chanoines de la collégiale
de Saint-Front n'aient eu rien à refuser à un homme entouré d'une pareille
considération. Arnaud de Barnabé, après avoir assuré la sécurité de ses
concitoyens, songea à préparer le salut de son âme par une œuvre pie. Il se
proposa d'élever une chapelle sur l'emplacement des deux boutiques de la place
de la Gaumelhie, qu'il avait recueillies dans la succession de son père, et d'y
fonder une vicairie perpétuelle en l'honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ, de
la glorieuse Vierge Marie, de saint Front et de saint Barnabé, apôtres, et de
tous les saints et saintes du Paradis. Il eut besoin pour la réalisation de ce
projet de l'autorisation du chapitre, gui s'empressa de la lui accorder[7].
Dans le fonds Saint-Astier, qui de la bibliothèque publique
de Périgueux, a été transporté aux Archives de la Dordogne, se trouve l'ancien
terrier de la famille de Barnabé, où est relaté en entier (folios 38 et 39) le
titre de fondation de la chapellenie qui nous occupe.
Cet acte, qui porte
la date du 9 janvier 1417, fut rédigé par Me Guillaume de Langlade en langue périgourdine.
Outre son intérêt historique et religieux, C'est une page curieuse de l'idiome
que nos pères parlaient, il y a près de cinq cents ans ; il est bon de la
conserver, ainsi que les pièces complémentaires annexées au titre principal de
la fondation.
«
Arnaut de Barnabe, borzes de Pereguers, tant per luy com al nom de Katerina
Beyneycha, sa molher, dis et exposet en pla chappitre de l'eglesia S. Front,
hont eran Moussur Aymeric Mercier, Guy Bernart, Guillen del Royre, Bernart del
Nogier, Steve Chasserel, Johan de Las Cousis, Helias Greffre, Helias de Soffromh,
Peyr Archambaut, Helias Raymond, Guillen Sagelos, Guilhen de Cusorn et Guilhen
de Pueymeya, que la devocion de lhy et de sa dicha molher era am lo voler,
licensa et consentament des dessusdits de ediffiar en l'eglesia S. Fron, al
luoc appellat la Gaumeilha, una chappella et en icelle instituir una vicaria a
l'onnour de Nostre Senhor Jhucrist, de la gloriosa Virge Maria, de S. Fron et
de S. Barnabe, apostres, et de tos los saints et saintas de Paradis et per lo
salut de lor armes, et la dicha vicaria dotar de messal, calice, vestimens et
autras chosas necessarias, et présentar al dessusdich un vicari per la regir et
gouvernar sufficient et ydoine, loqual vicari autant be sos heretiers et successors
aguissen semblabloment a presentar perpetualament dins un mes après que
vacaria. Dins loqual mes si no podian trobar vicari sufficient segan lor
consciences, que dins un autre mes après ilhs lo poguissan présentar. Al qual
vicari et a la dicha vicaria lo dich Arnaut dis que el daria
rendas per adjudar et substantar sa vita. Item dis lodich Arnaut que el et sa
dicha molher avian devocion de ediffiar en la dicha chappella un tresart de jos
lo qual voulian ediffiar lo sepulcre de nostre Senhor Jesu Christ et aussi
voulian et desirravant far doas sepulturas sive tombels per ilhs et lors
heretiers et successors sevelir, et affi que majour prouffiech en pogues venir
al chappitre, voulirant que per castun corps qui fu de eage, per feit qui sira
mis al dichs tombels fus payat al dich chappitre tal dener com si era sevelit
al porcha del dich moustier. Ayssi que led. chappitre agues afai son obit et dels
autres corps que no sirian en aage qui sirian de la parentela des dessus dichs
no aguissan a pagar degun coustage et affi que los seignors et chappitre dessus
dichs aysso octroyassant ald. Arnaut de Barnabe el lor donet un bel calice dorat
per servir a l'ostal senhor pezan un marcs d'argen que lor bailhet am condicio
que si per lo temps a venir l'ostencion del chap de monss. S. Fron se faisia
que lod. calice fus mis et convertit a far un juel[8], p.
far lad. ostencion am tres estuffos a las armes deld. Arnaut[9].
Item dis maychs lod. Arnaut que el et sa dicha
molher avian devocion de laisser chacun son obit pour losquals voulia balhar XX
libras de la monecha courant ; et suppliquet alesd. srs et chappitre
que lad. chappella, la vicaria et autres chosas dessusd. lhy volguissan octroyar,
losquals lhy octroyerent. Et a qui lod. Arnaut lor bailhet lad. somma de XX
libras por los obitz dessud. alsquals far et celebrar losd. chanonyes se obligerent.
Et de tot aysso recebet instrument Maistre Guilhen
de Langlada, que nos aven grossat per maistre Arnaut Michiel, lo dissabde après
l'Epiphania qui fu lo IXme jor del mes de jenvier l'an mil IIIICXVII.
Item avens un autre instrumen grossat contenant la quitansa
del calice cy dessus designat, loqual los sgrs chanonyes
recognessent aver recebut am una petita culhera pezan 4 marcs, qui fu recebus
per Me Arnaut Michiel lo XXIIIIe jor de jenvier de l'an
1421.
Et lo XIIIIe jour del mes de decembre,
l'an mil IIIICXXX, Arnaut do Barnabe, borzes de Pererguers, per sas
lettras patentes, segaladas del seou segel, presentet al senhors chanonyes et
chappitre S. Fron Moussur Helias de Syorat, prestre, comma sufficient et ydoine
a regir et gouvernar la dicha vicaria.
Lesd. senhors chanonyes et chappitre instituerent
led. mouss, Helias vicaire de lad. vicaria, la lhy donnerent et l'improviserent,
donnant en mandement a tos etc. que lhy obéissent et lhuy firen far le serment
en tel cas acoustumat. de que receu lettra Me johannes de Maymy lo
xvie jour del mes de decembre l'an mil quatre cent XXX.
Et lo jor de sen Barnabe, l'an mil IIIICXXXVIII,
monsenhor Helias de Bordeilha, evesque de Pereguers, benezit la dicha
chappella, lo sepulcre, las ymaginas de nostra dona, de S. Barnabe, de S. Thomas lo Reaule et los amas qui
sont al sepulcre en grande solempnilat.
Lo XIe jor de jung, l'an mil IIIICXXXIX,
yo Mathelin des Nohes et Catharina, ma molher, hab. etc., presentasmes per
nostras lettras patentes segeladas del segel de Arnaut de Barnabe, als senhors
chanonyes de St Front Mons. Nicolas des Bouschaux ptre comma
sufficien etc. per so que Moussu Hel. de Syorac, a via acceptat la prebenda St. Fron ;
et losd. senhors chanonyes, lod. jor et an, instituerent led. Mouss. Nicolas
des Bouschaux vicari de lad. vicaria, et la lhy donnerent, etc. dont nos aven
la lettra segelada de lor segel et après losd. srs donnerent lettra
de non residendo a mond. frayr pour daqui a la St. eutropi,
ens l'an mil IIIICXXXXL, et lo dissabde après la St. Eutropi. Donnerent
losd. sgrs a mond. frayr autro lettra de non residendo per daqui a
la s. Eutropi
que l'en dira 1441.
La dotation de la dicha
chappella.
Arnault de bernabe, borzes de la ville de Perigueux,
en dotant la chappella dessus dicha, bailhet, donet et laisset a perpetuite
pour lhy et pour les siens a mouss. Helias de Syorac, pretre, vicaire de la
vicairia institenda per led. Arn. de Barnabe en sad. chappella, tant pour luy
coma pour ses successeurs vicaires de lad. vicairia las chosas qui senset : et
premièrement, un bo chaleza avec la platena d'argent daurat pesant 2 marcs et 4
onces d'argent. Item des peilhe de corpaulx avec un estuy de seda, hont ha
dessus un cruciffix. Item tres toailhas plane et una longeyra daquella sorta. Item
una avec longueyra, plus petita. Item cinq toailhos obratz de seda en rouge et
negre pour mettre al letrier et pour administrar le corps de notre sr. Item un
bel messal be complet. Item quatre vestemens garnis, dont y a una
chazubla de drapt, dont l'autre d'estada rouge, l'autre d'estada persa et
l'autre de futani negre. Item deux frontals un vert et l'autre fait de borsas
de sedas atachad en una toailha de tela. Item doas choppinas sive canetas
d'estain. Item dos chandeliers de fer. Item un petit retaula plachadi be obrat,
hont es lo cruciffix. Item doas crox de leton, una granda et l'autra petita. Item
un couverture d'autar de cuyr qui es sobra l'autar. Item doas cayschas petitas.
Item un supperplie et una aulmussa d'aigneaux negres, pour lo vicari. Item un
plat de terra obrat a recebre l'offerenda. Item quatre petitas borsas de seda a
mectre devant l'autar, cozudas en petits toailhos. Item una cortina de tela,
misa a la part senestra de l'autar. Item un tableau hont escript : lo debat del
corps et de l'ame en franceys.
Item plus donet led. Arn. ald. vicaire al nom de
lad. vicairia pour la datation daquella et pour la sustentation de sa vita et
de ses successeurs los bes et heritages qui senset franchas et sans deguna
renda et chargeat.
La désignation
des immeubles affectés à la dotation peut se résumer ainsi :
Aux Chaussères,
deux terres de un journal de bœufs chacune ; à la Grégorie, vingt-deux journaux
de terre et un journal de pré ; dans la paroisse St-Georges, deux journaux de
terre ; à Puyaudi, environ quatre journaux de terre et une vigne de quatre
dénades de labour; au Pré de l'Évêque, une terre d'un journal ; le jardin de
l'Ort de St-Georges ou de Chaumont, d'un journal; enfin, au Pey de l'Eyrault,
l'ostal avec deux maisons basses au devant et un autre ostal.
Ces
divers textes en langue vulgaire du XVe siècle sont, en général, assez
compréhensibles; je n'en donnerai donc pas de traduction en français. Je me
contenterai de les accompagner de quelques commentaires indispensables.
Arnaud
de Barnabé déclare tout d'abord que cette fondation est faite tant en son nom
qu'au nom de sa femme Catherine Beyneych, bien que la chapelle et la vicairie
aient été fondées en l'honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la
Sainte-Vierge, de St Front, de St-Barnabé et de tous les saints et saintes du
Paradis, le public ne les désigna que sous l'invocation de St-Barnabé, patron
de leur fondateur. Le tresart (trésor)
pratiqué dans la chapelle n'est autre que l'enfoncement déjà signalé dans le
pilier et dans lequel Arnaud fit placer le « sépulcre ».
Je
n'ai trouvé nulle part mention de cette mise au tombeau, thème
singulièrement fécond pour les imagiers du XVe siècle. Les personnes
riches, les confréries commandaient pour leurs chapelles des saints sépulcres.
Des textes nombreux montrent dans quelle forme, dans quel sentiment, de
pareilles commandes étaient faites, avec quel souci de l'exactitude de la scène
traditionnelle du Christ étendu-sur son suaire au-dessus du cercueil,
qu'entourent la Vierge et les saintes femmes, St-Jean, Nicodème et Joseph
d'Arimathie.
Il
eût été intéressant de comparer le traité que le pieux bourgeois périgourdin
dut faire, à cette occasion, avec celui que conclut le 10 octobre 1494 le
prieur de Saint-Martin de Bergerac avec des « imagiers » de Brive[10]. A quel
sculpteur eut-il recours pour faire reproduire le saint sépulcre dans la niche
cintrée de sa chapelle? Le travail en fut sans doute exécuté avec cette pierre
blanche et tendre du pays, qui se prête si bien aux détails de la sculpture et
qui, par l'action de l'air, durcit avec le temps. On ne peut que regretter la
perte de cette mise au tombeau qui dut, comme tant d'autres richesses
artistiques, être détruite durant l'occupation calviniste.
On
sait que ces groupes de statues représentant l'ensevelissement du Christ
méritent d'être rangés parmi les monuments les plus anciens de la sculpture
moderne. Ce qui inspira alors le ciseau des tailleurs d'images et donna à l'art
un vigoureux élan fut le Mystère de la Passion, ce grand drame
qui, pendant un siècle, remua toutes les villes de France, en exposant dans une
curieuse mise en scène, devant une foule pleine d'une foi vive et ardente les
phases les plus touchantes de la vie du Sauveur.
Dans
l'acte de fondation de la chapelle il est question des armes d'Arnaud de Barnabé,
mises sur les étoffes destinées à l'ostension du chef de saint Front, et du
sceau avec lequel il avait scellé la nomination de son premier chapelain. Les
armoiries qu'il avait adoptées étaient des armes parlantes, rappelant
l'industrie qui avait fait la fortune de sa maison : elles se composent de
trois ciboires posés 2 et 1 et d'une bordure
de huit besants.
Enfin,
on remarquera parmi les « images » de la chapelle que bénit Hélie de
Bourdeille, celle de « S. Thomas lo Reaule, » saint Thomas le Royal. Il s'agit
ici de Thomas Becket, assassiné en 1170 et canonisé deux ans après comme ayant
versé son sang pour la foi catholique. Son culte avait été aussitôt accueilli
avec empressement par les Périgourdins, en haine des Anglais ; ils
considéraient avec raison que le saint archevêque de Cantorbéry avait obtenu
une couronne autrement royale que celle de Henri II en défendant contre ce
monarque la cause de la liberté religieuse. L'église de Chancelade eut un autel
dédié à saint Thomas martyr.
Arnaud
de Barnabé exécuta scrupuleusement les engagements qu'il avait pris concernant l'érection
de la chapelle et de sa vicairie, et, après leur mort, sa femme et lui furent
inhumés dans les tombeaux qu'ils s'étaient réservés.
Ils
ne laissèrent qu'une fille, Catherine de Barnabé, qu'Hélie Chabrol, licencié
ès-lois, avait épousée le 8 juin 1411. De ce mariage naquit aussi une fille
unique, Catherine Chabrol, qui apporta dans la maison de Saint-Astier tous les
biens de la famille de Barnabé, en se mariant, le 4 juillet 1446, avec
Fortanier de Saint-Astier, seigneur des Bories, du Lieu-Dieu et de Lisle. Par
son testament en date du 21 août 1451, elle demanda à être inhumée dans la
chapelle, où avait été enterré Arnaud de Barnabé, son aïeul maternel.
Le
9 novembre 1452, Fortanier de Saint-Astier, qui s'intitulait seigneur de Barnabé,
obtint d'Hélie de Bourdeille, qui avait béni la chapelle, des lettres
confirmant la fondation faite par Arnaud de Barnabé et Catherine Beyneych. Ces
lettres furent données en présence de Fortanier de Roux, grand archidiacre de
l'église de Périgueux, et d'Aymeric de Merle, homme de loi.
Le
4 novembre 1458, il présenta Jean Dupuy, prêtre, au chapitre de St-Front, qui
conféra à ce dernier la vicairie de St-Barnabé.
Par
son testament du 26 mars 1462, il choisit sa sépulture dans la .chapelle des Barnabé,
auprès de Catherine Chabrol, sa seconde femme, qui l'avait institué son
légataire universel. Sa troisième femme Jacquette Cotet manifesta aussi dans
son testament, en 1476, le désir d'être enterrée au tombeau de son mari dans la
même chapelle.
(…)
Il
y a lieu de rappeler ici qu'une partie de la place Francheville, à Périgueux,
formait autrefois une dépendance de la chapellenie. On lit dans le vieux
terrier dont j'ai parlé, qu'Arnaud de Barnabé avait acquis, le 28 décembre
1400, de la famille Pascaut, « un ort » situé « entre las doas vilas ». (…).
A. Dujarric-Descombes.
pp.
152-160.
PEINTRES DE BANNIÈRES A PERIGUEUX AUX XIVe ET XVe
SIÈCLES.
(Los Penhedors.)
Dans
les riches archives communales de Périgueux se trouve une série de livres des
comptables de la ville, en langue romane, commençant à l'année 1314 et se
continuant dans ce dialecte jusqu'aux premières années du XVIe
siècle. Elle est presque inconnue ou du moins jusqu'à présent elle a été fort
peu consultée. Il serait à souhaiter que notre savant compatriote M. Camille
Chabaneau, à qui cette langue est familière, en entreprit la publication, comme
il l'a fait pour le premier Registre consulaire de la ville de
Limoges.
Que
d'indications précieuses sur l'histoire de notre ville et de notre province on
découvrirait dans ces pièces de comptabilité, qui sont une mine inexplorée, et
aussi sur l'histoire économique et industrielle de l'époque, sans parler des
anecdotes qu'on pourrait recueillir, chemin faisant !
Pour
aujourd'hui, nous avons voulu en extraire seulement ce qui concerne les
enlumineurs de manuscrits et les peintres de bannières, qui, à l'origine, au
commencement du XIVe siècle, devaient être les mêmes et auxquels la communauté
de Périgueux commandait des travaux fins et soignés.
Ces
comptes de l'administration des maires et consuls de la ville sont rendus
chaque année aux consuls qui leur succèdent; ils sont écrits sur des registres
ou cahiers de format petit in-4°, non signés, de 20 à 30 feuillets de papier au
plus.
Ce
service de comptabilité est fait par deux commis : un comptable et un
contrôleur des comptes. Le premier cahier, qui soit signé par les maire et
consuls, est de l'année 1689, et ils ne sont signés avec suite qu'à partir de
1725 jusqu'en 1789.
En
l'année 1314, le comptable de la ville reçoit comme salaire 10 livres et le
contrôleur des comptes 100 sols.
C'est quelques années après, en 1320,
que nous rencontrons, pour la première fois, dans ces registres, les noms ou la
simple initiale des prénoms de ces artistes peintres qualifiés de maîtres[11]. Les deux premiers
qui tombent sous nos yeux sont un Me Johan, l'enlumineur, condamné
en 1320 par le tribunal de police consulaire, vulgairement appelé le « fay mi drech del cossolat[12] » et qui doit
payer une amende de 10 sols périgourdins à P. Rossent pour des injures qu'il
lui a adressées. Le second est un Me Guilhem, qui avait eu également
à subir des injures du môme Rossent, sans doute à la suite de quelque rixe.
« Item agui (j'ai reçu, c'est le
comptable qui parle) de mayore Johan, lenluminador, per eniurias que fetz à P.
Rossent.......................................................................... x.
s. p. g.
Item agui de P. Rossent per
eniurias que fet à mayore Guilhem, lenluminador
x. s. p. g.[13] ».
Nos
artistes ne peignaient pas seulement des bannières, mais aussi, aux armes du
maire, les pennons des trompettes des quatorze sergents de ville, qui étaient
renouvelés tous les ans[14].
Dès
le commencement du XIVe siècle, nous voyons nos milices communales
porter leurs riches bannières, pendant les préludes de cette longue guerre de
Cent ans, en allant au secours des provinces voisines. En 1323, le sénéchal de
Périgord et Quercy donne l'ordre de lever 100 sergents d'armes pour le service
du Roi et de les envoyer à Lauzerte[15]. Sur le retard
apporté par le consulat de Périgueux à exécuter cet ordre, le sénéchal enjoint
au bailli de faire enlever les cordes des poids publics, ce qui de fait
supprimait une partie considérable des revenus de la communauté. Les maire et
consuls s'empressent alors de lever une imposition sur les habitants. Enfin,
les troupes demandées par le Roi étant rassemblées, on en fait la montre au pré
l'Evêque[16] (al prat
Ebesqual), et
après les avoir divisées en deux compagnies, à chacune desquelles on remet une
bannière, on les envoie séparément à Lauzerte sous la conduite de deux
notables. Quelque temps après, en septembre 1324, ces mêmes sergents étant à
l'armée du Roi devant La Réole [17], la ville leur
fait porter 102 livres 10 sols tournois[18].
La
ville de Périgueux, en 1325, sur un nouvel ordre transmis par le sénéchal,
fournit encore un second contingent de sergents d'armes qu'elle envoie
rejoindre l'armée du Roi à La Réole. Ils y portent une riche bannière en soie
violette, garnie de franges d'or, œuvre du peintre (penhedor) Mondotz, à qui
on paya 40 livres, tant pour la façon de cette bannière que pour l'or qu'il y employa[19].
Celte
même année, le comptable nous renseigne sur la confection des pennons des
trompettes. On emploie pour les faire : 1° cinq longueurs (taulos) et trois quarts
d'étoffe de soie (seudat),
payées
11 s. 6 deniers ; 2° six cordons de soie et cinq coudes (cobdes) de franges,
formant une dépense de 11 s.
«....Item
50s. à R. lo penhedor, per la faysso deus dichs pennos. »[20].
Ce
peintre Raoul (Radulphus)
qui avait pour
épouse Huguette, était poursuivi judiciairement, quelques années après, en
1329, par un certain Arnaud Texier qui lui réclamait douze émaux[21].
C'est
encore le peintre Mondotz, plus haut nommé, qui reçoit 100 sols pour la façon
de la bannière qui fut portée à Saintes[22], en 1330,
lorsque le frère du Roi, Charles de Valois, comte d'Alençon et le sénéchal
ordonnèrent une levée de sergents d'armes à conduire à Saintes. Le mercredi
avant la Mi-Carême, les sergents du consulat parcourent la ville et ses
faubourgs, pour ajourner « tota la gen per far las cirvens anar a
Sanctas »
On équipe ces sergents d'armes qu'on expédie, comme pour Lauzerte, sous la
conduite de deux notables, André de Valreyal et Jean de Born[23].
Pendant les années suivantes et jusqu'au
milieu du siècle, ce doit toujours être le peintre Raoul qui est occupé aux
travaux communaux de cette espèce. En 1334, il est chargé de faire les pennons
des trompettes et reçoit pour son travail 30 sols 6 deniers. Il y emploie,
entre autres fournitures, un papier d'or de 20 s. 5 deniers acheté à Limoges.
La ville avait alors deux trompadres.
« Item baylem en j papier daur
qui fo compratz a Lemotges per far los penos de las
trompas xx s. v. d.
Item
baylem en vj taulos de seudat e lus fo indis viij
s.
Item baylem per vj cobdes de fimbrias
e per j ternal de seda e per vj cordos de seda xj
s.
Item per la faysso daus dichs penos de las trompas,
à R. lo
penhedor xxx s. vj d. [24]
».
Nous
lisons dans les dépenses de 1336, que lo penhedres reçoit 20 sols 4
deniers pour la façon de pennons et le vin de ses ouvriers. Le dauradier (doreur) de la
rue Taillefer répare la trompette du consulat (lo corn) [25].
Ces
pennons avaient sans doute souvent besoin d'être refaits ou repeints, si l'on
en juge par le fréquent renouvellement de la dépense : en 1340, le comptable
paye 5 sols à R. lo
penhedor pour
repenher
le
pennon que les sergents portèrent au siège de Montanceix[26], aux environs
de Périgueux. On se souvient en effet, que des joueurs de cornemuse, de la
suite du sénéchal et de Guillaume de Montfaucon, accompagnèrent les troupes de Périgueux
à ce siège. Quelques jours avant, on avait acheté des étoffes de vermelh et de vetat jaune pour
confectionner des robes aux sergents du consulat[27].
Le
pennon du maire de la ville (penoncel), qu'il avait
peut-être porté au siège de Saint-Privat[28], était en soie,
garni de franges et de cordons et avait coûté, en 1346, 1 livre 10 sols 2
deniers tournois. Cette année-là, la caisse delà communauté avait aussi payé à Bernot lo
frenier, per far una flors de liri de fer per senhar al fron las espias daus
Angles, 2
sols 3 deniers tournois[29].
Nous
ne voyons plus maintenant dans les livres des comptables, avant le dernier
quart du XIVe siècle, la trace de travaux de cette espèce, et Me
Raoul a disparu. Il a eu certainement des successeurs ; mais nous ne
rencontrons plus qu'un nom en 1467, un siècle plus tard, Johan Retieu ou
Retiff, qui était chargé de pareils travaux ; car Jean Maubot, nommé dans les
comptes de 1375 paraît être plutôt un doreur qu'un peintre, comme on va le
voir. Il faut dire toutefois qu'il existe une lacune dans la série des registres.
En
cette année, on refait les pennons des trompes du consulat. Une religieuse (una menuda) en fait les
franges. La décoration en est confiée à an penhedor auquel on
fournit, outre les étoffes de soie, les franges et les cordons, 150 pains d'or (pans d'aur), un quart de
minium, un quart de vermillon et une demi-once d'azur.
Item baylem per far los
penonssels de las tromppas e (pour en) v taulos de ceudat vermelh xx s.
Item en iiij onssas de ceda per far las cordos liij
s. iiij d.
Item al mestre per far los cordos ; qui monta x s.
Item en iiij vetos...................................................... xij d.
Item baylem en iij onssas de ceda per far las frimbras.
xl s.
Item baylem a una menuda per far las frimbras v s.
Item baylem a Nicotz per cozer las frimbras. ........... iiij s. ij d.
Item baylem e dimiey vernal de ceda
par cozer las frimbras xd.
Item
baylem en jc 1 (150) pans d'aur a Jehan Maubot ; monta , xxxvij
s.vj d.
Item
baylem en j quartz de mini............................. xix d.
Item
baylem en j quart de vermelho...................... xxij d.
Item
baylem en mega onssa d'azur............. .. vij
s. x d.
Item baylem al penhedor qui los festz per la ffaysso
ij francs e mech qui val lxij s. vj d. [30]
Les
maire et consuls décident, en 1379, que dorénavant on ne peindra plus les
écussons des maires sur les pennons des trompettes, comme on avait coutume de
le faire de toute ancienneté, mais seulement les armes de la ville.
« L'an mil CC.C LXXIX qui
comenset lo dilus aprop la festa de Sen Marti divernh ….. estant maior maistre
Peyre Flamenc …..
On décida, par mesure d'économie, de
supprimer la collation du jour de Noël.
« Item ordeneren mays et establiren los dichs maier
et cossols a perpetuitat, per lor et per lors successors, de volumtat et de
cosselh et cossentiment que dessus, que dels penuncels de las trompas, losquals
son estats fachs en l'an dessus dich et els quals los escussels de las armas
deldich maior son estatz mes en la manieyra que per lo temps passat avia estat
acoudusmat far per los autres maiors d'antiquitat, que en la fi del regiment
dels dessus nonmatz maior et cossols, los escussels del dich maior el fassa
ostar et que los dichs penuncels remanhan am las armas de la vila tant solament
; et quant los dichs penuncels seran usats et no autrement, que hom en fassa
far hus autres; et per aquesta manieyra sia tengut et gardat per lo temps
avenir ; et que negus dels maiors qui d'ayssi en avant seran fachs et eligitz,
no metan
ni fassan metre lors escussels ni negun autre els dichs penuncels, mas tant
solament las armas de la vila ; et daquestas chausas ayssi ordenadas et
establidas, receup instrument maistre Bernard de Cessero, estan escriva de la
cort del cossolat, lo dimercres apro la festa de sen Felip et de sen Jatme,
l'an dessus dich, testemonis maistre Guilhem de la Rocha et Guilhem Galabert et
Giraut Faure. »[31].
C'est
vraisemblablement en conformité de cet arrêté que nous trouvons, vingt ans
après, mention du drapeau de la communauté placé dans la chambre du consulat :
« En
aquesta annada, comprem una lanssa per metre lo peno de la communa e mezem lo
en la chambra de cossolat lo xj jorn de janier l'an M. CCC. LXXX.
viij. » (11 janvier 1389, n.st.)[32]
Il
faut arriver ensuite à la seconde moitié du XVe siècle pour
retrouver le nom d'un artiste peintre, dans nos livres de la comptabilité
municipale.
En
1468, M. de Grignols fils[33]; ayant convié
la noblesse du Périgord au setusine [34] de son père, le
conseil de ville de Périgueux, considérant que le défunt et les membres de sa
famille s'étaient toujours bien comportés envers la communauté, décide que le
maire, le juge et la plupart des consuls répondraient à l'invitation faite au
corps consulaire et se rendraient en robe audit service, et qu'on y porterait
neuf torches de cire, avec bâtons et pennons aux armes de la ville.
« Baylem
a Johan Retieu, pentre, per far los penonsels et armas de la villa per metre en
las dichas torchas, et ossi li fezem adobar las doas vitras de la chambra de
cossolat..., donem li per losd. escusels et vitras, xx s. t. »[35]
Il
s'agit probablement ici de verrières ou vitraux peints; pour des vitres
ordinaires à remettre, on se serait certainement adressé à un simple vitrier.
Le
même peintre, qu'on appelle Retieu et Retiff, est encore employé à des travaux
de son art en 1478. Une grande procession a lieu le 1er mai, pour la
paix et conservation de l'Etat, de l'Eglise et du Roi, pour les biens de la
terre et pour que Dieu préserve la ville de la peste. On porte à cette
procession « le chef de monsieur sainct Front que jamays plus
de memoria de home no fust plus portat. » Les maire et consuls payent les
sonneurs des églises de Saint-Front et de la Cité, enjoignent aux sergents de
maintenir l'ordre dans la procession, mesure indispensable per so que hy
avla grant folla de poble ; puis ils fournissent quatre torches de
cire, pesant cinq livres chacune, et ornées d'écussons aux armes de la ville.
Ces écussons avaient été peints par Johan Retiff auquel on les paya 2 sols 8
deniers tournois[36].
Nous
bornerons là notre énumération ; nous ne parlerons pas des siècles suivants où
l'art est plus répandu et les artistes plus nombreux, d'un Jean Gravier,
peintre d'écussons, qui, en juillet 1609, en fournit une douzaine pour
l'enterrement de M. Dumas, consul[37] ; d'un peintre
inconnu qui, en 1646, fait les portraits des maire et consuls, à leurs dépens,
pour la salle de la maison de ville[38] ; d'un Joseph
Freyssinet, qui, en 1734, peint les armoiries « pour le may » planté
suivant l'usage, devant la maison du maire [39] et est
qualifié, lui ou son fils, en 1771, de « déchiffreur»[40] et serait par
conséquent l'un de nos prédécesseurs en paléographie. Nous ne parlerons pas
davantage de ces véritables artistes : Guillaume Desauzières, peintre du Roi,
écuyer, valet de chambre de la Reine et bourgeois de Paris, cité comme parrain
dans un baptême du 6 janvier 1687[41] ; ni d'Antoine
Gautier, peut-être son parent ou son allié, demeurant, en 1721, à
Saint-Georges-lès-Périgueux[42] , qui donnait
des leçons dans la ville. Ce travail pourrait faire l'objet d'une étude
ultérieure.
Nos
penhedors
périgourdins
du moyen âge nous font plutôt penser à ceux qu'emploie le duc Jean de Berry à peindre
ses armes et sa devise sur « huict cierges de cire vierge blanche, pour le jour
de la feste de la Chandeleur 1413 »[43] ; ou encore à
ces cinq « pouvres enlumineurs étrangers, que signalait en 1891 M. Desazars à la
Société archéologique du Midi de la France[44], et qui
adressent, le 16 mars 1478, une supplique aux capitouls de Toulouse, pour se
plaindre de la concurrence que leur faisaient certains enlumineurs du pays,
lesquels « vendoient ou fesoient vendre tous les livres d'impressure, qui
dehors pays sont amenés pour vendre, comme d'Allemaygne, Rome, Venise, Paris,
Lyon et d'autres bonnes villes », et qui « se mesloient de les enluminer» alors
qu'ils n'en avaient pas le privilège. Les artistes étrangers venant à cette
époque à Toulouse, y pratiquaient concurremment l'art de l'enluminure et de la
peinture, notamment l'un des co-signataires de la supplique précitée « Laurent
Robyn, dit aussi Laurens Roby, que les comptes municipaux qualifient pinctre »
en 1475, illumenayre
en
1489, istoriayre
en
1494 ». Nos peintres étaient peut-être aussi habiles qu'eux. Malheureusement
nous ne pouvons en juger, aucune de leurs œuvres ne nous est restée.
Ferd. VILLEPELET.
pp.
161-163
VENTE DE LA FORET DE THIVIERS CONSENTIE PAR LE ROI
DE NAVARRE AUX Srs DU TEIL ET FAURICHON,
le 7 mai 1582.
Le
22 juillet 1581, le roi de Navarre donnait à Nérac procuration à Jean de la
Forcade sieur de Lafite, Bernard Charon, maître des requêtes de son hôtel,
garde de son sceau et juge d'appeaux en ses comté de Périgord et vicomte de
Limoges, de vendre en bloc ou par parcelles les forêts de Thiviers, Chalus,
Château-Cherveix...
Le 22 juin 1582, le roi de Navarre étant
à St-Jean-d'Angély, ratifie la vente de la forêt de Thiviers :
Sachent tous qu'il appartiendra que ce jourd'huy,
septiesme du mois de may 1582, au noble repaire de la Barde, paroisse de ….. en
Périgord, et dans la maison de Me Charon, environ l'heure de dix
heures du matin, par-devant le notaire soussigné et en la présence des témoins
bas-nommés, a été présent et personnellement constitué Mr Me
Bernard Charon, conseiller et maître des requestes ordinaire de l'hostel du roy
de Navarre et son juge d'appeaux, vice-chancelier de la comté de Périgord et de
la vicomte de Limoges, au nom et comme procureur et ayant charge et procuration
expresse du seigneur roy, afin insérée
et pour les causes contenues en ycelle, a vendu, cédé, quitté et transporté à Mrs François du Teil et Hélie Faurichon, maîtres de
forges de la Valade et de laRivière, habitants ledit du Teil à sa forge de la
Rivière et ledit Faurichon, au village des Merles, paroisse de Saint-Martin de
Freyssengeas, présent, stipulant et acceptant, scavoir : La coupe de bois de la
forest communément appelée de Thiviers et baillée à titre d'acence et
arrentement perpétuel, le fonds d'ycelle forest, appartenant audit seigneur
Roy, contenant trois cent seize journaux soixante-cinq escats, mesure de la
présente sénéchaussée, suivant l'arpentement qui en a été faict par Guillaume
Bonnet, maître arpenteur et juré en la prévôté et juridiction de Thiviers,
confrontant au chemin par lequel on va de Bruzat audit Thiviers et avec la
lande du Bos-St-Germain, au chemin entre deux et entre le bois du seigneur de
Saint-Jean et de Bastardie ; et le bois et forest communément appelé Beyrenquin,
fermé et limité audit endroit par un gros
arbre chêne appelé le Roudier et dudit arbre tirant à une autre borne appelée
des 3 cailloux, plantée à ce dit grand chemin tirant de Bruzat à Thiviers, et
tous droits, nom, raisons et actions qui peuvent appartenir audit seigneur roy
de Navarre, sauf et réservé la Justice, haulte, moyenne et basse que ledit
Charon s'est réservé audict nom, un droy de 5 sols de rente annuelle, foncière
et directe, sur chaque journal de terre et sol de ladite forêt, avec l'achapt à
muanee de seigneur et tenancier, leds et ventes et autres droits et devoirs
seigneuriaux, lorsque le cas y eschara, payable ladite rente montant à 5 escus
16 sols audit seigneur Roy, à son fermier ou recepveur de ladite prévôté de
Thiviers, par lesdits du Teil et Faurichon, les tenanciers et cessionnaires du
fonds et sol de ladicte forêt et à un chacune feste de Noël, portable en
ladicte ville de Thiviers et commençant le paiment de ladite rente à la
prochaine feste de Noël, et a été faicte ladicte vendition du bois et coupe
d'ycelle et arrentement dudit fond et sol de ladite forêt moyennant le prix et
somme de 1.666 escus 2 tiers d'escu, revenant à la somme de 8.000 livres, de
laquelle lesdits du Teil et Faurichon ont réellement payé et délivré comptant à
Me Jacques Deschamps, sr de la Tranchardie aussi
conseiller du seigneur Roy, et son trésorier et receveur général en la comté de
Périgord et la vicomte de Limoges, habitant au dit lieu de la Tranchardie,
présent et recevant pour et au nom du seigneur Roy, la somme de 200 escus, un
cent et 300 fr. d'argent et la rente en quart d'escus et autre monnoye blanche,
bien comptée et nombrée en présence de mon dit notaire et tenanciers bas-nommés
et par ledit Deschamps, receveur, et emportée, de laquelle somme de 200 escus,
il s'est contenté et le restant de ladite somme qui est de 1.466 escus 2 tiers,
lesdits du Teil et Faurichon ont promis, bailler, paier et mettre en mains
dudit sr Deschamps, présent, stipulant et acceptant, sçavoir, est la
somme de 400 escus, lors et au temps qu'on fournira auxdits du Teil et
Faurichon la ratification faite par ledit seigneur Roy du présent contrat, et
le surplus de ladite somme qui est 1.066 escus, deux tiers, iceux du Teil et
Faurichon seront tenus bailler et payer dans un an prochain et compter au jour
et date des présentes, icelles mettre en main dudit sr trésorier à
peine de tous dépens, domages et intérêts, et icelle portée en la maison dudit
sr trésorier à leurs périls et fortunes et moyennant ce que dessus
ledit Charon, audit nom, a mis en possession réelle et actuelle de ladite forêt
lesdits du Teil et Faurichon par le bail des … lesquels par mesmes moyens
lesdits du Teil et Faurichon se constituent tenir ladite f. ….. de la fondalité
de rente et seigneurie du seigneur Roy et des sieurs sous ladite rente, achapte,
lods et ventes ; laquelle rente il ne pourra augmenter ni imposer aucune plus
grande sur ledit fond, ni mettre y celle fonds en mains mortes, ni autre
prohibés de droit, a peyne des commis et autre droit par pacte exprès que ledit
seigneur en pourra prendre, aucun lod et vente des aliénations qui se feront
durant le temps de deux ans prochains à conter du jour de ces présentes dudit
fond par lesdits du Teil et Faurichon.
Lesquels deux ans passés, lesdits
lods et ventes seront deubs et payés au seigneur ou vente pour le paiement de laquelle
rente et arrérage d'icelle lesdits du Teil et Faurichon ont obligé et
hypothéqué tout le sol de ladite forêt que tous leurs champs et biens …..
Et qu'ils bailleront bonne et suffisante caution de
la somme qui restera due au susdit trésorier et feront mettre à leur despens le
présent contrat au trésor dudit seigneur Roy à Montignac et en bailler copie
d'ycelle au sieur trésorier.
Lesdits du Teil et Faurichon se sont obligés l'un
par l'autre, ung seul pour le tout sans division ni discussion.
En présence de Poncet de Laval, escuyer, sr
de Ladoue, habitant dudit Ladoue, paroisse de Puy-de-Fourches, juridiction
d'Agonac en Périgord et Léonard Vilotte, habitant du lieu de Châlus en
Limousin, tesmoins.
Ainsi signé : Charron, procureur dudit sieur
Deschamps, et Faurichon, contractant, du Teil, contractant susdits, de Laval, pour avoir été tesmoins et L.
Vilotte,
présents il ce que dessus[45].
Pour copie conforme :
H. de MONTÉGUT.
pp. 458-459
REGISTRE
DE LA PRATICQUE DE DEFFUNCT ME CATHRAIN FARDEAU,
VIVANT NOTAIRE AU CHASTELLET DE PARIS, DE L'ANNEE MIL CINQ CENS QUARENTE CINQ.
Reconnaissance par Pierre du Cazal, demeurant à
Fayolle, paroisse de Tocane, en son nom et comme procureur de François de
Fayolle, écuyer, seigneur de Fayolle, en Périgord[46], en
vertu de lettres en date du 29 juillet dernier, au profit de Pierre Galland,
maître principal du collège de Boncourt, de 142 1. 2 s. t., « de compte à jour
d'huy faict entre eulx et Me Nicolle Gaultier, maistre ès-arts,
demourant aud. collège..., scavoir est envers led. principal... de trente six
escuz d'or soleil et quarente deux solz tournois pour reste de toute la
portion, pension et voyages extraordinaires tant de Annet de Fayolle[47],
escollier portionniste oud. collège, fils dud. sr de Fayolle, que
dud. Me Nicolle
Gaultier, son maistre et directeur, jusques au xiie de ce présent
moys, auquel jour led. escollier se départ de lad. portion avecques led. du
Cazal, qui l'a prins en sa charge ; et le reste montant cinquante neuf livres
tournois, deu aud. Me Nicolle Gaultier pour reste de ses gaiges,
droicts et chambre, fournitures de livres et parties qu'il a fournyes et
livrées aud. escollier de tout le temps passé jusques à huy, toutes scedulles
que lesd. Galland et Gaultier
pourraient avoir dud. sr de Fayolle auparavant huy, comprinses en
ces présentes... » Nicolle passe sa créance à Pierre Gaultier dont il est
débiteur pour pareille somme, et Pierre du Cazal s'engage à verser les 142 1. 2
s. t. le d5 octobre prochain.
Cet acte est daté du 11 août
1545.
(Recueil d'actes notariés
relatifs à l'histoire de Paris et de ses environs au XVIe
siècle, par Ernest Coyecque. Tome 1,
Imprimerie nationale. Paris 1905.) N° 3574, page 653. Col. 1.
(Communiqué par M. Emile Rivière).
[1] Cette pièce sur parchemin est ainsi cotée à
l'inventaire de M. Hardy ; DD. 20 (layette).
[2] Note de M. Daniel,
vice-président de l'Ecole félibréenne du Périgord.
[3] Tome XX, p. 306.
[4] E. Decoux-Lagoutte : Notes historiques sur la commune de Trélissac, chapitre XIX.
[5] Dessalles : Périgueux et les deux derniers comtes de Périgord ou l'histoire des
querelles de cette ville avec Archamhaud V et Archambaud VI (1847).
[6] A. de Froidefond : Liste chronologique des maires de la ville et de la
cité de Périgueux depuis 1200 jusqu'à nos jours (l873).
[7] Jean Bordas le vieux, marchand et bourgeois de
Périgueux, devait suivre l'exemple donné par son voisin en fondant, le 5 avril
1492, une vicairie perpétuelle sous le titre de N.-D. de Pitié, dans la
chapelle de Ste-Radegonde, qui se trouvait du côté de la place du Gras, entre
les boutiques des sieurs Brachet et le principal mur de l'église. A la garantie
de la dotation de cette vicairie il affecta sa maison sise près du grand
cloître de Saint-Front, sur la place de la Clautre, devant la maison des Barnabé.
[8] Juel, joyau, ornement précieux d'or,
d'argent ou de pierreries (Roquefort).
[9] c'est probablement le même calice qui se trouve ainsi
désigné dans l'inventaire de 1552 de la collégiale Saint-Front, découvert et
publié par M-. F. Villepelet : un calice appelé de Bernabé, avec sa platine.
[10] Bulletin de la Soc. hist. et arch. du Périgord, tome VII, p. 488-9,
et les Jurades de la ville de Bergerac, tome VII, p. 113-7.
[11] Ils sont aussi
qualifiés de maîtres dans des pièces de procédure. « Produxerunt in
testimonium Robbertus Nadal et ejus uxor contra Guillelmam Martina, videlicet
Dulciam de Vinharier, uxorem magistri Michael lo penhedor, Martial Eyraut,
Guillelmam de Broc, qui juraverunt … etc… et est dies martis assignata ad probandum...
» (Mardi, veille de la Toussaint 1329. — Registre du greffe de la Cour
consulaire. FF. 203. f°s 122 recto et 124 verso).
[12] Nous devons cette
indication à l'obligeance de M. Durand, vice-président de la Société historique
du Périgord, qui a transcrit une grande partie des livres des comptables de
Périgueux et a le dessein de les publier si M. Chabaneau n'en a pas le loisir.
Nous l'en remercions ici.
[13] Série CC. 42, année
1320, folio 4 recto.
[14] Voir CC. 45, p. 67,
et CC. 47, p. 63 de l'Inventaire des Archives de la ville de Périgueux.
[15] Chef-lieu de canton
de Tarn-et-Garonne. — Recueil des Titres justificatifs de la ville de Périgueux de 1775, p. 195.
[16] Pré existant encore
en nature, situé entre la chaussée du Pont-Neuf et le moulin de Cachepur.
[17] Sous préfecture du
département de la Gironde. — Voir au sujet de cette expédition : Arch. nat. J.
164, n° 51, et Histoire du Périgord, par Léon Dessalles, t. II, p. 158.
[18] CC. 45, p. 67.
[19] CC. 46, p. 67.
[20] CC. 47. — Année
1325-1325.
[21]
« Abolutus fuit, causa cognita, Radulphus lo penhedor ab
impetratione duodecim emauxs proposita per Ar. Textoris contra dictum Radulphum
; cum dictus Ar. nolleret persistere in petitione sua et expensis que de jure
fuerint fuerunt dicto Radulpho contra dictum Ar. reservate.
Lite contestata super petitionem xii emauxs proposita per Huguettam,
uxorem Radulphi lo penhedor, contra dictum Radulphum, et jurato..., etc. : est
dies lune assignata ad probandum primo. » (FF. 203, f° 108 recto.)
[22] Sous-Préfecture de la
Charente-Inférieure.
[23] CC. 50.
[24] CC. 53, f° 1 verso. —
Année 1334-35.
[25] CC. 55. — Année
1336-37.
[26] Château fortement
situé près du village de même nom, dans la commune de Montrem, canton de
Saint-Astier.
[27] CC. 59. — Année
1340-41.
[28] Aujourd'hui
St-Privat-les-Prés, commune du canton de Ste-Aulaye.
[29] CC. 00. — Année
1346-47.
[30] CC. 67, folio 3 recto. — Année 1375-76.
[31] Petit Livre Noir de l'Hôtel de Ville,
BB. 13, f° 8 recto.
[32] Petit Livre Noir, BB. 13, f° 43 recto.
[33] Jean Ier
de Talleyrand, chevalier, seigneur de Grignols.
[34] Service du septième
jour après les obsèques.
[35] CC. 90. — Année
1467-68.
[36] CC. 91. — Année
1477-78.
[37] CC. 104.
[38] Livra Vert, BB. 15, f° 161. — Une
lacune dans les registres de comptabilité de 1622-1679 nous empêche de
retrouver son nom.
[39] CC. 121. — Joseph Demartin,
maire.
[40] CC. 147.
[41] GG. 75, f° 1 verso
[42] GG. 87, f° 43 verso
[43] Les comptes de l'hôtel du duc de Berry, 1370-1413, par le comte de Toulgoet-Treanna, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre (1889-1890), p. 143 et 144.
[44] Bulletin, série in-8°, n° 7, p. 29 et 39. Toulouse, Edouard Privat,
libraire, 1891.
[45] Arch. nat. Q2
44.
[46]
François de Fayolle, écuyer, seigneur de Fayolle, Vernode, etc., fils de
Guillaume dit Guillonnet de Fayolle et de Marguerite de Bayly de Razac, fille
de Jean de Bayly sieur de St-Abre, et d'Antoinette Beaupoil de Saint-Aulaire.
Il entra fort jeune au service, car il servait en qualité d'archer des
ordonnances du Roi, sous la charge de M. le duc de Vendôme, près Bernay, le 28
août 1515 et en qualité d'homme d'armes dans la compagnie de M. de Tessé en
1551.
Il épousa, le 15 janvier 1531, Dauphine de Carbonnières, fille d'Alain de
Carbonnières, chevalier, seigr de Lacapelle-Biron et de dame
Marguerite de Gontaut-Biron.