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Source : Bulletin SHAP, tome XLVIII (1921)

pp. 161-164.

LA BASTIDE DE BEAUMONT EN PERIGORD (1272-1789)

Étude historique et archéologique par L. Testut. 2 vol. in-8°, de iv-550 et 616 pages, 15 planches hors texte et 208 figures par S. Dupret, Bordeaux, Féret et fils, 1920.

Pendant l'année terrible, le sergent Léo Testut, du 22e régiment de Mobiles, reçut à l'ambulance de Loigny le ruban de la Médaille militaire. Pour son dévouement aux blessés de la grande guerre, M. le médecin principal Léo Testut vient d'être promu commandeur de la Légion d'honneur.

L'activité scientifique de l'éminent maître de l'Université de Lyon lui a valu, comme on sait, une place à l'Académie de médecine, et son enseignement lui conquit chez les étudiants cette popularité de bon aloi qui est une des formes de la gloire.

Le docteur Testut se manifeste à nous aujourd'hui comme archéologue et historien. De tout temps, il a consacré au Périgord natal les loisirs d'une carrière brillante et studieuse. Notre Société s'honore de le compter parmi ses membres depuis quarante années et a reçu de lui diverses communications, notamment sur les dolmens de Rampieux et du Roc-del-Cayre et la bastide du Pic ; on lui doit aussi une belle et solide étude d'anthropologie et d’anatomie sur le squelette du troglodyte quaternaire de la grotte de Raymond en (Chancelade). Ses travaux sur la Bastide de Beaumont qu'il fait paraître aujourd'hui, vont lui créer d'autres titres à notre reconnaissance.

On sait qu'aux XIIIe et XIVe siècles, le Périgord, le Bordelais et l'Agenais virent surgir un certain nombre de bastides ou villes neuves. Les fondateurs de ces bourgades adoptaient, de préférence sur un plateau élevé et facile à défendre, un emplacement rectangulaire qu'ils lotissaient en y traçant des voies rectilignes et comme en damier, le long desquelles on bâtissait les maisons. A l'intersection des rues les plus importantes s'ouvrait la grande place bordée de cornières ; l'église était proche, ainsi que la halle et l'hôtel de ville. En fondant des bastides, les rois de France ou d'Angleterre et les seigneurs locaux leur octroyaient des libertés politiques et des franchises. L'archéologie des bastides du Périgord a fait l'objet de savantes dissertations de MM. Félix et Jules de Verneilh, tandis que leurs institutions juridiques ont été remarquablement étudiées de nos jours par l'un de nos plus doctes collègues, M. Albert Vigié, doyen honoraire de la Faculté de droit de Montpellier.

Le professeur Testut présente d'abord la synthèse des bastides du Périgord et en compose une carte pleine d'intérêt. Leur création s'échelonna de 1261 à 1310. Il en cite vingt-cinq. Villefranche-du-Périgord et Eymet durent leur fondation à Alphonse de Poitiers, frère de saint Louis. Bénévent fut établi par le comte de Périgord, Domme par Philippe le Hardi, et Lisle par Philippe le Bel. Puyguilhem, La Linde, Beaumont, Beauregard, Roquepine (Sainte-Radegonde), Molières, Fonroque, Montpazier, Beaulieu de Sigoulès furent fondés par le roi d'Angleterre duc d'Aquitaine. On est encore mal renseigné sur l'origine des autres : Villefranche-de-Longchapt, Villefranche-de-Puyguilhem, Vergt, Sainte-Aulaye, Malcuin, Castelréal, Saint-Louis de Sourzac, Montignac-le-Petit, Mont-Sainte-Marie et Saint-Barthélémy. M. Testut identifie cette dernière bastide avec Saint-Barthélemy de Montpon, parce que le Nontronnais, dit-il, ne possède aucune bastide. L'assertion aurait besoin d'être contrôlée, je le crois du moins, car il exista sur la butte de la Morinie, commune de Saint-Barthélemy de Pluviers, canton de Bussière-Badil, un ensemble de fortifications ayant joué un grand rôle durant les guerres anglaises et qui offre l'apparence d'une bastide. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, on reconnaît généralement que Montpazier est « la perle des bastides », très nombreuses dans le Sud-Ouest. Mais il ne serait pas juste d'omettre ici quelques bastides juxta-périgourdines d'une réelle curiosité : Sainte-Foy-la-Grande, Villeréal, Sauveterre, Castillonnès, Monflanquin, Miramont, Villeneuve-sur-Lot, etc.

La bastide beaumontaise remonte à 1272 et a pour fondateur Lucas de Thaney, sénéchal d'Edouard Ier d'Angleterre. Son historien en retrace la fondation et le plan d'ensemble. Avec lui nous visitons en détail la vaste et belle église du xiiie siècle qui dresse, à l'angle N.-E., son haut clocher à créneaux ; nous admirons l'élégante façade et la frise historiée de cet édifice militaire et religieux, sa nef, son stylobate, ses piliers et sa voûte, ses chapelles latérales et sa tribune. Nous étudions, en compagnie de ce guide autorisé, les chartes de 1286 et de 1461, l'étendue totale et la population de la bastide, son passé jusqu'à la Révolution. Sous la conduite d'un cicérone aussi compétent, nous passons en revue la ville au XVIIIe siècle, le couvent des Dames de la Foy, l'hôpital, la malauderie, le cimetière, les habitations bourgeoises et ouvrières, les maisons en bois et à auvent.

Tous ces monuments disparus ou qui subsistent encore, ces vestiges des anciens âges, le professeur Testut les anime et les ressuscite, les interroge et les fait parler. Il note d'intéressants témoignages, il les dissèque en quelque sorte, avec le talent et la science d'un anatomiste. Entr'autres exemples d'une précise reconstitution, nous, signalerons l'apothicairerie de Guillaume Rey, sous le porche en face de la halle. L'auteur n'a négligé ni les documents manuscrits, ni les publications imprimées, ni les traditions orales. Surtout il travaille sur les lieux mêmes. Devant les antiques tours et les vieilles demeures de la ville, dans les rues et venelles longitudinales et traversières, de la porte Vidal à la porte Froment, sur les six places publiques, le long des remparts, fossés et avant-fossés, il a passé de longues heures qui furent toujours pour lui des heures délicieuses : « Tous ceux (déclare-t-il) qui se sont occupés d'archéologie savent tout ce qu'il y a de captivant dans cette étude du passé, tout ce qu'il y a de charmes dans cette restitution de monuments en ruines, tout ce qu'il y a d'instructif dans ce langage des vieilles pierres quand on sait les interroger. »

La série des monographies que méritent nos bastides est excellemment inaugurée par le professeur Testut qui est digne, là aussi, de faire école. Il faut souhaiter, pour nos vieilles cités, des évocateurs pareils à celui de la bastide de Beaumont ; on doit lui envier des livres aussi bien composés, aussi sûrement informés, aussi magnifiquement illustrés, aussi clairs, aussi complets et aussi neufs.

Joseph Durieux.

 

Le gérant responsable, M. Etourneau.

 

pp. 332-333.

DOCUMENTS INÉDITS DU XVe SIECLE SUR LES ABBAYES de CHATRES, DE SAINT-AMAND DE COLY, LA COMMANDERIE DE CONDAT, LE CLERGÉ de MONTIGNAC, ETC.[1]

Au cours de l'année 1451, l'abbé de l'abbaye d'Augustins de Sainte-Marie de Châtres, Jean Olecii[2], était en mésintelligence avec deux religieux, chanoines de cette abbaye : Pierre Fabri, prieur de Guilhgorsse[3], et Jean Vitelli. Le 8 septembre, Jean Olecii chargea l'abbé de Saint-Amand de Coly, Bernard Bonaldi. de juger ce différend et de le trancher avant la Noël. Mais le même jour, à la prière de Bernard Bonaldi, de Jeanne de Roffignac, dame de la Mote, et de Jaubert Flamenc, seigneur de Condat et des Peyraux[4], l'abbé de Châtres pardonna Jean Vitelli de tous ses torts envers lui. Le 31 août 1452, il lui conféra l'office de sacristain de l'abbaye. Jean Vitelli fut mis en possession de sa charge par frère Jean de Bonnetie, aussi chanoine de Châtres. Il y avait un autre chanoine, Bernard de Manso Ch...., recteur de Villac, ce qui porte les membres de la communauté à cinq. L'abbé de Châtres était recteur et seigneur foncier de la paroisse de Peyrignac.

Des lettres de Pierre Bonaldi, évêque de Sarlat, du 28 octobre 1451, conférèrent à frère Jean de Losse l'église ou vicairie perpétuelle de Saint-Amand de Coly. Ce religieux fut mis en possession de son bénéfice dans les formes accoutumées, le 15 novembre. Antoine de Buco était alors chanoine de Saint-Amand.

….[5] mettre en lumière les précieux documents relégués dans les archives publiques et privées.

En 1451-1452, noble Arnaud Grasia (ou Garsias) de la Mole, chevalier, était précepteur des préceptories de Condat, Sergeac et d'Andrivaux, de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Les mêmes années, Géraud Seyral était recteur de Saint-Pierre de Montignac ; Jean Arnaud, recteur de Valojouls ; Bertrand de Lospital était prêtre de Saint-Pierre de Montignac ; Bernard de Solmignac, de Fanlac ; Pierre de Podio Chorsens, de Fleurac.

Géraud Lavergne.



[1] Ces diverses indications proviennent d'un registre de notaire de Montignac, conservé aux Archives de la Dordogne.

[2] Cet abbé était jusqu'ici inconnu.

[3] Commune de Saint-Laurent des Bâtons.

[4] Commune de Saint-Lazare.

[5] Texte incohérent dans le Bulletin à cet endroit là (note C.R.)

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