Source : Bulletin SHAP, tome LII (1925) pp.
255-260.
CORRECTIONS
A LA LISTE ÉPISCOPALE DE PÉRIGUEUX AUX XIVe ET XVe
SIECLES
Béranger
d'Arpajon et ses vicaires généraux (1423)
La crise religieuse du Grand
Schisme (1378-1417)
n'a pas été sans apporter quelque
confusion dans la chronologie épiscopale du siège de Périgueux. Les Diptyca episcoporum, qui font suite à l'Estat de l'Eglise du Périgord du
Père Dupuy (p. 236), établissent pour la fin du XIVe et la première
moitié du XVe siècle, la succession des évêques de la façon suivante
:
30 Gabriel, 1405; 31 Raymundus de Bretenous,
1408; 32 Joannes, 1408; 33 Berengarius, 1431; 34 Helias Serven, 1437; 35 Petrus de Durfort, 1438; 36 Raymundus Laubariensis, 1440;
37 Godefridus
Berengarius Darpajon (sic),
1441; 38 Helias
de Bourdeille, 1447.
Soit au total huit évêques, bien
qu'en passant, l'auteur se demande dubitanter si les numéros 33 et 37 ne
s'appliqueraient pas à un seul et même personnage (p. 137).
La Gallia christiana (Ed. all., t. II, col. 1480), suivie par le Trésor de chronologie
de Mas-Latrie (col. 1464), n'a fait
que reproduire cette liste, en remplaçant à la légère par un certain Hélie III
l'Helie Serven (alias Servien) de Dupuy, qui, comme on sait, fut appelé à l'évêché
de Périgueux en 1384. II paraît au moins étrange que ni l'un ni l'autre de ces
ouvrages si souvent, feuilletés n'ait cru devoir faire disparaître Pierre de
Durfort d'entre le Raymond Laubariensis de Dupuy (Raymond IX de la Gallia, X du Trésor) et
l'inconnu Hélie III, alors que l'évêque de Durfort a succédé en 1380 à Hélie Servien
(1).
L'abbé Audierne, soit dans sa Notice historique sur
les évêques de Périgueux (1836)
(2), soit dans ses Notes critiques et historiques sur, l'ouvrage du
Père Dupuy (1841, P. XVII-XIX
de la réédition), n'est pas tombé dans ces erreurs grossières. Il fait
excellemment de Hélie Servien et de Pierre de Durfort les prédécesseurs
immédiats de Raymond de Bretenoux (auquel, soit dit en passant, il attribue des
origines périgourdines ; après lequel il énumère Bernard, Chrétien, Jean (32 de
Dupuy), Raymond de Pérusse des Cars, Etienne, de l'ordre des Frères prêcheurs;
Béranger d'Arpajon et Hélie de Bourdeille. Cet érudit, qui put utiliser les
notes de Lespine d'après les schedae de
Garampi, a le mérite d'avoir le premier soutenu ce dont Dupuy se doutait un peu
: que Béranger et Geoffroy Béranger d'Arpajon ne sont qu'un seul et même
personnage.
Léon Dessalles, qui s'était
parfaitement rendu compte du désordre régnant dans la liste épiscopale entre 1378 et 1440, a pris dans son Histoire du, Périgord (t. III, p. 43 et
sq.) le parti radical de n'admettre d'autre évêque authentique, après Raymond
de Brétenoux, que Béranger (improprement Geoffroy Raymond Béranger) d'Arpajon.
Cette détermination a pu se trouver justifiée par un besoin urgent de critique,
mais elle ne correspond pas à la vérité. Désormais, c'est à
l'ouvrage précieux d'Eubol, Hierarchia catholica medii aevi (t. I, ed. alt., 1913), compilé d'après
les archives vaticanes, qu'il faut s'adresser pour avoir une liste exacte des
évêques de Périgueux pendant et après le Grand Schisme.
Nous croyons être utiles à nos
confrères en la reproduisant ici, mais en distinguant entre les prélats nommés
par le siège d'Avignon et ceux nommés par le siège de Rome :
avignon |
rome |
1384, 24 octobre, Hélie Servien (Clément VII). |
1401,
3 janvier, Guillaume Fabri,
Frère Mineur (Boniface IX). |
1387,
22 mars, Pierre de Durfort (Id). |
1411,
14 mars, Raymond d’Arpajon (Jean XXIII) |
1404,
24 janvier, Béranger de Brétenoux (Benoit XIII). |
1437, 18 novembre, Hélie de Bourdeilles (Eugène IV). |
1415, 6 décembre, Etienne, Frère Prêcheur (Id.). |
|
La succession des évêques est
établie par Hélie Servien, Pierre de Durfort, Raymond de Brétenoux, Béranger
d'Arpajon et Hélie de Bourdeille. Guillaume Fabri et Etienne ne paraissent pas
avoir siégé.
Cette liste, qui a sur les
précédentes le mérite de la précision et de la clarté, appellerait de
nombreuses remarques. Nous nous bornerons à souligner la disparition du Raymundus Laubariensis, dont Dupuy, la Gallia, etc.,
faisaient un personnage différent de Raymond de Brétenoux, sub anno 1440.
Raymond de Brétenoux, chanoine du
Puy, avait été nommé évêque de Sarlat par Benoit, XIII le 1er octobre 1397 (3). A la mort de Pierre de
Durfort, le même pape le transféra sur le siège de Périgueux (24 janvier 1404). Il le quitta avant mars 1414 pour occuper l'évêché de Lombez : Audierne fixe même
celle nomination au 28 juin 1413 (4). C'est le nom latin de ce diocèse (Lomberiensis) qui déformé en Lauburiensis, Lombariensis, a été appliqué à Raymond de Brétenoux, et a créé le
double emploi de son prénom.
La personnalité de Béranger
d'Arpajon demande une courte note. Audierne a donné la date exacte de sa
nomination à la suite du passage de Raymond de Brétenoux à Lombez. Il le fait
mourir le 7 décembre 1437, après un épiscopat de 22
ans; Dupuy en 1447. Ces deux érudits pensent qu'il se tint toujours
éloigné de son diocèse (5), à cause des guerres, préférant résider en sa
collégiale de Beaumont (6), au diocèse de Vabres. Or, Hélie de Bourdeille fut
appelé à succéder à Béranger par bulle du 18 novembre 1437, et expressément à la suite
du décès de son prédécesseur. La date d'Audierne ne semble donc pas sûre; quant
à celle de Dupuy, elle est fausse.
Divers actes montrent que ce prélat
ne portait pas d'autre prénom que celui de Béranger. Tels sont la nomination de
ses deux vicaires généraux que nous publions ci-après, du 16 novembre 1423, et
une supplique qu'il adressa à Martin V sur les misères de son diocèse, le 9 septembre 1427 (7).
C'est
bien par erreur, semble-t-il, que Dupuy (p. 134) a signalé le rôle de
protestataire qu'il aurait joué contre la Pragmatique-Sanction, à Bourges, en 1438,
et que M. Dujarric-Descombes lui a attribué la responsabilité d'un conflit avec
les Consuls de Périgueux au sujet de la taxe sur la viande, en 1446 (8). Ces
faits ne peuvent s'appliquer qu'à Hélie de Bourdeille, qui, comme on l'a vu,
présidait officiellement aux destinées de l'Eglise du Périgord depuis 1437
(9) ;
Géraud
Lavergne.
1423, 16 novembre, Belmont. — Bérenger,
évêque de Périgueux, nomme vicaires généraux du diocèse de Périgueux l’official
Hélie de Souffron et Aymar Cluzel, prêtres et chanoines de Saint-Front, en
remplacement de Jean de Lascoux, décédé.
(Transcription authentique sur parchemin. — Arch. dép. de la Dordogne, E,
Famille de Vaucocour.)
Berengarius, miseracione divina Petragoricensis episcopus, universis presentes
litteras inspecturis, salutem. Cum summum bonum sit
justiciam colere et in judicio unicuique quod suum est reddere, Evangelio conante,
et quia officium vicariatus nosti ad presens vacare noscitur ex... ocacione per
nos facta de domino Johanne de Las Caotz, olim nostro vicario generali (10);
confidentes de legalitate, morum honestate, sciencia, probitate, experiencia
causarum et experta industria honorabilium et circumspectorum virorum,
dominorum Helie de Suffron, in decretis bacallarii officialisque nostri, et
Ademari Cluselli, presbyterorum et canonicorum Sancti Frontonis, ipsos et eorum
quemlibet in solidum, tenore presencium facimus, creamus et constituimus
vicarios nostros generales civitatis et diocesis nostrarum Petragoricensium, tam
in spiritualibus quam temporalibus, cum omnimoda plenitudine, potestate omnia
et que cumque benefficia ad nos et collacionem nostram pertinencia et spectancia,
cum vaccare contingent, nomine nostro conferendi et collacionem seu colfacicones
persnonis ydoneis, quibus eis et eorum cuilibet in solidum visum
fuerit, faciendi, cum clausulis et aliis ad hec necessariis et opportunis, et
omnia alia faciendi et exercendi que per... vicarios nostros Petragoricenses generales
et speciales possent expediri, etiam si talia
essent que mandatum exhigerent speciale, et que nos faceremus si personaliter iiresetites
essemus. Et quia non sit melior condicio occupantis, sed quod per unum ipsorum
factum fuerit per alium valeat et tenetur, quemcumque alium per nos hactenus
constitutum vicarium per presentes revocamus et amovemus, retinentes tamen quod ipsi vicarii nostri, vel
alter ipsorum, non possint ac valeant unire benefficia perpetue, seu personatus
conferre, nec elecciones dignitatum confirmare, quos et quas ad nos retinemus
et ex causa;
mandantes omnibus nobis subditis non subditus in juris subsidium requirentes
ut, in hiis que ad officium vicariatus pertinent, eisdem vicariis nostris et
eorum cuilibet pareant efficaciter et intendant tanquam nobis. In quorum
premissorum omnium fidem et testimonium, prescrites litteras duximus
concedendum sigilloque nostro laorroborandum. Actum et datum in domo nostra
prepositati Bellimonte, diocesis Vabrensis, die decima sexta mensis novembris,
anno Domini millesimo quadringetesimo vicesimo tercio, in, presencia et
testimonio domini Helie Jaufridi, archipresbyteri de Sancto Marcellino;
Berengarii Raynes, canonici Belllimontis; nobilis Johannis de la Bolbena,
scutifferi ipsius domini episcopi; et mei Petri Monachi, publici auctoritatibus
regia et episcopali notarii, qui in predictis omnibus, dum sic agerentur et fierent,
una cum prenominatis testibus present interfuit, et presentes litteras, per modum
instrumenti publici, de mandate
dicti domini episcopi, scripsi et in hanc formam publicam redegi signoque meo
consueto, una cum appensione sigilli domini episcopi, signavi.
B., episcopus Petragôricensis (11).
Le
gérant responsable, H. Etourneau
(1)
Voir le Serment de cet évêque aux
Maires et Consuls de Périgueux du vendredi, veille de Noël 1389, dans le Recueil des titres de la ville de, Périgueux de 1775,
p. 402-406, où sont désignés les prédécesseurs immédiats de Pierre de Durfort :
Pierre Tizon et Hélie (Servien).
(2) Calendrier du
département de la Dordogne pour 1836, p. 221-222.
(3) Cf. Les chroniques
de Tarde, éd. de Gérard, Paris, 1887, p. 152 et suiv.
(4) La Gallia christiana, t. XffI, fol. 321, indique en
1416 comme évêque de Lombez un Raymond de Bretonnes, prévôt d'Apt.
(5) Pourtant, Poulbrière, dans son Histoire du diocèse de Tulle, le fait
assister aux obsèques d'un vicomte de Turenne, p. 231-237.
(6) Belmont, chef-lieu de cant., arr. de Saint-Affrique.
(7) Dans Denifle, Désolation des églises, 396,
repr. dans le Bull., de
la Soc. hist. et arch. du Périgord, t. XLII (1915), p. 200, qui a
changé son prénom B(erengarius) en Bertrandus.
(8) Lettres du Grand Conseil de Charles VII à l’Evêque de
Périgueux (25 avril 1446), dans le Bulletin historique et
philologique, 1902, pp. 36-39.
(9) Le Dr Poüan,
dans Le Saint
Cardinal Hélie de Bourdeille, Neuville-s.-Montreuil, 1900, 4°,
a très bien démontré, d'après le Liber Provisionum, cette
date de 1437 et la vacance du siège par la mort de Béranger d'Arpajon (pp.
24-25). On sait d'ailleurs que le nouvel évêque ne fit son entrée solennelle à
Périgueux que le 3 août 1447, date à laquelle de nombreux auteurs font
commencer son épiscopat. Cet écart de dix ans n'implique d'ailleurs ni
l'absence complète d'Hélie de Bourdeille ni son abstention constante, en ce qui
concerne les actes administratifs et autres fonctions épiscopales ; par exemple
la supplique adressée de la part d'Hélie au pape sur le triste état du diocèse
de Périgueux publiée par Denifle et reproduite par Poüan (pp. 389, 400-401).
Mais cet auteur s'égare lorsqu'il essaye d'éclaircir la série des prédécesseurs
d'Hélie de Bourdeille, pp. 386-390.
(10) Signalé comme chanoine en 1406. Arch. mun. de
Périgueux, FF. 96.
(11) Ce document est transcrit en tête d'une remise
d'amende octroyée le 29 mai 1425 par le vicaire général Aimar Cluzel, à
Guichard de Vaucocour, damoiseau, de Thiviers, qui avait été excommunié pour
avoir, lui et ses complices, enlevé par force et emprisonné à Piégut le prêtre
Etienne Pantard, et ce en vertu d'un ordre de Lo Bedas, alors capitaine
d'Excideuil pour le vicomte de Limoges.