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Source: Bulletin SHAP, tome VII (1880), pp. 306-329.

 

NOTES ET DOCUMENTS INÉDITS RELATIFS

AUX INSTITUTIONS DE LA VILLE DE BERGERAC AVANT 1789 (Suite.)

 

 

CHAPITRE II. FONDATIONS   D'UTILITÉ   GÉNÉRALE-

I. - Pont sur la Dordogne.

 

C'est vers la seconde moitié du XIIIe siècle qu'on doit placer l'établissement du pont de Bergerac; en effet, Hélie Rudel, par son testament de l’an 1254, légua une somme considérable en vue de sa construction[1].

D'après l'article XXVI de la transaction de 1322, le seigneur était tenu de réparer le grand pont sur la Dordogne, et, à cet effet, il devait en percevoir les revenus.

Ce pont paraît avoir été démoli en 1444 ou 1445. C'est ce qui résulte de l'extrait ci-après du Livre des Jurades :

 

« Hugues Baillif, chevalier , seigneur de Razac, conseiller du Roy, lieutenant du sénéchal de Périgord, et commissaire député, fait procès-verbal le 4 septembre 1459, à la requête des maire et consuls, assistés du procureur du Roy, qu'il y avait au pont de Bergerac neuf arceaux ou arcades et que le pont s'étant abattu l'an 1444 ou 1445, pendant la ruine dicelui, les habitants entretenaient un bateau pour le passage et commettaient trois ou quatre personnes pour lever le droit sur les étrangers dont ils faisaient revenu pour la Communauté et qu'ils en jouiraient jusqu'à ce que les officiers du Roy établirent un bateau et des personnes environ l'an 1447, et en perçurent les revenus[2]. »

En 1501, Louis XII, afin de faciliter la réédification du pont, fit remise à la ville du droit de barrage qui lui appartenait, suivant lettres patentes dont la teneur suit :

« Louis... avons reçu l'humble supplication de nos chers, etc., de Bergerac... contenant, que ladite ville nous compète, etc.. est de notre ancien et vrai domaine assise sur... Dordogne, près Bordeaux, qui est navigable, et aller de Bergerac à Bordeaux, à La Rochelle et en Bretagne, et de là à la grande mer, sur laquelle rivière joignant ladite ville, de grande ancienneté soulait avoir un pont de pierre de bel et somptueux édifice pour le passage des marchands et conducteurs de marchandises, etc., lesquels payaient certains droits de barrage revenant au profit de notre domaine, duquel barrage ils sont exempts, il est advenu depuis .soixante ans ou environ au moyen des grandes eaux.. . et par la faute que nos officiers ne faisaient aucune réparation, ledit pont est tombé en la rivière, et après ladite ruine... les officiers qui pour lors étaient, ordonnèrent un passage avec bateau, que depuis ils baillaient à ferme par chacun an, à la chandelle, comme les autres fermes, jusqu'à ce que ladite duché fut baillée en apanage à feu notre cousin le duc de Guienne, lequel bailla ledit passage à feu Mathurin de Clermont, écuyer, à la somme de douze livres tournois de rente annuelle... Or est-il que celui passage qui se fait par bateaux et navires est fort mauvais et dangereux, et que les marchands vont ailleurs, ce qui est au grand préjudice de notre dit domaine pour les droits qui nous appartiennent... pour les droits de passage, de péage, mesurage, etc. Pour ce serait nécessaire de refaire ledit pont, et pour le refaire, leur donner et octroyer le droit de barrage que nos prédécesseurs levaient sur les passans et repassans sur ledit pont au temps qu'il était en nature en nous payant ladite somme de douze livres de rente que nous payait ledit de Clermont pour ledit passage à bateau... Accordé, Donné à Chalons-sur-la-Seine, le 18 avril 1501. Ainsi signé : Louis. — Et suit la teneur des lettres d'expédition de N. Sgnrs des Comptes sur les dites lettres patentes en 1503[3]. »

 

Le pont fut réédifié en 1509, par les soins des consuls[4] . Au mois de novembre 1568, il fut brûlé par les compagnies de Montluc, et il n'en demeura qu'un seul pas, du côté de la ville[5] .

Trois ans après, nouvelle réédification :

« Par lettres patentes du quatre may 1571, Charles IX ordonna la réédification du grand pont, et par autres patentes du onze juin audit an, données au Pont de l'Arche, le même Roy ordonna une imposition de douze mille livres sur la ville, paroisse et juridiction de la sénéchaussée, pour être employée à cet effet, ce qui fut fait[6] . «

 

Ces travaux furent exécutés d'abord du côté du faubourg de la Madeleine, et ils furent menés avec tant de célérité, qu'on put passer sur le pont dès le 9 septembre 1571[7] .

D'après le Livre des Jurades, en l'année 1595,

« Les maire et consuls payèrent vingt-deux écus au sculpteur qui avait fait les armes du Roy et de la ville, qui lors furent posées sur le portail et tour du pont de Dordogne, du côté regardant le bourg de la Magdeleine. »

Enfin, ce pont fut emporté, en 1783, par une crue de la rivière :

« La nuit du 7e au 8e du mois de mars, jour de vendredi, vers les huit heures du soir, la rivière de Dordogne a passé trois pieds au-dessus du pont qui était devant la présente ville et l'a totalement renversé jusqu'à la grosse pile, même un passage au-delà...

L'eau n'a surpassé le pont que du côté de la ville jusqu'à la grosse pile; le côté du bourg se trouvant plus élevé n'a pu être submergé ; aussi n'est-il pas tombé...

Le premier may a été lancé le premier grand bateau plat ou bac, qui a été construit, après la démolition du pont, pour passer les charrettes ou autres voitures sur la rivière devant la ville, et il a été construit du côté du bourg, au lieu appelé la Barbecanne, sur le bord de la rivière, par les soins du sieur Jean Gimet, négociant de la ville de Bergerac[8] . »

II. —Création de foires.

L'évêque de Beauvais, lieutenant du Roi dans le duché de Guienne, accorda aux consuls et aux habitants de Bergerac, en récompense de leurs loyaux services, la faculté d'établir dans cette ville des foires publiques, qui auraient lieu chaque année et dureraient huit jours, à partir de la fête de l'Ascension. Le roi de France, Philippe de Valois, confirma cette concession par ses lettres patentes, données à Paris, au mois de décembre 1341.

 

Creatio nundinarum pro habitantes Brageracii.

« Philippus, Dei gratia Francorum Rex. Notum facimus universis tam presentibus quam futuris : Nos quasdam patentes litteras vidisse, sigillo dilecti et fidelis consiliarii episcop. Belvacen. tunc nostrum locum tenentis in partibus Occitani, ut prima facie apparebat, sigillatas, formam quae sequitur continentes : Johannes, permissione divina, Bellaven. episcop. locum tent. Domni. Nostri Franciae regis, in partibus Occitani et Xantonnen. universis presentes litteras inspecturis, salutem... Notum facimus universis tam presentibus quam futuris, quod nos considerantes bona et gratuita servicia Domno nost. Regi per consules et habitantes Villae Brageraci bene et feliciter impensa, et quae de die in diem iidem habitatores incessanter honorabiliter eidem impendere non desinunt. Nec non et damna quae presentia guerrae Ducatus Aquitaniae occasione passi sunt, et sustenti et sustinent cotidie, eisdem consulibus et habitatoribus dicti loci Brageraci, nundinas publicas in dicto loco de Brageraco de quibuscumque mercaturis tenendas anno quolibet per in perpetuum per octo dies, incipiendo in festo Ascensionis Domni duraturas, de equis, animalibus et aliis mercaturis omnibus, quibuscumque, in remunerationem dictorum serviciorum per ipsos dicto Domno Nost. Regi, ut premittitur, impensorum et damnorum per ipsos sustentorum, pensata ulilitate regia, ex certa scientia, et gratia speciali, auctoritate regia concedimus et donamus per presentes, mandantes senescallo Pctragorens. et Caturcens. quatenus dictos consules et habitatores dicti loci Brageraci. nostra presenti uti faciant gratia pacifice et quiete. Amovendo etiam impedimentum opponendum per quemcumque. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret presentibus hiis nost. fecimus apponi sigillum. Dalum Tolosae, mense novembris, anno Dni M° CCC quadragesimo primo. Quas quidem litteras, omniaque et singula in dictis litteris contenta rata et grata habentes, ea volumus, laudanms, approbamus, et ex nost. certa scientia, auctoritate regia et gratia speciali, tenore presentium confirmamus, nostro in aliis et alieno in omnibus jure salvo. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, sigillum nostrum presentibus litteris est apponendum. Datum Par. anno Dni MCCC quadragesimo primo, mense decembris. Per Dum Nostum Regem.

LORRIS.

 

Collatio facta cum originalibus litteris superius insertis per me LORRIS[9]. »

III. Prisons et geôles.

Nous empruntons à Lespine les renseignements suivants sur cet objet :

« Les prisons étaient d'ancienneté et ont toujours été dans l'une des tours du château de la ville, jusqu'à ce qu'il fut ruiné par une inondation de la rivière.

Suivant l'édit de Henri IV, du 7 décembre 1591, et lettres de commission du 6 décembre 1594, l'aliénation du domaine de Bergerac, appartenant à S. M. fut faite sous la faculté de rachat perpétuel, par M. M. les commissaires députés à M. Jacques Nompar de Caumont, marquis de La Force, par contrat, daté à Bordeaux du 30 avril 1596, dans lequel est compris, entre autres droits, celui de garde de la geôle et des prisons royales de la ville.

Le seigneur engagiste faisait procéder annuellement au bail de chacun des droits du domaine, par devant le lieutenant-général du sénéchal, et entre autres du droit de geôle et garde des prisons.

On voit par un procès-verbal du 29 avril 1602, que ce droit de geôle et de garde des prisons ayant été annoncé afin d'en faire le bail à ferme, il y eut des opposants : 1° le sieur Pierre Peyrarède, pourvu par le roi de la charge de capitaine du château de Bergerac, par lettres de provision du 18 novembre 1597, où des profits et émoluments dont il devait jouir sont mentionnés, entre autres le droit de geôle ; et de là, il soutenait pour moyens d'opposition qu'il devait en jouir, puisqu'il avait toujours appartenu aux capitaines du château ; 2° Bernard de Bérail, écuyer, sieur de La Roque, disait qu'il avait été pourvu par le roi de l'état et office de capitaine de la capitainerie de ce château; que lui et ses prédécesseurs, qui en avaient été pourvus auparavant, avaient toujours joui du droit de geôle et de commettre les geôliers et gardes qui en percevaient le droit à leur profit ; et par ces raisons, il forma opposition avec des protestations ; 3° les maire et consuls formèrent aussi leur opposition, et exposèrent pour moyens, qu'ils étaient et que leurs prédécesseurs avaient été d'ancienneté en possession et jouissance de commettre le geôlier garde de ces prisons, de pourvoir à la geôle des personnes capables et suffisantes pour la garde des prisonniers ; que pour la conservation de ces prisons, ayant à la tour où elles sont un principal intérêt, puisqu'elle aboutit aux murailles de la ville, et attendu que par un arrêt de la Cour de Parlement de Bordeaux, ils ont été mis en cette possession et jouissance et s'y sont maintenus jusqu'à présent ; que dans cet état il y a entre eux et les dits sieurs Peyrarède et de La Roque procès au Conseil privé du roi et ils requirent que les parties y fussent renvoyées.

Sur ces oppositions, l'adjudication de ce droit de geôle ne fut point faite. C'est ce qui résulte du procès-verbal du 29 avril 1602.

Cependant le procureur fondé du seigneur engagiste fit ensuite l'afferme du droit de geôle pour six années.

Mais suivant un autre procès-verbal de ferme du 12 may 1612, celle du droit de geôle fut faite moyennant deux cent quatre-vingts livres nonobstant les protestations du précédent fermier, qui exceptait que les six années de son bail n'étaient pas expirées.

Suivant d'autres procès-verbaux judiciaires, l'afferme du même droit de geôle et garde des prisons fut continuée et faite pour trois cent soixante livres en 1613, pour deux cent quarante livres en 1614.

Mais ensuite, partie du château et la tour servant de prison furent détruites par l'inondation.

Alors le seigneur engagiste, tenu de fournir des prisons, loua une maison pour en servir.

Et par le procès-verbal des baux à ferme des droits du Domaine du 23 juillet 1623, le droit de geôle et de garde des prisons royales fut adjugé pour vingt livres; en 1636, pour soixante-dix livres; en 1639, pour vingt-cinq livres ; en 1648, pour quarante livres.

Cependant, par autre procès-verbal du 30 juillet 1654 (n'en ayant trouvé de postérieurs), il est mentionné à l'égard du droit des geôles et garde des prisons, que la ferme en sera faite aux conditions ordinaires ; néanmoins, sans que le seigneur engagiste soit tenu de fournir de maison pour servir de prisons ; que ce droit ayant été crié et recrié à ces conditions, personne ne s'est présenté pour y enchérir.

On croit qu'alors le seigneur engagiste acquit la maison servant depuis et actuellement de prisons, qui avait appartenu à Jeanne Epérier, qui l'avait reconnue au Prieur de St-Martin, sous le cens de 18 deniers, le 29 juillet 1623.

Par l'ordonnance des procédures criminelles, du mois d'août 1670, tit. 13, il est prescrit ce qui doit être observé pour les prisons et geôles.

Le roi, par sa déclaration du 11 juin 1724, a déchargé les geôliers de payer les loyers ou fermes des prisons ; mais, par autre déclaration du 7 novembre suivant, S. M. permit aux engagistes de tirer les loyers des prisons, à la charge de les entretenir de toutes réparations et de les pourvoir de bons et fidèles geôliers[10] . »

IV. - Citadelle.

Après la soumission de Bergerac, en 1621, le Roi, pour tenir en respect cette cité turbulente, ordonna la construction d'une citadelle au lieu qui en porte encore le nom. Elle fut bâtie aux dépens de la Communauté, joignant le collège.

 

« En 1624, rapporte Lespine, neuf janvier, fut faite estimation des maisons qu'on devait démolir pour la construction de la citadelle que Louis XIII voulait faire bâtir pour la garde de la ville. Elle fut en effet bâtie dans ce temps-là; mais, à la sollicitation des habitants, elle fut démolie le 8 février 1630. M. de Voyer-d'Argenson, conseiller du Roi en son Conseil d'Etat et maître des requêtes, fut envoyé à Bergerac pour cela. Il en fit sortir la garnison, avec le sieur de Bachot, qui en était le capitaine[11] ».

Nous trouvons aussi dans l’Histoire manuscrite de Bergerac les détails qui suivent touchant la démolition des murailles de la ville et de la citadelle :

« M. d'Argenson, maître des requêtes, député par Sa Majesté pour l'exécution de l'arrêt du 22 novembre 1629 qui ordonne la démolition des murailles et citadelle de la présente ville, arriva le 5 janvier 1630.

Par arrêt du Conseil du 15 juin 1629, le Roy avait ordonné que le régiment de La Valette sortirait de la ville, à condition que les habitants raseraient leurs murailles et fortifications et que pour sûreté de l'exécution de la condition, les habitants donneraient douze otages, au choix de M. le duc d'Epernon, lequel otage aurait lieu jusqu'à ce que les murs fussent entièrement rasés et démolis. Ces douze otages furent donnés et envoyés dans le château de Nérac où était commandant M. le marquis de Maillé. Ils y restèrent depuis le 2 septembre 1629 jusqu'au 17 janvier 1630 : le sieur de Verthamon était un des douze. »

Le Roi avait donné aux Jésuites l'emplacement de la citadelle par brevet du 31 décembre 1629; ils en furent mis en possession par M. d'Argenson, intendant de la province, suivant procès-verbal du 6 mars 1630.

V. Bateau de poste.

Les consuls et les notables habitants de Bergerac décidèrent, en 1641, l'établissement d'un bateau de poste qui ferait le service entre cette ville et Bordeaux ; nous transcrivons la jurade relative à cette utile création :

« En la ville de Bergerac et maison noble de Consulat d'icelle (assemblés les consuls et principaux bourgeois delà ville, ensemble l'avocat et le syndic de  la bourse  commune  des  marchands fréquentant la rivière de Dordogne). — M. le Maire, Helie de Chillaud, représenta: qu'ayant considéré le bien qui pouvait revenir au service du Roi et au public, il avait estimé convenable à la décoration, honneur et profit de ladite ville et particulièrement pour accélérer les affaires du Roi et du public, d'établir, sous le bon plaisir de Sa Majesté, un bateau de poste, à l'instar de celui d'Agen, pour descendre de la présente ville en celle de Libourne et monter à la tire dudit Libourne en la présente ville en toute diligence, afin que par cette commodité publique, tant la présente ville que paroisses circonvoisines puissent se servir dudit bateau pour Bordeaux où la Cour de Parlement, Chambre de l'Edit, etc., sont établies, et par même moyen se rendre dans la ville de Libourne où Sa Majesté a depuis peu établi un siège présidial, la présente communauté étant de tout temps unie à celle de Libourne par privilège de bourgeoisie et de commerce par anciens titres, contrats, etc., confirmés par arrêts de Cours souveraines. Pierre Martin, bourgeois et marchand de Bergerac, fut établi maître de ce bateau. Il devait prêter serment aux consuls de donner caution de tout ce qui lui était livré jusqu'à 500 livres ; entretenir ledit bateau, était tenu de partir tous les jeudis de chaque semaine, aller dans un jour à Libourne et partir de Libourne chaque vendredi, devait recevoir dans ledit bateau gratis ce qui regardait les affaires du Roi et de la ville, les religieux mendiants, était tenu de mettre une banderolle, et la tenir au haut du mât où seraient peintes les armes du Roi et de la ville ; pouvait tenir au mât dudit bateau une boette, pour recevoir les aumônes pour les pauvres de l'Hôtel-Dieu de la présente ville, qui prieront Dieu pour ceux qui s'embarqueront, et remettra ces aumônes au curé de la ville. Ne devait avoir pour tout droit d'un chacun tant en allant que revenant à Libourne et vice versa, et pour les hardes d'un chacun que 15 sous pour descendre et pareille somme pour monter, etc. Par Mrs les Maire et Consuls. — Labonneilhe, secrétaire[12] . »

CHAPITRE III.

ETABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE ET D'INSTRUCTION.

I. - Hôpital.

L'hôpital de Bergerac était un des plus anciens du royaume. Régi d'abord par des administrateurs spéciaux, il devint une dépendance de celui de Montpellier, qui relevait lui-même de l'hôpital du Saint-Esprit-en-Saxe, à Rome, que le pape Innocent III fit édifier en 1198[13] .

Une bulle du pape de la même année 1198 constate que l'hôpital de Bergerac appartenait aux Frères du Saint-Esprit[14] .

Pour l'historique de cette fondation, nous croyons utile de reproduire la copie faite en 1805 par M. Guillaume Gontier deBiran, ancien débuté aux Etats-Généraux de 1789 de notes extraites de l'inventaire des titres et papiers de l'hôpital :

« Depuis un temps immémorial, il y a eu dans la ville de Bergerac un hôpital pour y recevoir et traiter les malades de l'endroit, ainsi que les étrangers. Cet hôpital a longtemps existé sous le nom de Maladrerie ou Léproserie, et était desservi par des religieux hospitaliers de l'ordre de Notre-Dame -du-Mont-Carmel et de St-Lazare, et administré par un Commandeur ou un de ses délégués portant le nom de Commandeur du St-Esprit[15] .

Cet hôpital était situé hors de la ville et consistait en une maison et terres environnantes, en rentes foncières et directes, en douze pognères de blé que lui fesait annuellement chacun des sept moulins de la ville, et eu charités que les âmes pieuses leur fesaient, qu'on nommait alors sancta charitas.

Le 29 janvier 1416, Peyre Donzel donna par contrat au Commandeur du St-Esprit une maison sise dans la ville, près la Font-Balquine, pour en faire un hôpital pour les pauvres, moyennant qu'il lui ferait dire une messe tous les vendredis.

Lorsque les religieux furent chassés de la ville par les religionnaires, leurs meubles et papiers furent portés à la maison de ville ; les maire et consuls en firent meubler la maison qu'avait donnée Peyre Donzel, qui fut desservie par des filles pieuses et administrée exclusivement par les maire et consuls[16], jusqu'à la déclaration du Roi du 12 décembre 1698, portant règlement pour l'administration des hôpitaux.

Il paraît que les maire et consuls, pendant leur administration, gardèrent les rentes des religieux hospitaliers, et les firent tourner au profit de la ville, et la rente des douze pognères de blé de chaque moulin fut pendant longtemps distribuée par eux aux pauvres le jour de la Pentecôte, en petits pains qu'on portait sur le pont de la Dordogne.

Le 15 mars 1555, Elie Eymery, prêtre, donna aux pauvres, par son testament, une vigne qu'il avait dans la paroisse de Ste-Foi-des-Vignes.

Le 14 mars 1592, Sanuel de Clermont, seigneur de Piles, donne également par son testament aux pauvres de l'hôpital de Bergerac une somme de quatre cents écus pour être mise en rentes.

Le 15 novembre 1673, Marthe Bonheure fait une donation aux pauvres de l'Hôtel-Dieu de Bergerac, par acte devant Marphaud, notaire royal.

Le 15 novembre 1673, par un jugement des commissaires députés nommés par le Roi, les maire et consuls furent condamnés à rembourser à l'hôpital une somme de mille livres qu'ils avaient ci-devant prise des mains du Receveur dudit hôpital. Cette somme fut remboursée en une liasse de rentes que l'hôpital a perçues jusqu'à la Révolution.

Le 24 août 1693, le Roi, par sa déclaration, ordonna que les biens et revenus des maladreries et léproseries seraient donnés aux hôpitaux des lieux. Dès lors l'hôpital jouit des biens ayant appartenu aux frères du Mont-Carmel et de St-Lazare.

Le 24 août 1693, arrêt du Conseil d'Etat du Roi, portant que l'aumône et distribution que les maire et consuls de la ville fesaient aux pauvres le jour de la Pentecôte seraient réunies à l'hôpital de Bergerac. Cette aumône et distribution étaient de douze pognères de blé que chaque moulin de la ville fesait de rente annuelle. L'hôpital en a joui jusqu'à la Révolution.

Le 5 décembre 1699, brevet du Roi par lequel Sa Majesté donne aux pauvres de l'hôpital la place ayant servi ci-devant de cimetière à ceux de la Religion P. R. avec une lettre du Chancelier. Ce cimetière fut changé en jardin dont l'hôpital a joui jusqu'à la Révolution, époque où ses biens furent vendus.

Enfin, il fut fait à l'hôpital beaucoup d'autres legs qui firent monter ses revenus, en 1790, à près de 5,000 livres, sans y comprendre le revenu en nature d'une métairie, d'un vignoble et de trois jardins.

Dans la Révolution, les biens ruraux de l'hôpital furent vendus 62,000 francs. Les capitaux qui avaient été placés en rentes constituées furent remboursés au Trésor national en assignats. Les papiers et titres furent dispersés, égarés ou perdus. Les hospitalières abandonnèrent les pauvres et se retirèrent auprès de leurs parents. Il n'y en resta qu'une qui, sans secours et sans appui, supporta tout le fardeau de cet établissement.

L'administration municipale vint au secours de cette charitable religieuse ; elle la nomma directrice, lui adjoignit des filles pour soigner les malades, un pharmacien pour lui préparer ses remèdes, sous la surveillance d'un médecin et d'un chirurgien habiles, et elle administra le reste des revenus des pauvres.

Le représentant du peuple Lakanal vint ou mission a Bergerac, visita l'hôpital, trouva cet établissement malsain, peu aéré et fort incommode. Il le transféra sous le nom d'hospice dans la maison où étaient auparavant les Dames de la Foi.... Il fit des règlements ou statuts, les premiers étant perdus ou égarés; il créa un directeur pour tenir les écritures, pourvoir aux grands approvisionnements et à l'entretien des enfants trouvés ; conformément à la loi du 16 vendémiaire an V, il fut créé une commission pour administrer les revenus des pauvres, composée du maire qui la préside, et de quatre propriétaires charitables, parmi lesquels il y a un avocat. Il y a aussi un receveur pour faire le recouvrement des revenus, en vertu de la même loi.

Les biens ruraux, vendus au préjudice des pauvres, ont été remplacés par d'autres biens, et les rentes remboursées par d'autres rentes, à la vérité très-mauvaises, la plupart féodales ou prescrites.

L'hospice jouit présentement (1805) d'un revenu de 5,500 francs en argent et d'environ 100 hectolitres de froment. Sur cela il y a à déduire des rentes constituées et autres charges qu'il a à payer. Il a cent lits montés et peut recevoir beaucoup de malades : le minimum de chaque jour est de trente. Il est desservi par trois religieuses hospitalières et trois servantes, depuis le premier thermidor an XII. Ces trois hospitalières sont rentrées dans cet établissement, en vertu de la délibération du 5 prairial an XII, approuvée par M. le Préfet. »

Communauté des filles de l'hôpital.

En 1696, M- Anne Lachapelle, fille du bailli de Bergerac, forma la communauté des Filles de l'hôpital et y entra avec l'approbation de l'évêque de Périgueux. Sous sa prudente direction, l'établissement, dont les ressources étaient presque taries, prit un nouveau développement. La fondatrice mourut en 1741. Mr de Biran, qui lui succéda, s'inspira de ses pieux exemples. A sa mort, elle avait reçu dix-neuf religieuses qui la secondaient dignement dans sa mission de charité[17].

IL -Maladrerie.

Il y avait aussi à Bergerac une maladrerie pour les gens atteints de la lèpre. En 1512, une jurade décida qu'à l'avenir son administration relèverait exclusivement des consuls.

Nous avons trouvé la trace de deux admissions dans cet établissement.

D'après le Registre manuscrit de l'Histoire de Bergerac, en 1521 :

« Jean Faucher, lépreux de Lauzun, fut reçu avec sa femme dans la maladrerie, à la charge de vivre et faire comme les autres, et n'aller point mendier les dimanches au devant de la porte de St-Jacques, à cause que la rue était étroite, et qu'il serait à cheval, les cliquettes sonnantes.

Le 18 mars 1557, rapportent Leydet et Prunis, arriva à Bergerac, Antoine Dascon, fils de Guillaume Dascon, habitant de Chales en Saintonge, malade de lèpre, demandant vivre avec les autres malades d'icelle, offrant bailler à la maladrerie ce qui sera advisé par les maire (de Chillaud) et consuls. A quoi il a été reçu, et lui fut accordé de vivre comme les autres d'aumônes et autres alimens de la d. maison, et composa pour six pistolets d'or chacun valant 46 sous. - Acte passé par Peyrarède, notaire royal[18] . »

Le Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord a publié (T. II, p. 111 et suiv.) un inventaire des meubles et immeubles de la maladrerie de Bergerac pour l'année 1584.

III. - Hôpital Saint-Antoine.

L'hôpital ou commanderie de Saint-Antoine existait dès avant 1414[19] . D'après le Registre manuscrit de l'Histoire de Bergerac,

« La Communauté fit vœu cette année 1501, à Dieu, à la Vierge, à saint Anthoine, et aux saints du Paradis, vû le grand danger de mortalité et de peste, qu'on envoyrait un homme dévot dans l'église de l'hôpital de St-Anthoine au faubourg de la Magdeleine lès Bergerac, qui porterait la ville contrefaite en cire, ce qui fut exécuté. La représentation était la ville de Bergerac en cire avec quatre tours et une girouette sur chacune, et en dedans se voyait la maison du consulat, l'église St-Jacques, l'église N-D. du Château et celle de Ste-Catherine, au Mercadil — Le tout fut porté en procession le 17 mai 1501, par les consuls, accompagnés des officiers et des chefs de famille[20] ».

IV. Maison de charité ou Miséricorde.

« En 1735, M. de Froidefond, alors curé de Bergerac, et les principaux habitants de cette ville sollicitèrent et obtinrent de Mgr de Prémeaux, évêque de Périgueux, l'établissement d'une confrérie de la Miséricorde, pour porter des secours à domicile aux pauvres honteux, sains ou malades. Cette confrérie ne répondit pas aux espérances qu'on avait eues d'elle ; on la remplaça par une association de dames pieuses qui se chargèrent du soin de porter des bouillons, des remèdes et autres secours aux pauvres honteux. Mais distraites par les soins de leurs ménages ou de leurs affaires privées, ces dames, comme les membres de la confrérie qui les avaient précédées, négligèrent, au préjudice des pauvres, de remplir les devoirs dont elles s'étaient volontairement chargées. Alors, le même M. de Froidefond, dont le zèle était infatigable el la charité sans borne, réunit sous la conduite de Mme Elisabeth de Sorbier du Séran[21], veuve de l'un des premiers magistrats de la ville et sans enfants, trois demoiselles alliées aux meilleures familles du pays, et toutes les quatre, également recommandâmes par la pratique constante de toutes les vertus chrétiennes, consacrèrent au service des pauvres, non-seulement leurs soins, mais encore une partie considérable de leur fortune. Les charités de M. de Froidefond ne le cédèrent point à celles de ces dames. Il donna à cette œuvre un bien d'une certaine importance dont le produit fournissait en grande partie aux besoins des pauvres. Ces dames achetèrent une maison où elles se réunirent pour y vivre en communauté et pour pouvoir y mieux remplir les nouveaux devoirs qu'elles venaient de s'imposer.

Prévoyant le grand avantage que Bergerac allait retirer de cet établissement, le sénéchal et le corps de ville lui-même s'empressèrent de prendre, le 24 mai 17.41, des délibérations pour autoriser, autant qu'il était en eux, cet établissement. A la vue de ces délibérations, Mgr l'évêque de Périgueux donna, le 7 mars 1742, son approbation à cette pieuse association ; il permit à ces dames de se lier par des vœux au service des pauvres, leur donna des règlements, et établit pour leur supérieur particulier le curé de Bergerac.

Chassées de leur maison par la Révolution, incarcérées, dépouillées de tous leurs biens, les sœurs de la Miséricorde se retirèrent auprès de leurs parents. La tourmente passée, on leur rendit leur maison qui n'avait pas été vendue, on organisa un bureau de charité, et on leur assigna quelques fonds pour les mettre à même de remplir leur pieuse mission. Pour assurer la durée et la stabilité de l'œuvre, elles adressèrent en 1806, à l'impératrice-mère un mémoire et une pétition tendant à faire autoriser et reconnaître leur association comme d'utilité publique. »

Cette note est extraite des papiers de M. Guillaume Gontier de Biran.

Nous ajouterons que la congrégation des sœurs de la Miséricorde de Bergerac fut légalement reconnue par décret du 25 novembre 1810. D'après leurs statuts approuvés, ces religieuses ont pour but principal le soulagement des malades pauvres et des infirmes. L'hospice des vieillards du faubourg de la Madeleine et le refuge des orphelines de Bergerac, fondés et dirigés par elles, sont la propriété de la congrégation.

V. - Collège.

Les habitants de Bergerac avaient de bonne heure créé dans leur ville des écoles pour élever la jeunesse dans la piété et les bonnes mœurs. Ces utiles établissements s'étaient maintenus jusqu'à l'époque des guerres civiles qui désolèrent le royaume et jetèrent partout la confusion. A la suite de ces événements, les habitants résolurent, sur les conseils de M. Poynet, lieutenant général au présidial, de fonder un collège. Assistés de plusieurs grands seigneurs et communautés du pays, ils adressèrent une requête au roi Charles IX, afin d'être autorisés à réaliser ce projet. La permission demandée leur fut accordée par lettres patentes du mois d'août 1564, dont nous donnons un extrait[22] :

 

«  Charles.... nous, à la requête des nobles, bourgeois, manans ethabitans de la ville de Bragerac en Périgord, et autres du dit pays, leur avons permis et permettons de faire et ordonner un collège en la dite ville de Bragerac, en laquelle nous l'avons créé et établi, créons, etc. Et icelui composé de tel nombre de régens et autres officiers que les dits hahitans adviseront, pour y être faites lectures ordinaires et extraordinaires en toutes langues ...  à l'entretènement des quels régens, etc., les dits des confrairies de la dite ville et juridictions de Bragerac seront employés, et ceux qui les ont et recevront seront contraints les remettre ez mains de celui qui aura la charge du dit collège... Permettant à tous librement donner et léguer argeant, meubles et biens immeubles au dit collège pour l'entretènement d'icelui, etc, etc. Si donnons en mandement au sénéchal de Périgord, etc., etc., que ces présentes il fasse lire, publier et enregistrer. Donné à Roussilhon, au mois d'août 1564. Et au dos : Par le Roi, en son Conseil, et plus bas : Loménie, et de l'autre côté : Contentor. »

 

Munis de cette autorisation, les habitants firent bientôt après construire, au Mercadil, un beau collège sur un emplacement que Raymond Dupont donna dans ce but à la ville.

L'établissement fut desservi par le nombre de maîtres nécessaire. De hauts personnages contribuèrent par leurs libéralités à cette fondation.

De nouveaux troubles ayant éclaté, la ville tomba au pouvoir des protestants, et le sieur de Langoiran, leur chef, fit démolir (en 1572) les bâtiments du collège[23] .

Mais en 1576, le roi de Navarre, voulant donner à Bergerac une preuve de son affection particulière, accorda 200 livres tournois de pension pour l'entretien du collège et du principal ; son exemple fut suivi par plusieurs seigneurs et communautés, ainsi qu'il résulte de l'acte ci-après[24] :

Acte en parchemin signé de la fondation ou plus exactement rétablissement du collège (7 février 1577).

«  En l'audience de lu Cour de lu sénéchaussée de Périgord, à Bergerac, etc...

Ont comparu les dits syndic et consuls de la dite ville par Me Raymond Dupont, écuyer et seigneur de la Renaudie, avec Me Jehan de Mathieu, procureur et syndic dudit collège de la dite ville et des procureurs du Roy de Navarre, et Sgrs vicomte de Turenne et comte de Montfort, d'Armand de Gontaut, seigneur de St-Geniès et de Badefol, chevalier de l'ordre du Roi, capitaine de cinquante lances et sénéchal de Béarn, de Jacques de Caumont, seigneur de La Force, de Montboyer, etc., de Bertrand de Larmandie, seigneur de Longa et de Gardonne, de Geoffroy de Beynac, seigneur et baron de Beynac et de Commarque, etc., de... Foucaud, Sgr de Lardimalie, et François de Saint-Astier, Sgr de la Barde ; — Ont remontré que les habitants de Bergerac avaient établi des écoles en la présente ville, pour instituer la jeunesse en la piété et bonnes mœurs, ce qui avait continué jusques aux troubles et guerres civiles survenues en ce royaume, qui avaient tout mis en confusion, et lors les habitans de lad. ville, assistés de plusieurs grands seigneurs et communautés du pays auraient présenté requête au Roi, lequel par ses lettres patentes données à Roussilhon au mois d'août 1564 leur avait permis de faire et ordonner un collège en la présente ville, lequel le dit Sgr y aurait établi et composé de tel nombre de régents et autres officiers que les dits habitants aviseraient pour y être faites lectures tant ordinaires qu'extraordinaires, en toutes langues, par tels régents et autres que par les dits habitans seront ordonnés.Voulant ledit Sgr que les deniers des confréries du présent ressort fussent employés à l'entretènement des dits régents et officiers, permettant à tous librement donner et léguer au dit collège pour l'entretènement des dits officiers. En vertu des quelles lettres les d. habitans auraient dès lors bâti et dressé un beau collège, muni d'un bon nombre de régents, sous la conduite d'un principal, avec autres officiers nécessaires, les tous honorablement stipendiés ; en quoi les habitans auraient été grandement secourus et aidés par la libéralité et bienfaits de la feue de bonne mémoire très-illustre dame... Renée de France, duchesse de Ferrare, et des Sgrs de Biron, de Limeuil, de Caumont La Force, de Salaignac, de Boisse, d'Aubeterre, de Longa de Barrière, de Monbasillac, de Pardailhan, de Longa de Larmandie, de Piles, de Bellegarde, de Montastruc, de Romain, de Jaure des Bories, de Caussade, Mme la douairière de Longa de Barrière et Mme du Lyon ; et depuis, les dits troubles et guerres civiles ayant été renouvelles, la dite ville, au moyen d'iceux, presque tombée en désolation, et le bâtiment du collège entièrement ruiné ; Ce qu'étant venu à la connaissance du Sgr Roy de Navarre, iceluy seigneur, pour le grand désir qu'il a à l'advencement de l'honneur et gloire de Dieu, et au bien public de tout le pays, et pour l'affection singulière qu'il porte à la dite ville de Bergerac et aux habitans d'icelle, par ses lettres patentes du dernier jour de juillet 1576 , aurait donné de fondation perpétuelle et irrévocable pour l'entretènement du dit collège et du principal et régents d'icelui, la somme de 200 livres tournois de pension, à prendre chacun an, par les consuls de la d. ville de Bergerac, sur le revenu de la ville de Gensac, par les mains du receveur du duché d'Albret, à la charge que le dit Sgr Roy de Navarre serait recognu pour 1er fondateur du d. collège et qu'en icelui seraient dressées ses armoiries.... et que chaque premier jour de l'an, il serait fait une oraison publique en mémoire de la d. fondation. En outre qu'il serait dressé une pancarte du dit don et fondation et autres dons qui seraient faits par autres Sgrs, etc. Et les dits Sgrs de Turenne, de St-Geniès, etc., à l'exemple du dit Sgr Roy de Navarre auraient pareillement donné : le Sgr de Turenne, 100 liv. par an, sur sa comté de Montfort, à la charge que la 1èree classe du d. collège sera appelée la classe de Turenne, là où seront mises ses armoiries, etc., par acte du 25 août 1576 ; le Sgr de St-Geniès, 100 liv. par an, sur sa châtellenie de Badefol, à la charge que la 2e classe sera appelée la classe de St-Geniès, et en icelle seront mises ses armoiries, par contrat du 16 août 1576. Le Sgr de La Force, 30 liv. par an, sur sa maison de La Force du 22 août 1576 ; le sieur de Longa de Larmandie, 25 liv. par an, par acte du 15 août 1576 ; le sieur de Beynac, 20 liv. par an, sur le revenu de la paroisse de Bézénac, 31 juillet 1576, contrat signé Lacrup et Lavergne, notaires royaux; et le sieur de Lardimalie, 10 livres par an, du 30 août 1576; et le sieur de la Barde, la somme de cent sols par an, à prendre sur le revenu des rentes de Raffaillé, paroisse de l'Isle, du 30 août 1576 …..

Tous ces contrats dûment insinués ; nous requérant les dits syndic et Mathieu leur octroyer acte de tout ce que dessus... pour leur servir de pancarte et dénombrement général des fondations et dotations du dit collège. Nous avons ordonné qu'il sera fait acte public des choses dessus dues. Signé P. P. Cacaud, greffier. »

 

Le 14 août 1590, les maire et consuls acquirent de M» Guillaume Marphaud, notaire royal, principal ministre du duc de La Force, une maison pour y installer le collège reconstitué[25] . Le Registre manuscrit de l'Histoire de Bergerac renferme, pour cette même année 1590, les mentions suivantes au sujet de l'établissement d'instruction :

 

« La cloche qui était au bout du pont fut descendue le 1er août 1590 et apportée au collège.

Les consuls achetèrent un nouveau testament grec et latin, un chapeau et des écritoires qu'ils donnèrent aux écoliers pour prix du collège. »

 

Le 25 février 1599, Jacqueline de Béthune, dame de Badefol, et Gérôme Philippe, agissant comme économe du seigneur abbé de Cadouin, cédèrent aux maire et consuls de Bergerac la dixme de Pomport pour tenir lieu de la rente de 100 livres donnée par le feu seigneur de St-Geniés, mari de ladite dame, en vue de l'entretien du collège[26] .

Le bienfaiteur disait dans l'acte contenant sa libéralité :

« Qu'il n'y a rien tant nécessaire que ces établissements de collèges bien réglés ; que c'est le moyen de rendre les hommes gens de bien et craignant Dieu, de perpétuer dans la mémoire de l'homme de bonne lettre le souvenir des hommes à la postérité pour l'administration et le gouvernement du pays, pour la singulière amitié qu'il porte à la ville de Bergerac et aux habitans d'icelle ; et pour plusieurs autres bonnes et saintes considérations, lui a plu, etc., donner au collège de Bergerac et pour l'entretènement du principal et des régens qui y seront, la somme de 100 livres[27]. »

Le collège, ainsi rétabli, fut entretenu avec la plus grande sollicitude. Les jeunes gens y étaient formés dans l'étude des sciences et surtout dans la pratique de la religion protestante. On les exerçait à la discussion du dogme, et cette instruction approfondie les attachait d'autant plus aux doctrines de la Réforme. Toutefois, la prospérité de l'institution fut éphémère, si l'on en juge d'après les notes extraites par l'abbé Lespine des Manuscrits des Pères Récollets :

 

« 12e janvier 1609.

M. Denys Gandon était ministre de la parole de Dieu à Bergerac. Il aimait les lettres ou du moins fut-il zélé pour l'accroissement du collège que le Roy Charles fonda en cette ville en 1564. Le dit Gandon donna pour l'entretien la somme de 100 livres. Plusieurs autres particuliers, le baron d'Aubeterre, Sgr de Monbazillac, MM. Jean Peyrarède, de Belrieu, de la Nauve, etc., furent les bienfaiteurs de ce collège. Au commencement il avait été une Académie assez célèbre ; depuis il n'avait pas eu le même éclat ; on fit bien des efforts pour le relever. Cependant, il s'est tout-à-fait obscurci après avoir brillé à différents intervalles.

En 1620 (20 novembre), M. Maisonnie était ministre et recteur de la dite Académie ; MM. Pétrequi et Haye en étaient professeurs, comme il se voit par un extrait du livre des Actes de l'Académie du collège de la dite ville, où est dit, que la liberté de certains particuliers à appeler les enfans chez eux pour les instruire (comme le sieur Faustel, écossais), quoique ces prétendus maîtres soient très peu propres à remplir cette fonction ; que c'est une raison pour laquelle l'Académie n'a plus le même lustre, et en conséquence, est défendu à toute personne d'enseigner, sans la permission de la dite Académie[28]

 

En 1612, les maire et consuls écrivaient aux députés de la Basse-Guienne au synode national la lettre suivante, où, tout en constatant l'affluence des écoliers, ils avouaient le manque de ressources du collège :

« Messieurs... Il y a cinq ou six ans que nous voyans entourés de collèges de Jésuites de Bordeaux, de Limoges, Agen et Périgueux, fort proches d'ici qui corrompaient toute la jeunesse, même de notre religion, la plupart de laquelle n'avait le moyen d'aller étudier aux collèges de Montauban, Montpellier, Nismes ou Saumur ; et ainsi se perdaient. Pour y porter quelque remède, nous nous évertuâmes de bâtir un collège en cette ville, à grands frais, composé de sept bonnes classes aux humanités et de la philosophie, auquel Dieu, par sa bonté, a tellement opéré, que plusieurs écoliers y ont fait fort bien leur profit... et croissant de plus en plus, il y est arrivé et arrive tous les jours quantité d'écoliers de notre religion, non-seulement de cette Basse-Guienne en laquelle n'y a d'autre collège... que des provinces d'Auvergne, du Haut et Bas-Limousin, Xaintonge, Angoumois et Poitou … Mais parce que nos revenus ne suffisent pas... Nous vous supplions de nous vouloir accorder sur les deniers octroyés à ceux de notre religion par nos rois, la somme de 2,000 livres par an, ou telle autre somme que les Académies de Montauban, Saumur.

Nous le fimes représenter au dernier Synode, à Saint-Maixent, et nous fut promis d'v être pourvu... Et dès lors nous fut accordé, sans la somme qu'on accordait pour le futur collège, que M. de Rosny voulait faire établir a Boisville, tellement que le dit collège n'ayant été établi, nous espérons, etc. - (Les maire et consuls de Bergerac à MM. de Baucou et de Forrau, ministres de la parole de Dieu, et députés de la Basse-Guienne au sinode national de France)[29] .

Nous relevons, la même année, une dernière libéralité faite à cet établissement par M. Pierre d'Escodéca de Hoisse :

« A Bragerac, sept janvier 1612, fut donnée par ordre de M. Pierre d'Escodéca de Boisse, seigneur et baron de Pardailhan, etc., maître de camp du régiment de Navarre, la somme de 300 livres (comptée en pièces de seize sous) à M. Bernard de Berailh, écuyer, sieur de La Roque, et aux consuls, pour être convertie en intérêt (de 25 livres par an), pour l'utilité et profit du collège, laquelle somme avait déjà été promise le 4 du présent mois par le dit Sgr, étant dans la dite ville,  lequel intérêt fut placé annuellement sur le domaine de la communauté et par exprès sur le revenu des poids de la dite ville et être pris par avance sur le dit revenu, par les administrateurs du dit collège, qui étaient alors Isaac Cacaud et Zacharie Planteau[30]

Elie de Biran.

(La fin prochainement.)



[1] Lespine, vol. 18, p. 3 et 4.

[2] Registre manuscrit d’Histoire de Bergerac (1459).

[3] Leydet et Prunis, vol. 14, p. 13 et 14.

[4] Lespine, vol. 48, p. 126.

[5] Id. p. 149.

[6] Registtre man. de l’Histoire de Bergerac.

[7] Lespine, vol. 18, p. 149.

[8] Registre manuscrit (année 1783).

[9] Lapine, vol. 48, p. 50 , Tres. des Chartes, cart. 73, f° 238, pièce 299).

[10] Lespine, vol. 48, p. 101-109.

[11] Lespine, vol. 48, p. 126.

[12] Collection Leydet, vol. 14, p. 9.

[13] Collect. Périgord. - Leydet et Prunis, vol. 14., p. 71.

[14] « Domum qnam habetis in villa quae dicitur Brageac, tibi, fili, Guido, et successoribus tuis perpetuo subjacere. » (Innoc. pp. III, epist. lib. I, epist. 97. Edit. Baluze.T. 1, p. 53). - Cette lettre est adressée è Guy, fils de Guillaume, comte de Montpellier. Guy avait fondé dans cette dernière ville un hôpital sous l'invocation du Saint-Esprit. Il mourut en 1508 (Voir A. Germain, De la Charité publique et hospitalière à Montpellier au Moyen-âge, d'après les actes originaux, 1859, in-4°; pages 1 à 23 et suiv.)

[15] Nous relevons, au sujet de la gestion de l'hôpital par les Frères, les deux mentions ci-eprès dans le Registre manuscrit de l’Histoire de Bergerac:

« Année 1405. Les consuls écrivirent au grand Commandeur de Montpellier de vouloir pourvoir d'un bon Commandeur l'Hôpital du saint-Esprit qui dépérissait.

Année 1529. - Cette année fut arrêté que les consuls contribueraient seulement au bâtiment de l'hôpital que ferait le Commandeur du Saint-Esprit pour la main du maître, et donnèrent 40 livres, sans tirer à conséquence. »

Le 21 juin 1538, les consuls désignèrent comme patron de la Commanderie du Saint-Esprit Me Jean Fournier, qui fût présenté au prieur de Montpellier, collateur de cette commanderie (Leydet et Prunis, vol. 14, p. 9).

Nous donnons ici la liste, malheureusement incomplète, que nous avons puisée dans la collection Lespine, vol. 48, page 406 et suivantes :

 

Frère Ferrand Labarrens, commandeur en

1426

Etienne du Pradal

1443-48-58

Géraud des Combes

1460

Antoine de Septfonds

1461

Jean de Sorbier

1461

Antoine de Septfonds

1463

Elie Arnaud

1470-73-74

Jean de Sorbier

1475

Elie Arnaud

1486

Jean de Clermont

1489

Gaillard de Bideren

1489

Elie Arnaud

1492-96

Bertrand de La Beaume

1495-1501-30-37

Dieu Ayde

1542

Jean de Grimoard de Frateaux (archiv. de Frateaux)

1559

François Mathieu

1650

Pierre Caudau

1657 et 1658

Noble Pierre de Sangraisse

16...

 

COMMANDERIE DE PONTBONNE.

Reconnaissance en l'année 1414.

Frère Pierre Combraille était commandeur de Pontbonne en 1487 (V. Chapelle de Pontbonne.)

[16] Deux ordonnances rendues par François II et Charles IX, en 1560 et 1561, confirmées expressément par l'article 65 de l’édit de Blois (1579), disposèrent que les hôpitaux et commandries seraient administrés par les consuls des lieux et par les bourgeois qu'ils y commettraient ; que les titres et papiers de ces établissements seraient inventoriés et déposés dans les maisons des villes.

Conformément aux prescriptions de la première ordonnance, M. Pierre Poynet, lieutenant général, qui avait activement concouru à l'établissement de la religion réformée dans la ville, et les gens du Roi se transportèrent, en 1580, à l'hôpital et commanderie de Bergerac, et dressèrent procès-verbal des biens qui lui appartenaient (voir Collection Périgord, Leydet et Prunis, vol. 14, p. 71).

Un autre inventaire de ces biens fut dressé le 12 août 1584 (voir Bulletin de la société historique et archéologique du Périgord, t. II, p. 113 et suiv.)

[17] Lespine, vol. 18, p. 192.

[18] Leydet et Prunis, vol. 14, p. 8.

[19] Registre manuscrit de l'Histoire de Bergerac.

[20] Ibid.

[21] Née de parents protestants, Elisabeth de Sorbier avait été reléguée à l'âge de dix-sept ans dans le couvent des religieuses de la Foi chrétienne. Ce fut seulement après trois années de réclusion, lors d'une mission qui eut lieu à Bergerac que les doutes de son esprit se dissipèrent. En 1704, elle épousa M. Simon, sieur du Séran, ancien capitaine d'infanterie et lieutenant particulier à la sénéchaussée de Bergerac, avec qui elle vécut en parfaite union jusqu’à la mort de celui-ci en 1740.

Afin de seconder les intentions de M. de Froidefond, Mme du Séran fit l'acquisition d'un local pour les dames qui prendraient la résolution de se vouer avec elle au service des pauvres.

Au mois de mai 1757, le Roi, sur la requête de la bienfaitrice et de M. de Lansade, alors curé, autorisa la fondation, par lettres patentes, et permit la création d'un bureau chargé d'administrer le revenu des pauvres. Il restait encore un progrès à réaliser. Jusque-là, les dames qui étaient à la tête de l'œuvre étaient obligées de préparer en ville ce qui était nécessaire au soulagement des indigents. Au mois de janvier 1769, le Roi leur accorda la faculté de vivre en communauté, avec la titre de Dames de la Charité, et de s'agréger des sujets. Après avoir vu cette œuvre consolidée, Mme du Séran n'eut plus qu'un désir, celui de construire un oratoire où elle pût épancher son âme et son cœur. Cette faveur lui fut accordée. Elle obtint la permission d'édifier, dans sa maison, une chapelle et d'y conserver le Saint-Sacrement. La chapelle fut bénie le 3 janvier 1770 et dédiée à Saint-Vincent-de-Paul, fondateur, avec Mme Legras, de l'ordre des sœurs grises ou de la charité. — Mme du Séran, dans la nuit du 13 au 14 janvier 1770, mourut avec les sentiments de la plus vive piété ; son corps fut inhumé le 13 du même mois, dans sa propre chapelle (voir Lespine, vol 18, p. 384).

[22] Collection Périgord. - Leydet et Prunis, vol. 14, p. 14.

[23] Lespine, v. 48, p. 110 et suiv.

[24] Lespine, v. 48, p. 111. – Archives de Pau.

[25] Collection Périgord. - Leydet et Prunis, vol. 14. p. 16.

[26] Lespine, vol. 18. page 413. - Archives de Cadouin.

[27] Ibid. 48, p. 85.

[28] Lespine, vol. 18, p. 382 et suiv. - Manuscrits des Récollets de Bergerac.

[29] Lespine. vol. 18, p. 120 ( ?).

[30] Collection Périgord. - Leydet el Prunis, vol. 14, p. 16.

 

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