COUTUMES DE LA BASTIDE DE BEAUREGARD
(1286)
Note
préliminaire (C.R) :
Pour la transcription ci-dessous, nous
avons recopié la traduction manuscrite du Tome 51 (f°s 75 à 81) du fonds
Périgord de la BnF. Cette traduction est suivie, dans le tome ci-dessus, du
texte en latin de la présente charte (folios suivants).
Edoart (1)
par la grace de Dieu roi d’Angleterre et de France et duc d’Aquitaine, à tous
ceux qui ces presentes lettres verront,
salut et paix. Nous voulons que tout le monde sache que par la teneur des presentes
, tant pour nous que pour nos successeurs, nous donnons et accordons à nos
habitans de la ville de Beauregard, au diocese de Périgord, les libertés et
coutumes qui s’ensuivent :
1 Que
par nous, ni par nos successeurs il ne soit levé, ni perçu aucun impot dans
ladite ville, comme il est d’usage ailleurs, à moins que les habitans ne
veuillent bien nous l’accorder gratuitement.
2 Item
que les habitans de ladite ville, et ceux qui l’habiteront dans la suite,
puissent vendre, donner et aliener tous leurs biens meubles et immeubles à qui
ils voudront, excepté à l’église, aux gens d’église, et aux militaires à qui
ils ne pourront vendre leurs immeubles que du consentement, et sauf le droit
des seigneurs de qui ils releveront.
3 Item
que les habitans de ladite ville puissent librement marier leurs filles où ils
voudront, et faire entrer leurs enfants, à leur volonté, dans la clericature et
les ordres sacrés.
4 Item
que nous, ni notre baillif ne pourrons faire prendre aucun habitant de ladite
ville, ni faire saisir ses biens, pourvu qu’il veuille et donne caution d’ester
à droit(2),
si ce n’est pour meurtre, ou pour homicide, ou blessure mortelle, ou autre
crime qui emporte confiscation de corps et de biens.
5 Item
notre senéchal ou notre baillif ne citeront devant eux, aucun de ceux qui
habitent dans ladite ville hors de ses fauxbourgs, pour ce qui se sera passé
dans ladite ville ou ses fauxbourgs, sur la plainte d’autrui, si ce n’est pour
notre propre fait et cause.
6 Item
si quelqu’un meurt dans ladite ville ab intestat, et sans enfans, et qu’il ne
se présente aucun de ses heritiers présomptifs, notre baillif et les consuls de
ladite ville, après avoir fait faire un inventaire des biens du défunt,
établiront pour commissaires desdits biens, deux personnes de probité de ladite
ville, qui les garderont fidelement pendant un an et un jour, et si pendant ce
tems les heritiers se présentent, on leur remettra en entier lesdits
biens ; si au contraire ils ne se présentent pas, tous les meubles et
immeubles du défunt nous seront acquis, pour en faire selon notre bon
plaisir ; et quant aux immeubles qui releveront d’autres seigneurs, ils
leur seront egalement acquis, pour en faire ce que bon leur semblera sauf les
dettes du deffunt, qui se trouveront bien et legitimement dues, qui seront
payées dans l’un et l’autre cas, sans attendre la fin de l’année.
7 Item
nous voulons que les testamens que fairont les habitans de ladite ville en
présence de témoins dignes de foi, soient bons et valables, quoiqu’on ni ait
pas observé les solemnités de droit, pourvu toutefois qu’on y laisse la
légitime aux enfans, et qu’on y ait appellé le curé ou quelqu’autre personne
ecclesiastique si on peut le faire commodement.
8 Item
qu’aucun habitant de la même ville, qui sera accusé de quelque crime que ce
soit, ne puisse être contraint, s’il ne veut, à s’en deffendre par la voie du
duel, ni qu’il puisse être réputé coupable à cause de ce refus, mais que celui
qui se plaindra de lui prouve le crime de l’accusé, s’il le veut, par témoins,
ou autre preuve, suivant l’ordre du droit.
9 Item
que les habitans de ladite ville puissent acheter, ou recevoir par donation à
emphyteose ou arrentement, de tous ceux qui voudront vendre, infeoder, ou
donner à cens leurs immeubles, excepté l’infeodation appelée feudum francale militare, qu’ils ne
pourront acheter ni recevoir que de notre consentement, ou de nos successeurs.
10 Item
de chaque piece de terre de quatre cannes ou aunes en large, et dix en long, il
nous sera payé 4 deniers seulement d’oblies ou rente, et plus ou moins suivant
le cas, chaque année, à la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie
et autant d’accapte en muance de seigneur ; et si ladite piece de terre
vient à se vendre, l’acheteur nous payera pour lods et ventes, la douzieme partie
du prix ; et si les dites oblies ou rentes ne sont pas payées au tems dit,
le debiteur nous payera 5 sols de gage ou amende, et en outre lesdites oblies.
11 Item
s’il se commet dans ladite ville ou ses appartenances quelque sortilege, ou
d’autres malefices occultes, icelle ville sera condamnée à une amende par nous
ou notre lieutenant, aux dires des consuls d’icelle, et ladite amende sera
levée sur ladite ville, ses fauxbourgs et préclotures, à l’arbitrage de trois
desdits consuls.
1 Item
notre senéchal et baillif dans ladite ville, seront tenus avant d’entrer en
charge, de nous jurer et à ladite ville, devant des personnes de probité
d’icelle, qu’ils se comporteront avec fidelité dans le deu de leur charge,
qu’ils rendront justice à un chacun suivant leur pouvoir, et qu’ils observeront
exactement les fors et coutumes de ladite ville, qui ont été approuvées jusqu’à
present, et ses autres établissemens raisonnables.
13 Item
les consuls de ladite ville changeront tous les ans le jour de la fête de St
Hilaire, et ce même jour, nous ou notre baillif concurrament avec les anciens
consuls, serons tenus de choisir et nommer six autres consuls catholiques parmi
les habitans de ladite ville, qui nous paraitront être de bonne vie et mœurs et
au profit de ladite ville, lesquels feront serment à notre baillif et au peuple
de ladite ville de bien et fidelement conserver nos droits, et gouverner le
peuple, ainsi que le consulat ; qu’ils ne recevront aucun présent ni
service de qui que ce soit, à cause de leur charge de consul, auxquels susdits
consuls la communauté de ladite ville promettra, moyennant son serment, de
donner conseil et assisitance, avec toute obeissance, sauf cependant en toutes
choses notre droit et celui de nos successeurs, lesquels consuls auront pouvoir
de réparer les rues, les voies publiques, les fontaines et les ponts, de faire
des ordonnances raisonnables, comme aussi de se nommer un procureur sindic,
pour agir au nom de toute la communauté, et faire generalement tout ce que la
communauté peut et doit faire elle-même ; seront autorisés aussi lesdits
consuls, de faire sur les habitans de ladite ville, et ses fauxbourgs et
préclotures, les levées nécessaires pour son utilité commune, et ceux qui
jetteront des immondices dans les rues seront punis par notre baillif et les
susdits consuls, suivant l’exigence des cas, comme aussi ceux qui auront des possessions
ou des rentes dans ladite ville, eux et leurs successeurs seront tenus de
fournir aux collectes qui se feront dans ladite ville pour son utilité, tout
comme les autres habitans d’icelle, et s’ils étaient refusans, notre baillif
pourrait les y contraindre, à la requette des consuls.
14 Item
chacun des habitans de ladite ville sera tenu de nous suivre, ou notre senéchal,
chaque année, à l’armée contre nos ennemis, et nous fournir aide et assistance
pendant 40 jours seulement, à ses propres dépans, et suivant ses facultés. Les
provisions de bouche qui seront portées dans ladite ville, pour être exposées
en vente, de dehors, ou d’une demi lieue aux environs, ne pourront se vendre
qu’après avoir eté exposées au marché et places publiques de ladite ville, et
si quelqu’un y contrevient, il sera condamné à deux sols 6 deniers d’amende, à
moins qu’il ne fut un étranger qui eut probablement ignoré la coutume du lieu.
15 Item
quiconque en frapera un autre ou le trainera avec colere à coups de poing et de
pied, sans qu’il y ait cependant effusion de sang, et que celui qui sera
maltraité ait apellé du secours, le coupable sera condamné à 5 sols d’amende,
et payera au plaignant ses dommages et interêts, suivant ce qui sera
avisé ; si cependant il y avait effusion de sang, le coupable serait
condamné à 20 sols d’amende envers la justice, outre les dommages et interêts
de la partie lezée ; si c’était avec une epée, un baton, une pierre ou une
tuille que l’accusé eut frappé le plaignant, sans effusion de sang, et qu’il y
eut clameur de la part du plaignant, l’accusé serait condamné en 20 sols
d’amende envers la justice, et s’il y avait effusion de sang, aussi avec clameur,
l’accusé serait condamné en 60 sols d’amende envers la justice, et dans l’un et
l’autre cas aux depens, dommages et interêts de la partie plaignante.
16 Item
si quelqu’un en tue un autre, et qu’il soit trouvé coupable du meurtre, de maniere
qu’il soit réputé pour homicide, il sera puni par jugement de notre cour, et
tous ses biens seront confisqués à notre profit, sauf ce qui se trouvera dû à
ses créanciers.
17
Si quelqu’un dit des paroles injurieuses à un autre, d’un esprit de colere, et
qu’il y ait clameur par celui qui se trouvera offensé, sera condamné par notre
baillif en 2 sols 6 deniers d’amende, et à faire réparation à l’offensé pour
raison de l’offense.
18 Item
quiconque s’emparera de notre bien, ou de celui de notre baillif, ou qui enlevera
le gage qu’il aurait été de donner par autorité de justice, sera condamné en 30
sols d’amende.
19 Item
ceux et celles qui commettront adultere, s’ils sont surpris en flagrandelit, et
qu’il y ait clameur à ce sujet, ou qu’ils soient convaincus par gens dignes de
foi ou qu’ils ayent confessé leur crime en jugement, ils seront condamnés
chacun en 100 sols d’amende, ou à courir la ville nus et sans chemise à leur
choix.
20 Item
celui qui par colere tirera son epée contre un autre, sera condamné en 10 sols
d’amende, et à faire réparation de l’offense.
21 Item
celui qui aura volé de jour et de nuit quelque chose valant 2 sols, coura dans
la ville avec l’effet volé suspendu à son cou, payera 5 sols d’amende, et
restituera la chose volée au proprietaire, excepté le vol des fruits, dont il
sera usé comme ci-après ; et si quelqu’un vole une chose de valeur au dela
de 5 sols, pour la première fois, il sera marqué et condamné en 60 sols
d’amende, et s’il se trouve marqué, il sera puni suivant l’exigence du cas, par
jugement de notre cour, et si quelqu’un est pendu pour cause de vol, il sera
condamné en 10 sols d’amende envers nous, si ses biens sont suffisans, sauf ses
dettes qui seront réservées à ses créanciers, le surplus sera delivré à ses
héritiers.
22 Item
si quelqu’un entre de jour dans les jardins, les vignes, ou les preds d’un
autre, et y prenne du fruit, du foin, de la paille, ou du bois, valant 12
deniers au moins, et que cela se fasse sans la volonté du proprietaire, et
après les deffenses qui en seront faites chaque année à cris publics, il sera
condamné en 2 sols d’amende payable aux consuls pour le besoin de la ville, et
tout ce que les consuls recevront sur cet article, ils seront tenus de
l’employer à l’avantage commun de ladite ville, comme par exemple aux réparations
des rues, places publiques, des fontaines, des ponts et autres choses
semblables ; et si ce qu’on aura volé dans les lieux susdits vaut plus de
12 deniers, le voleur sera condamné en 10 sols d’amende envers nous, et si
c’est de nuit que le vol a été fait, l’auteur d’icelui sera condamné en 30 sols
d’amende envers nous, avec restitution de dommages au proprietaire. Si un bœuf,
une vache ou quelqu’autre grosse bête entrent dans les jardins, preds ou vignes
d’un autre, le maitre d’icelles payera trois deniers d’amende aux consuls de la
dite ville, de même pour un cochon et une truye, et si c’est deux chevres ou
deux boucs, un denier, dont l’emploi en sera fait comme dessus, sans préjudice
du dommage que le maitre des bestiaux sera tenu de payer au propriétaire des
jardins, preds ou vignes où aura été fait le dégat.
23 Item
quiconque tiendra faux poids, fausse mesure, ou fausse aune, s’il est
convaincu, sera condamné en 60 sols d’amende.
24 Item
pour la demande d’une chose due, d’une convention, ou de quelqu’autre contrat
que ce soit, si le débiteur en convient du premier jour de l’instance, en
presence de notre baillif, il ne sera tenu en aucune amende envers nous, mais
le baillif l’obligera à executer sa promesse dans les neuf jours de la demande,
et si le debiteur n’obeit dès ce moment, il sera condamné en 2 sols d’amende
envers nous.
25 Item
pour toute action simple portée en justice, où le deffendeur aura demandé
delai, qui lui aura été accordé, s’il ne paye pas après l’échéance d’icelui, il
nous payera 5 sols d’amende.
26 Item
celui qui manquera de se rendre au jour qui lui aura eté assigné parnotre
baillif, sera condamné en 2 sols 6 deniers d’amende envers nous et aux dépens
envers sa partie.
27 Item
notre baillif ne doit point recevoir de caution, jusqu’à ce qu’il ait fait
faire raison à la partie qui a obtenu en cause.
28 Item
ceux qui intenteront procès pour des immeubles, sans préalablement en avoir
obtenu permission, seront condamnés en 5 sols d’amende envers nous, et aux
dépans de sa partie adverse.
29 Item
dans toute demande judiciaire, où le demandeur se trouvera sans preuve, icelui
demandeur sera condamné en 5 sols d’amende envers nous, et aux depans de sa
partie adverse.
30. Item
le marché de ladite ville demeure fixé au me(r)credi de chaque semaine, auquel
jour il nous sera payé, pour droit de l’aide un denier pour chaque bœuf vache,
cochon, ou truye d’une année et au dessus, qui se vendront dans ledit marché,
et ce par le vendeur ; si c’est un ane ou une anesse, un cheval ou une
jument, un mulet ou une mule d’un an ou au dessus, si le vendeur est un
étranger il nous payera pour chaque tête 2 deniers, si c’est un citoyen, il ne
payera rien. D’un mouton, d’une brebis, d’une chevre ou d’un bouc, il nous sera
payé pour chacun une obole, d’une salmate ou saumée de bled, un denier, d’une
émine une obole avec le droit de mesurage, s’il ne s’agit que d’une cartiere de
bled, on ne donnera rien ; pour la charge d’un homme de verre, on donnera
1 denier, ou un verre valant 1 denier ; pour la salmate de gros cuir, on
payera deux deniers, s’il ni a que la charge d’un homme, ou qu’il ne s’agisse
que d’un gros cuir, on payera seulement un denier ; pour la salmate de fer
ou d’étofe de laine, on payera deux deniers pour toutes sortes de
clincailleries, de couteaux, de faux, de serpes, de poisson salé et autres
choses semblables, chaque forain payera pour droit d’entrée les jours de marché
ou de foire, 2 deniers pour chaque charge de cheval ou salmate, et s’il ne
s’agit que de la charge d’un homme, il ne payera qu’un denier, pour une charge
de cheval de cruches, pots ou plats de terre etc., il sera payé un denier, et
pour la charge d’un homme, une obole.
31 Item
il y aura tous les ans des foires dans ladite ville savoir à chaque fête de la
Bienheureuse Vierge Marie et le lendemain immediatement à chaque jour de la
fête de St Front du mois d’octobre, et le lendemain immediatement, tout comme
le mardi le plus près d’après la fete de la Penteote ; et chaque marchand
étranger ayant une ou plusieurs balles, nous payera pendant lesdites foires,
pour droits d’entrés, de sortie ou de banc, 4 deniers ; et pour une balle
faisant la charge d’un homme, qu’elles marchandises que ce soit, il nous sera
payé 1 denier ; pour ce qui est des choses qui seront achetées pour l’usage
de la maison d’un autre, il ne nous sera rien payé.
32 Item
quiconque voudra construire ou acheter un four dans ladite ville, pourra le
faire, et s’en servir à l’usage de sa maison, ou pour faire du pain à vendre,
en nous payant chaque année, à la fête de St Luc, 5 sols de rente, et autant
d’accapte à toute muance de seigneur.
33 Item
tous les contrats qui seront retenus par un notaire de ladite ville auront la
même force et autenticité que les autres contrats publics.
34 Item
nous declarons par ces presentes, sauf le droit d’autrui, et le notre qui nous
demeure, reservé à nos successeurs, que dans l’arrondissement de la
jurisdiction de ladite ville, et ses appartenances, seront et demeureront
compris le chateau de Clermont avec sa justice, appartenances et dependances,
le chateau de Monclard, avec sa justice, droits et appartenances, le chateau de
Longuas avec sa justice, droits et appartenances, le chateau de [….] avec sa
justice, appartenances et dependances, jusqu’au ruisseau appelé à La Louyre, le
chateau de Vergt avec sa justice, droits et appartenances, le chateau
d’Estissac avec sa justice, droits et appartenances, le chateau de Roussille
avec sa justice etc., la paroisse et bourg de Bassac avec ses appartenances, le
bourg et paroisse de Grun avec ses appartenances, le bourg et paroisse de St
Maime de Pereyrol avec ses appartenances, le bourg et paroisse de St Amand, les
bourgs et paroisses de Montaignac de Campsegré, de St Julien, de Campagnac et
de Belleymas avec leurs appartenances ; et tous ces lieux avec les droits
et prétentions que nous avons ou devons avoir sur iceux chateaux, bourgs,
paroisses et leurs appandances et dependances.
En
témoignage et assurance de tout quoi, nous avons jugé à propos de faire apposer
le cachet de nos armes aux presentes lettres, pour les rendre plus
authentiques. Donné au mois de novembre l’an de notre seigneur 1286 par la main
de notre venerable père Reymond evéque de Bath et de Wells notre chancelier, la
15e année de notre regne. Apres quoi est écrit : cette bastille
fut faite par Jean de Greyli lors senéchal dans le duché de Guyenne. (Jean de
Grailli)
(1) Edouard Ier, roi d’Angleterre de 1272 à 1307.
(2) Obligation d'être présent personnellement en justice.