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Extrait du Bulletin SHAP Tome 71 (1944)

(2èmre livraison pp. 98 et suiv.)

 

NOUVELLE NOTE SUR LA PRISE DE DOMME

(1347).

La prise de la ville de Domme, le 31 mai 1347 L[1] est un des faits saillants de la première phase de la guerre de cent ans en notre pays, puisqu'elle marque le dernier progrès de l'offensive du comte de Derby sur le sol périgourdin. Le document qu'on lira ci-après, et dont nous avons trouvé copie aux archives du Lot (série F, n° 27), parmi les papiers de l'érudit Léon Lacabane, nous apprend que la ville seule était tombée aux mains des Anglais. Le château royal et ceux de Domme-vieille avaient pu résister aux assauts, et leur défense fut confiée à un même capitaine, Jean de Varennes, par le sénéchal de Périgord et Quercy. C'est à ce sénéchal, Guillaume de Montfaucon -[2], que revient l'honneur d'avoir endigué la poussée ennemie et organisé la contre-offensive qui aboutit, vers Pâques 1348, à la reprise delà ville de Domme. On savait déjà quelle avait été son activité à Gourdon, dont il avait galvanisé les défenseurs, et où il avait opéré le rassemblement des hommes de la sénéchaussée 3[3]. Le mandement du roi Jean, du 21 octobre 1351, permet d'ajouter quelques détails à ce tableau, et nous fait saisir sur le vif l'esprit d'initiative du sénéchal. Livré à lui-même, sans aucun secours du roi, il n'hésita pas à financer de ses propres deniers, et pendant plusieurs mois, l'organisation et l'entretien de la défense des châteaux de Domme. Deux ans après la mort du sénéchal, son héritier, n'étant pas encore remboursé, s'en plaignit au roi, qui mande à ses trésoriers des guerres de lui donner satisfaction[4].

J. P. Laurent.

« Jehan, par la grace de Dieu, roys de France, a noz amez et feaulz trésoriers des guerres et à leurs lieuxtenans, salut et dilection. Donné nous a à entendre Jehan de Montfaucon, filz et hoir de feu Guillaume de Montfaucon, chevalier, jadiz seneschal de Pierregort et de Quercin que comme, pour garder et résister les anemis qui avoient occupé et pris par trayson toute la ville du Mont-de-Dome. excepté le chasteau dudit lieu, et pour eschiver les perilz qui s'en povoient ensuivre, et pour la défense du pays, il eust establi etordené Jehan de Varennes, escuier, capitaine dudit chastel et des chasteaulx de Gilebert de Dome et de Amalvin Bonnefous qui joignent à la dite ville, à certain nombre de gens d'armes et de pié aus gaiges acoustumez, et eust promis et enconvenancié audit capitaine, avant qu'il voulsist prendre la garde des diz chasteaux, de li administrer et bailler chascun moys, pour les nécessitez de li et de ses dites genz, certaine quantité de vivres, de liz, d'artilleries, et pour soustenir, rappareillier et mettre en bon estat les engins pour giter en ladite ville, et pour plusieurs autres choses nécessaires pour la garde et tuition d'yceulx, et avec les diz gaiges acoustumez, si comme es lettres dudit feu Guillaume fuites sur ce est plus à plain contenu, et ledit feu Guillaume eust baillié et délivré au dit capitaine les vivres et autres choses accessoires par la manière que dit est, pour cinq mois continuelment que ledict capitaine [eust] et tint la garde des diz chasteaux, qui montent pour le temps dessus dit à 3830 livres tournois, monnoie courant pour le temps, si comme il dit apparoir par lettres de recognoissance dudit Jehan de Varennes, qui de ce s'est tenuz par paiez, laquelle somme le dit feu seneschal paia et agréa du sien propre à ceulx de qui les dites choses estoient prises, en partie, et du demorant s'obligea envers plusieurs personnes à qui il est encores deu, et combien que le dit suppliant vous eust requis que ladite somme vous lui re[n]dissiez ou meissiez en ses comptes, par devers vous, en la manière que son dit feu pere l’avoit paiée, toutevoie vous on avez esté refusant, en grant préjudice et domage dudit Jehan filz du dit feu Guillaume, si comme il dit. Pour quoy, Nous, en considération aus choses dessus dites et au bon portement que le dit feu Guillaume fist, comme il vequit, es guerres, vous mandons, et à chascun de vous, que ladite somme d'argent paiée et agréée par son dit feu pere, par la maniére que dit est, por les diz vivres et autres choses dont il vous apperra par les lettres des diz Guillaume et Jean de Varennes, voua alloez ès comptes du dit feu Guillaume, et de ce qui par fin de compte li sera deus, bailliez cédule ou escroe au dit Jehan son filz, non obstant ordenances ou défenses faites ou à faire au contraire; quar ainsi le voulons nous estre fait de grâce especial. Donné a Paris, le XXIe jour d'octobre, l'an de grâce mil CCC LI. »

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[1] Cf. Dessales, Histoire du Périgord, t. II, 1885, p. 215. — J. Maubourguet, Le Périgord méridional..., t. I, 1926, p. 287-8. — La date précise nous est connue depuis la découverte, par M. Géraud Lavergne, d'un précieux fragment du compte de la recette ordinaire de Périgord pour l'année 1348 : cf. Bulletin, t. XLI, 1914, pp. 287-288.

[2] Guillaume de Montfaucon, seigneur de Varderac, succéda comme sénéchal de Périgord et Quercy à Henri de Montigny, après la bataille d'Auberoche (21 oct. 1345) où celui-ci avait probablement trouvé la mort (Froissard, éd. Luce, t. III, p. xiii, n. 2 et p. xvii, n. 3. Il fut institué capitaine pour les mêmes pays, le 27 mars 1346 (Histoire générale du Languedoc, éd. Privat, t. IX, p. 594, note), et garda le commandement jusqu'après le 31 mars 1349 (Journaux du trésor de Philippe VI, éd. J. Viard, n° 3493). Il était remplacé comme sénéchal, dès le 6 avril suivant, par Olivier de Laye, et était déjà mort au mois de septembre de la même année (cf. G. Marmier, dans Bulletin, t. V, 1878. p. 100, n. 8).

[3] Cf. R. Balit, Gourdon, les origines, les seigneurs..., 1923, pp. l56-7.

[4] Ces lettres, dont l'original se trouvait dans les archives du château de Chaumont en Charolois, appartenant au marquis de la Guiche, vers 1830, ne sont pas absolument inconnues. Lacabane avait, en effet, cornmuniqué sa copie à Lascoux qui la mentionne dans ses Documents historiques sur la ville de Dome, 1836, p. 22 et p. 72, n. 13, avec, au reste, une erreur sur la date. Mais elles méritaient, croyons-nous, de ne pas rester inédites.