<<Retour

Source: Bulletin SHAP, tome XIII (1886), pp. 356-384

 

ÉTUDE HISTORIQUE SUR GRIMOARD DE MUCIDAN

abbé de brantôme et de saint-cybard, évêque d'angoulême (991-1018)

I

0 res mirabilis ! se seraient exclamé les anciens. Quelle chose curieuse que la façon dont on écrit le plus souvent l'histoire ! Un chroniqueur, personnellement froissé par le personnage dont il relate les actes, prononce sur lui un jugement un peu sévère. Peut-être sa plume a-t-elle été au-delà de sa pensée ; peut-être même ce jugement qui est l’épanchement d'une aigreur mal contenue se trouve-t-il en contradiction directe avec les faits énoncés; la sentence n'en est pas moins rendue et n'en portera pas moins de graves conséquences.

En effet, voici qu'autant de fois le chroniqueur en question sera pillé ou simplement consulté, et autant de fois son appréciation personnelle, qui emprunte à sa contemporanéité la couleur de la notoriété publique dont elle est souvent loin de refléter seulement la nuance, autant de fois, dis-je, cette appréciation personnelle sera rééditée, grossie, enflée, si bien qu'après quelque temps, quelques siècles si l'on veut, le roquet sera devenu un gros dogue, sinon éléphant ou mammouth.

Tel est l'exemple que nous procure l'histoire de Grimoard de Mucidan, successivement abbé de Brantôme et de Saint-Cybard, puis évêque d'Angoulême de 991 à 1018.

Deux chroniqueurs du XIe siècle nous ont transmis sur la vie de ce personnage, auquel revient l'incomparable honneur de la construction de la cathédrale romane d'Angoulême, quelques notes, un simple aperçu de sa vie.

L'un de ces chroniqueurs poussa l'humilité jusqu'à laisser ignorer son nom. Son œuvre, connue sous le titre de Manuscrit de Verteuil (Codex Vertoliensis) jouit, à bon droit, d'une grande réputation d'exactitude. Le P. Labbe l'a publiée dans le tome II de sa Nova bibliotheca manuscriptorum librorum, sous le titre de : Historia pontificum et comitum Engolismensium. Voici le texte du chapitre XXIII de cette chronique :

De Grimoardo episcopo. Cathedram vero illius Grimoardus episcopus accepit…

Grimoardus iste oblationes ecclesiae Engolismensis, et mansum de Tournac ecclesiae praedictae acquisivit ; et insuper quaedam praebanda cuidam pauperi in ecclesia praedicta pro anima ejus datur. A quo etiam ecclesia cathedralis Engolismensis consecratur ; per quem Hugo, rex Francorum privilegium cathedrali ecclesiae Engolismensi dedit. Cujus tempore, quidam de principibus Engolismensibus Wadradus Loriches aedificavit in Xantonico pago monasterium Basience in honore sancti Stephani protomartyris, et censuale fecit Romanae ecclesiae; consecratur autem ecclesia praedicta a Grimoardo et Islone, fratre eius, Xantonensi episcopo. Grimoardus vero obiens sepultus est in cathedrali ecclesia, juxta altare capituli. In quo capitulo cum maxima hominum multitudo fortuitu conveniret, contigit ut quidam super tumbam ipsius obdormijt ; tertio voce angelica vocatus, tertio evigilans admonitus est, quod a loco praedicto discederet : sub tumba etiam illa quiescebat sancti viri corpus, quod fratribus ecclesiae praedictus homo resarcivit.

L'autre auteur auquel nous devons une notice sur le même personnage est Adémar de Chabannes, dont le livre a été plusieurs fois imprimé sous le titre de : Histoire des Francs.

Voici le texte de cette notice telle qu'on la lit dans la Bibliotheca manuscripta du P. Labbe, tome III :

 

Grimoardus patrie Petragoricensis, Aimerici vicecomitis Mucidanensis et Islonis Xantonensis germanus frater, post Hugonem ad Engolismenses provectus est cathedram, datis muneribus. A Willelmo comite monasterium S. Eparchij expetiit, sibi vendicavit, et per mullos annos sine abbate manere fecit ; pluresque eiusdem monasterij possessiones parentibus suis, et aliis secularibus erogavit et a loco alienavit... Aimerico, germano suo, duci Moxedanensi, donavit in possessionem monasterium Tomolaiense (Tremolatense) quod hactenus semper fuerat in dominio asceterij Eparchiani : et quod pejus, non post multos annos dux Moxedanensis, ducibus suis, quos infernales dicunt, illud jure beneficij concessit ; et ita penitus, ipsa possessio ab antiquo S. Eparchij abalienata est. Lapso aliquo tempore (nescio an divina permanente vendicta) a Guidone Lemovicum vice-comite, quod ei Brantomense monasterium transcribere recusaret, captus est et in carcerem conjectus……….    [1].

 

Il y a, entre ces deux textes, un désaccord tellement frappant que le premier sentiment, lorsqu'on s'est assuré qu'ils se rapportent au même personnage, est celui d'une vraie stupéfaction, d'un profond étonnement. Quelle distance, en effet, entre cet évêque généreux et charitable du premier texte, ce pieux prélat dont le ciel révèle par trois fois la sainteté, et cela par la voix de son ange, et ce quasi simoniaque, ce cupide qui emploie les présents pour se faire donner des bénéfices ecclésiastiques et dilapide ou distribue aux membres de sa famille les biens et les droits de ces bénéfices.

Ce premier étonnement s'accroît encore lorsque l'on a fait une connaissance plus intime avec le personnage, et alors, ce qui paraît le plus étrange, c'est qu'il ne se soit pas trouvé, jusqu'ici, une plume pour protester contre le témoignage du moine Adémar, une voix pour rendre au nom de Grimoard un lustre si longtemps terni.

Examinant donc les choses de plus près que ne l'ont fait jusqu'ici les historiens qui ont écrit l'histoire de nos évêques, je vais, après l'étude de ses actes authentiques et incontestés, établir un rapprochement entre Grimoard de Mucidan et l'auteur du second texte, convaincre ce dernier d'erreur flagrante et découvrir dans son récit l'influence d'un sentiment personnel né d'un ressentiment insuffisamment étouffé au fond de son cœur. Cette idée confirmera une fois de plus cette vérité : qu'un historien est toujours mauvais juge de ses contemporains.

 

II

 

Grimoard naquit au château de Mussidan[2] vers le milieu du Xe siècle.

Il était second fils du vicomte Aimeri ou Aimeric, auquel succéda son frère aîné. Il dirigea ses études vers l'état ecclésiastique, et l'évêque de Périgueux, qui reconnut en lui de précieuses qualités, l'appela de bonne heure à siéger dans son conseil comme chanoine et, peu après, lui donna l'abbaye de Brantôme[3] .

Le don n'était pas des plus brillants.

Ce monastère[4], de fondation si ancienne, que son histoire va plonger dans la nuit des temps, avait été complètement ruiné par les incursionnistes du IXe siècle, et c'est à peine si depuis quelques années, avec le retour de la paix, les religieux de Brantôme commençaient à recouvrer leurs biens antérieurs, dont le comte de Périgord, Bernard de Taillefer, restitua la plus grande partie.

La sage administration du nouvel abbé permit cependant de reconstruire l'église et le cloître[5], et les bons rapports qu'il sut entretenir avec les comtes de Périgord, Arnaud Vorax[6], Boson le Vieux et son frère Aldebert Ier comte de la Marche et du Périgord, ne contribuèrent pas peu au retour de la paix dans l'abbaye de Brantôme.

En ce temps venait de s'allumer, au sein de la maison des Taillefer, entre la branche d'Angoumois et celle de Périgord, une querelle des plus ardentes[7]. Les fils de Bernard ne voulurent pas reconnaître à Arnaud Taillefer, « qu'ils prétendaient enfant naturel de Guillaume, » son droit à la succession au comté d'Angoulême, et firent maintes tentatives pour s'emparer soit de lui, soit de ses terres. La confusion qui existe dans l'histoire de ces temps ne permet pas de faire le jour sur cette affaire. Peut-être, plus tard, des documents venant à être retrouvés, notre Grimoard nous sera révélé comme le diplomate, ou tout au moins l'instrument politique de la réconciliation entre les deux branches de cette puissante famille des Taillefer : mais ne préjugeons pas et continuons à marcher dans la voie plus sure du connu, en constatant qu'au moment où se conclut la paix, et comme pour ratifier le traité qui fut alors signé, le comte d'Angoulême fit à l'abbé du plus important monastère du Périgord présent de la plus riche abbaye de l'Angoumois. Grimoard de Mucidan, abbé de Brantôme, fut nommé abbé de l'abbaye royale de St-Cybard, à une date qui ne nous est pas indiquée d'une manière précise, mais que nous pouvons supposer, avec les auteurs du Gallia Christiana, proche de l'année 982[8], puisqu'en cette année, il dispose en cette qualité « de ladite abbaye de Trémolac[9], en faveur de son frère Aymeric[10]. »

Le nouvel abbé de St-Cybard laissait la prospérité à l'abbaye de Brantôme. Il était loin de la retrouver dans sa nouvelle charge. L'abbaye de St-Cybard, nominalement très riche, souffrait en effet, depuis déjà quelque temps, des querelles continuelles qui ruinaient les seigneurs de cette époque et désolaient leurs voisins.

Comment Grimoard géra-t-il les intérêts de ce monastère ? Nos archives ne nous le révèlent point, mais il est à croire qu'il sut s'y distinguer par les qualités d'un sage administrateur, puisqu'en 991, l'évêque d'Angoulême, Hugues de Jarnac, ayant volontairement donné sa démission d'un siège dont le trésor avait été si complètement absorbé dans ses guerres et ses intrigues, que la cathédrale, détruite par l'incendie de 981, était encore ensevelie dans ses décombres, l'Église d'Angoulême jugea ne pouvoir placer son gouvernement en meilleures mains que celles de l'abbé de St-Cybard. Grimoard fut nommé évêque d'Angoulême[11].

Je place ici une observation.

Sur quels fondements Adémar de Chabannes et les traducteurs ou compilateurs de ses chroniques appuient-ils leur affirmation que Grimoard employa la brigue pour arriver à l'épiscopat et qu'à force de présents datis muneribus, disent-ils il obtint du comte Guillaume l'abbaye de Saint-Cybard ?

Guillaume de Taillefer ne succéda à Arnaud qu'après la mort de celui-ci, c'est-à-dire après le 4 mars 992. Or, Grimoard était, on vient de le voir, abbé de St-Cybard depuis 982 et évêque d'Angoulême dès 991. Le chroniqueur, aveuglé sans doute par l'antipathie qui lui fait dire de l'abbé de St-Cybard « qui monasterii destructor fuit, » a commis ici un anachronisme que je relève au passage.

Grimoard se trouva donc à la tète d'un vaste diocèse moralement désolé et financièrement ruiné par la lutte infructueuse soutenue par son prédécesseur contre les comtes d'Angoulême. Hugues de Jarnac avait, en effet, formé l'inconcevable projet d'unir à son évêché le comté d'Angoulême et de voir ainsi disparaître la rivalité de seigneur à évêque dont la question revenait trop souvent assombrir l'horizon de nuages orageux. Voici le tableau saisissant que le chroniqueur de Verteuil nous trace du diocèse d'Angoulême en ces temps lamentables :

 

«... Qua de causa, bona ipsius ecclesiae distrahens, maximam partem in Lemovicensi, Petragoricensi, Santonens, et Engolismensi, baronibus qui in pradicta seditione ei auxilium praebebant impendit, sic que ad tantam alienationem bonorum et ad tantam loci desolationem versa est cathedralis ecclesia, ut pauci monachi ibi Deo servientes, de bonis ecclesiae, vix sustentari possent. Quod autem essent hic tunc monachi apparet, quod cymbalum in claustra et alias monasticas consuetudines ecclesiae Engolismensis adhuc retinet[12]. »

 

Mais le manuscrit de Verteuil, qui nous représente ici les quelques moines de St-Pierre[13] ayant de la peine à vivre des revenus échappés aux distractions de Hugues Ier, oublie de nous dire que le 18 février 981, un immense incendie avait dévoré une grande partie delà ville d'Angoulême, l'église mère et tout le monastère de l'apôtre St-Pierre[14] et trois autres églises[15], et que ce fut lorsque l'évêque Hugues se vit dans l'impossibilité matérielle de réparer ce désastre, qu'il se déposa de lui-même et se retira à l'abbaye de St-Cybard, où il mourut en 991 et fut enseveli comme un simple moine « sine virga et annulo[16] ».

Grimoard entreprit vaillamment la grande œuvre de la reconstruction de sa cathédrale ; il la poursuivit avec une généreuse constance et eut la consolation de la mènera bonne fin et d'en faire la consécration avant sa mort.

Une belle portion de l'église par lui construite subsiste encore[17] aujourd'hui, savoir : les deux tiers de la façade actuelle qui disparait en grande partie sous les sculptures qu'y ajouta le restaurateur du XIIIe siècle et toute la première coupole. Dans un but de symétrie que je ne saurais louer, on a cru utile, lors des récentes réparations (1867-1873) de la cathédrale, d'appliquer sur les arcs doubleaux et leurs pieds-droits nus qui caractérisaient si bien le travail du Xe siècle, d'autres arcs doubleaux en plein cintre reposant sur les chapiteaux historiés de colonnes cylindriques engagées d'un quart dans les piliers. Cette addition est un anachronisme qui rend difficile la comparaison entre la travée subsistante des constructions de Grimoard et celles des grandes restaurations de Girard et d'Itier Archambaud.

Grimoard n'eut pas à aller chercher au loin le type de sa cathédrale. Il la voulait de construction solide, de forme grandiose, d'aspect digne ; il emprunta tous ces caractères à l'abbatiale de St-Front de Périgueux en cours de construction. Chanoine au chapitre de St-Etienne et abbé de Brantôme, il avait assisté à la pose de la première pierre de la grande église de Périgueux; il en avait étudié les plans avec Frotaire de Gourdon, cet ami, ce père que la mort lui ravit l'année même de son élévation à l'épiscopat. Comme plan, on conserva à la nouvelle cathédrale d'Angoulême la forme de l'église détruite, c'est-à-dire celle d'un parallélogramme orienté, terminé par un hémicycle[18]. Trois coupoles à la suite les unes des autres, dont la retombée des voûtes, ici comme à Périgueux, vient rejoindre une arcature reposant sur un entablement qui couronne de simples pieds-droits formant contrefort ou saillie sur le mur. Ces coupoles sont moins élevées qu'à St-Front, elles ne sont point montées sur un tambour ajouré, et l'extérieur comme l'intérieur offre simplement l'aspect d'une calotte dont le rebord repose directement sur la corniche. L'édifice ne reçoit dès lors la lumière que de baies percées dans le mur. J'aurai l'occasion de faire ressortir cette particularité comme caractéristique de l'école angoumoisine dans l'architecture romano-byzantine[19].

Cependant, comme le dit bien M. de Verneilh[20], les caractères de ressemblance entre St-Front et St-Pierre d'Angoulême ne sont point accidentels. Le rapprochement de l'un et de l'autre édifice est aussi concluant que le rapprochement entre Saint-Pierre et Fontevrault, construits non plus seulement sur le même plan, mais d'après les mêmes épures.

Grimoard poursuivit son œuvre avec une rapidité presque incroyable, et moins de 18 années lui suffirent pour achever sa magnifique cathédrale, qui fut consacrée l'an 1015, au milieu de réjouissances les plus brillantes, par Seguin, archevêque métropolitain d'Aquitaine, et Islon, évêque de Saintes[21].

Avec quelles ressources l'évêque d'Angoulême avait-il pu conduire une si grande entreprise ?

Sa fortune personnelle dut y être pour quelque part respectable ; les largesses de son ami le comte d'Angoulême purent lui fournir un bel appoint, mais cela n'eût pas suffi. Aussi Grimoard y ajouta-t-il l'excédent des revenus de la mense abbatiale de Brantôme et de celle de St-Cybard ; c'est dans ce but qu'il conserva le titre d'abbé de ces deux monastères autant, ou à peu près, que durèrent les travaux de construction de St-Pierre. Voici bien le grief que ne lui pardonnera point le moine Adémar de Chabannes.

« Ce monastère (de St-Cybard), disent avec lui ses traducteurs, fut pendant plusieurs années sans abbé régulier » ; mais ils se gardent d'ajouter où passaient les revenus de cette charge. En effet, la justice eût au moins exigé qu'Adémar fit mention de l'œuvre immortelle de Grimoard. Il se tait sur ce point. Et Vigier de la Pille et M. Michon, qui cependant, ainsi que je le prouverai plus loin, avaient connaissance du manuscrit de Verteuil et des autres sources que je consulte ici, sont également muets sur ce fait, qui leur eût créé de l'embarras en mettant leurs conclusions en désaccord avec eux-mêmes.

Mais quel est le mobile qui peut avoir porté Adémar de Chabannes qui, lui, connaissait l'emploi des revenus de Grimoard, à blâmer cet évêque et à l'accuser de la ruine de ce monastère dont il était membre ? Pourquoi l'a-t-il gratuitement déclaré coupable ? Pourquoi ? Mais parce que lui, Adémar, issu d'une noble famille du Limousin, et dont l'oncle maternel, Turpin d'Aubusson (mort en 944), avait occupé le siège épiscopal de Limoges, Adémar, élevé dans le monastère de St-Martial de Limoges par deux autres oncles[22], fort en faveur auprès du vicomte de Limoges, devint moine de St-Cybard à une époque où ce monastère n'avait d'autre abbé que notre Grimoard, ce dont les religieux n'étaient pas pleinement satisfaits. Adémar était jeune[23] et les doléances des autres moines purent fortement peser sur son jugement ; mais le grief d'avoir laissé cette abbaye en vacance, l'aigreur produite parce fait fut aggravée des deux faits suivants auxquels nous allons nous efforcer de donner leur véritable-portée.

1er fait. Grimoard donna à son cousin Aimeric de Mucidan le prieuré de Trémolac, dépendant de l'abbaye de St-Cybard. Et voilà notre chroniqueur et à sa suite tous ses tra­ducteurs qui disent qu'il aliéna une partie des biens de l'abbaye et alla jusqu'à détacher une terre de ce monastère pour la donner à des parents, à des séculiers, croit utile d'ajouter M. Michon[24]. Je n'ai trouvé nulle part l'acte qui permet d'appuyer cette assertion. Donner un bénéfice (j'ai dit plus haut le petit prieuré qu'était celui de Trémolac) à un neveu dans les ordres, était à cette époque, chose assez commune, et il est à croire que cette libéralité fut passée comme inaperçue si dans la suite on n'avait réuni toutes les pièces utiles à l'établissement du procès de Grimoard.

2e fait. Celui-ci est plus personnel à Adémar.

L'un des amis, peut-être un protecteur de sa famille, Guy, vicomte de Limoges, ayant conçu le désir de posséder la riche abbaye de Brantôme, en fit la demande à notre évoque. Celui-ci, auquel pour le coup, on aurait pu adresser le reproche formulé plus haut, et qui avait, nous le savons, d'autres raisons de conserver ce bénéfice, refusa en termes très respectueux. Guy, vrai caractère de seigneur féodal du XIe siècle, rendu furieux par ce refus, s'empara de la personne de l'évêque d'Angoulême et le fit jeter en prison dans le donjon de Limoges (?), bien résolu à le laisser là jusqu'à ce qu'enfin, et pour recouvrer la liberté, Grimoard consentit à souscrire à sa volonté; mais Grimoard «ayant trouvé moyen de s'échapper, s'en alla de ce pas (sic) à Rome[25]. M. Audierne croit que le temps (il dut être très court) et la douleur ayant amené la réflexion(!), l'évêque transigea (avec sa conscience?) et les portes de la prison s'ouvrirent. Mis en liberté, ajoute le même auteur[26], le prélat courut à Rome et fit connaître les procédés du vicomte. »

Le pape fit ajourner les parties à une comparution personnelle qui eut lieu le jour de Pâques, an 1002. Guy, convaincu d'avoir usé de violences corporelles contre un évêque, fut remis aux mains de Grimoard[27] pour être jugé par lui. Cette condamnation, dont l'effet véritable était une excommunication, fit sérieusement réfléchir le vicomte de Limoges. C'est qu'en ces siècles de foi plus vive, la situation matérielle faite à l'excommunié devenait pour lui un véritable supplice. En effet, lorsque, suivant la formule alors usitée, le prélat avait publiquement prononcé la sentence : « In primis iram Dei incurrat et a liminibus sanctae Dei Ecclesiae extorrens existat et cum Dathan et Habiran quos vorago inferni absorbuit particeps efficiat. Sciat se, insuper mucrone Sanctae Dei ecclesiae feriendum, hac in perpetuum vinculo Dei esse dampnatus », il ne se trouvait plus de serviteurs pour la maison de l'excommunié, ni de serfs pour faire valoir ses terres, ni de parents ni d'amis pour lui faire visite et habiter sous le même toit. L'excommunication encourue par l'acte, ipso facto, ne retenait point toujours dans la voie de la justice, mais la fulmination avait une influence très puissante.

Peut-être le repentir de Guy fut-il déterminé par des considérations d'un ordre supérieur et moins matériel, toujours est-il constant qu'il fit avec Grimoard une paix durable. Pour compensation des mauvais traitements qu'il lui avait fait endurer, le vicomte de Limoges donna à l'évêque d'Angoulême « la terre de Jarnac et tous ses droits sur ycelle[28] ».

A leur retour de Rome, et comme gage de tout oubli du passé, Grimoard sacra, en sa cathédrale d'Angoulême, le frère de Guy, Adémar, qui venait d'être élu évêque de Limoges. Seguin, archevêque de Bordeaux, les ducs de Gascogne et de Guyenne et le comte Guillaume de Taillefer assistèrent a cette cérémonie.

Grimoard avait, les textes déjà cités nous l'ont appris, un frère Islon qui occupa dignement le siège épiscopal de Saintes de 1002 à 1040, dit M. R. de La Batut[29] ; mais nous allons voir que nous avons des raisons de croire qu'il était évêque de Saintes bien antérieurement à cette époque.

D'un caractère également entreprenant, son zèle trouva un vaste champ d'exercice dans sa ville épiscopale, qui n'avait, pas plus que celle d'Angoulême, trouvé grâce devant les ravages des Normands. Sa cathédrale, une fondation de Charlemagne, avait eu cependant le bonheur d'échapper au feu des barbares. Il fallut qu'Islon la vit dévorer par l'incendie de 1030 et fût privé de la consolation de la reconstruire. Ce n'est que 80 ans plus tard que son successeur, Pierre de Confolens, put commencer et conduire à bonne fin, en moins de 10 ans les travaux de sa reconstruction.

Durant toute leur vie, les deux frères ne cessèrent d'entretenir les plus amicales relations. Ils se visitèrent souvent et s'invitèrent mutuellement aux cérémonies dont ils voulaient relever la grandeur et la pompe par la présence d'un pontife voisin. La plupart des actes importants de notre Grimoard portent, à côté de sa signature, celle de l'évêque de Saintes, et celui-ci avait, dès 993, appelé son frère Grimoard à la consécration du prieuré de St-Germain de Nercillac. II l'avait, nous l'avons vu, accompagné lors de son voyage à Rome, en 1002. Nous savons qu'ils y trouvèrent Werdrade, le jeune seigneur de Jarnac, dont le voyage avait un double but : d'abord un pèlerinage au tombeau des saints apôtres, ensuite l'exécution d'un vœu formé par lui et son épouse Rixende, de construire sur ses terres un monastère richement doté, en actions de grâces de la naissance de ses deux enfants.

En même temps qu'eux se trouvaient à Rome divers grands personnages de la contrée. (On se souvient que l'ajournement de Grimoard et Guy avait eu lieu au temps de Pâques, époque à laquelle les pèlerins affluaient à Rome.) Wardrade profita de leur présence et de celle de son évêque pour présenter au Pape la charte de cette fondation.

Il est dit dans cet acte que l'évêque Islon a, lui-même, tracé les fondements de ce monastère qui est aujourd'hui décemment achevé et dans lequel sont déjà installés les religieux[30]. J'ai donc raison de dire qu'Islon était évêque avant 1002.

Peu après leur retour, les deux frères firent la consécration de l'église de cette nouvelle abbaye à la tête de laquelle ils placèrent un moine de St-Cybard, Aymard Ier. En reconnaissance de cette faveur, Wardrade donna à l'abbaye de St-Cybard le prieuré de St-Romain de Triac et divers droits sur les terres de Bassac.

De son côté, Grimoard appela son frère à Angoulême pour la consécration de sa cathédrale (1015), cérémonie qui fut rehaussée de la présence du primat d'Aquitaine[31], Seguin, archevêque de Bordeaux.

L'hypothèse est un terrain peu sûr, prohibé à l'historien, et j'ai dit en commençant qu'il nous est parvenu bien peu de chose des faits authentiques du pontificat de Grimoard, aussi dois-je forcément être bref et n'aurai-je point le plaisir de dépeindre ici les magnifiques fêtes de la dédicace de Saint-Pierre en 1015.

Le cartulaire de l'évêché d'Angoulême, Liber fœodorum [32], contient seulement la copie de cinq pièces se rapportant à l'administration de Grimoard. Il en ressort un avantageux argument en faveur de la générosité de ce père pour son église.

Je ne puis me dispenser d'en donner le texte à la suite et comme pièces justificatives de cette étude.

La première de ces pièces[33], qui paraît être la dernière en date, feuillet 7e, verso, du Liber fœodorum, est une donation faite par Grimoard à la communauté de St-Pierre d'Angoulême (lisez au chapitre cathédral) d'une maison et d'une pièce de vigne proche de la ville.

La deuxième[34], feuillet 8 e, verso, signée de lui et de son frère Islon, contient une fondation faite en faveur de l'autel de St-Pierre et de ceux de Si-Michel et St-Etienne, en la cathédrale d'Angoulême.

La troisième[35], feuillet 42 e, verso, également signée de lui et d'Islon, évêque de Saintes, est une donation qu'il fait aux mêmes autels, de sa maison de Tornac et des cens qui y sont afférents.

La quatrième[36] pièce, transcrite au verso du 95e feuillet du même livre, est la confirmation de la précédente avec quelques nouvelles dispositions.

Enfin, au feuillet 39e du même cartulaire est une donation faite entre les mains de Grimoard, en faveur de la cathédrale d'Angoulême, par Itier de Chadurie[37]. Cette donation consiste dans un alleu situé sur le territoire de Toulzac, au diocèse de Saintes.

Dans la copie du cartulaire de St-Amand-de-Boixe, copie dont M. Castaigne[38] a donné une très juste appréciation en disant qu'elle a été « faite par un ignorant qui connaissait à peine les premiers éléments, non-seulement de la paléographie, mais même de la langue latine, » on trouve la copie d'une charte intitulée : Incipiunt cartae de terris ecclesiae Sancti-Andreae de Engolisma, commençant ainsi: « Notum sit tam praesentibus quam futuris placitum quod habuimus, ego Grimoardus, abbas Sancti-Amantii et fratres nostri monasterii, prius ante Wulgrinum comitem Engolismensem, postea vero autem Dominum episcopum Grimoardum de terra illa quae vocatur Lunissa quam juris monasterii Sancti-Amantii et ecclesiae Sancti-Andreas de Engolisma esse in cartis nostris ….. etc. »

Les erreurs du copiste sont tellement fréquentes et grossières que les contre-sens et les barbarismes rendent indéchiffrable cette pièce qui eût eu pour nous un double intérêt, puisqu'en nous fournissant un acte de plus de l'administration de Grimoard, elle eût jeté un jour nouveau sur l'histoire de notre vieille église de St-André, dont les titres anciens ont tous disparu.

Nous retrouvons l'évêque d'Angoulême et son frère l'évêque de Saintes assistant leur ami Raoul de Couhé, évêque de Périgueux[39], à la cérémonie de consécration de l'église de St-Astier (1013).

Grimoard mourut en 1018[40] après vingt-sept ans d'un laborieux épiscopat, parsemé de nombreux actes glorieux. Durant ce grand quart de siècle, de nombreuses fondations dues à la générosité de pieux seigneurs semèrent sur le sol de son diocèse les prieurés et les monastères. Ces pieuses fondations n'étaient point, comme on l'a dit trop souvent, inspirées par les terreurs de l'approche de l'an mil, mais pour apaiser l'ire de Dieu, rendue manifeste, disent les chroniqueurs du temps, par les épouvantables ravages causés en Aquitaine par le mal des ardents, ce fléau terrible qui ne pardonnait jamais aux victimes qu'il saisissait.

Sur le terme de sa vie, notre évêque s'était imposé une mission pacifique entre Jourdain, sire de Chabannais, qui construisait alors l'abbaye de Lesterps, et Hilduin, évêque de Limoges, successeur du frère de Guy, que nous connaissons. La querelle était envenimée et quels que furent les efforts de notre évêque, efforts que nous ignorons du reste, elle se termina, d'un côté par la mort de Jourdain et de l'autre, par la ruine du château de Beaujeu, appartenant à l'évêque.

Il se fit, aux funérailles de Grimoard, un grand concours de peuple, et la chronique contemporaine rapporte qu'un fait miraculeux désigna la dépouille mortelle de cet évêque à la vénération des siècles futurs.

Les auberges ne pouvaient suffire à loger tous les étrangers venus à Angoulême pour rendre un dernier hommage à leur pasteur défunt. Un grand nombre d'hommes durent passer la nuit dans la cathédrale et dans le cloître qui l'entourait. Or, l'un de ceux-ci s'étant endormi sur la tombe à peine fermée de Grimoard, s'entendit appeler par son nom. Les cérémonies de la journée avaient été fatigantes, son sommeil était profond, il ne répondit pas. Une seconde fois, puis une troisième cet appel se renouvela. Réveillé cette fois, il chercha d'où venait la voix qui l'appelait ainsi et, levant la tête, il aperçut un ange qui lui dit : « Ote-toi de dessus cette pierre et respecte cette tombe, car elle renferme les restes d'un saint. »

Celui auquel ces paroles étaient adressées alla aussitôt les rapporter aux chanoines de St-Pierre.

Grimoard fut enterré dans la cathédrale qu'il venait de construire, près de l'autel du chapitre, mais son corps ne demeura guère qu'un siècle en cet endroit, car lors de la reconstruction de cette partie de l'église par Girard (1110), on le transporta sous un arceau au pied du clocher. Ce fut le premier évêque qui reçut la sépulture dans cette église. « Jusque-là personne n'avait eu la pensée de se faire enterrer dans la cathédrale ni dans aucune autre église de l'intérieur de la ville. La loi romaine qui le défendait : in urbe ne sepelito, était très strictement observée à Angoulême comme dans les autres villes de France, comme elle l'était à Paris, même par les rois. Ce ne fut qu'après l'an mil qu'on se relâcha de cette coutume ancienne[41] »

« Cette tombe fut respectée pendant plus de cinq siècles comme celle d'un saint évêque[42]; » elle fut violée, ainsi que la plupart de ses voisines, pendant les troubles de 1502 et 1568, et lorsqu'en 1862 les fouilles faites autour de la cathédrale mirent à nu l'arceau qui la recouvrait, elle fut, hélas ! trouvée vide.

Et maintenant ! plus un monument, plus une inscription apparente pour rappeler un nom qui eût dû être à jamais glorieux pour nous, une vie pleine de dévouement et de zèle qui eût dû nous être un exemple !

Chroniqueur Adémar ! tu ne croyais point aboutir à une telle injustice lorsque tu écrivais ces pages savantes dans lesquelles tu ne sus pas assez te dépouiller de toi-même pour être un historien impartial. Dieu et Grimoard t'ont sans doute pardonné, il ne nous siérait pas d'être plus rigoureux, mais au moins, pouvons-nous émettre le vœu que ton savant biographe efface de la notice qu'il a consacrée à ta mémoire, cette phrase que nous ne pouvons plus lire sans une peine très profonde :

« Il rapporte fidèlement ce qui s'est passé.... [43]»

III

Voici, ce me semble, à peu près établie, la vérité sur l'histoire de Grimoard de Mucidan. Si elle est une conséquence de la connaissance des actes de l'évêque mis en parallèle avec la vie de son historien, si une autre logique, celle des faits, réduit à leur juste valeur les termes de cette histoire, tous ceux qui lisent aujourd'hui les auteurs qui se sont successivement emparés du récit d'Adémar et l'ont tour à tour agrémenté, ne sont point mis à même de rectifier leur jugement et se trouvent perplexes en présence de cette étrange question : Comment un évêque rapace et avare comme Grimoard a-t-il pu construire, édifier cette belle cathédrale d'Angoulême, lui qui s'entendait si bien à dilapider les biens ecclésiastiques ?

Et que l'on ne vienne pas me dire que je grossis les choses et qu'Adémar n'a pas de mots aussi violents que ceux-ci. Ce n'est pas moi qui exagère, ce sont Corlieu, Vigier de la Pille, l'abbé Michon, tous auteurs estimés et dont les ouvrages sont considérés comme classiques de l'histoire de l'Angoumois.

Ces auteurs n'ont pas seulement perpétué un jugement déjà trop sévère, ils l'ont démesurément amplifié.

Voyons d'abord François Corlieu qui, dans la préface de son Recueil en forme d'histoire, nous fait l'énumération des sources auxquelles il a puisé. Au nombre de ces sources, il annonce Aimar de Chabanois [44], en son histoire des François, mais il ne connut point le Codex Virtoliensis, que son neveu et continuateur Gabriel de la Charlonye a déclaré dans la préface de la seconde édition de son livre - 1629 - « que par bonheur i'avois recouuert quelques iours auparaduant du thrésor des maisons episcopales. »

Voici ce que nous lisons à la page 18 de sa réimpression :

« Du vivant du comte Guillaume furent à Engoulesme deux euesques, Grimoard et Roho. Grimoard le fut l'an neuf cens nonante et deux, et mourut l'an mil dix-huict. Il fut aussi abbé de Sainct-Cybard, dont il mesnagea asses mal le temporel et non guerres mieux le spirituel (de ce temps-là, il y auoit de mauvais euesques, aussy bien que maintenant) ……….

……………. ;Quant à Roho, il fut homme de bien. »

 

La traduction du passage d'Adémar est au moins libre, sinon libérale; elle est, jusque dans la dernière phrase, la pensée du chroniqueur passée au travers des verres grossissants de lunettes du xviie siècle.

Vigier de la Pille connaissait, lui, le manuscrit de Verteuil ; il ne dit cependant pas moins :

« Guillaume Taillefer II. 5e comte..................

………………………………………….

Les grands de ce temps-là et les ecclésiastiques n'étaient pas scrupuleux sur la manière d'accorder les bénéfices. Guillaume, gagné par les présents de l'évêque Grimoard, lui donna l'abbaye de St-Cybard. »[45].

 

Un peu plus loin[46], il revient sur ce fait :

« Grimoald...............................................................

»................. Après avoir fait ses études, il obtint à force de présents, du comte Guillaume, l'abbaye de St-Cybard. Ce monastère fut pendant plusieurs années sans abbé régulier. Grimoald en détacha même une terre pour la donner à ses parents. Parvenu à l'évêché, il se brouilla avec Guy, vicomte de Limoges………

Idées stéréotypées sur celles de Corlieu. Ici plus de parenthèse. Toujours la grosse affaire du monastère de St-Cybard sans abbé régulier, c'est-à-dire l'abbaye dont le revenu passe par les mains de l'évêque.

Vigier connaît cependant, nous l'avons dit, le manuscrit de Verteuil ; aussi, pour trouver le moyen de le faire accorder avec sa version termine-t-il par ce paragraphe :

« Corlieu en parle comme d'un mauvais évêque. Le manuscrit de Verteuil en rend un témoignage différent, ce qui fait juger qu'il se convertit avant de mourir. »

 

Cette confession part d'un bon naturel, mais c'est un argument bien facile pour tourner une difficulté, et sans intention de la part de son auteur, il est d'une perfidie redoutable.

Mais ce qu'écrivaient ces historiens de cabinet qui travaillaient d'après les livres, nous éprouvons une vraie peine à le retrouver chez un auteur moderne qui avait à sa disposition, qui consultait les riches dépôts de nos archives et y a si largement, si intelligemment puisé en certaines circonstances que le monde savant lui décerna la réputation de travailleur érudit et consciencieux.

M. J.-H. Michon, dans la Chronique des évéques d'Angoulême qu'il publia au commencement de 1844 et fit placer en tête de la vie de Mgr Guigou, consacre à notre Grimoard les lignes suivantes :

« Grimoard (Grimoardus) était fils d'Aimeri, vicomte de Mucidan, en Périgord. Il employa la brigue pour parvenir à l'épiscopat, dit Aimar de Chabanais - datis muneribus.  » Il obtint de Guillaume, comte d'Angoulême, l'abbaye de Saint-Cybard et la garda plusieurs années sans y nommer d'abbé. Il aliéna une partie des biens de l'abbaye, en les donnant à ses parents et à des séculiers. Il gratifia Aimeri de Mucidan, son cousin, du prieuré de Trémolac, Tremolatense monasterium, qui dépendait de l'abbaye de Saint-Cybard.»

M. Michon ne se contente pas de cette traduction du texte d'Adémar, et dans la Chronique abrégée des évêques d'Angoulême, qui se trouve à la page 87 de la Statistique monumentale de la Charente, il ajoute, comme Vigier de la Pille : « Sur la fin de ses jours, il se repentit de cette conduite peu digne d'un évêque et répara les injustices qu'il avait faites[47]. » Voici une traduction libre de la pensée du moine chroniqueur.

Si M. Michon n'eût connu de Grimoard que ce qu'en dit la chronique d'Adémar, nous lui passerions volontiers ce langage ; mais il suit bien où passaient les revenus de l'évêque d'Angoulême et pourquoi il cumula quelque temps des charges ecclésiastiques, puisqu'il nous dit à la page 277 du même livre que c'est sous son pontificat que fut édifiée la magnifique cathédrale dont la dédicace eut lieu en 1017 (c'est 1015 qu'il aurait dû dire). Il connaît également ses largesses pour sa cathédrale achevée et son soin à lui assurer, par des fondations pieuses, des revenus dignes sinon abondants ; mais pour lui, la formule tout empreinte d'humilité chrétienne par laquelle l'évêque commence ses actes semble n'avoir été prise que comme une marque .le retour sur un passé coupable, « il se repentit et répara les injustices qu'il avait faites. »

M. Michon n’ignore pas davantage le manuscrit de Verteuil. Nous venons de voir que c'est ce livre sous les yeux qu'il a écrit la notice sur Grimoard, témoin la note 1 de la page 86, ainsi conçue : « Le manuscrit, de Verteuil rapporte que Grimoard fut inhumé dans l'église cathédrale, auprès » du grand autel ……» Pourquoi donc l'auteur de la Statistique monumentale passe-t-il sous silence le paragraphe précédent de ce chapitre? Faut-il, après cela, l'accuser de mauvaise foi ?

Loin de moi cette sévérité. M. Michon, embarrassé par la contradiction flagrante entre les textes, a tourné la difficulté dans le sens le plus conforme à la tradition. Il a donné d'autres preuves de son adresse dans ce sens, et il est aujourd'hui admis qu'il traitait un peu légèrement des questions auxquelles il eût du prêter plus d'attention.

J'arrête là mes réfutations. Je néglige de citer les auteurs dont le nom ne fait point autorité ou qui ont écrit dans un esprit de parti pris tellement apparent que le lecteur se trouve de suite en garde contre leurs assertions.

En première ligne de ceux-ci peut être placé le petit livre Angoulème, Histoire, institutions et monuments[48], dont l'auteur a eu moins de souci de la vérité historique et davantage l'intention d'écrire un pamphlet (p. 91 à 110). Il a, du reste, omis d'indiquer les sources auxquelles il emprunte ses citations.

 

IV

 

Pour nous, dont l'opinion est aujourd'hui faite sur l'évêque Grimoard de Mucidan, s'il nous reste encore un devoir à remplir à son égard, c'est d'émettre le vœu que ce nom , si longtemps oublié, soit dorénavant compris par nous dans les justes tributs d'admiration que nous nous plaisons à accorder aux fondateurs et aux bienfaiteurs de la splendide cathédrale d'Angoulême.

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES

l

Donum Grimoardi epi.

Ego Grimoardus eps. in ultimo vite termino constitutus necessitate que mortis compulsus reddo congregationi beati Petri de his quibus usibus meis quasi propriis retinueram. Non tamen iuste quia a quodam viro nomine Gerucio in usibus fratrum cedule ibi dono famulantium sub testamento precepti dimisse sunt hoc est piegera vinearum VI cum domibus in civitate consistentibus. Idcirco hec beato Petro firmiter absque contradictio ne restitutio.

Si vero aliquis quod ….. post me super veniens huic chetioni (cessioni) non cesserit, sed contradicere voluerit hunc sedem potestatem mihi commissam excommunico insuper et a consortio Xrianor. separo et cum his qui dixerunt hereditate possideamus …. hunc anathemale trado hic et pro infinita seculorum secula. Fiat, fiat.

2

De altario Sancti Petri et aliis altaribus et de segrestania.

Grimoardus eps divina ordinante providentia notum sit omnium fidelium Xrianor. presentium et futurorum. Sollertia quia me supranominatus, amore accenso pro remedio animas mee et omnium catholicorum ut pius dominus peccamium nostrum maculas tergere et superius civibus ad scisci dignetur, dono atque dimitto altare aquilisinor. matris ecclesie quod olim fundatum esse videtur iu honore beatissimi Petri apostolorum principe, cum altario Sancto Michaele necnon et Sancto Stephano videlicet et Sancto Hilario et xvi denarios. Hec omnia superius conscripta ad stipendia fratrum ibidem domino militantium ea scilicet conditione ut quandiu in hac luce permansero Nocturnis horis pme. psalmum Davidicum decantare studeant atque in celebrationibus missarum quotidianis diebus proprie missa decantent post discessum qq. meum similimodo sicut mos est defunctor celebrare non desistant et omnibus diebus unum pauperem in helemosinam teneant. Unde etiam libuit super hac reditione hanc meam fieri auctoritatem pqua. volo atque obnuxe principio ut nullus quilibet modernis futurisque temporibus predictum altare de eadem stipendia fratrum una viventium abstrahere aut aliquam calumpniam aut inquietudinem contra istam donationem lacere presumat. Si quis inflatus suasione diaboli hanc quam instatui doctrinam infrangere voluerit, in primis veram Dei omnipotentis incurrat et a liminibus Sancte Domini ecclesie extorrens existat et cum Datan et Abiran quos vorago inferni absorbuit particeps efficiat sciat que se insuper mucrone Sancte Dei ecclesie feriendum hac in perpetuum vinculo Dei esse dampnatum. Ut melius aut firmitius ista teneatur et credatur manibus meis subter firmavi et canonicis ipsius loci adfirmare rogavi et nobilibus laicis firmari similiter disposui tempus per omnem ut dma. capitis ipsius ecclesie coopre. Et gubernare atque exornare procurent. Omnes isti episcopi excommunicatio. affirmant.

Grimoardus, epc.                       Islo, eps.

3

 

In nomine Domini Dei et Salvatoris nostri Ihu-Xri. Grimoardus episcopus divina ordinante providentia. Notum sit omnium fidelium Xrianorum presentium et futurorum sollercia qui a me supmo. amore accenso per remedium anime mee et omnium catholicorum ut pius dominus peccaminium meorum maculas tergere et supernis civibus adsisci dignetur dono atque dimitto altari equalisinor matris ecclesiae qduo olim fundatum esse videtur in honore beatissimi Petri apostolorum princip…… altario Sancto Michaele necnon et Sancto Stephano videlicet et Sancto Ylario cum segrestania, hoc est mansus de Tornaco cum sensu quod est de tritico sextaria xij et vii ii modia vini, scilicet et decima sicut Arnalds de Aladone visus est habere et xvj denarios. Haec omnia superius conscripta ad stipendia fratrum ibidem domino militantium ea scilicet conditione ut quamdiu in hac luce permansero nocturnis horis pro me psalmum Daviticum decantare studeant atque in celebrationibus missarum cotidianis diibus proprio missam decantent post discessum quoque meum simili modo, sicut mos est, defunctorum celebrare non desistant et omnibus diebus pauperem unum in helemosina teneant. Unde etiam libuit michi super hac redicione hanc meam fieri auctoritate per quam volo atque obnixe principio ut nullus quilibus et modernis futurisque temporibus predictu altare de eadem stipendiam fratrum unam inuentur abstrahere aut aliqua calumniam aut inquietudinem contra istam donationem facere presumat. Siquis autem inflatus suasione diaboli hanc quam institui doctrinam infringere voluerit, in primis iram Dei omnipotentis incurrat et a liminibus Sancte Dei ecclesie extorrens existat cum Datan et Habiran quos vorago inferni obsorbuit particeps efficiat. Sciatque se insuper mucrone Sancte Dei ecclesie ferendum et in perpetuum vinculo Dei esse dampnandum. Ut melius autem firmitas ipsa teneatur et credatur, manibus meis subter firmaui et canonicis loci adfirmare rogaui et nobilibus laicis firmare similiter disposui tempus per omne in domani capitis ipsius ecclesie cooperire et gubernare atque exornare procurent. Omnis isti epi excomunicatio affirmant.

Gbimoards, eps.                        Hislo, eps.

4

De Dono dnici altaris et alior.

 

In nomine Domini et saluatoris nostri Ihu-Xri. Grimoardus Episcopus diuina ordinale prouidentia. Notum sit omnium fidelium Xrianor. presentium et futurorum sollertia qui a me supmo. amore accenso pro remedio anime mee et omnium catholicorum ut pius dominus peccaminium nostrorum maculas tergere et supernis civibus adscisci dignetur dono atque dimitto altare equalisinor. matris ecclesie quod olim fundatum esse videtur in honore beatissimi Petri apostolorum principis cum altario Sancto Michaele necnon et Sancto Stephano videlicet et Sancto Hilario et secrestania hoc est mansus de Tornaco cum sensu qde. de tritico sextari xiia et vii ii modia vini scilicet et decimam, sicut Arnalds de Aladono visus est habere et xvi denarios. Hec omnia superius conscripta ad stipendia fratrum ibidem domino militantium ea scilicet conditione ut quandiu in hac luce permansero nocturnis horis pro me psalmum Dauiticum decantare studeant atque in celebrationibus missarum cotidianis diebus proprie missa decantent post decessum quoque meum similimodo sicut mos est defunctorum celebrare non desistant et omnibus diebus unum pauperem in elemosinam teneant. Unde etiam libuit mihi super hac redicione hanc meam fieri auctoritatem pro qua volo atque obnixe principio ut nullus quilibet modernis futurisque temporibus predictu altare de eadem stipendia fratrum una viventium abstrahere aut aliqua calumpniam aut inquietudinem contra istam donationem facere presumat. Si quis autem inflatus suasione diaboli hanc qua instatui doctrina infringere voluerit, in primis ira Dei omipotentis incurrat et a liminibus Sancte Dei ecclesie extorrens existat cum Datan et Abiran quos voragio inferni obsorbuit particeps efficiat. Sciatque insuper mucrone Sancte Dei ecclesie feriendum ac in perpetuum vinculo Dei esse dampnadum. Ut melius aut firmitas ista teneatur et credatur manibus meis subter firmam et canonicis ipsius loci affirmare rogavi et nobilibus laicis firmare similiter disposui tempus per omne ut domani capitis ipsius ecclesie coopire. et gubernare atq exornare procurent.

 

A la suite est écrite l'intéressante relation suivante :

 

Hoc donum Grimoardi episcopi inviolatum nec contradictum tenuerunt canonici eiusdem ecclesie sub temporibus trium episcoporum post Grimoardum sibi succedentium, succedente autem quarto Ademaro episcopo xiiimo presulatus ipsius contigit defunctum esse Umbertum qui sacrorum custodiam quam vulgo segretaniam vocant a primis annis Willelmi episcopati usque ad xiii mum dictum superius annum ipsius Ademari episcopi obtinuit. Defuncto igitur Uemberto Ademarus epc. timptauit sibi usurpare sacrorum custodis constitutione tali scilicet modo ut quem suo arbitro eligere volentibus aut nolentibus canonicis custodem sacrorum statueret. Quod fieri relitentes canonici racione cum eo habuerent et ex utraque parte statutus est dis in q° utriusque partis causa ageretur. Canonici v° missa legatione sua ad Petragoricensis et Xanthonicensis ecclesie clericos sibi aduocauerunt et qt. poterat ex eis evenire fecerunt. Diu igitur ventilata partis utriusque causa tandem indicatum est ut qm. ex testamento Grimoardi episcopi in proprietate canonicorum concesserat ipsius segrestanie possessio iure etiam eorum sacrorum custodis sit constitua ita ut ipsi que idoneum sciant ad hoc bonis quidm probatum moribus sua eligant ex congregatione quem illis temporis annuente episcopo constituant. Unde predictus Ademarus epc. cognita veritate ad iusticia reductus quod usurpare temptauerat ad ultimum deposuit et ut indicatum erat omnem per temporis posteritatem inviolatum persistere annuity rogans insuper dominum ut si qui predecessorum suorum aliqu. in hac re intulissent calumpnia diuina eis donetur miseratione.

Factum est hoc anno ab incarnatione Domini m° octogesimo viiiimo in perpetuum imperante Domino Ihu-Xro et in Galliis regnante Philippo xiiiimo eiusdem Ademari presulatus anno mense vto mensis eiusdem die duodecimo, indictione viima luna xxx sub testibus et cause utriusque auctoribus Ramnulfo abbate cenobii Sancti Amandi, Agno qq. priore cenobii Sancti Pauli sub oppido Bolloneville siti et Iterio monaco et procuratore cenobii Sancti Eparchii, Petro etiam priore in cenobio sancti Dionisii in valle Montismaurelli positi. Int. fuer. q. duo ecclesie Xanthonensis canonici Petrj Vetalis et Arduinus et omnis congregatio canonicorum eiusdem ecclesie Sancti Petri. Affuerunt etiam laici Audoinus Ostendi et Gauscelmus Raimbaldi et Geraldus Rainaldi et Wls boni partis et Aizo Sancti Andreae et Gaufredus Englme. et frater eius Audericus et Gaufridus Rudellis et Iterius Gauscelmi et alii qua plures clericorum atque laicorum.

 

5

 

Ecce donum que Iterius de Ganderico dedit Sancti Petri apostoli Engolisme Sce. sedis de alode suo qu. est in pago Sconice, hoc est in villa que dicitur Talziaco, vivente domno Grimoardo episcopo.

 

POST-SCRIPTUM.

J'aurais désiré donner plus d'étendue et aussi plus d'intérêt à cette étude commencée depuis plus de deux ans. J'avais espéré que les Archives départementales de la Dordogne me fourniraient quelques intéressants renseignements que me refusait la Bibliothèque nationale, dans laquelle mon honoré et serviable confrère, M. Philippe de Bosredon, avait bien voulu fouiller pour moi le fonds de Lespine et notamment le dossier de l'abbaye de Brantôme; mais M. Villepelet m'apprit obligeamment « que son dépôt ne possède aucun document assez ancien pour fournir des renseignements sur l'épiscopat de Grimoard de Mucidan. »

Malgré la stérilité de leurs recherches, j'adresse ici à ces bienveillants confrères mes plus sincères remercîments.

Joseph Mallat.



[1] Gallia christiana, éd. de MDCCXX, col. 989-990.

[2] La vicomté de Mussidan, une des plus vieilles du Périgord, avait pour siège la petite ville de ce nom, aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Ribérac, département de la Dordogne, située sur l'Isle, dont le lit était encore navigable en cet endroit jusqu'en 1770. Elle relevait de l'abbaye de Charroux.

La voie romaine de Vésone à Bordeaux passait par Mussidan, ce qui a fait supposer à m. Audierne (Périgord illustré) que la ville de Mussidan « tenait son origine de la famille consulaire Mussidia dont les médailles sont assez communes en Périgord. » Cette supposition tient difficilement devant les diverses formes : Moxidanensis et Mucidanensis que prit au moyen-âge le nom de Mussidan.

Le château-fort de Mussidan, ravagé par les Normands au IXe siècle, était au XIIe, une solide forteresse. La vicomté passa en 1360 aux mains des Montaut de Castillon.

[3] Anno (?) Grimoardus frater Islonis Santon. Brantosmi abbas videtur extitisse et postea episcopus Engolism... (Gall. christ., col. 1491).

[4] Au pied des rochers, au confluent de la Drône et de la Côle.

[5] Il ne reste plus aujourd'hui de cette construction que les arcs doubleaux, les arcades murées et un pilier utilisé dans les constructions ultérieures.

[6] Dit Bouration (Audierne), ou Voratio (Vigier de la Pille).

[7] Après la mort de Guillaume Taillefer, le démon de la convoitise rompit l'union étroite qui avait existé entre les comtés d'Angoulême et du Périgord. (Histoire de l’Angoumois, par Vigier de la Pille.)

[8] Grimoardus, frater Aimerici domini de Mucidan (circa an. 982), postea episcopus Engolism. (Gall. christ., col. 1032.)

[9] Trémolac était une petite abbaye fondée par les premiers moines de St-Cybard et au moyen de ses largesses, sur le patrimoine du saint, au lieu même de sa naissance, dans le domaine qu'il tenait de son grand-père, le comte de Périgueux, sous Clovis. Trémolac est aujourd'hui une commune du canton de Ste-Alvère, arrondissement de Bergerac.

[10] Dupuy, — Estât de l'Eglise du Périgord, t.1, p. 219.

[11] DCCCCXCI tertio kalendas octobris, Grimoardus, pontificali ordine sacerdotio est functus. (Suite du chronicon Engolismense attribué à Hugues Ier, évêque, prédécesseur de Grimoard, qui mourut au mois de décembre de cette même année 991).

[12] Mgr Cousseau traduit indulgemment ainsi : «Hugues de Jarnac avait appauvri son église par des entreprises téméraires et de longues guerres pour la défense et l'extension de ses droits. Il se déchargea du poids de l'épiscopat et se renferma dans la retraite au monastère de St-Cybard. »

[13] Par moines, il faut entendre ici les chanoines qui menaient alors la vie régulière.

[14] Lisez : la cathédrale et les maisons capitulaire et décanale.

[15] DCCCCXXCI.XIII kal. martii. monasterium S. Petri apost., mater ecclesia Engolism. urbis, cum tribus eccles. et magna parte ipsius civitatis incendio exuritur. (Chronicon Engolismense). C'est donc par erreur qu'après M. Castaigne, M l'abbé J.-J. Bourassé dit en parlant de notre cathédrale, qu'elle fut réédifiée sous Hugues Ier vers 974. Les travaux se prolongèrent jusqu'en 1017, sous le règne de Robert le Pieux et l'épiscopat de Grimoard. (les plus belles cathédrales de France.)

[16] Hist. Pont. et Comit. Engol., caput XXII.

[17] Il est surabondamment établi que la reconstruction « a primo lapide » de Girard ne doit être admise qu'arec de notables restrictions.

[18] Mgr Cousseau. - Discours sur la dédicace et l'histoire de la cathédrale d'Angoulême.

[19] Les grandes écoles architecturales de l’Anqoumois et du Périgord, sous presse.

[20] L'Architecture byzantine en France, par M. F. de Verneilh. Paris, Didron, MDCCCLII.

[21] « Lemovicam usque cum Arnaldo Petracoricensi comitatus est exinde majorem ecclesiam apud Engolismam cum Seguino dedicavit ».

[22] Rocher, chantre, et Aldebeit, doyen de ce monastère. Etude historique et littéraire sur Adémar de Chabannes, par M. Arballot, 1873.

[23] Il était né en 988.

[24] Chronique des évêques d'Angoulême.

[25] Corlieu. - Recueil en forme d'histoire, édition Michon, p. 18.

[26] Notice historique sur l'abbaye de Brantôme, p. 43.

[27] Cette histoire, diversement rapportée par les auteurs, a été l'objet de telles amplifications qu'elle a fini par devenir invraisemblable. Je la donne ici d'après la version du manuscrit de Verteuil qui est la plus admissible. Mézerai prétend que le pape condamna Guy à être dans les trois jours - Corlieu dit quatre - attaché au col de deux chevaux indomptés. M. Audierne ajoute « déchiré et livré ensuite aux bêtes féroces ». Ces variantes qui se trouvent déjà dans d'anciens auteurs qui ont confondu la cour papale avec celle des empereurs romains, ont fait dire à Pierre de S. Romuald qui, lui, ne connut point le récit de l’Historia pontificum et comit. Engolism., que cette légende était apocryphe. Après quoi, M. Michon, qui verrait dans un tel supplice une injustice commise par le pape finit par uns conclusion fausse : «  Ce n'est pas en 1003, dit-il, au milieu de la plus grande puissance féodale, qu'un vicomte de Limoges serait allé en cour de Rome se disculper d'une insulte faite à l'évêque d'Angoulême. » L'auteur de la statistique semble oublier l'influence qu'exerçait alors sur les chrétiens la crainte des censures ecclésiastiques. Nous avons de mémorables exemples de rétractations et de réparations, faites par de puissants seigneurs et avec les marques de la plus profonde humilité, pour obtenir la mainlevée d'une sentence d'excommunication, et ce, à des époques où les seigneurs féodaux étaient pour le moins aussi fiers qu'au XIe siècle. Pour ne citer qu'un exemple, je rappellerai la querelle entre l'évêque d'Angoulême, Ayquelin, et Guy VII de La Rochefoucauld (1328) et l'issue de cette querelle qui fut une humble réparation offerte au prélat par le fier séculier. - V. le mémoire de M. Gellibert des Seguins. - Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente, année 1859, 2e trimestre.

[28] D'après les auteurs déjà cités. — Je n'ai rencontré aucun acte confirmant cette assertion et pour admettre la véracité de ce fait, il faudrait que, séance tenante, Grimoard ait donné ou échangé cette terre à Guillaume de Taillefer qui l'aurait aussitôt passée à Wardrade Lorichès, puisque celui-ci étant en ce moment à Rome, profite de la présence dans la ville Eternelle de tous les personnages ci-dessus désignés et de celle de Seguin, archevêque de Bordeaux, d'Islo, évêque de Saintes, de Gilbert, évêque de Poitiers et de Sans, duc de Gascogne, pour signer et faire signer par eux la charte de fondation de l'abbaye de Bassac. (Cart. origin. Bassacensis). V. L'abbaye royale de St-Etienne-de-Bossac par l'abbé J. Denise. Angoulême mdccclxxxi. — Dans cet acte, Wardrade, adhuc juvenis, prend le titre de seigneur de Jarnac, et nous savons, du reste, qu'il était le premier seigneur particulier de cette terre «qu'il tenait du comte d'Angoulême, Guillaume de Taillefer.» - Le château de Jarnac, ses barons et ses comtes, par P. Lacroix. - Paris, 1855. La baronnie de Jarnac, érigée plus tard en vicomté, passa, au commencement du XIVe siècle, dans la famille des Luzignan. Plus tard, devenue comté, elle fut le siège d'une juridiction du ressort de la sénéchaussée et du présidial d'Angoumois.

[29] Notices sur les prélats issus de familles périgourdines, par le baron Roger de La Datut.

[30] Charte de fondation de l'abbaye de Bassac précitée.

[31] Mgr Cousseau. Discours du 16 mars 1862.

[32] Manuscrit en parchemin de 150 feuillets contenant la copie faite du XIVe au XVe siècle, de chartes appartenant à l'évêché et au chapitre et à peu près toutes perdues aujourd'hui. Il fait partie des archives du chapitre où j'ai eu la bonne fortune d'en prendre une copie.

[33] Pièce justificative n° l. V. infra p. 380.

[34] Pièce justificative n° 2. V. infra p. 380.

[35] Pièce justificative n° 3. V. infra p. 381.

[36] Pièce justificative n° 4. V. infra p. 382.

[37] Pièce justificative n° 5. V. infra p. 383.

[38] Essai d'une bibliothèque historique de l’Angoumois, 1847. p. 75.

[39] Raoul de Couhé, prédécesseur immédiat de Géraud de Gourrion, sous l'épiscopat duquel fut achevée et consacrée l'église de St-Front. «  Anno D. MXLVII feria IV, magnum monasterium Sti-Frontonis dedicatum est ab Aymone, Bituricensis archiepiscopo, ut habetur in magno libro Sti-Silani et Calendario. » (I.abbe. Bibl. ms. t. II p. 737.)

Raoul de Couhé qui mourut en 1013 — Hyerosolymis rediens retulit quae viderat Ibi infanda et obiit (Chroniques d'Adémar de Chabannes), avait succédé en l'an 1000 à Martin, fils de Boson le Vieux. — Martinus ille Bosonis vetuli comitis Petragoricensis et Marchiae extitit natus ex sorore Beinardi (Bibl. ms. P. Labbœi) — qui avait, avec les largesses de sa sœur Eyna, construit la chapelle de St-André dans St-Front. Martin était successeur de Frotaire, qui avait, en 984, commencé les travaux de St-Front. (Gall. christ.) - Posthunc (Frotaire) in episcopatum successit Martinus, dono Dei episcopus. Rexit ecclesiam annos novem. Obiit autem anno D. 1000, Fragmentum de Petragoricensibus episcopis.)

[40] Et non 1015, comme le dit Vigier de la Pille.

[41] Mgr Cousseau. — Discours pour le service funèbre des anciens évêques et chanoines d'Angoulême. — 5 novembre 1867.

[42] Mgr Cousseau. — Discours prononcé pour le service funèbre de Hugues Tison. — 13 mars 1862.

[43] Étude historique et littéraire sur Adémar de Chabannes, par M. Arbellot, 1873, Limoges — page 12.

[44] Jusqu'au moment où M. Arbellot eût prouvé surabondamment que Aimar ou Adémar n'était point natif de Chabanais, mais de Chabannes, tous les auteurs avaient traduit ainsi le nom : Ademarus Cabannensis.

[45] Histoire de l’Angoumois, réimpression Michon, p. xvi, col. 2.

[46]             ibid.       p. lxx, col. 1.

[47] Statistique monumentale de la Charente, par J. H. Michon. Paris, Dumoulin. 1811. - Page 89, M. Michon renvoie à l’Hist. Pont. et comit. Engol. Chapitre VIII. C’est chapitre XXIII qu'il faut lire.

[48] Par A. T. Lièvre. - Angoulême, Coquemard, 1885.

<<Retour