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Source : Bulletin SHAP, tome XVII (1890), pp. 201-211.

 

LETTRES DE RÉMISSION ACCORDÉES PAR CHARLES VIII A ARNAUD DE FAYOLLE (1489).

 

L'abbé de Lespine, dans sa généalogie de la maison de Fayolle, donne un extrait de lettres patentes que nous savions avoir été déposées par notre grand-oncle, le marquis de Fayolle, à la Bibliothèque royale. M. Bloys, curé de Tocane-St-Apre, poursuivant avec ardeur le projet formé par son regretté prédécesseur, M. l'abbé Petit, du rétablissement de l'ancienne confrérie et du pèlerinage de Notre-Dame de Perdux, que ces lettres représentent florissants au XVe siècle à Tocane, a eu la bonne pensée de s'adresser à notre savant vice-président M. Ph. de Bosredon pour s'en procurer le texte. Celui-ci, avec sa sagacité et son obligeance habituelle, a eu bientôt fait de le retrouver dans le fonds Périgord et de nous le communiquer ; nous lui en adressons ici tous nos remercîments, et nous le publions, convaincu que les précieux détails qu'il renferme sur des institutions et sur de vieux usages, aujourd'hui disparus, n'intéressent pas seulement la famille qu'il concerne, mais s'adressent à tous ceux qui tiennent à mieux connaître les mœurs de nos ancêtres.

M. l'abbé Bloys, dans un des derniers numéros de la Semaine religieuse, a parlé en pasteur zélé de l'ancien pèlerinage et de son origine légendaire conservée par la tradition locale et dans des souvenirs de famille. Nous n'avons pas à revenir sur ce sujet autrement que pour nous associer à son désir de voir promptement rétablir ces pieux usages et pour montrer qu'ils semblent confirmés par les faits ; mais nous croyons que les lecteurs du Bulletin nous sauront gré de leur donner quelques détails préliminaires sur l'ancienne dénomination du pèlerinage et de joindre quelques notes au texte de la lettre.

Par une singularité extrêmement rare, les deux bourgs de Tocane et de Saint-Apre, réunis depuis une trentaine d'années sous un même nom officiel, comme chef-lieu d'une seule commune, avaient toujours été jusque-là absolument séparés au point de vue religieux, féodal et administratif, quoique tout-à-fait contigus et ne paraissant former qu'une seule agglomération. On pourrait, toute proportion gardée, les comparer à la Cité et au Puy-St-Front, avec cette différence que nous les trouvons dans les actes les plus anciens où ils sont mentionnas portant un nom commun : les bourgs de Perdux. Entre 1168 et 1189, Pierre de Fayolle, Hélie, Pierre et Bernard, ses fils, font donation à l'abbaye de Chancelade d'un septier de froment, mesure de Fayolle, avec laquelle on vend et on achète à Perdux sur le domaine d'Ermember, situé entre les deux bourgs de Perdux. Ce nom de Perdux a été écrit de bien des manières, et l'on trouve dans la mauvaise latinité du moyen-âge Pardutz (1150); — Parduco (1231); — Perducium (1365); —Parducium (1404); — Perduceix (1460); —Perdus (1489). — L'archiprêtré dont Tocane a été le siège, et qui fut transporté à Chantérac, se nommait archipresbyteratus Parduacensis ou de Parducio[1]. Sans vouloir entrer à ce sujet dans une discussion étymologique, nous admettons avec M. l'abbé Bloys, et avec la tradition locale, que ce mot Perdux vient du verbe perducere, conduire, et qu'il fut employé à l'origine comme qualificatif ou vocable de la Madone Conductrice honorée en ce lieu. Ce terme se rencontre d'ailleurs en d'autres endroits, et nous trouvons un Sanctus Martinus de Parduz en 1444, et dans la paroisse de Bussac une Notre-Dame de Perduceix, dénommée aussi Capella de Perducio en 1293.

Quoi qu'il en soit, si nous sommes certains de l'existence d'une importante station gallo-romaine à Tocane et plus tard d'une agglomération franque, nous ignorons quels noms ces établissements ont porté, et nous ne trouvons du XIIe au XVe siècle que celui de Perdux. Alors seulement apparaît le nom de Tocane : au bourg et paroisse de Nostre-Dame de Perdus, dit Touscane (1489) : — pons de Tousquam, in parochia de Touscane, 1454. Le nom de Saint-Apre est celui d'un saint évêque de Nancy, du Ve siècle ; la première fois que nous le rencontrons, c'est joint au nom de Perdux : sanctus Asprus de Perducio, 1365. Plus tard encore, Saint Apre de Perdux, 1452. De tout ce qui précède, il résulte que le nom de Perdux est une dénomination générique qui tire son origine d'un lieu ou d'un fait assez important pour avoir servi à désigner un ensemble de localités situées dans un certain rayon autour de lui, et nous trouvons en effet pons de Pardutz, 1150; écluses du moulin de Perdus. Enfin, on a vu précédemment qu'on achetait et vendait à Perdux entre les deux Bourgs de Perdux. Si, comme nous le croyons, ce nom était le vocable de la Vierge, il s'en suit qu'il devait s'appliquer aussi à l'oratoire où les populations se rendaient en pèlerinage, devant son miraculeux pourtraict, et que de là il s'est étendu aux localités voisines. En effet, la tradition, d'accord avec les faits qui viennent la corroborer, veut que le chevalier croisé auquel la Vierge apparut ait construit une chapelle auprès des bords de la Drône, à une certaine distance des bourgs, tout près du pontet du moulin de Perdus. Il y a quelques années, en établissant les culées du nouveau pont, on retrouva les fondations d'un édifice que l'on a supposé être celles de l'ancien monument. Ce lieu était bien choisi pour un oratoire à la Vierge Conductrice, auprès d'un gué dangereux et d'un pont assurément ancien ; la plupart des vieux ponts ne portaient-ils pas sur l'un de leurs éperons, comme celui de Tourtoirac, récemment démoli, ou celui de Poitiers, un édicule consacré à la sainte Vierge ?

Si le souvenir du pèlerinage disparu ou émigré s'était peu à peu effacé, une coutume singulière, abolie depuis quelques années seulement, semble indiquer que la tradition des réjouissances données par les confrères de Notre-Dame de Perdux en son honneur avaient survécu à la dévotion. Non loin de l'emplacement présumé de l'oratoire, dans une prairie qui borde la rivière, la population se réunissait tous les ans le lundi de Pâques en un bal champêtre. Il aurait suffi, disait-on, d'y manquer une seule fois pour que le propriétaire du pré eût le droit de s'y opposer à l'avenir ; aussi, lorsque la Drône était débordée, ce qui arrive fréquemment à celte époque de l'année, un ménétrier et deux couples ne manquaient pas de monter en bateau et d'aller exécuter sur la prairie submergée quelques pas qui suffisaient à maintenir l'usage. Le propriétaire, dont la récolte en souffrait fort, dut, pour faire cesser cette coutume, employer la gendarmerie, protectrice de la propriété, mais peu soucieuse de la tradition.

Les habitants des deux rives de la Drône ayant été fréquemment en luttes, on a dit que ces danses avaient été instituées en commémoration de la défaite du seigneur de Montagrier ; il nous semble plus probable, malgré la différence des dates, (le pèlerinage ayant lieu le 15 août et la danse le lundi de Pâques), qu'il s'agissait là d'un souvenir des esbattements des confrères de Notre-Dame de Perdux, qui sans doute, au moment du may, ne devaient pas déroger à la coutume de célébrer le printemps renaissant et surtout les fêtes de la Pâque fleurie.

Mis de Fayolle.

 

Remissio pro Arnauldo de Fayolle et quinque aliis.

 

(Trésor des Chartes, registre 220, pièce 233, à Tours, au mois d'octobre 1489.)

 

CHARLES, etc.

Savoir faisons à tous présens et avenir, nous avoir reçeue l'umble supplication de Arnault de Fayolle[2], escuier, aagé de IIIIxx à cent ans, Anthoine de Fayolle[3], son filz, Jamet de La Loubière[4], aussi escuier, Sr de Brenac, Robert de Sadour[5], serviteur dudit Anthoine de Fayolle, Loys Jouanel ou[6] vivant de feu Guillem de Surevyl[7], dit Baudet, sieur de Fons Pierre, son serviteur, et Arnault de Patre, laboureur, du lieu de la Borie[8], contenant que de tout temps et d'ancienneté, au lieu et paroisse de Nostre-Dame de Perdus, dit Touscane dont ledit Arnault de Fayolle, suppliant est fondateur[9], le jour et feste de Nostre-Dame, my aoust, a ung très beau voyage et grand aport par chacun an, et y afflue moult grand nombre de pèlerins. Aussi y a une très belle confrarie, comme il est de coustume en Périgort et Limosin ; et en icelle confrarie se font eslirent par devocion, Roy, Royne, Empereur, Conte et autres officiers, lesquelz sont seigneurs de ladicte confrarie et y donnent eulx et les confrères et conseurs grant quantité de cire pour faire la luminaire de Nostre-Dame, avecques ce, icelluy jour, font ung très beau service de gens d'église pour les âmes des trespassez. Or est ainsi que ledit Arnault de Fayolle, Sr dudit lieu, qui est nagé de IIIIxx à cent ans, comme dit est, maladif, décrépit et impotent de sa personne à cause de goûte et de vieillesse, l'année passée, après la rencontre et journée qui fut en Bretaigne, au lieu de St Aubin[10], ayant paour et double d'avoir perdu deux de ses enfans[11], estans en nostre service, soubz la charge el compagnie de nostre très cher et très amé frère et cousin le duc de Bourbon, voua à Dieu et à Nostre Dame, que se leur plaisir estoit luy donner bonnes nouvelles de sesdits enfants et les préserver d'inconvénients, que en l'honneur de Nostre-Dame, il tiecndroit le Royaume ou Royaulté de ladite confrarerie en ceste présente année, que l'on compte mil IIIIc IIIIxx et neuf; ce qu'il eust et faisoit, si ne fust le trouble et empeschement à luy donné par feu Guiot de Bourdeille[12], en son vivant Sgr de Chambrilhac[13], lequel estant jeune de l'aage de XX ans, ou plus, haineux et ennemi mortel desdits Arnault et Anlhoine de Fayolle, père et filz, supplians, ausquelz il avoit accoustumé depuis certain temps en ça faire et fere faire par luy et par autres ses adhérans et complices, plusieurs grans griefz, violences et oultrages à tort et sans cause; aussi estoit-il coustumier de faire et fere faire tousjours oultrages et violences, et d'enfraindre sauvegarde sans aucune crainte et estoit de très mauvaise vie, ainsi qu'il est tout notoire au pays de Périgort ; et est chose certaine qu'il estoit leur haineux et malveillant à cause de certain procès, pendant indécis en notre Court de parlement de Bourdeaulx, en matière d'excès, et entre les habitans et tenanciers dudit Arnault de Fayolle, demourant au lieu de Paluz[14] en la Seneschaucée de Périgort au baillage de Saint-Chastier[15], demandeurs audit cas d'excès d'une part; et ledit feu Sr de Chambrilhac, deffendeur d'autre; ledit jour et feste de Nostre-Dame, après disner, environ heure de vespres, vint ledit Sr de Chambrilhac, acompaigné de plusieurs de ses complices, laccays et satalites, serviteurs et gens de sa terre , jusques au nombre de quinze ou vingt hommes, armez et embastonnez de arbalestes, javelines, espées, dagues, boucliers, en manière de gens de guerre, et autres gens incongneuz audit lieu de Touscane, et entrèrent au  dedans de la mayade, ou feuillée[16] ou lesdits confrères dansoient et se esbatoient ; et de plaine arrivée ledit Sr de Chambrilbac fist apporter un banc ou escabeau pour se seoir, et tout estourdiment le fist mectre bien avant dedans ladicte mayade ou fueillée sans saluer la compaignie, comme plain de grant fureur. Et ce fait, fist mectre en la dance plusieurs de ses satalites pour esmouvoir question ausdits de Fayolle père et filz supplians, qu'ilz sçavoient bien estre chefz de ladite confrarie ; car il est de coustume audit pais, que en telles confraries, nulh ne doit dancer s'il n'est de la feste, sans le congié du Roy d'icelle confrarie. Et aussi ce faisoit afin de mectre à exécution sa dampnée volunté, qui estoit de faire tuer et murtrir ledit Anthoine de Fayolle suppliant ; ainsy qu'il estoit vraysemblable et comme plusieurs foiz, luy et aucuns de ceulx qui estoient en sa compaignie s'estoient publiquement vantez de faire, et s'estoient efforcez de ainsi le faire il avoit deux mois, ou environ, car ilz avoient tiré quatre ou cinq traitz d'arbaleste tout à ung coup contre ledit Anlhoine suppliant, et ung sien frère, dont de l'un desditz traitz avoient perse la cuisse de son cheval et ne tint pas à eulx qu'ils ne tuèrent ledit Anthoine de Fayolle et sondit frère qui estoit avec luiz ; et voyant icelluy Anthoine de Fayolle, suppliant, que toute l'entreprise estoit pour le tuer et murtrir, se recommanda à Dieu et à Nostre-Dame, requérant Nostre-Dame intercerepe[17] pour lui, qu'il fust préservé comme son serviteur et confrère: Et tout incontinent se pourpensa pour éviter à ladite dampnée entreprise dudit de Bourdeilhe, Sr de Chambrilhac et de ses complices, qu'il feroit départir les confrères, ledit Arnault sondit père, luy et aucuns de leurs parens, lesquelz étoient illec présens et venuz en voyage à Nostre-Dame, comme Huguet de Fayolles[18], escuier, Sr du Douet, sa femme[19] (4), ses petiz enfants, ledit de La Loubière, ledit feu Sr de Fons Pierre, dit Baudet, sa femme et serviteur dessudits et qu'ilz s'en yroient ensemble en quelque maison. Et à ceste cause ledit Antheine suppliant fit crier que tous ceux de la feste s'en allassent jouer aux champs, quérir le may[20] et courir leur quintaine[21]. Et à ces parolles se départirent. Et ainsi que icelluy Anlhoine suppliant, et sesdits parens, leurs femmes et serviteurs s'en alloient pour eulx retirer en une maison, ledit Arnault père, qui, à cause de sadite vieillesse et décrépité[22], n'avoit point encores veu, ne congneu ledit feu Sr de Chambrilhac, ne sesdits complices, en descendant de son siège de ladite confrarie, les apperçeut dancer tous embastonnez, et demanda quelz gens s'estoient qui dançoient sans congié; et ledit Anthoine le Riz suppliant luy dist : Mon père, s'est le Sr de Chambrilhac et ses gens qui font leur monstre[23], lessez-les esbatre et nous ostons d'icy. Et ledit Arnault de Fayolle, le père suppliant qui oyt dur et n'entend plus guères n'entendit point ce que ledit Anthoine, suppliant, son filz, lui avoit dit, mais alla vers lesdits laccays dudit Sr de Chambrilhac et leur dist tout gracieusement qu'ilz s'en allassent dancer hors ladite fueillée, qu'il n'appartenoit de y dancer sans congié, que à ceulx de ladite confrarie, et à ces parolles se leva ledit Sr de Chambrilhac de son banc où il estoit assis, en contempnant[24] ladicte confrarie et furieusement vint à l'encontre dudit Arnault, suppliant, en luy disant malicieusement telles parolles ou semblables : Par la char Dieu, ilz danceront en despit de vous tous et ne les en sauriez garder. Et ce voyant,ledit Sr de Douet, qui est neveu dudit Arnault, suppliant, pour apaiser la noise, se mist entre icelluy Sr de Chambrilhac et ledit Arnault de Fayolle, son oncle, en disant telles parolles ou semblables : Mon oncle, laissez-les dancer, car ils ne demandent que noise et débat et nous en allons, et puis dist audit feu Sr de Chambrilhac afin de toujours apaiser la noise, telles paroles : Et quest cecy, Monsieur de Chambrilhac, voulez-vous prendre noise et courir sus à ung homme de cent ans, et ledit de Chambrillac répondit, en jurant le Sang-Dieu : Ouy, et à vous avec, et que lesdlts laccays danceroient quelconques le voulsist veoir, et lors luy dist ledit Sr du Douet : Il me desplaist de ce que vous fêtes, pour l'amour de vous et de la maison dont vous estes, car ce sont faiz de jeunes enfans. Et à ces parolles, ledit Sr de Fons Pierre, dit Baudet, s'approucha dudit de Chambrilhac, et semblablement luy remonstra qu'il ne devoit point ainsi despiter la compaignie, car ledit Sr du Douet ne luy avoit que paroles doulces, et puis dist que cesdits laccays et compaignons cesseroient et s'en iroient hors ladite fueillée, et en disant lesdites parolles, ledit feu Sr de Chambrilhac se retira près d'un appelé Louchon, l'un de sesdits satalites, qui avoit une espée à deux mains, laquelle il print, et tout incontinent la tira hors du fourreau, et tant qu'il peut en frappa, avec les deux mains, ledit feu Baudet, sur la teste, tel coups qu'il tumba d'un genoil à terre, dont ledit feu Baudet se releva et tira une grande degue ou espée qu'il avoit et en voult estocquer ledit feu de Chambrilhac, mais il ne peut; ainçoix  icelluy feu de Chambrilhac le voulut derechef frapper, et a donc ledit feu Baudet haulsa sadite dague ou espée sur la teste dudit de Chambrilhac, lequel s'efforça rabatre ledit coup avec sadite espée à deux mains, ce qu'il ne peut faire ; mais d'icelluy mesme coup ledit feu Baudet le frappa sur la teste près l'ueil et sur la main. Et ce fait, ledit de Chambrilhac donna audit feu Baudet ung autre grand coup sur la teste de sadite espée à deux mains, dont yssit grant effusion de sang, et le bleça à mort ; tellement que au moyen desdites playes et coups qui luy furent donnés par ledit de Chambrilhac, et sesdits satalites, huit jours après ou environ, il alla de vie à trespas. Et en ce conflict, ledit La Loubière, suppliant, gendre dudit Arnault de Fayolle, aussi suppliant, Roy de ladite confrarie, voulant ayder et subvenir audit Baudet, son cousin, qui estoit ainsi blessé, tira une dague qu'il avoit et en donna ung estoc à travers du coul dudit de Chambrilhac. Et aussi ledit serviteur dudit feu Baudet, voyant que sondit maistre avait esté blecé, et navré à mort par icelluy de Chambrilhac, comme dit est, voulant secourir son dit maistre, s'efforça frapper iceluy de Chambrilhac d'une javeline qu'il avoit; mais ledit sieur du Douet, qui tousjours, de toute sa puissance, vouloit départir ce débat, se mist entre deux pour empescher que iceluy de Chambrilhac ne fust blecié par ledit valet, et donna à icelluy varlet, du plat de sa dague, sur la joue, tel coup, qu'il le fist reculler arrière, et le garda de frapper ledit feu Sr de Chambrilhac ; en quoy faisant, ledit du Douet fut en très grant dangier de sa personne, à cause des grands coups d'espées, javelines et de traitz, que les satalites et laccays dudit feu Sr de Chambrilhac dounoient sur luy, et lesdits Baudet, Fayolles , de La Loubière et de Palre[25] et autres, supplians dessusdits. Lesquelz furent très énormément blessez et navrez.-Durant lesquelz conflictz, ledit Anlhoine de Fayolle, suppliant, voyant que on ne pouvoit plus résister aux oultrages dudit de Chambrilhac et de ses complices, et qu'il estoit de nécessité de soy deffendre contre luy et sesdits complices, qui estoient délibérez de le tuer, comme autrefoiz ils s'estoient essayez, et que ja ils avoient blessé à mort ledit feu Baudet, pour subvenir à icelluy feu Baudet, son cousin, lequel il veoit illec blecié à mort, et aussi en son corps deffendant audit conflict, donna audit de Chambrilhac deux coups d'estoc de dague par derrière au travers du corps et soubz l'espaulle; et pour ce que ledit Baudet estoit mortellement blessié a mort, fut amené hors ladite fueillée par ledit Johannel, suppliant, son serviteur, et par ledit de Sudeur, aussi suppliant, serviteur dudit Anthoine, suppliant. Et ledit de Chambrilhac, nonobstant lesdits coups qu'il avait euz en persévérant tousjours en son mauvais couraige et oultrage, le suyvit avec sadite espée à deux mains pour le vouloir parachever de tuer ; et ne cessa icelluy de Chambrilhac jusques à ce que, à cause desdits coups et playes qu'il povoit avoir cuz audit conflict, il tumba à terre, et de là fut emporté par sesdits satalites, et tantost après il alla de vie à trespas. A l'occasion duquel cas, tous lesdits supplians doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pais, excepté ledit Jamet de La Loubière, suppliaut, qui a esté prins en franchise en l'église de Saint-François d'Aubeterre[26] et d'illec, de force, emmené prisonnier au chasteau de Villeboys[27], appartenant au Sr de Marueil, ouquel il est encores détenu prisonnier, en grant povreté et misère, et en dangier de misérablement y finir ses jours, et doubtent lesdits supplians que contre eulx on voulsist procéder rigoureusement, se noz grâce et miséricorde ne leur estoient sur ce imparties, en nous humblement requérant, attendu les choses dessusdites, et que ledit feu Sr de Chambrilhac a esté agresseur, et que ce que iceulx supplians ont fait, a esté en leurs corps défendant, et en résistant aux violences et oultrages dudit de Chambrilhac et de sesdits complices, il nous plaise leur impartir nosdites grâce et miséricorde, pourquoy Nous, etc., Voulans. elc, ausdits supplians, et à chacun d'eulx, avons quicté, etc., toute peine, etc., en mectant au néant, etc., et les avons restituez, etc., et imposons, etc. Si donnons en mandement par cesdites présentes à noz amez et féaulx conseillers les gens de noz Cours de parlement de Paris et de Bourdeauz, aux seneschaulx de Poitou, Guienne et Périgort et à tous, etc., et affin, etc., sauf, etc.

Donné à Tours, au mois d'octobre, l'an de grâce mil CCCC quatre vings et neuf, et de nostre règne le septiesme. Signé par le roy. La relation du conseil, F. Texier.

(Bibl. nation. Fonds Périgord, tome 137, 37.)

 



[1] Ces citations sont tirées pour la plupart du Dictionnaire topographique de la Dordogne de M. le vicomte de Gourgue et de nos archives particulières.

[2] Arnaud de Fayolle, dit le Vieux, Sgr de Fayolle, etc., fils de Jean de Fayolle, et d'Yrlande de la Mothe de Vernode; il servit dans les guerres anglaises, d'après un certificat que lui délivra le comte de Penthièvre en 1416.

[3] Antoine de Fayolle, écuyer, né vers 1455, fils d'Arnaud le Vieux, et de Marguerite de Birat, mourut en 1504. Il avait épousé Jeanne de Cadenat et avait servi en Narbonnais en qualité d'homme d'armes.

[4] Jeannot ds La Loubière, Sgr du Claud et de Bernac, dans la paroisse de Roncenac (Charente), était gendre d'Arnaud, le Vieux, dont il avait épousé la fille Anne ou Agnez. (Nadaud, Nobiliaire du Limousin.)

[5] Il existe encore dans la paroisse de Tocane une famille de Sadour ou Deyxidour.

[6] Ou vivant pour « au vivant ». Cette phrase mal lue dans le texte ou les mot Pilort, Pitort, Pierre, se trouvent successivement comme douteux, doit être reconstruite ainsi : «  Loys Jouanel du vivant de feu Pierre Guillem de Surevyl, dit Baudet, Sgr de Fons, son serviteur. »

[7] Nous n'avons pu identifier ce personnage qui était neveu d'Arnaud, le Vieux. Il existait en Périgord un village de Surville.

[8] La Borie, village de la commune de Tocane, près le château de Fayolle.

[9] Dans un accord entre les fils d'Arnaud le Vieux, ils se disent eux et leurs auteurs fondateurs de l'église de Tocane ; de même ici, doit-on entendre qu'Arnaud était fondateur du pèlerinage et de la paroisse comme héritier de ses auteurs, puisqu'ils existaient de tout temps et ancienneté.

[10] Saint-Aubin du Cormier. Victoire de La Trémoille sur les Bretons et le duc d'Orléans (depuis Louis XII) révolté. 1488.

[11] 1° Hélie de Fayolle, sgr de Vernode, servit sous le duc de Bourbon et Mr de la Marck ; il embrassa plus tard l’état ecclésiastique ; 2° Guillonnet de Fayolle, marié d’abord à Marguerite de Bayly de Razac, puis à Philippe d’Hautefort, devint Sgr de Fayolle après la mort de son frère aîné Antoine.

[12] Guy de Bourdeille était le second fils d'Archambaud de Bourdeille, seigneur de Chamberlhac et de Montagrier et d'Isabeau de Saint-Georges-Couhé. Il était cousin germain du baron de Bourdeille et neveu de Philippe de Chamberlhac, évêque de Sion et de Nice et archevêque de Nicosie au XVe siècle.

[13] Chamberlhac, ancien repaire noble, paroisse d'Agonac mouvant de la châtellenie de Bourdeille. C'est évidemment à cause de ses terres de Montagrier, voisines de celles de Fayolle et non à cause de la seigneurie de Chamberlhac, fort éloignée, qu'eut lieu l'origine de la querelle.

[14] Palus et le Clos de Palus, villages de la paroisse de Tocane.

[15] Saint-Astier. On dit encore en patois Sen-Châtier.

[16] Feuillée : Lieu décoré de feuillages. Loge ou baraque construite avec des branches d'arbres (Godefroid.) Mayade, expression inusitée, mais qui a la même signification, le may étant un arbre ou une branche avec ses feuilles vertes. «  C'était merveille de voir les hours et feuillies... en la place où le tournoy devoit être fait pour seoir les dames et demoiselles. » Perceforest, vol. 1, (1538.)

[17] D'intercéder.

[18] Hugues de Fayolle, seigneur de Douhet, Saint-Martial-de-Drone, Lenclave, Saint-Mesme, etc., fils d'Arnaud de Fayolle dit le Jeune, et de Marie de la Brousse, était petit-neveu d'Arnaud le Vieux. II commanda le ban de la noblesse du Périgord et mourut en 1511.

[19] Anne de Lur, fille de Dardin de Lur, chevalier, seigneur de Longa, Barrière, etc., et de Anne de Barrière, épousa, en 1484, Hugues de Fayolle,

[20] Le may était un arbre pourvu de son feuillage que l'on plantait en signe d'honneur ou de réjouissance.

[21] Courir la quintaine, sorte de tournoi populaire. La quintaine était un mannequin monté sur un pivot et armé d'un bâton, les joueurs devaient l'atteindre avec une sorte de lance; s'ils manquaient le centre, le mannequin en pivotant les frappait de son bâton. D'autres fois, les jouteurs montés sur un bateau devaient atteindre un pieu planté au milieu du courant d'une rivière. C'est peut-être ici le cas.

[22] Décrépitude.

[23] La monstre était la revue passée par un chef à sa troupe pour en connaître le nombre. Faire la monstre se dit de celui qui range sa troupe en face de l'ennemi pour le braver.

[24] Méprisant: du verbe contemnere.

[25] Ou Patie « sic ».

[26] Il existait à Aubeterre un hospice de Cordeliers, c'est sans doute leur église était dédiée à Saint-François.

[27] Villebois, canton de la Charente limitrophe de la Dordogne, fut érigé en Duché-Pairie, en faveur du duc d'Epernon, sous le nom de La Valette, qu'il porte encore.

 

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