Source :
Bulletin SHAP, tome XIX (1892), pp. 98-102
LISTE
CHRONOLOGIQUE DES SÉNÉCHAUX DU PÉRIGORD.
(Note
complémentaire - suite du tome XVIII)
Grâce à une
obligeante indication de notre confrère M. le comte de Saint-Saud, j'ai trouvé
dans une publication récente (Annales historiques de la ville de
Bergerac, Bergerac,
1891) quelques renseignements nouveaux sur les sénéchaux de Périgord. J'extrais
ces renseignements d'un document annexé aux annales proprement dites et qui est
intitulé : Liste
de MM. les sénéchaux du Périgord, des lieutenants-généraux et autres officiers
du siège de Bergerac. Afin de faciliter les rapprochements, je
reproduis, pour chaque sénéchal, le numéro de ma propre liste.
31. — JEAN BERTRAND. — J'avais mentionné
Jean Bertrand comme sénéchal pour le roi de France en 1313 et 1314, et Bernard
Goudonay comme sénéchal pour le roi d'Angleterre en 1314. Or, la liste publiée
dans les Annales
cite,
à cette même date, Bertrand Goudony (sic) comme lieutenant
du roi et sénéchal sous Louis X. D'où il me parait résulter : 1° que Bernard
Goudonay est le même que Bertrand Goudony ; 2°que ce sénéchal tenait ses
fonctions du roi de France ; et 3° que c'est ce même sénéchal qu'on a appelé
Jean Bertrand dans certaines listes.
33. — PIERRE d'ARREBLAYE. — Confirmation
de la date de 1317, mais sous le nom de Jean d'Arreblaye.
68. — RAYMOND de SALIGNAC. — Je l'avais
indiqué comme douteux ; mais la liste de Bergerac le mentionne à la date de
1459.
74. — BERTRAND d'ESTISSAC. — Ajouter aux
dates de 1513 et 1514, déjà indiquées, celle de 1515.
75. — FRANÇOIS GREEN de SAINT-MARSAULT.
— Mentionné en 1522; il était en fonctions dès 1520, d'après la liste de
Bergerac; qui le nomme fautivement Saint-Martial.
78. — JACQUES de PÉRUSSE des CARS. — J'avais
fait observer, tout en le mentionnant d'après Lespine, que les généalogies le
qualifiaient de gouverneur et non de sénéchal ; mais la liste de Bergerac
confirme ce dernier titre. — Ajouter à la date de 1543 celle de 1544.
91. — LÉONARD HÉLIE de POMPADOUR. —
Cité précédemment (d'après un titre dans les Archives départementales) comme
ayant obtenu une nouvelle
nomination
en août 1683. La liste de Bergerac fait connaître que son prédécesseur,
Philibert de Pompadour, mourut en juillet de la même année, ce qui donne lieu
de penser que Léonard n'avait pas été pourvu avant cette époque.
Nous trouvons en
outre dans la liste de Bergerac une note intéressante qui mentionne, en 1568,
Jean de Pécharry, écuyer, seigneur de Lagistonie et autres lieux, comme
sénéchal du Périgord, par nomination de Blaise de Montluc.
A ces diverses
rectifications, nous ajouterons les deux suivantes :
10. — PIERRE
SERVIENS. — La forme française est évidemment Sergent ou Le Sergent.
41. — JOURDAIN de LUBERT. — Lire
LOUBERT. Plusieurs quittances à la Bibliothèque nationale (Pièces originales)
portent Loubert,
et
aussi, mais plus rarement, Louberc et Loubers.
Une observation
plus importante m'est suggérée par un article intéressant que M. Stein a publié
récemment dans les Annales de la Société historique et
archéologique du Gâtinais[1]. M. Stein
établit (p. 12) qu'Henri de Cosanciis fut maréchal de France, et il
ajoute que ce maréchal se nommait (dans sa dénomination française) Henri de
Courances[2], du nom de la
seigneurie de Gourances, localité située aux environs de Melun et de Corbeil
(aujourd'hui dans l'arrondissement d'Etampes). C'est donc sous ce nom qu'Henri
de Courances doit être inscrit dans le catalogue des sénéchaux.
Une autre
question se rattache au même personnage. J'avais mentionné Henri de Cosanciis
comme ayant été à deux reprises sénéchal du Périgord[3] : une première
fois en 1254, une seconde fois en 1265. M. Dessalles avait constaté un fait
analogue en ce qui concerne Raoul de Trapes, sénéchal en 1260, et
réapparaissant dans les mêmes fonctions en 1269; il en avait conclu (Administration en Périgord, p. 40 et 41) que
durant une période de six à sept ans, il y avait eu une sorte de perturbation ; « cette
perturbation fut telle, » ajoutait-il, « qu'il faut admettre que les trois
sergents, Raoul de Trapes, Pierre Sergent et Guillaume du Puy, remplirent
simultanément les fonctions du sénéchalat, ou qu'ils furent sénéchaux à tour de
rôle, en raison des circonstances sans qu'il soit possible de dire exactement pendant
combien de temps et à quelle époque chacun d'eux occupa l'emploi. »
En ce qui
concerne Henri de Courances, M. Stein conteste le fait en lui-même. En effet,
dit-il, « puisque les documents certains que nous avons cités plus haut
affirment qu'Henri de Courances était en 1254-1255 bailli de Mâcon, et que ces
deux fonctions n'étaient pas compatibles, il faut admettre une erreur dans les
notes de Lacabane et dans les travaux de L. Dessalles. » Henri de Courances
n'aurait donc été sénéchal qu'une seule fois, pendant les trois années
1265-1267.
Il n'en est pas
de même pour Raoul de Trapes. C'est ce que démontre un acte[4] qui est
conservé dans les Archives de la Haute-Vienne et dont notre érudit confrère M.
L. Guibert a bien voulu me donner communication. D'après les termes formels
dudit acte, Raoul de Trapes était, en 1260, sergent du roi et sénéchal des
diocèses de Limoges, Périgueux et Cahors[5]. Il exerçait
les mêmes fonctions en 1266 (voir ma liste, n° 12), ou tout au moins en 1269 (ibid, document
transcrit dans la
Commune de Saint-Léonard-de-Noblat); mais il ne les avait pas exercées d'une
manière continue, puisqu'entre 1260 et 1269, on trouve Pierre Sergent (Serviens) et Henri de
Courances (de
Cosanciis). Peut-être
n'y eut-il là qu'un fait accidentel, qui ne serait pas suffisant pour justifier
la conjecture de M. Dessalles ; mais il faut reconnaître avec lui que la
succession des sénéchaux, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle,
et l'organisation qui était alors en vigueur présentent beaucoup d'incertitudes
et d'obscurités.
M. Stein signale
(p. 12) un autre fait bien curieux : c'est qu'Henri de Courances, « chevalier
français et serviteur de Louis IX », fut vers 1264 et temporairement chargé des
intérêts anglais en Gascogne, en même temps[6] qu'il occupait
les fonctions de sénéchal français en Périgord et en. Limousin[7].
Un document, qui
avait probablement été rédigé par la Chambre des comptes et que M. Jules Viard
a publié récemment[8] (1), nous donne
quelques détails sur les gages du sénéchal de Périgord et de Quercy :
Caturcensis.
— Seneschallus ibi ut Petragorensis capit in Petragoria per annum vjcl.
Petrocoriensis.
— Senescallus ibi et in Caturco per annum vc l. capit, et in Caturco, et xxviiic totidem et tamen
habet emolumentum sigilli regis de dono, quod valet ut dicitur circa viijc l.
Les deux
chiffres ne concordent pas exactement; notons que le renseignement relatif au
Périgord est de 1299, et celui qui est relatif au Quercy, de 1297,
probablement.
En ce qui
concerne les sénéchaux du roi d'Angleterre, je n'ai que deux observations à
faire :
Guillaume
Ferriol (n° 7) a été nommé par divers auteurs Ferriol de Luningues, de
Cuningues, de Tunninges, de Tonneins (voir le Bulletin de 1891, p.
428); c'est cette dernière forme qui est la vraie.
Nous inclinons à
penser que N.
Aubeynac (n°
17), mentionné en 1361, est le même que Hélie de Pomiers, seigneur d'Arbenats (n° 16),
mentionné à la même date.
Ph.
de Bosredon.
[1]
Cet article a
été tiré à part sous ce titre : Grands seigneurs et petits fiefs du
Gâtinais. I. Henri de Courances, maréchal de France, par Henri Stein.
Paris, Alphonse Picard, 1892. — C'est à cette brochure que se rapportent nos
renvois.
[2] Toutefois, et sans aller à rencontre de
l'assertion de M. Stein, je ferai remarquer que la forme Cousances a été employée
dans plusieurs actes (voir son article, p. 16 et 18).
[3] M. Stein, qui a bien voulu citer ma
liste, dit que sur ce point et sur quelques autres, elle serait peut-être à
remanier. Personne n'en est plus convaincu que moi-même, l'ai d'ailleurs pris
soin, dans l'introduction qui la précède, d'énumérer les circonstances
multiples qui peuvent occasionner des erreurs. Le seul moyen de dresser une
nomenclature exacte serait de l'établir uniquement d'après les documents
originaux, vérifiés scrupuleusement, et en laissant de côté les renseignements
souvent fautifs qu'on trouve dans les recueils manuscrits ou les ouvrages
imprimés; mais un travail de ce genre exigerait des recherches très longues et
très ardues.
[4] Hommage rendu par Pierre Bernard et
Hugues de Jaunhac pour le château de Châlucet (7 des calendes de novembre; c'est-à-dire
26 octobre 1260.)
[5] « Radulphus de Trapis, serviens
illustrissimi regis Franciae, ex parte ipsius regis in Lemovicensi, Petragoricensi
et Caturcensi diocesibus senescallus ».
[6] Il serait plus exact de dire : presque en même
temps, puisque
M. Stein place la nomination d'Henri de Courances comme sénéchal au début de
l'année 1265.
[7] « Universis tenorem presentium
audituris, Edwardus, illustris Regis Anglorum primogenitus, salutem. Domina
Regina mater nostra, dum partibus Vasconiae insisteret, dominum Henricum de
Cusanciis, tunc senescallum nostrum terrae predictae, adquictavit… » (Charte du
27 juillet 1266, publiée par M. Stein, p. l2).