Source: Bulletin SHAP, tome I (1874),
pp. 56-59.
DONATION FAITE, EN 1243, A L'ABBAYE
DE LA FAYE,
PAR PIERRE DE SAINT-ASTIER, ÉVÊQUE DE PÉRIGUEUX
(E. Galy).
Pierre de
Saint-Astier occupa le siège épiscopal de Périgueux pendant trente-trois ans,
de 1233 à 1266; il succéda à Ramnulfe de Lastours; il était fils du seigneur de
l'Isle-sur-Drône.
C'était un homme
savant et éloquent, d'une piété s'affirmant, sans cesse, par de bonnes œuvres;
tous ses actes ont un caractère de grandeur et de gravité qui lui valut le respect
et l'amitié des puissants de cette époque. Les papes Grégoire IX, Innocent IV
et Alexandre IV l'employèrent dans différentes circonstances difficiles,
notamment en 1235 dans l'affaire de l'élection de l'évêque de Poitiers, et le
roi de France, saint Louis, dans le différend qui s'éleva pour !a juridiction
du Puy-Saint-Front contestée à Louis IX par le comte et l'évèque; ce prince
accepta de Pierre de Saint-Astier, par composition, la moitié de la justice
temporelle de la ville du Puy-Saint-Front.
On peut dire que
Pierre de Saint-Astier passa sa vie à être médiateur entre la vieille ville,
la Cité,
où
il avait sa cathédrale et son château fortifié, et la ville nouvelle, le Bourg du
Puy-Saint-Front. Le fameux traité de paix de 1240 entre les deux antagonistes
fut son oeuvre, mais qui fut bientôt violée. En 1250, les habitants de la Cité
se rendirent coupables d'offenses si graves envers les bourgeois du
Puy-Saint-Front, que l'évêque fut obligé de sévir; ils furent condamnés à une
pénitence publique et durent se rendre processionnellement à l'église des
Frères Prêcheurs, tous
en chemise, et
là, à genoux, demander pardon à la bourgeoisie du Puy-Saint-Front. Ce jour-là,
la suprématie du Puy-Saint-Front fut conquise sur la Cité.
Et, cependant,
ce bon évêque voulait sauvegarder les intérêts de tous, car il se compromit
bientôt auprès de Louis IX en soutenant la cause de la Cité et du comte du
Périgord contre les prétentions du Bourg et celles du roi ; il fut assiégé dans
son château par le sénéchal de Périgord, en même temps qu'Elie de Taleyrand
résistait dans sa forteresse des Rolphies ou des Arènes. II paraît cependant
qu'il n'attira pas sur sa tête de cruelles représailles ; il s'était mis du
côté des victimes, le roi lui pardonna:
Pierre de
Saint-Astier avait élevé, en 1242, le couvent des Frères Prêcheurs de l'ordre
de Saint-Dominique sur l'emplacement où l'on croyait que saint Euparque, fils
du comte de Périgord, avait bâti un monastère, espérant ainsi que les religieux
placés entre les deux villes seraient un moyen d'apaisement et d'union. C'est
lui qui fit constater l'authenticité des reliques de saint Front, l'apôtre du
Périgord, que l'on disait avoir été enlevées de son tombeau, lors du pillage et
de l'incendie de la ville de Périgueux par les Normands.
Epuisé par tant
de travaux et de bonnes œuvres, propter debilitatem corporis proprii, et, ce qui est
encore plus probable, ainsi que le relatent les lettres accordées par Clément
IV, propter
plebis sui malitiam, à cause
de la méchanceté de son peuple, il obtint, après
de longues sollicitations, la résignation de son évêché. Il se retira au
couvent des Frères Prêcheurs de Limoges, où il prit l'habit de dominicain, et
mourut le 14 juillet 1275, en odeur de sainteté. Il fut inhumé dans le chœur de
l'église du monastère. Le P. Dupuy a donné l'épitaphe élogieuse que les Frères
avaient placée à gauche de son tombeau. Elle nous apprend que Pierre de
Saint-Astier avait fait des dons nombreux à cette abbaye en ornements d'église,
en constructions et en manuscrits.
La donation
suivante, faite à l'abbaye de La Faye, près de Périgueux, et dont nous publions
le texte pour la première fois, est une nouvelle preuve de la piété profonde et
de la générosité de notre évoque. Le prieuré conventuel de la Faye, de l'ordre
de Saint-Augustin, dépendait de l'abbaye de La Couronne, près d'Angoulême ; il
était sous le vocable de Beata Maria de Faya. Sa fondation
était due aux seigneurs de La Faye qui, en 1209, donnèrent tous les biens
qu'ils avaient dans les paroisses de l'Aiguillac et de Mensignac. On dit qu'ils
étaient cinq frères; les deux premiers avaient été évêques, l'un de
Saint-Bertrand de Comminges, l'autre de Bayonne (?) ; le troisième,
Armand, était chanoine de Saint-Front ; le quatrième, Jean, prieur de la
Grande-Sauve; le dernier, Guillaume, était laïque.
P. Dei gratia
Petragoricensis episcopus, universis presentes litteras inspecturis in Domino
salutem. Notum sit omnibus presentes litteras inspecturis quod nos dedimus et
concessimus fratribus Domus de Faia ordinis de Corona unum sextarium frumenti
pro salute anime nostre et episcoporum predecessorum nostrorum, predictis
fratribus, a nobis, ultimo mandato nostro, a successoribus nostris, annuatim,
in celario nostro Petragoricense persolvendum ; secundum , etiam , alium sextarium
prefatis fratribus conferri pro salute anime bone memorie Armandi de
Sancto-Asterio, jam defuncti, fratris nostri, cum voluntate Petri de Sancto
Asterio, Donzelli, fîlii dicti Armandi : solvendum ipsis fratribus in donio
dicti Petri, apud Insulam, in perpetuum, tamdiu, annuatim, quousque alibi
percipiendum dictis fratribus a prefato Petro commode assignetur. In cujus rei
testimonium predictis fratribus concessimus litteras sigilli nostri munimine
corroboratas. Datum idus februarii, anno Domini M. CCXL. tertio.
Pierre (de
Saint-Astier), par la grâce de Dieu, évêque de Périgueux, à tous ceux qui
verront les présentes lettres, salut dans le Seigneur. Sachent tous ceux qui
liront ces lettres, que nous avons donné et concédé aux frères de la Maison de La
Faye, de l'ordre de La Couronne, un setier de froment pour le salut de notre
âme et de celles des évêques nos prédécesseurs, lequel setier sera livré
annuellement, selon notre suprême recommandation, par nous et nos successeurs,
dans notre grenier de Périgueux ; qu'un second setier sera encore payé aux
frères sus-nommés pour le salut de l'âme de notre frère de bonne mémoire,
Armand de Saint-Astier, mort depuis peu : don fait avec l'assentiment de Pierre
de Saint-Astier, damoiseau, fils dudit Armand. La livraison aux frères aura
lieu dans l'habitation dudit Pierre, à l'Isle, et cela à perpétuité, chaque
année tant et jusqu'à ce que Pierre assigne aux frères désignés un autre local
à sa convenance. En témoignage de quoi nous avons concédé auxdicts frères ces
lettres corroborées par la garantie de notre sceau[1].