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Source : Bulletin SHAP, tome XX (1893), pp. 223-226.

VARIA

(1)   Réinstalation des Jésuites à Périgueux (1604)

(2)   L’encombrement de la rue Salinière à Périgueux

(3)   Lettre du sénéchal André de Bordeille à Gabriel de La Douze (1580)

(4)   Nomination d’un procureur d’office à Beynac (1592)

(5)   Bergerac sous les Anglais.

 

REINSTALLATION DES JÉSUITES A PÉRIGUEUX (20 Janvier 1604).

 

Les premiers fondements du collège de Périgueux avaient été jetés en 1530 sur l'emplacement actuel de l'ancienne préfecture.

Ce fut en 1592 que les Jésuites en prirent la direction, avec le consentement de l'évêque François de Bourdeille et des deux chapitres, et l'approbation du général de l'ordre. A l'effet d'installer et doter cet utile établissement, un traité fut signé le 9 octobre de cette année entre les maire et consuls de Périgueux, et les pères Louis Richome, provincial, et François Bord, premier recteur du collège, dont le P. Dupuy fait un personnage considérable.

« Ces nouveaux ouvriers évangéliques, dit le chroniqueur, continuèrent à travailler fidèlement pour l'instruction de la jeunesse et pour le rétablissement de la foi. »

Mais l'attentat de Jean Chatel sur la personne de Henri IV vint deux ans plus tard compromettre l'existence de la compagnie de Jésus. Le parlement de Paris prononça l'expulsion de cette société hors du royaume.

Cet événement priva le collège de Périgueux de ses maîtres, qui ne rentrèrent qu'après une absence de douze années.

C'est le procès-verbal officiel de la réinstallation des pères Jésuites dont nous publions ici le texte pour la première fois.

« Advenant le vingtiesme jour de janvier 1604, par devant nous Jehan de Marquessac, seigneur dudict lieu, et de Bruzac, conseilher du Roy, juge mage, lieutenant général et présidant présidial en Périgord, c'est présanté le procureur du Roy en la dite séneschaussée, lequel nous a requis de vouloir procéder à l'exécution de l'édict du Roy faict sur le rétablissement des collèges, compagnies et sociétés des Jésuistes au regard du quatriesme article du dict édict et suyvant le contenu en iceluy, ce que luy avons acordé faire ; et, à cest effaict, ledit jour, heure de midy, assisté de Me Baptiste Chancel, conseiller magistrat au siège présidial de la presante ville de Périgueux, et du dit procureur du Roy avec lung des greffiers de la presante seneschaucée, nous serions acheminés au collège desdits Jésuites estably en la dite ville, où estants, se seroyent présantés : Révérant père Jacques Demoucy, recteur du dit collège, auquel nous aurions faict entendre l'ocasion de nostre venue ce jour pour procéder à l'exécution du dit édict : à quoy le dict Moucy, tant pour luy que pour les autres religieux du dit collège de la presante ville, auroit offert d'obéyr et satisfaire présantement. A ses fins, serions entrés dans l'esglise du dit collège, où estants, c'est présanté le dit Moucy, recteur, avec les autres religieux du collège, desquelz il a remys le nom par rolle entre les mains de nostre greffier; et, ce faict, après que ledict procureur du Roy a heu représenté la teneur du dit édict et arrest de la cour donné sur la vériffication d'icelluy et requis lecture en estre faicte en presance des dits religieux dudit collège, et qu'ils eussent à prester le serement porté par le quatriesme article d'icelui, Nous, juge mage susdict, avons ordonné que lecture seroit faicte du dict édict en présance des dicts religieux, de ce qu'ilz n'en puissent prétendre ignorance, et, ce faict, qu'ils presteroyent le serement porté par iceluy et contenu au dict quatriesme article. Et, après que, par nostre greffier, lecture a esté faicte du dict édict en présance de tous les dicts religieux, avons iceulx et chascun d'eux faict appeler l'un après l'autre suyvant le rolle remis par le dict recteur pour prester le serement en suyvant. - Et premièrement, se sont représentés le dict recteur Pierre Moucy, natif de Bourdeaux, recteur du dict collège ; révérant père Guilhaume Bayle, natif de Monestrol-en-Velay, prêtre; Pierre Donat, natif de Martesgin, diocèse de Tholouze , prêtre ; Jehan Langlade, natif de Faugere, en Guyvaudan, prêtre ; Pasquier Aubin, natif de Chartres, prêtre ; Jacques Larieu, natif de Dacz , en Gascoinye , tous prebstres, religieux de la dicte compagnie ; lesquelz et chascun d'eux, l'un après l'autre, après avoir mis la main sur la poitrine, ont faict serement, promist et juré, suyvant le contenu au dict quatriesme article du dict edict, ne rien faire ny entreprendre contre le service du Roy, la paix publicque et repos de son royaulme , sans aulcune exception ni réservation. - Après, se sont présantés : Jacques Scarguel , natif de Castelnaudary, en Languedoc ; Jehan Bort, natif de Périgueux ; Jehan Cordier, natif de Limoges ; Michel Cleyrac, natif de Bourdeaux ; Claude Aspremont, natif des Aisdangillon, diocèse de Bourges, religieux, régens du dict collège ; Pierre Villeboys , natif de Saint-Junien, en Limouzin ; Guyon Sistrières, natif de Murat, en Auvergne ; Pierre Malrieu, natif de Salers, en Augvergne; Jehan Bonnet, natif de Tholouze, religieux escoliers du dict collège ; Claude Bossu , natif de Saint-Marc, dioceze de Paris; Jehan Petit, natif de Nemours ; Pierre Gelmont, natif de Yvry, diocèze de Paris ; Jehan Le Feuvre, natif de Sainct-Salson-en-Caus, en Normandie, coadjuteur de la dicte compagnie ; tous lesquelz et chascun deux, après avoir levé la main dextre, ont faict serement lun après l'autre, promis et juré, suyvant le contenu au dict edict et quatriesme article diceluy, de ne rien entreprandre contre le service du Roy, la paix publicque, repos de son royaulme, sans aulcune exception ni réservation. Et après le dict serement faict comme dessus, nous juge mage susdict, ouy et requérant le dict procureur du Roy, avons octroyé acte de la prestation du serement ; ordonné en exécutant le dict edict que ceux de la dicte compagnie jouyront de l'effaict diceluy, suyvant la volonté et intention du Roy, avec inhibitions et défiances à toutes personnes les y troubler et empescher, à peine de dix mille livres, dict, enjoint aux dicts religieux de la dicte société iceluy garder, observer et entretenir ensemble le serement par eux faict de poinct en poinct, suyvant sa forme et teneur aux peynes y contenues et aultres qu'il appartiendra, ce que tous les dicts religieux et chascun d'eux ont promis faire avec les soubsmissions au cas requises aux fins desquelles ce sont signés au pied de l'original de nostre presant procès verbal.

 

Faict à Périgueux, le jour, mois, an susdicts.

 

Ainsin signés : De Marquessac, de Jehan, procureur du Roy; Jacques de Moucy, religieux de la compagnie de Jésus, recteur susdict; Bayle; Donat; Ilarius; Jean Langlade; Pasquier Aulbin; J. Scarguel ; J. Bord; J. de Cordier; M. Cleyrac; C. Aspremont; P. Villebois; G. Sistrieres; P. de Malrieu; J. Bonet ; Claude Bossu ; J. Petit; Pierre Gelmont; J. Le Febvre. »

 

Le 27 du même mois, prestation d'un serment spécial devant le juge-mage par deux jésuites, les pères André Petit et Jehan Gérard, de nationalité flamande, auxquels un permis de séjour est accordé.

Le P. François Bord était mort depuis 1596 ; mais il eut un digne successeur dans le P. de Moucy, qui appartenait à une famille des plus considérées de Bordeaux. Un de ses parents, Me Jehan Demoucy, était chanoine en l'église collégiale de Saint-Seurin et syndic du clergé du diocèse de Bordeaux. On remarquera dans la liste des pères un jésuite du nom de Bord, peut-être un parent du célèbre fondateur du collège.

 

« Au mois de mars de l'an 1603, dans le collège des pères Jésuites, dit le P. Dupuy (qui ne mentionne pas l'interruption de leur enseignement), fut posée la première pierre du grand bastiment par les maire et consuls avec le père recteur : du depuis ceste fabrique a continué heureusement ».

A.     Dujarric-Descombes.

 

Source : Bulletin SHAP, tome XX (1893), pp. 303-308 (extrait).

L'ENCOMBREMENT DE LA RUE SALINIÈRE, A PERIGUEUX.

Bans les pages qui vont suivre, je n'ai aucunement l'intention de retracer l'histoire de la rue Salinière. Je laisse ce soin à l'un de mes confrères qui, depuis plusieurs années, rassemble des notes sur la topographie du vieux Périgueux et nous procurera quelque jour la satisfaction de parcourir son Dictionnaire des rues et places de la ville. Je me contenterai de dire que la rue Salinière, assez étroite et sinueuse, comme les rues du temps jadis, relie l'une à l'autre les places de la Clautre et du Coderc et qu'elle tire son nom, selon toute apparence, des saliniers ou marchands de sel qui s'y étaient cantonnés. Chacun sait, en effet, que, dans nos villes du moyen âge, les gens de méme profession, loin de se disséminer comme de nos jours, occupaient un même quartier, souvent même une même rue. Sans sortir de Périgueux, nous en retrouvons la preuve dans les dénominations de quelques rues qu'il importe de ne pas laisser disparaître. Telles sont les rues des Farges, de l'Aubergerie, de l'Eguillerie, des Vieilles-Boucheries, que nos pères du quatorzième siècle appelaient simplement las Fargas, las Albergarias, las Agulharias, las Bocharias. De même ils disaient las Salinarias pour désigner le lieu ou les marchands de sel avaient leurs boutiques.

Ces indications préliminaires une fois données, nous déplorerons, après bien d'autres, l'encombrement de la rue Salinière aux jours de marché. Malheur à l'homme affairé ou distrait qui, le mercredi ou le dimanche, s'engage imprudemment sur le coté sud de la place du Coderc, pour se rendre à la cathédrale par la rue Salinière. Outre le brouhaha qui importune ses oreilles, il lui faut se frayer passage au milieu des gens de campagne. Ce n'est pas chose facile. Immobiles et jamais pressés, ces braves gens ne se déplacent qu'avec lenteur. Ils ont d'ailleurs sous le bras, qui son parapluie, qui son bâton crotté. On évite un obstacle pour se précipiter sur l'autre. Puis ce sont des paniers qui encombrent les trottoirs ou que les marchandes tiennent droit devant elles, sans souci du passant dont elles labourent les côtes ou déchirent les vêtements.

Ces désagréments, comme on va le voir, ne datent pas d'hier. Dès le commencement du dix-huitième siècle, les maire et consuls de Périgueux s'en étaient émus et avaient cherché, bien inutilement, hélas ! à y remédier. (…)

Voici la traduction d'une ordonnance de police rendue à ce sujet par les maire et consuls le -25 novembre 1337 (1) :

« Sachent tous et un chacun qui verront ces présentes que l'an du Seigneur 1337 et le mardi fête de sainte Catherine , régnant monseigneur Philippe, par la grâce de Dieu roi de France, dans la ville de Périgueux et sur la place publique dudit lieu, appelée la Clautre, en présence de moi, notaire, et des témoins bas nommés, Itier Chaluel et Guillaume Rey, consuls, agissant tant en leur nom que pour le maire et les autres consuls de ladite ville, ont fait défendre par Aymeric de Sudor, sergent du consulat, à toutes personnes vendant sur ladite place des œufs, des fromages, des châtaignes et autres denrées ou marchandises quelconques, de les déposer sur le chemin qui conduit des Salinières à la porte de la Grammelha en l'église Saint-Front (2). Défense leur est faite d'embarrasser ledit chemin à partir du piquet riche eu terre devant la maison des héritiers d'Hélie Chaumont, où se vend le drap et où précédemment se trouvait le carcan dit du Cloître, du coté des étaux, sur un espace de huit pieds do bost. Les marchands devront laisser cet espace absolument libre, de façon qu'on y puisse circuler sans difficulté. Toute infraction à ce règlement serait punie par les maire et consuls. Ordre est donné au sergent Aymeric de Sudor de se saisir de toutes les marchandises et objets quelconques qui embarrasseraient le chemin ; il les prendra comme choses lui appartenant et il n'en fera fait aucune restitution. De tout ce qui précède, les consuls et sergeot susnommés m'ont demandé, à moi notaire, de dresser un instrument public; ce que je leur ai accordé.

« Fait lesdits an, jour, lieu et règne que dessus, en présence d'Hélie de Paris, Hélie de la Bordelie et Hélie de Pélicier, bourgeois de ladite ville, de plusieurs autres témoins à ce appelés et priés, et de moi Estève de Sudor, par l'autorité du roi, notaire public... »

 

Apres cinq siècles et demi d'efforts inutiles, un nouvel arrêté municipal, pour assurer la libre circulation dans la rue Salinière, aurait, il faut le croire, bien peu de chances de succès. C'est un rêve à dissiper comme bien d'autres. Dans l'impuissance de vaincre la routine humaine, le parti le plus sage ne serait-il pas d'entrer en composition avec elle? Pour donner place aux marchandes de denrées, qui empêcherait de faire reculer derrière elles les maisons qui les gênent? Dans un temps où l'on ne parle que d'élargissement de rues, pourquoi la rue Salinière serait-elle plus délaissée que la rue Taillefer ou celle de l'Aiguillerie ?

Un autre moyen se présenterait cependant, et comme conclusion de ce qui précède, je le recommanderai à nos nouveaux édiles : ce serait d'élargir la place du Coderc du coté du sud, et de ramener à l'alignement de l'Hôtel-de-Ville les quatre ou cinq maisons qui font saillie de ce côté. Sans remonter au moyen Age, ce projet ne date pas d'hier et sa mise à exécution serait certainement bien accueillie à Périgueux.

 

Michel Hardy.

Inhibicion que las regratieyras enpachen lo chami de la Clautre (3).

Noverint universi et singuli presens instrumentum publicum inspecturi, quod anno Domini millesimo ccc° tricesimo septimo, die martis in festo beate Katerine virginis, regnante domino Philippe Dei gratia Francie rege, in villa Petragoricense, in platea publica dicti loci vocato (sic) la Claustra, in presentia mei notarii et testium infrascriptorum, Iterius Chaluelli et Guillermus Regis, consules ville predicte, pro se et majore et aliis coconsulibus suis dicte ville, inhibuerunt et inhibere fecerunt ibidem generaliter et publice per Aymericum de Sudor, servientem consulatus dicte ville, quibuscunque vendentibus et vendere volentibus in dicta platea ova, caseos, castaneas et alios quoscunque fructus seu alia mercimonia quecunque sint, ne talia mercimonia ponant in itinere per quod itur de loco vocato las Salinarias versus portam ecclesie Sancti-Frontonis vocatam la Grammelha, nec dictum iter inpediant quominus per inde possit libere transiri, videlicet a quodam clavo seu relhone infixo ante locum seu statgiam heredum Helie de Cavomonte ubi venditur pannus, ubi solebat esse anulus vocatus de Claustro, versus macellos dicte ville, per spatium octo pedum vocatorum do bost, ipsumque spatium dimittant liberum et vacuum et absque aliquo inpedimento, sub omni pena quam dicti major et consules dicte ville exinde vellent babere ; et nichilominus dicti consules preceperunt et dederunt in mandato dicto servienti quatenus si amodo inveniat aliqua mercimonia seu aliquod inpedimentum in dicto loco, totum id capiat tanquam suum, sine recredentia et restitutione quam nulli faciat de premissis. De quibus premissis omnibus et singulis, dicti consules et serviens pecierunt per me notarium infrascriptum ut sibi concederem et conficerem publicum instrumentant; quod sibi concessi. Acta fuerunt hec anno, die, loco et regnante quibus supra, presentibus testibus Helia de Parisius, Helia de la Bordelhia et Helia de Pelicier, burgensibus dicte ville et pluribus aliis ad premissa vocatis et rogatis, et me Stephano de Sudor, auctorilate regia notario publico , qui premissis una cum dictis testibus interfui, et presenti instrumento publico manu propria ine subscripsi, ipsumque in formant publicam redigendo signoque meo solito signavi vocatus et rogatus.

 

(1) Voir à la fin le texte latin de cette ordonnance.

(2) La porte ainsi désignée se trouvait évidemment sous l'arceau ou passage voûté qui de la place de la Clautre donnait accès dans l'ancienne église latine, rendant tout lu moyen âge et probablement même jusqu'à la sécularisation du cimetière du Gras, l'entrée principale de l'église Saint-Front était de ce côté.

On pourrait discuter sur la signification du mot crammelha qui apparaît ici pour la première fois. Je croirais volontiers qu'il dérive de l'adjectif roman gram, triste, plaintif, d'où serait venu notre verbe réfléchi, se grommeler. La porte de la crammelha serait la porte de la plainte, porte des soupirs et des sanglots. Ce nom lui serait venu de la triste cérémonie qui s'y accomplissait lors des exécutions de justice Avant d'être remis au bourreau, le criminel était conduit devant la principale porte d'entrée de l'église de Saint-Front et là faisait son amende honorable. Dans son langage expressif, le peuple aura voulu rappeler ces souvenirs en désignant cette porte sous le nom de la crammelha.

(3) Cette rubrique, en vieux langage périgourdin, se lit au dos de la charte originale conservée aux archives de la ville. Cette charte, cotée sous le n° 230 dans l'inventaire de 1798 et classée aujourd'hui dans la série DD, art. 19, est écrite sur un carré de parchemin mesurant 0m225 de coté.

 

Source : Bulletin SHAP, tome XX (1893), pp. 454-461.

 

LETTRE DU SÉNÉCHAL ANDRÉ DE BOURDEILLE A GABRIEL DE LA DOUZE.

Du 25 Avril 1580.

 

Monsieur mon cousin, Monsieur de La Douze, chevalier de l'ordre du Roy.

Monsieur mon cousin, je reçus au soir tout tard, à neuf heures, une lettre de la Royne mère par ung de ses gardes que Sa Magesté m'a envoyé de Bourgueil, où elle estoyt allée trouver là Monsieur son filz et avoyt entendu ce qui a esté faict à Montignac et ensemble les assemblées qui se font tous les jours en ce pays, et me mande que l'intention du Roy, son filz, est de bien faire conserver et garder son esdict de paciffication et les articles de sa conférence qui furent résolus et arrestés à Nérac avecques le Roy de Navarre et le consentement universel de tous ceulx de la Religion prétendue et reformée et elle aussy. Touteffoys, si ainsin est que ceulx de la dicte religion se soyent assemblés et veullent encore troubler le repos publicq, que il est très bon d'avoir l'heulh et garder les villes de surprinses, me commandant de les en advertyr toutes celles qui sont en mon gouvernement de ce donner bien garde et leur faire entendre l'intention du roy qui a délibéré de faire bien pugnir par justice toutz ceulx qui troublent le dict repos public, tant d'une religion que aultre, et les assurer l'intention du Roy, son filz, qui est qu'il veult fort soigneusement faire observer et entretenir ses édictz de ce que j'ay délibéré de faire. Mais je n'entens pas que s'ils nous viennent attacquer, que nous nous deffandons bien, dont je vous ay bien voullu advertyr, et de tout ce que dessus et aussy pour vous prier bien fort que s'il fault monter à cheval vous tenir prest et tous voz bons amys aussy si l'occasion se présente. Que sera fin ou je salue voz bonnes grâces par mes affectionnées recommandations, priant Dieu,

Monsieur mon cousin, vous donner une saincte longue et heureuse vie. De Bourdeilhe, ce 25 apuril 1580.

En faizant la présente, j'ay receu une aultre lettre du Roy, lequel me commande trez espressément de faire entretenir l'édict de paciffication et de faire pugnir tous ceulx qui contreviendront audict édict, comme je le ferai publier demain à Saint-Astier. Je vous prie faire adresser une lettre que j'escriptz au cappitaine Saint-Privat. Vous avez bien faict de ne venir poinct. Aussy, je viens tout présentement recepvoir une lettre que Monsieur le maréchal de Biron m'escript que j'advertisse toute la noblesse de se tenir preste, si besoing est, de marcher, et que le Roy estant adverty qu'il y avoyt quelcung qui voulloyt oster au seigneur de Dussac la charge qu'il luy a commise à la Réolle, Sa Magesté m'a commandé de le secourir des moyens que j'avoys, lequel j'ay faict, luy avant envoyé quelques petites prières et admonitions pour se deffandre. Mandés-moi de vos nouvelles. La Royne mère, est à la court. Ont dit qu'elle retournera bientost devers Monsieur son filz.

 

Votre obéissant cousin et bon amv. BOURDEILH.

 

Pour copie conforme : Mis d'Abzac de La Douze.

 

NOMINATION D'UN PROCUREUR D'OFFICE a beynac, en 1592.

 

Geoffroy de Beynac, seignieur et baron dudict lieu et de Commarque, à tous ceux qui ces présantes verront, salut.

 

Sçavoir faisons que ayant cy-devant nostre feu père pourveu maistre Jehan Dufour de l'estact de procureur d'office en nostre baronnye et jurisdiction de Beynac pour le temps qu'il luy plairoit, et à présant advertys de son descès qu'est intervenu puis certains jours en sa, estant à plain informés de la capacité et suffisance de maistre Raimond Redon, habitant en nostre baronnye de Beynac, pour ses causes et aultres, à se nous movans, avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ses présantes, audict Redon, ledict estact de procureur d'office en nostre baronnye et jurisdiction de Beynac, pour d'icelluy jouyr et huzer pour le temps qu'il nous plairra, ensemble de tous et chascuns les droitz, dignités, proroguatyves et préhémynances et authorités audict office appartenans que faisoict ledict Dufour et aultres que cy-devant onct exersés ledict office, enjounyons à touctz nous subjectz obéyr et entendre audict Redon en ce que conserne et pourra conserner led. office. Lequel Redon, après avoir receu de luy le serment au cas requis, avons mis et maitons par ses présantes en pocession dud. office, droictz, dignités, proroguatyves et préhémynanses et autorités susdictz, faisant inhibition et deffance à tous nouz dictz subjectz et aultres qu'il apartiendra le troubler ny empescher en la pocession et jouyssance dudict office, et en tesmoing de ce avons signé ses présantes, scellées du scio (sic) de nouz armes et faictes signer au notayre royal soubz escript.

Donné en nostre chasteau de Beynac, le quinziesme du moys de mars mil cinq cens quatre-vingtz-douze.

Beynac.

 

Pour copie conforme : Louis CARVÈS.

(…)

BERGERAC SOUS LES ANGLAIS.

Essai historique sur le consulat et la communauté de Bergerac au moyen âge (1).

Le beau volume que M. Emile Labroue, ancien principal du collège de Bergerac, aujourd'hui proviseur du lycée de Foix, vient de livrer au public sous ce titre, et dont il a fait récemment hommage à la Société historique du Périgord, réunit sous un même format deux précédentes études de leur auteur sur notre province : Bergerac sous les Anglais et le Livre de Vie (2), tableau vivant et varié de l'histoire de Bergerac au XIVe siècle, qu'une foule de renseignements nouveaux est venue compléter.

Après avoir expliqué les origines mêmes de la ville de Bergerac, M. Labroue nous initie aux moindres détails de sa vie municipale par l'examen des Statuts de 1322 et des Coutumes de 1368. Il passe ensuite aux événements militaires qui font l'objet principal de son livre.

Celui qui demandait les plus longs développements, c'était la bataille et le siège de Bergerac de 1345. Comme il n'était pas sans intérêt de rapprocher le récit de Froissart de ce chapitre important, M. Labroue a reproduit à l’Appendice les pages mêmes que le vieux chroniqueur a consacrées à une campagne si funeste à nos armes.

Non seulement il s'est étendu davantage sur ces prémices de la guerre de Cent ans, mais il a tenu encore à combler une lacune de sa première édition, relative à la mémorable bataille de Castillon. A ce propos, nous devons lui savoir gré de s'être associé à M. Dessalles, dont il emprunte le récit, pour restituer à cette bataille l'appellation qu'elle devrait conserver dans l'histoire. Faire de la bataille de Castillon la victoire de La Mothe-Montravel, c'est rendre un hommage à la vérité, puisqu'elle se livra sur le territoire de la commune de La Mothe-Montravel, à plus de deux kilomètres de Castillon. Le département de la Dordogne doit être fier de posséder ce glorieux champ de bataille, où se termina la guerre de Cent ans par la mort de Talbot et la déroute des Anglais.

C'est ainsi qu'après nous avoir attristés en racontant les défaites des Français au début de la guerre, M. Labroue réjouit nos coeurs en nous montrant, dans l'arrondissement même de Bergerac, leur victoire définitive sur les Anglais.

Bergerac, dont l'histoire est très obscure sous les règnes de Henri II, de Richard-Cœur-de-Lion et de Jean-Sans-Terre, entre dans la vie militante dès le commencement du XIVe siècle, et joue dès lors un rôle assez marquant pour mériter l'attention des historiens. C'est ce rôle que M. Labroue a pris à tâche de nous montrer.

Les annales de Bergerac ne pouvaient lui offrir, à tous les points de vue, un sujet d'étude plus intéressant que cette période , où, échappés à la tyrannie seigneuriale, les habitants de Bergerac s'organisent en commune et combattent ensuite contre la domination anglaise pour devenir enfin maîtres d'eux-mêmes.

Si M. Labroue a su tirer un heureux parti des principales chroniques, il parait s'en être un peu trop rapporté à des yeux étrangers en ce qui concerne la mine précieuse des archives locales. S'il eût compulsé lui-même la plupart des documents écrits qu'il cite souvent, les livres des Jurades par exemple, il eût évité des inexactitudes et parfois des erreurs.

D'une manière générale, les textes romans donnés par lui sont fautifs, notamment Las ordenansas (page 74). La lettre du connétable Bertrand du Guesclin aux consuls de Bergerac, incomplètement reproduite déjà par M. Charrier, n'a pas été transcrite par M. Labroue avec plus de fidélité (pp. 84-6). (3).

On dirait qu'il n'a pas connu le texte des lettres du duc d'Anjou confirmant les privilèges de la ville le 2 septembre 1377, lettres qu'on peut lire dans les archives de l'hôtel-de-ville de Bergerac (layette II, liasse 13, n° 3). Pour la fixation de cette date, il s'est uniquement basé sur une indication sommaire de l'inventaire des titres de la ville de 1381 (page 103), qui renouvelait une indication identique de l'inventaire de 1378, ainsi conçue : « ... Jos la data del segon jorn de setembre l’an MCCCLXXVIJ. »

Ces lettres furent signées à Bergerac par le duc d'Anjou le jour même de l'entrée des Français, qui, la veille, avaient commencé à tailler en pièces les Anglais à Eymet. Il est fort à croire que le château, suprême refuge des vaincus, ne capitula que le 3 septembre. C'est pour cela sans doute que la Petite chronique de Guyenne et les registres mémoriaux de l'hôtel-de-ville de Périgueux s'accordent à assigner cette dernière date à la reprise de Bergerac (4).

Signalons encore une double erreur de M. Labroue, qui fait venir Boucicaut dans notre province en 1378 pour combattre Archambaud V (p. 121). Or, ce ne fut que vingt ans plus tard, en 1398, que le maréchal vint en Périgord pour combattre le comte Archambaud VI et faire le siège de Montignac.

Enfin, dans la liste des sénéchaux du Périgord, c'est Pierre d'Acigné, maire imposé par Louis XI à la commune de Périgueux, qui doit figurer à la date de 1463, et non le personnage imaginaire du nom de Pierre Daesme.

M. Labroue voudra bien nous pardonner ces quelques critiques de détail, qui ne sauraient nuire en aucune façon au mérite de son ouvrage, auquel il n'a manqué que le fruit de recherches personnelles dans nos riches archives périgourdines. Il est aussi remarquable par le fond que par la forme, et l'on n'a qu'à le parcourir pour voir que l'auteur n'a rien négligé de ce qui pouvait intéresser ou charmer ses lecteurs. Son récit est accompagné de nombreuses gravures qui nous font connaître les personnages les plus fameux de la guerre de Cent ans, ainsi que les monuments et les lieux qui furent à cette époque troublée le principal théâtre de la vie municipale ou féodale.

La Société historique et archéologique du Périgord, qui d'ordinaire ne rend compte dans ses annales que des publications de ses membres, a été heureuse de pouvoir faire une exception en faveur de M. Labroue, à cause de la valeur exceptionnelle de son œuvre et du sentiment qui l'anime. Car, en nous faisant assister à La Mothe-Montravel au relèvement de la nation après une humiliation séculaire, il nous offre dans notre propre histoire un exemple de revanche nationale que les nouvelles générations du Périgord ne sauraient oublier.

A. Dujarric-Descombes.

 

(1)           Bordeaux, Gounouilhou, 1893, 1 vol. in-4° avec gravures, de 230 pages.

(2)           Il est bon de rappeler ici que l'on doit à notre érudit collègue M. Ch. Durand la connaissance de ce manuscrit roman, qui contient une si navrante peinture de l'oppression féodale à la fin du XIVe siècle, Lo Libre de Vita (Bulletin, tome XIV, pp. 194-225).

(3)           Nous croyons devoir en reproduire ici le texte, véritable, d'après une copie que notre obligeant collègue M. Durand a prise lui-même dans le livre des Jurades, 1375-1370, f° 11v°.

La qual letra de mot a mol se ensiec en aquosta maniera :

« Chiers et amez lo gouverneor et coussols a Bragerac,

Chiers et amez, playse vous assavoir que nous sommes venus aujourd'huy davant ce fort pour ce que ceux du dedans avoient rompu les trèves, lequel nous avons a nostre main. Et pour ce que vous n'avez poyt rompu les dictes trêves, vous poez venir sehurement dever nous et nous fetez venir des vibvres. Et ceste letre vous vaudra sahurier. Et vous prions, gouverneor et coussors, que vous venez parler à nous, et ces présentes vous vaudront saupconduit cest jour et cest jeudi par tout le jour. Chiers et bien amez, Dieu vous ayt en sa garde.

Escrip davant Montleydier, mercredi xije jour de mars. »

(4)           La Bibliothèque de l'Ecole des chartes (tome XLVII, p. 68 et les suivantes) a publié le texte de celle chronique en dialecte gascon, avec les annotations de M. Lefèvre-Pontalis. Afin de sauver de l'oubli un texte précieux, également ignoré de M. Labroue, nous transcrivons ici le passage du Petit livre noir (BD. 13, 3 v°), où le greffier du consulat de Périgueux a mentionné les brillants faits d'armes de Bergerac :

« Lo dissabde a xxij jorns d'aost, l'an dessus dich Mil ccclxvvij, fo pauzat lo seti, per Mossenhor lo Duc d'Anio, davan la villa de Brageyrac. Y eran en sa companhia, Mossenhor Bertran de Guesclin, conestable de Fransa, Mossenhor Loy de Sonsierra, mareschalc de Fransa, e Yvo de Gualas e gran re d'autres senhors. E la dicha villa e lo chastels rederen se, lo tert jorn de setembre enseguen. E estan lo seti davan la dicha villa, Mossenhor lo Duc avia trames a la Reula, Mossenhor Johan de Buelh, am certa nombre de gens d'armas, per far amenar un engenh qui s'apelava trueya. E Mossenhor Thomas de Feleton, lo qual era seneschalc de Guiayna per lo Rey d'Anglaterra, e li baro de Guasconha qui eran d'aquela part, feyren lor amas de gens d'armas e vengueren en un luoc, qui a nom Eymet, per essor al encontre del dich Mossenhor Johan de Buelh, per luy aver, e sas gens, si poguessan. E Mossenhor lo Duc fo assabentat del dich fach e tantost trames, al encontre del dich Mossenhor de Ruelh , Mossenhor P. de Buelh, son frayre, e Yvon de Gualas, e Mossenhor P. de Mornay e gran re d'autres, li qual s'encontreren pres del dich luoc d'Eymet, am los dichs enamixs, e los descoffiren. Y aysso fo fach lo primier jorn del dich mes de setembre, l'an dessus dich ; e foren pres aquilh qui s'en seguen :

 

Mossenhor Thomas de Feleton, seneschalc de Guiayna;

Lo Senhor de Langoyran ;

Lo Senhor de Muyschida;

Lo Senhor de Duras ;

Lo Senhor de Rauzan ;

e gran re d'autres foreu près …… la dicha besogna e gran re, fuyan, se negeren al Drot. »

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