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Source : Bulletin SHAP, tome XXX (1903)

pp. 114-118.

 

LE TRAITÉ D'ÉLIE SALOMON SUR LA SCIENCE DE L'ART MUSICAL.

 

Dans la séance du 6 décembre 1900, nous appelions l'attention de la Société historique sur le traité de musique dédié, en 1274, à Grégoire X par Elie Salomon, clerc de la collégiale de Saint-Astier, et dont la bibliothèque ambrosienne de Milan possède le manuscrit.

Quelques mois plus tard, M. le chanoine Chaminade, avec une compétence à laquelle nous sommes heureux de rendre hommage, analysant l'œuvre de son devancier du moyen âge, en extrayait la substance à l'intention des amis de l'art musical[1], et il concluait, avec les meilleurs théoriciens, que notre musicographe méritait la considération de tous les plain-chantistes.

Dans le but de faire faire à nos collègues plus ample connaissance avec cet artiste « à peine soupçonné », nous avons prié M. le marquis de Foucault du Daugnon, qui demeure aujourd'hui à Ofîanengo, dans la Lombardie, après avoir habité longtemps la ville de Milan, de nous procurer, avec l'aide d'un photographe, les trois principales miniatures de ce traité Scientia artis musicae, où l'auteur se trouvait lui-même représenté dans son costume original. C'est grâce à l'obligeance de ce très aimable collègue de la Société archéologique et historique du Limousin, que nous pouvons en donner ici une exacte reproduction. Que M. de Foucault reçoive 1"expression de notre sincère gratitude pour ce service rendu à l'histoire périgourdine.

D'après la description qu'il a bien voulu nous en transmettre, le manuscrit de la bibliothèque ambrosienne, d'une belle écriture avec initiales en rouge ou bleu, se compose de 29 feuilles de parchemin formant 58 pages de 29 lignes chaque. La première porte ces mots : Incipit praemium scientiae artis musicae seu doctrinae 1274, Helias Salomon.

C'est à la page 5, dont elle occupe les deux tiers, que se trouve la miniature que nous publions aujourd'hui.

Elle offre la particularité remarquée dans l’Estat de la Terre Sainte dédié en 1336 au cardinal de Talleyrand[2], celle d'un dessin où l'auteur est représenté aux pieds du pape, auquel il fait tout à la fois l'offrande et l'exposé de son traité musical. Mais quelle différence entre les deux dessins ! Dans le premier, c'est l'œuvre d'un véritable artiste ; c'est celle d'un simple amateur dans le second dessin, qui l'avait toutefois précédé de plus d'un demi-siècle.

Pour l'explication de ce dessin et surtout des deux autres, laquelle exigeait certaines connaissances techniques qui nous manquent absolument, nous avons dû avoir recours au biographe même de Salomon. M. l'abbé Chaminade s'est gracieusement mis à notre disposition, et nous avons profité de ses savantes observations dans une si large mesure qu'on peut dire que les notices destinées à accompagner les trois miniatures du traité de Salomon sont à peu près exclusivement son œuvre : Suum cuique.

Ce devoir accompli, revenons à la dédicace de ce traité de musique.

Pour en saisir le dessin, il faut tout, d'abord faire abstraction de la première ligne qui appartient au texte courant de la Préface.

A gauche, un pontife, revêtu de la chape, coiffé de la mître, assis sur la chaire de Pierre, montre de la main gauche, sur le livre des Offices, le verset alléluiatique Virga Gesse et l'introït Ad te levavi. Au-dessus et à côté de la tête, on lit ces mots: Gregorius presul, meritis et nomine dignus. Liber officiorum.

A droite, on voit un moine, la tète couverte du bonnet de docteur : un long manteau plissé, terminé au collet par un capuchon, le recouvre en entier. Ce personnage laisse passer, par les deux ouvertures ménagées dans le manteau, ses deux bras aux manches ourlées d'un double liseré. Il porte des bas et ses souliers sont ornés de boucles. D'une main il soutient une figure de forme sphérique et expose de la voix et du geste son système de solmisation : ut, ré, mi, fa, sol, la. La, sol, fa, mi, ré, ut. Les lettres a, b, c, d, e, f, g, qui suivent la courbe de la sphère et dont on se sert encore aujourd'hui pour la tablature des instruments et la classification tonale de nos antiennes liturgiques, correspondent aux notes de musique la, si, ut, ré, mi, fa, sol. Près de la tête de ce moine, se trouve cette phrase indicative : Qui composuit hunc libellum musice artis.

Au bas de la page, à gauche, un moine est prosterné dans l'attitude de l'imploration : de ses mains élevées au dessus de la tête, il présente au personnage mitre un rouleau de parchemin. Les termes de cette supplique se développent le long de son corps et au fond de la page : Sanctissime domine Gregori decime, supplicat Sanctitati vestre Helyas Salomonis, clericus de Sancto Asterio petragorici dyocesis, quatenus scribere dignemini aliquibus discretis, ut presentem doctrinam scientie seu doctrine artis musice diligenter examinent, corrigent et emendent, et si quid boni repertum fuerit, vobis recomendent, et eum recipi faciant in canonicum et in fratrem in ecclesia dicti loci in qua dm servivit fideliter et devote et filius ejus existit.

Passons maintenant à l'explication de notre phototypie.

Le personnage mitre représente saint Grégoire-le-Grand. Ce qui le prouve, c'est le titre placé au-dessus de la mitre : Gregorius presul meritis et nomine dignus et aussi l'introït Ad televavi. En effet, les mots Gregorius presul, etc, sont le commencement d'un répons célèbre que la liturgie monastique chante encore aux matines de Saint-Grégoire-le-Grand, restaurateur du chant grégorien :

Gregorius, presul meritis et nomine dignus,

Antiquas divine laudis modulaciones renovans,

Militantis Ecclesie vocem triumphantis

Sponse concentibus sociavit. Etc.

Quant à l'introït de l'Avent, Ad te levavi, il faut rappeler que les vieux graduels manuscrits offrent, en tête du premier folio, l'image de saint Grégoire-le-Grand écoulant l'Esprit-Saint qui lui parle à l'oreille sous la forme d'une colombe et lui révèle les modulations du chant. Ces antiques manuscrits débutent ainsi : Sanctissimus namque Gregorius, cum preces efjunderet ad Dominum ut musicum tonum ei desuper in carminibus dedisset : tunc descendit Spiritus super eum in specie columbe, et illustravit cor eius et sic demum exorsus est canere, ita dicendo : Ad te levavi.

Le personnage à droite n'est autre que Salomon. Cela ressort évidemment des mois : qui composuit hunc libellum artis musice placés près du bonnet doctoral. Cette figure est intéressante en ce qu'elle révèle le costume du musicographe et sans doute aussi celui des clercs de Saint-Astier non engagés dans les ordres.

Enfin, le troisième personnage agenouillé, qui tient la supplique, est encore Élie Salomon. Le texte le démontre surabondamment. Il démontre aussi que le musicographe périgourdin s'adresse en réalité à Grégoire X, qu'il peint sous les traits de l'illustre centonisateur Grégoire-le-Grand : assimiler Grégoire X à cet autre Grégoire, premier par le nom, le génie et la sainteté, qui régénéra la liturgie et le chant ecclésiastique, c'était agir en habile et délicat diplomate.

Salomon parlant plusieurs fois dans son traité des chants exécutés à la primatiale de Lyon, M. Chaminade en induit qu'il vint à Lyon, l'année même où il écrivit la Scientia artis musicae (1274)[3], et qu'il présenta lui même son ouvrage au Souverain Pontife qui présida le concile général tenu en cette ville, du 2 mai au 17 juillet 1274. On ignore si l'auteur obtint le titre de chanoine de Saint-Astier, auquel il faisait allusion dans sa supplique.

Nous nous occuperons plus tard des deux autres miniatures du manuscrit de Salomon : la main harmonique et les quatre chanteurs.

 

pp. 186-188.

 

LE TRAITÉ D'ÉLIE SALOMON SUR LA SCIENCE DE L'ART MUSICAL.

(Suite et fin).

II

Dans le dernier Bulletin, nous avons pu reproduire, grâce à l'aimable intervention de M. le marquis de Foucault du Daugnon et au talent de M. Sartoretti, photographe à Milan, le dessin de la dédicace du traité de notre compatriote Élie Salomon sur la musique sacrée.

Il nous reste à offrir à notre Société archéologique celui des deux autres miniatures qui ornent ce manuscrit du XIIIe siècle. L'une représente la palme ou main harmonique, l'autre les quatre choristes qui personnifient le quatuor vocal. Elles complètent heureusement la notice consacrée par M. le chanoine Chaminade au musicographe de Saint-Astier, dont le nom figure avec beaucoup d'honneur dans l'histoire de la musique en France.

Nous avons eu la bonne fortune d'obtenir d'un des hommes les plus compétents en pareille matière des annotations techniques sur le dessin de la dédicace. C'est encore au distingué éditeur des Chansons patoises en Périgord que nous sommes redevables des commentaires qui vont suivie, concernant les deux autres miniatures du traité de Salomon. Ils constituent des pages précieuses pour l'histoire de la musique, dignes d'être publiées ici dans leur intégralité. Nous sommes sur d'être l'interprète de nos collègues en exprimant à M. l'abbé Chaminade les sentiments d'une vive gratitude.

 

LA PALME HARMONIQUE D'ELIE SALOMON.

 

 

« Quel est, englobé dans une sphère, ce personnage à la couronne monacale qui exhibe une main énorme constellée d'hiéroglyphes? Va-t-il nous dévoiler les mystères de la chiromancie, ou des logarithmes, ou de l'alchimie ? Point du tout : c'est le maître Elie Salomon qui, de la main droite, expose sur sa main gauche le système des hexacordes. (Ch. VII. - Rubrica de notifia palme, p. 23.)

Voici ce que signifiait la palme ou main harmonique de notre musicographe périgourdin. Mais, auparavant, force nous est d'aborder quelques notions préliminaires, sans lesquelles elle demeurerait lettre close pour les néophytes.

Avant le XIe siècle, les notes musicales s'exprimaient au moyen des lettres abedefg ou par des agrégations de points minuscules appelés neumes. Vers le XIe siècle, on se servit des syllabes ut ré mi fa sol la [4], intervalle de six notes qui forma ainsi un hexacorde naturel, le demi-ton étant placé entre mi et fa. Notre si demeura longtemps ignoré du moyen âge : il ne fut adopté qu'au milieu du XVIe siècle (1580.) Cette méthode étrange de solfège se perpétua donc pendant 500 ans.

— Eh ! quoi ! dira quelqu'un, ne pouvait-on indiquer par une autre syllabe le second demi-ton de notre gamme ? Rien de plus simple, ce semble ?

— Oui, sans doute : mais, chacun le sait, les inventions les plus simples sont souvent l'apanage du génie : il ne s'agit que de.... les trouver.

— Mais alors, comment s'y prenait-on pour figurer le second demi-ton indispensable à la gamme diatonique ?

— Rien de plus élémentaire : on solfiait invariablement mi fa. Ainsi, au lieu de si ut, on solfiait mi fa ; au lieu de la sib, on solfiait mi fa. De là, sept hexacordes qui partaient de notre sol grave- et montaient jusqu'au mi aigu : d'où le nom de solmisation donné à ce système informe. On l'appela aussi muances et musique feinte, parce qu'on muait par la pensée le nom véritable de la note, pour lui attribuer un nom fictif.

Les hexacordes s'emboitaient les uns dans les autres, chacun d'eux anticipant sur le suivant.

En résumé, la palme ou main harmonique[5] était un moyen mécanique de mémorisation qui consistait à appliquer à chaque phalange le nom de l'un des vingt sons du système alors en vogue, depuis le Γ (gamma, notre sol1 actuel), jusqu'à e (notre mi3.) D'aucuns ont qualifié la solmisation de monstruosité : c'est trop oublier les difficultés auxquelles se heurtaient les infortunés théoriciens. N'étaient-ils pas plus à plaindre qu'à blâmer?

Venons-en maintenant à la palme d'Elie Salomon? Pour en avoir la clef[6], il faut opérer un mouvement tournant. Car la figure réelle de la palme forme une spirale.

Commencez donc par l'extrémité du pouce : suivez la paume horizontalement. Remontez le petit doigt tout entier ; puis, passez successivement à la première phalange de l'annulaire, du médius et de l'index. Ensuite, parcourez en descendant les phalanges de l'index, et, sans repasser par la paume, allez à la troisième phalange du médius et de l'annulaire : remontez par la deuxième phalange de l'annulaire et tournez enfin sur la deuxième phalange du médius qui est le punctus final et central.

Pour éviter au lecteur cet exercice compliqué et rendre plus claire, plus accessible, la palme d'Élie Salomon, nous allons la réaliser sur le papier, nous contentant d'y ajouter, en première ligne, les sons réels de la gamme moderne.

Palme ou main harmonique d'Élie Salomon.

 

dd

 

 

 

 

 

La

Sol

 

XIX ultimus punctus

Ut

ee

 

 

 

 

 

Sol

Fa

 

XVIII P.

Si\flat\natural

\flat\flat\natural\natural

 

 

 

 

 

Fa

Mi

 

XVII P.

La

aa

 

 

 

 

La

Mi

 

XVI P.

Sol

g

 

 

 

 

Sol

Ut

VII cl.

XV P.

Fa

f

 

 

 

 

Fa

Ut

 

VI cl.

XIIII P.

Mi

e

 

 

 

La

Mi

 

 

 

XIII P.

d

 

 

La

Sol

 

 

 

XII P.

Ut

c

 

 

Sol

Fa

Ut

 

 

C cl.

XI P.

Si \flat\natural

\flat\natural

 

 

Fa

Mi

 

 

 

 

X P.

La

a

 

La

Mi

 

 

 

 

IX P.

Sol

G

 

Sol

Ut

 

 

 

IIII cl.

VIII P.

Fa

F

 

Fa

Ut

 

 

 

 

III cl.

VII P.

Mi

E

La

Mi

 

 

 

 

 

 

VI P.

D

Sol

 

 

 

 

 

 

V P.

Ut

C

Fa

Ut

 

 

 

 

 

II cl.

IIII P.

Si

B

Mi

 

 

 

 

 

 

 

III P.

La

A

 

 

 

 

 

 

 

II Punc.

Sol

Γ Gamma

Ut

 

 

 

 

 

 

I clavis

I Punctus

 

Observations. — Pour lire correctement ce tableau, il faut commencer en bas par les sons graves en remontant jusqu'aux sons aigus.

Salomon emploie sept clefs qu'il place sur les 2me, 3 me, et 4 me lignes de la clef de fa grégorienne et sur les lre, 2 me, 3 me et 4 me lignes de la clef d'ut grégorienne.

Les mots punctus I, II, III, etc., signifient les notes.

Il est à remarquer que Salomon omet la dernière note ee (mi 3) du septième hexacorde, contrairement à la pratique habituelle des théoriciens.

Les hexacordes désignés au moyen d'un \natural étaient nommés hexacorda dura, (d'où \flat\natural, c'est-à-dire \natural quadratus, bécarre), ceux au moyen d'un \flat, hexacorda mollia, (d'où b mol), et les autres, hexacorda naturalia. »

LES QUATRE CHANTEURS D'ÉLIE SALOMON[7]

Devant des stalles de chœur, quatre personnages ornés de la tonsure monacale paraissent vêtus de soutanes blanches, sur lesquelles le premier et le troisième portent des chapes violettes semées dépôts, le second et le quatrième des chapes rouges semées d'étoiles. (Bibl. Ambros. de Milan, Codex D. 75.) Le premier, adroite, dirige les trois autres. On lit en effet près de sa tête : Hic est rector.

Au milieu d'eux s'élève un pupitre grossièrement dessiné: l’antiphonaire ouvert laisse apercevoir les premiers mots notés du verset alléluiatique de la Pentecôte Alléluia y. Veni, Sancle Spiritus et du Répons connu Gaude, Maria virgo.

Sur deux banderoles entrelacées sont écrits ces deux vers :

Tercia cum prima resonat, quia capit in ima ;

Dat modulos, quarta mediante voce, secunda.

Ainsi, sans aucun doute, la première voix résonne (c'est-à-dire s'accorde) avec la troisième et la seconde avec la quatrième ; c'est ce que confirme aussi la couleur significative des chapes.

Tout en chantant, le directeur distribue, en un latin douteux, des conseils à ses subordonnés, comme le prouvent ces phrases écrites ça et là : Diligenter ! Pausatim ! Custodiatis primam vocem, pausatim exaltetis voces. Parum sonas, nimis alter sonat. Cum meritis gravatus (sic), dimittitur. Resumatis cantum post, hoc est, proprium in quarto cantore et ex necessitate sit aliquid faciendum. Dans deux demi-circonférences, à des distances respectives, figurent des numéros d'ordre concernant la disposition et le nombre des choristes : Numerus de distancia vocum et ordinatione earumdem. Nu I. merus II. III. quantum IIII. V. excedunt I. omnes. II. III. quatuor I. II. voces. III. IIII. V. inter se.

Ces quatre choristes personnifient le quatuor vocal. Le chapitre XXXe, auquel se rapporte la présente miniature, traite de l'harmonie embryonnaire qu'on appelait le Chant sur le Livre. Aussi le savant Félis l'estime-t il précieux pour l'histoire de l'art. « Ce qui lui donne une importance assez grande, » dit-il, c'est qu'on y trouve les régies les plus anciennes qui » soient parvenues jusqu'à nous pour taire le contrepoint improvisé appelé en France Chant sur le Livre et en Italie » Contrapunto da mente[8] »

Plusieurs passages de ce chapitre concordent avec l'opinion de Fétis. Salomon exige de son premier chanteur une voix sonore et plus grosse, c'est-à-dire plus basse: puis viennent, étagées les unes au-dessus des autres, les deuxième, troisième et quatrième voix, en sorte que cette dernière puisse chanter plus haut que les autres[9]. Dans ce même chapitre, Salomon veut que la première voix fasse consonance avec la troisième et la seconde avec la quatrième[10]. Qu'est ce autre chose que le contrepoint improvisé?

Sans entrer dans des explications techniques qui nous entraîneraient trop loin, un exemple pris sur le vif fera saisir au lecteur ce qu'était le Chant sur le Livre.

La Chapelle Sixtine a conservé jusqu'à nos jours ce contrepoint primitif qui déroute complètement l'oreille moderne. Sur le livre, il n'y a de noté que le Cantus firmus ou plain-chant : point de parties écrites. Les bassi chantent le plain-chant et les contraltini (hauts-ténors) le reproduisent purement à l'octave supérieure. À leur tour, les tenori font la tierce au-dessus des bassi et les soprani la tierce au dessus des contraltini, chaque note restant toujours ce qu'elle est dans l'échelle modale. De cette polyphonie archaïque se dégage une impression originale, inouïe : on se sent transporté plusieurs siècles en arrière, il est permis au musicien novice de trouver horribles ces agrégations harmoniques qui jurent avec les lois actuelles de l'Ecole. C'est la conséquence de l'éducation séculaire de l'oreille. Il n'en est pas moins vrai que nos pères se délectaient à ouïr ces successions de quintes et d'octaves si dures à nos oreilles raffinées. En tout cas, ne l'oublions pas ; c'est cette harmonie rudimentaire qui engendra la polvphonie moderne et, à ce titre, elle mérite le respect de l'archéologue et du véritable artiste. »

A. Dujarric-Descombes.



[1] Elie Salomon, musicographe périgourdin au XIIIe siècle (1274), Périgueux, Cassard, 1901, br. in-8° de 18 pages.

[2] Bulletin, tome XXVI, page 144.

[3] « Fait en l’an du Seigneur 1274, dans la Curie Romaine, l’an troisième du seigneur Grégoire ».

[4] Syllabes empruntées au début de chacun des vers de l'hymne de Saint Jean-Baptiste : UT queant laxis REsonare libris, Mira gestorum FAmuli tuorum SOLve polluti LAbii reatum.

[5] Improprement, main guidonienne; car Gui d'Arezzo n'en fut point l'inventeur.

[6] Ne tenez nul compte du texte latin qui surmonte la palme : il fait partie du texte courant de l'ouvrage.

[7] Offrons ici l'expression de notre gratitude au savant musicographe Georges Houdard, professeur à la Sorbonne, qui a bien voulu nous aider de ses lumières.

 

[8] Biogr. univ. des Musiciens, t. III, p. 123.

[9] Unus habeat vocem magis grossam et sonoram quam alii, vel quasi, secundo secundus, tercio tercius, quarto quartus, ut sane intelligatur de isto, ut valeat altius quam alii cantare. (Ch. XXX, p. 57.)

[10] Item prima indiget tercia, quia reddit sonoritatem et facit consonanciam cum illa. Item per quartam habetur secunda, quia secum applaudit. (Ibid. p. 58).

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