<<Retour

Source : Bulletin SHAP, tome LV (1928) pp. 156-160.

 

CHARTE DE PIERRE EVÊQUE DE LIMOGES ADMINISTRATEUR DE L’EVÊCHE DE PERIGUEUX DE L'an 1101.

 

Extrait de l’Histoire généalogique de la maison de Bourdeille [jusqu'à Arnaud Ier] composée sur titres originaux, à la demande de Mgr l’évêque de Soissons, par Mr Leydet, chanoine régulier de Chancelade (1). 6 juillet 1774.

 

A. - La donation qu'Hélie II [de Bourdeille] fit à l'abbaye de Ligueux, conjointement avec son fils Eble, le XV des kalendes de may (17avril) 1115 (ou plutôt 1116), nous avait fait penser que cet Eble était déjà majeur dès cette même année. Notre opinion vient de recevoir un caractère de certitude depuis une découverte que nous avons faite dans les archives de l'abbaye de Saint-Astier en Périgord. C'est une charte qui nous fait conoitre plus particulièrement Hélie II de Bourdeille et Eble son fils, que nous n'avions encor trouvé que dans le cartulaire de Ligueux. Raynaldus, évêque de Périgueux, avant de partir pour la croisade, vers la fin de l'année 1100, v. st., avoit confié le soin de son diocèze à Pierre, évêque de Limoges, qui devoit le gouverner pendant son absence. Cet administrateur qui s'étoit déjà rendu recommandable par sa science (Gallia christiana, tome II, col. 520), n'était encor que doyen de l'Eglise de Bordeaux avant sa promotion à l'épiscopal, eut bientôt occasion d'en donner des preuves en réglant les différens qui s'élevèrent dans le diocèse de Périgueux, et en particulier celui qui s'étoit formé entre les chanoines de l'abbaye de Saint-Astier en Périgord et les moines de l'abbaye de Baigne en Saintonge. Il s'agissoit de deux paroisses que les deux chapitres se disputoient réciproquement L'affaire fut examinée solennellement par l’evêque de Lymoges dans une assemblée composée des archidiacres de son diocèse et de ceux de Périgueux. L'évêque prononça son jugement en faveur des premiers en présence des principeaux du clergé des deux provinces et des seigneurs les plus distingués du Périgord qui, tous, servirent de témoins dans l'acte authentique qui en fut dressé et que le chapitre de Saint-Astier conserve dans son trésor.... La charte originale que nous avons vue et transcrite est dattée de la 7e férie on samedy VII des kalendes de novembre (26 octobre) 1101, premier jour de la lune, epacte nulle (ou *), concurrent I, indiclion Xe , 3e année de Pascal II. Ce sont autant de caractères diplomatiques qui conviennent tous parfaitement à l'année 1101.

Si on examine les caractères chronologiques de cette charte, on y trouvera d'abord quelques difficultés ; mais les principes de la diplomatique feront voir qu'elles ne sont qu'apparentes et qu'ils se consilient avec l'année 1101. On voit en effet en suivant les tables de l'Art de vérifier les dates : l° qu'en 1101 la lettre dominicalle étant F qui répond au concurrent 1 donné par la charte et les tables, la 7e férie ou le samedi tomba le 7 des kalendes de novembre c'est-à-dire le 26 octobre ; 2° que cette année 1101 eut 1 de concurrent ; à la vérité les tables donnent 9 d’indiction ; mais les tables des Bénédictins suivent 1'indiction romaine ou pontificale, et cette charte suit celle apelée constantinienne qui commençait au 24 septembre 3 mois et 6 jours plutôt que la 1ère : ainsi en octobre on avoit 10 d'indiction constantinienne ; 4° les mêmes tables disent epacte 18 pour l'année 1101. Notre charte; porte epacta nulla. Cette différence vient de ce que les Bénédictins suivent l'epacte romaine qui commencoit au 22 mars; au lieu qu'on sait icy l'epacte égiptienne qui changoit au 1er du mois de septembre comme le remarque le vénérable Bede. Il est vray que le pacte XVIII seroit suivie de l'epacte XXIX ; mais il faut que le comput égiptien ait intercalé XII au lieu de XI pour avoir XXX qui est la même chose que epacta nulla (ou *) ; de la vient que l'epacte égiptienne amène dans notre charte la nouvelle lune un jour plutôt, et qu'on lit luna I au lieu de luna II que donnent les tables d'après l'epacte romaine. Les computistes égiptiens devoient avoir quelque différence avec les computistes romains ; 5° la 3e année de Pascal II portée par la charte couroit en octobre 1101 depuis le 13 août de la même année puisqu'il fut élu le 13 août 1099 (l'Art de vérifier les dates). Au reste ces sortes de chartes où se trouve l'epacte égiptienne sont fort rares en France. Il y a eu quelques exemples dans les nouvelles histoires de Languedoc et de Bretagne publiés par les Bénédictins, cependant nous sommes maintenant en état de prouver par les chartes qu'aux moins au XIe et XIIe siècles l'Eglise de Périgord suivoit l'epacte égiptienne sans pouvoir encor déterminer quand elle a cessé de suivre cette usage.

Ex autographo arch. Sti Asterii

 

In nomine domini Jhesu. Ego P. gratia Dei Lemovicensium presul, fratribus sanctae matris instituta œclesiae canonice recipientibus. Sciat dilectio vestra karissimi, Petragoricensium episcopatus regi mendum (2) teneremus, quod dominus meus R. episcopus crucem Christi Hierosolimam bajulans nobis commisit plures ejusdem episcopatus tam clericorum quam monachorum lites nostris auribus insonuisse. Unde cœterum postponendo mimerositatem ad memoriam placuit revocare omnium que ortlhodoxorum auribus intimare qualiter diffinimus controversiam quam multi inter familiares nostros canonicos, videlicet Sancti Asterii et monaohos Sancti Stephani Benniencium diutissime noverant fieri. Nam priusquam pontificati ordine gravaremur, adhuc tenantes nomen decani sanctae Burdigalensis œclesiae, multociens audivimus ipsos canonicos conquestos esse et justicia hujus querimonie a Domino R. Petragoricensium episcopo exegisse referebant itaque monachi domnum R. episcopum prius sibi donum istarum duarum œclesiarum fuisse (3), unde sibi cum canonicis incessabilis disceptacio fiebat. Alii vero nullatenus eis assentientes, itidem resonabant immo quod o'ibus (4) liquidum esse volumus donum W. episcopi predecessoris domini R. presulis obnoxiae preferebant. Sed quia non ommes in omnibus idem sentiant, canonicorum ‘car jurejurando fidem asserentibus consilio namque’ cartule dono XV episcopi premuniti adquiescimus, ipsis canonicis XI et judicio nostrorum archidiaconarum tam Lemovicensium quam Petragoricensium quorum nomina subscribuntur. Ydoneum fore duximus quatenus     entenaria proeditiorum (5) canonicorum veritas (6) jure jurando canonice firmaretur, ne monachorum denegatione prescripti doni veritas a modo celaretur. Peracto itaque canonicorum sacramento, totum quod abbas et monachi prœphatis in œclesiis requirebant super manu nostra legitime dimiserunt. Dumque adhuc utrasque manus teneremus commisit ; firmiterque concessit ipse abbas huic demissioni se suosque posteros nullatenus adversaturum fuisse. Deinde investituram prœdictarum œclasiarum ipsis canonicis reddidimus ; et annulo nostro firmavimus insuper hujus cartulae firmitatem, sygilli nostri expressione titulavimus. Anno millesimo C. I- feria VII, VII kalendas novembris, luna I. Epacta nulla. Concurrente I. Indictio X. Videntibus W. de Albaroca archidiacono Petragoricae sedis et Arnaldo Wuillelmi, Stephano de Montemainardi, Petro Bruscardi, isti due archidiaconi Lemozinae sedis, Helia de Cassens prœcentor Sancti Frontonis, Bernardo de Corn, Mainardo Cramail, Arnaldo Favars, Geraldo Grammatica, Leodegario Amblardi, Sterio (7) de Sauzet ; et ex laicis vero Helias de Bourdelia cum filio Eblone, Petrus Mathola cum fratre Drogone, Stephanus Acutus, Geraldus de Montepavonis, Grimoardus Geraldi, Aymericus Cauvini. De monachis Sancti Sycarii ad fuit Austendens prior, Aimericus Gardradi, Stephanus de Laisla diffinitionem hujus dilatatae quaerimoniae audiverunt canonici Sancti Asterii quorum vero hœc sunt nomina Bernardus Cassen, W. Botela. Petrus Bi, Petrus Cantairac, Petrus Caminel, Aimericus Casseu, Helias Gobet ; anno III Paschalis papae, regnante Philippe rege, Helia Petrogoricensium consule.

« Transcrit dans les archives de l'abbaye de Saint-Astier en Périgord sur l'original même en parchemin (8) de 30 pouces en quarré, le bas du parchemin est replié. On y voit les deux trous par lesquels passoient les deux queues du scea (sic) dont l'attache est actuellement perdue.)

 

Je soussigné certifie (autant que mon témoignage peut valoir) que la copie cy dessus est exactement conforme à l'original par moy lu et transcript de ma propre main. Leydet, chanoine régulier de l'abbaye et congrégation de Chancellade, membre de l’Accademie royalle des sciences, arts et belles lettres de Bordeaux.

 

Pour copie conforme, Mis de Bourdeille

 

(1) Ce ms. de 106 pages est actuellement conservé aux archives du château de Bourdeilles. (G. L.).

(2) Sic pour regimen dum (G. L.)

(3) Sic pour fecisse (G. L.).

(4) Sic pour omnibus (G. L.).

(5) Sic pour predictorum (G. L.).

(6) « Ce mot est presque effacé. Conjecture. » (L.).

(7) Sic pour Iterio (G. L.).

(8 Cet original est perdu. En dehors de la présente copie, deux autres ont été signalées dans le Fonds Périgord, à la Bibliothèque nationale. L'une au t. LIII, p. 136 par M. St. Stronsky, La légende amoureuse de Bertrand de Born, Paris, 1914, in-8°, page 113, note 1 ; - l'autre au t. XXXIV, fol. 99, par M. le chanoine J. Roux, La Basilique St-Front de Périgueux, Périgueux, 1920, in 4°, p. 293-294. (G.L.).

<<Retour