Source :
Bulletin SHAP, tome LXI (1934) pp. 136-164.
Note préliminaire (C. R.) : La numérisation de ce document, de très mauvaise qualité – ou bien était-ce l’original ? – ne nous a pas permis de déchiffrer correctement toutes les notes, malgré notre souci de fournir la meilleure version possible de ce texte. Nous prions le lecteur de nous excuser par avance de ces fautes éventuelles de transcription.
LA
CHRONIQUE DE PERIGUEUX AU TEMPS DE LOUIS XI
I
DANS LA BOUCLE DE L'ISLE
1461. Un jour de la fin de
juillet. Hugues Bailly, sieur de Razac, lieutenant général en la sénéchaussée, a mandé le maire
de Périgueux, Pierre Arnaud[1],
et l'a prié de faire annoncer au peuple la mort du roi très chrétien, Charles
VII. Bientôt, tandis que les cloches de toutes les églises égrènent les notes
du glas, les rues et les carrefours s'emplissent d'une foule anxieuse. On
arrête au passage prud'hommes et consuls, on s'enquiert avec fièvre du motif
d'un tel branle-bas. Lorsque arrivent enfin trompette et héraut, on n'a plus
rien à apprendre sur la mort du roi d'hier. Mais que penser du roi
d'aujourd'hui ?
Ceux qui l'ont vu n'en ont pas
tracé un portrait flatteur. Il est laid, disgracieux. Jamais gentil dauphin
n'apporta sur le trône moins de qualités extérieures, Par surcroît, il méprise
hardiment la toilette. « Tout ne vaut pas vingt francs, cheval et habillement
de son corps. » Ce paysan berrichon égaré à la cour, « ce semble mieux un
vallet qu'un chevalier ». Qu'il n'espère pas se recommander par là. Mais ne le
dit-on pas ami des gens de moyenne condition et l'adversaire décidé de tous les
grands? Dans les villes, n'est-ce pas chez les bourgeois qu'il préfère
descendre ? [2]
Que Dieu donne donne au roi
Charles place en son Paradis, et qu'il bénisse le roi Louis.
Qu'il le bénisse et le guide,
comme ou le désire ici. Car rien n'égale la désolation du pays périgourdin.
La Guerre de Cent Ans a tout
dévasté. Nombre de châteaux ont été rasés ; les soldats, les brigands c'est
souvent alors, la même chose — ont pillé et souillé les églises. Autour des
villes murées, le plat pays est désolé: « on n'y trouve plus que loups et hôtes
des bois ». Alors que la guerre est finie depuis vingt-cinq ans, la plupart des
terres autour de Périgueux sont en friche; ce sont des «déserts». Dans la ville
elle-même, que de murs lézardés, que de charpentes disjointes, que de toitures
effondrées ! Dès 1223, le Puy-Saint-Front renferme plus de l500 bourgeois[3]
; or, dans les mêmes limites, on non compte que 366 en 1462 et 440 en 1478*[4].
La valeur d'une prébende de Saint-Front passe de 200 à l5 livres; les revenus
de la cathédrale Saint-Etienne tombent de 6000 à 3000 florins, la mense
episcopale se réduit à 250 livres par an. Au sud de la province, la bastide de
Villefranche reste inhabitée durant quinze ans! [5]
Saint-Etienne, Saint-Front :
Deux églises et deux agglomérations, la Cité et le Bourg. Car Périgueux ne
diffère point de tant d'autres villes — Nevers, Tours, Narbonne, Toulouse, et,
plus près, Limoges — qui ont vu se développer, à l'ombre d'un moutier vénéré et
à l'écart de la vieille Cité, un centre nouveau de peuplement, bourg ou Château[6].
Autour de Saint-Etienne se
groupent les maisons de la Cité. Elles se pressent à l'intérieur de l’épaisse
muraille que les Gallo-Romains de l’antique Vésone élevèrent après le passage
des barbares, à la fin du IIIe siècle. Des temples, des forums, des basiliques
qui faisaient l'orgueil de la tribu Quirina des Petrucores, il reste bien peu
de choses. La terre et les ronces ont presque tout recouvert. Seule subsiste,
au sud de la Porte Romaine, la ronde cella du temple de Tutèle. Les thermes,
l'aqueduc ont disparu aussi. Quant à l’amphithéâtre, il a eu l'infortune de se
confondre avec le château de la Rolfie, repaire détesté du comte Archambaud V:
aidés des troupes royales, les bourgeois les ont, abattus le 10 novembre 1391[7].
C'est aux ruines de
l’amphithéâtre que viennent, s'appuyer les deux extrémités du mur d'enceinte,
tombeau des monuments de la Vésone primitive, source principale de son
histoire. Sur une longueur de 900 mètres, il renferme pèle-mêle chapitaux,
fragments de corniches, colonnes, architraves, archivoltes, frises; en quelques
points, des cippes funéraires ; partout apparaissent des inscriptions[8].
Près de la Porte Normande, les
Abzac de la Douze sont installés dans le château Barrière[9]
dont les tours rondes se confondent avec celles du vieux mur. Non loin de là,
le seigneur de Bourdeille tient aussi maison noble[10].
Mais la Cité est surtout le domaine des clercs: évêques, chanoines,
prébendiers, chapelains, fonctionnaires de la curie épiscopale y sont chez eux
comme jadis les papalins en Avignon.
La cathédrale Saint-Etienne,
dont le temps de Philippe Ier a vu monter les premiers murs, dresse, au centre
de l'antique Vésone, les trois travées de sa nef. La troisième, la plus large,
en précède un quatrième qui forme le chœur. Les quatre travées, de plan carré,
sont couvertes par des coupoles sur pendentifs. A l'avant de la porte d'entrée,
le clocher, à deux étages carrés, est couronné pur une haute pyramide. Attenant
à l'église se trouve le cloître, et, dans son voisinage immédiat, la chapelle
Saint-Jean et le palais épiscopal[11].
Saint-Front lance vers le ciel
et mire dans l'eau -lissante de l’Isle les cinq coupoles qui couvrent sa croix
grecque. Au point de contact du monument byzantin et des vestiges de l’édifice
ialin que détruisit jadis l’incendie, un harmonieux clocher élève, jusqu'à près
de 70 mètres, la plus aérienne des coupoles et veille sur le menu peuple des
blancs clochetons. Saint-Front, monument purement architectural, aux lignes
sévères, aux murs nus. On n'a point cherché à faire de cette église une «
bible pour le peuple », pas davantage une histoire des saisons et des jours. A
peine les douze grands piliers sur lesquels repose l'édifice évoquent-ils les
saints apôtres, comme l'inclinaison à gauche de la nef rappelle l'attitude du
divin crucifié, les pierres se superposent à l'infini, toujours de la même
façon, et ne s'incurvent que pour former des pendentifs, des arcs, des
coupoles. Mais l'ensemble est admirable : il ne chante pas les oeuvres de Dieu,
il clame sa majesté[12].
Comme Saint-Etienne, Saint-Front a ses chanoines, son cloître, sa maison
épiscopale puisque le seigneur abbé n'est autre que l’évêque.
C'est là qu'est née la seconde
ville, la plus grande maintenant, le bourg. Ses maisons se sont groupées tout
d'abord autour de l'oratoire élevé, au VIe siècle, par l'évoque Chronope, au
sommet du petit coteau qui domine la rive droite de l’Isle, Au long aller,
elles ont recouvert les pentes du Puy-Saint-Front. Lorsque prend fin la guerre
de Cent Ans, les contours de la ville sont bien fixés; une muraille les
souligne, une haute muraille crénelée qui dessine un fer à cheval fermé par le
cours de la rivière. Et le se développe sur 1600 mètres environ et embrasse une
superficie de 16 à 17 hectares[13].
A qui vient de l'extérieur, le
Bourg montre fièrement ses douze portes; celles des Plantiers, de la
Limogeanne, de Taillefer, des Farges sont munies de pont-levis, comme celles de
la Boucherie, de l'Aubergerie, de la Rue Neuve, Il se hérisse des puissantes
barbacanes de l'Arsault, des Plantiers, de l’Aiguillerie, de Taillefer, du Pont
et de celle qui, avec son couronnement de mâchicoulis, n'a d'autre nom que
celui de Barbacane Grande[14].
De distance en distance, il dresse ses trente et une tours[15].
L'une d'elles, de forme carrée, a été construite entre des courtines du XIIIe
siècle pour les bouches à feu destinées à battre l'Isle et les murs voisins. Le
rez-de-chaussée, voûté par un épais berceau de pierre de taille, ne peut
abriter que deux petites pièces d'artillerie : leur gueule s'encastre dans
l'une des quatre embrasures on même dans la meurtrière de l'angle saillant
opposé à la rivière. Le premier étage, auquel conduit un escalier droit, est
percé seulement d'une meurtrière pour arbalètes. Le couronnement enfin est
garni de mâchicoulis, mais son parapet est dépourvu de créneaux; des trous
ronds, percés dans le mur, ne permettent d’utiliser que des petites
couleuvrines[16]. Il
vaut mieux que Périgueux n'ait pas à soutenir de siège sérieux.
Dans le corset bien serré des
remparts, quel dédale de rues, de venelles, de carreyres, de cafourches ! Quel
fouillis de maisons s'entassent sous les yeux du guetteur qui veille au sommet
du clocher de Saint-Front. A l'ouest s'étendent les quartiers des Farges, de
Taillefer, de Saint Silain, d’Eguillerie; au nord, ceux de la Limogeanne et de
Verdun; sur tes flancs inférieurs du Puy s'érigent, à l'est et au sud, les
quartiers du Pont et de la rue Neuve. Si étroites sont les rues que le guetteur
ne voit que toits aigus et petits jardins enclos de murs. N'était la rumeur qui
monte jusqu'à lui, il lui semblerait qu'il veille sur une ville morte. La place
de la Clautre, an pied du clocher de Saint-Front, celle du Coderc devant
l'Hôtel-de-Ville, le cimetière Saint-Silain sont les seuls lieux publics
ouverts au grand soleil. Partout ailleurs, des ruelles incertaines cherchent
leur chemin parmi le désordre des maisons. Cette ligne mince, entre les toits
du quartier bas, c'est la Rue Neuve, avec ses portes en plein-cintre donnant
sur de sombres escaliers. Cette coulée plus mince encore, c'est la rue du
Port-de-Graule, avec ses baies en arc brisé ou en anse de panier. Vers
Saint-Silain, c'est la rue de Bonnet, où portes et fenêtres sont des fleurs
flamboyantes. Plus près, du quartier des Mazels, dévale vers le sud la raide
Aubergerie, l'une des voies les plus larges avec la Limogeanne et la rue
Taillefer. Au-dessus de cet étang figé d'ardoises et de tuiles, se dressent
deux tours: le beffroi aigu de l'Hôtel du Consulat, le clocher pyramidal qui
domine les deux coupoles de Saint-Silain[17].
Ici et là, enfin, jetant une note plus fraîche, des jardins subsistent que n'a
pas envahis la marée des maisons. Des chats y font la sieste à l'ombre des
cerisiers.
Hors des murs s'étendent les
faubourgs de l’Arsault et des Plantiers, celui de Saint-Martin et barri
Saint-Georges. L'entre-deux-villes est le domaine des moines. Les Jacobins se
sont établis entre la Cité et la porte de Taillefer. De cette porte, un chemin
gagne le couvent des Cordelicrs et celui des soeurs de Sainte-Claire, près de
L’Isle, en face d'Ecornebeuf. Des églises subsistent, dans la campagne, qui
avaient leurs fidèles avant les guerres : Saint-Martin, à deux pas du mur
d'enceinte et de la porte Eguillerie : Saint-Pey-Laneys et et Saint-Eumais,
autour de la Cité; Sainte-Eulalie dans le coude de l'Isle, Saint-Hippolyte près
de la fontaine des Malades, au delà de la rivière, comme Saint-Georges ;
Saint-Hilaire, près du pont de Japhet ; beaucoup plus loin, enfin, le Toulon.
Pour le moment, elles sont quasi abandonnées[18]
.
Plusieurs siècles durant, le
Puy-Saint-Front et l'antique Vésone ont vécu chacun chez soi. Mais la force
même des choses les a contraints, en 1251, à s'unir en une seule communauté,
Périgueux. Dès lors, bourgeois et citoyens ont mêmes armes et commissent mêmes
destins. Rien ne manque à la double ville de ce qui fait le seigneur. Elle a
tours et remparts et donjon à sa maison commune.
Elle possède un sceau, «
instrument éternel et sanction indélébile de son autorités ». Cette
seigneurie relève du roi seul. Ses chefs sont des magistrats électifs : maire
et consuls. « Citoyens-seigneurs » de Périgueux, ils ne sont unis au roi que
par le lieu personnel de la loi ; ils ne lui doivent obéissance qu'après lui
avoir prêté serment et avoir reçu de lui la promesse d'être bon suzerain[19].
Ainsi, chacun connaît ses
devoirs. Mais chacun connaît ses droits. La preuve ou est faite dès le début du
règne.
II
UNE VILLE LIBRE
Donc, le roi est mort. Vive le
roi ! Vivent le roi et les franchises ! Car, ancien ou nouveau, le prince
est tenu de respecter les privilèges de ses bonnes villes.
Cela, à vrai dire, Louis XI semble
l'oublier un peu. Quelque temps après son avènement, désireux de témoigner son
amitié à Pierre d'Acigné, son sénéchal de Périgord et varlet tranchant, il lui
octroie la mairie de Périgueux. Les consuls et le maire en fonctions, Pierre
Arnaud, protestent sur le champ. Et leur droit est si évident que le roi n'ose
le nier: le 10 novembre, Acigné porte à Périgueux une lettre où Louis XI semble
ne plus rien attendre en cette affaire que de la bonne amitié des bourgeois. «
Nous tous prions très affectueusement, écrit-il, vous veuilliés faire ordonner
et créer ledit Pierre Dacigné votre maire[20].
» Mais on n'entend pas mieux ce langage que l'autre.
Les statuts de Périgueux
déterminent avec la plus grande précision le mode de recrutement des magistrats
municipaux. Les officiers du roi n'y ont aucune part. Chaque année, le dimanche
après la Saint-Martin d'hiver, le maire et les consuls sortants désignent trois
prud'hommes du bourg et un de la Cité. A leur tour, ces quatre prud'hommes en
choisissent huit: six du bourg et deux de la Cité. C'est à ces huit qu'incombe
la mission d'élire d'abord un maire, six consuls du Puy et deux de la Cité ; de
porter ensuite à douze le nombre des consuls, soit en donnant ce titre aux
quatre prud'hommes primitifs, soit en reportant leurs voix sur d’autres membres
de l'université de Périgueux. L'élection se fait à l'Hôtel-de-Ville, sans
témoins. Dès que les prud'hommes se sont mis d'accord, l'un d'eux, d'une
fenêtre, crie à la foule assemblée sur le Coderc les noms des élus.
L’assemblée générale des
habitants, jadis fort influente, ne conserve que peu d'importance. Un conseil
de trente notables nommés par les consuls — on les appelle encore prud'hommes —
s'est substitué à elle. En somme, la municipalité se recrute par un système de cooptation
indirecte qui assure le pouvoir à une véritable oligarchie de petits nobles et
de bourgeois.
Parlant des jurats bordelais,
H. Camille Jullian remarque que, «s'ils sont les chefs et les protecteurs de
leurs concitoyens, ils n'en sont pas les mandataires. Ils ne tiennent leur
pouvoir que de leurs prédécesseurs, ils n'en sont responsables qu'envers leurs
successeurs et ce sont eux qui les désignent. Ce conseil de la jurade est une
corporation politique, qui se renouvelle elle-même chaque année, à la fois
éternelle et périodique.[21]
».
Donc, à Bordeaux, les jurats
sont directement choisis par leurs prédécesseurs. A Périgueux, les magistrats
sortants ne concourent qu'indirectement à l'élection; cette élection se fait
par un scrutin au troisième degré[22],
Le gouvemement de la ville n'en est pas moins aristocratique, tout en restant
plus difficile à confisquer par le pouvoir central.
Certes, Périgueux n'est pas une
ville quasi-indépendante, une sorte de petite république, comme d'autres l'ont
été trois siècles plus tôt. Cependant, sa situation en pays frontière au cours
des deux, guerres de Cent Ans, l'intérêt qu'ont eu les rois à ménager
l'amour-propre des bourgeois et à s’assurer leur fidélité par des faveurs
judicieuses, ses victoires aussi sur la dynastie comtale des Archambaud, tout a
contribué à sauvegarder ici des privilèges que tant d'autres villes ont vu
disparaître l'un après l’autre à mesure que le Capétien est devenu plus fort et
que ses juristes lui ont trouvé de bonnes raisons pour installer partout et ses
hommes et sa loi.
Moins que jamais les bourgeois
ont envie de faire, aux dépens de leurs libertés, « très singulier et agréable
plaisir au roi ». Ils le montrent sans retard. Déjà sont désignés les
prud'hommes qui doivent procéder à la nomination des magistrats pour l'année
1461-1462. Le 15 novembre, ils portent à la mairie, pour la dixième fois depuis
1484, Forton de Saint Astier, seigneur des Bories, l'un des plus considérables
personnages de la ville. Ils lui adjoignent neuf consuls — depuis longtemps on
néglige d'en nommer douze — sept du Puy et deux de la Cité [23].
Maintenir des privilèges
séculaires, ce n'est pas faire acte de révolte. Le même jour, à Bordeaux,
Arnaud Fayard rend au roi, au nom de la ville, l'hommage noble entre les mains
de Jean, bâtard d’Armagnac, premier chambellan, maréchal de France et
gouverneur de Guyenne. Pour le mettre en état de remplir utilement sa mission,
le maire sortant, Pierre Arnaud, a ordonné de dresser un vidimus des hommages
rendus au roi depuis Philippe-Auguste. Fayard fait donc « les foy et serment de
fidélité qu'ils sont tenus faire au roy …..
et [a] juré et promis par
serement solempnel que d'ici en avant les dessus dits et chacun d'eulx seront
bons subjects et loyaux au roy notre dit sire et a ses hoirs et successeurs …..
que ils leurs feront ouverture de ladite ville et dedans le mecteront toutes et
quantes fois, et a tel et sy grand
nombre de leurs gens qu'il leur plaira y mener, envoyer et faire entrer ….. Pour conserver l’état et
honneur dudit Seigneur, ils exposeront entièrement leurs personnes et biens
encontre tous hommes qui vivre et mourir pourront ….. ; ils les serviront et
secourront de tout leur pouvoir en les suivant partout ou mener les
voudront..... En toutes choses ils se gouverneront et porteront envers le dict
Seigneur ainsi que bons, vrais, loyaux et obéissans subjects sont tenus et
doivent faire envers leur roi et prince naturel et souverain[24] ».
Mais tout cela ne resout rien
et chacun reste sur ses positions. Pierre d'Acigné s'obstine à réclamer la
mairie ; forts de leurs privilèges, les bourgeois s'entêtent à la lui refuser :
leurs chartes sont sous bonne garde, dans une armoire à trois clés ; Forton de
Saint-Astier en a une, les consuls Hélie Dupuy et Jean Belcier détiennent les
deux autres[25].
Le 16 novembre, le maire et le
Consul Estève Thibaut partent à cheval pour Bordeaux. Jean d'Armagnac les
reçoit, écoute leurs doléances et leur remet une lettre pour Acigné. C'est
alors Guilhem Belcier qui se rend auprès de cet officier, à Bergerac. Belcier
connaît les hommes et sait comment il convient de leur parler. Que le sénéchal
se désiste et la ville saura le dédommager par a un plaisir qui le satisfera.
Mais Acigné espère beaucoup mieux que ce qu'on lui laisse entrevoir. Au lieu de
composer, il engage un procès contre les magistrats récalcitrants. La ville se
constitue donc des procureurs à Paris tandis que maître Raymond Belcier prépare
le dossier. Mais Forton de Saint-Astier se garde bien d'être intransigeant. Il
n'ignore pas qu'il est, dans l'entourage du sénéchal, des gens auxquels un
procès lointain, à l'issue incertaine, ne laisse aucun espoir de profit. Il
réussit précisément à en acheter deux, Jean Duvergier et le lieutenant de
Bergerac : ce sont de fort éloquents avocats et leur intervention est décisive.
Pierre d'Acigné consent à se démettre de la mairie moyennant une indemnité de
250 écus — 343 livres l5 sols tournois, environ 70.000 francs stabilisés[26].
Ainsi tout le monde est content: le roi, de ce que les antres paient ses
dettes; le sénéchal, de toucher de beaux écus; les bourgeois, d'avoir
sauvegardé leur libertés.
Le roi est satisfait, mais
mieux vaut, pense-t-on, ne pas trop le montrer. Il se fait donc tirer 1’oreille
pour accorder à la ville confirmation des anciens privilèges. Les bourgeois
insistent ; le 26 décembre 1461, ils envoient à la cour Guilhem Belcier et
Hélie Dupuy. Sans doute leur demande-t-on de l'argent, pour reconnaître que les
Pétrocoriens n'en doivent pas au roi, puisque, au retour des deux députés, Jean
Le Verrier va chercher à Limoges les fonds nécessaires. Dupuy revient deux fois
encore à la cour; en dernier lieu, il trouve Louis XI à Bordeaux. Et toutes ces
démarches, tous ces voyages, ne coûtent pas moins de 154 livres, 8 sols, 6
deniers[27].
Enfin, le 14 janvier 1462, le
roi accorde les lettres tant attendues[28].
Mais ceux qui sont chargés de les expédier oublient. — peut-être à dessein de
les revêtir de l'attache des Généraux des Finances. L'omission de cette
formalité saute immédiatement aux yeux des officiers du roi. Ils déclarent tout
net aux consuls que la ville sera soumise à la taille. Va-t-il falloir
entreprendre de nouveaux voyages et payer encore pour ne pas payer? Sans nul
doute. Par bonheur, on le fait au rabais. M. de Bourbon, qui se rend à Bordeaux
pour y rencontrer le roi, vient, à passer à Périgueux. Il faut s'en faire un
ami. La ville lui offre donc deux charges de vin et dix-huit boisseaux
d'avoine; il n'en coûte que 9 livres 10 sols : c'est pour rien. On peut,
mainenant présenter aux Généraux des Finances le brevet défectueux, il sera
amendé. Encore une petite traverse, cependant: dans l'été de 1462, le receveur
des tailles, comme, si les parchemins n'existaient pas, « vexe et
tourmente » le peuple; cette fois un mot du sénéchal suffit pour renvoyer
le receveur à ses taillables[29].
Pour mener leur barque parmi
tant d'écueils, maire et consuls se sont assuré les secours du ciel. Avant même
qu'ils fussent, on a prié pour eux : le dimanche de la Saint Martin, la messe du Saint Esprit
a été célébrée « afin que Notre Seigneur donnât une élection profitable aux
deux villes». A peine nommés, les magistrats ont pu faire dire une messe
identique pour que Dieu les mît à la hauteur de leur devoir. En toute occasion
ils ont recours aux prières des Clercs. Une messe coute 20 deniers; ils paient
donc 21 sols 8 deniers pour treize messes votives en l'honneur de Dieu, de la
Vierge Marie et de tous les saints et
saintes du Paradis : qu'il leur plaise « de nous garder de mortalité ». Il
n'est pas jusqu'au prédicateur du carême, un Frère Mineur, qui n'éprouve les
effets de leur générosité[30].
L'Hôtel de Ville, où régnent
les consuls, est au centre du bourg. Il occupe la face occidentale de la place
du Coderc. Son rez-de-chaussée, rectangulaire, est surmonté de deux étages et
s'adosse à une tour carrée. Cette tour, découpée de mâchicoulis et de créneaux,
est divisée par cinq voûtes en six étages; les salles basses servent de prison.
Une toiture en forme de pyramide se dresse sur la tour jusqu'à plus de 45
métres de hauteur[31].
Toute municipalité nouvelle achète une main de papier pour mettre en la salle
du conseil, de l'encre, des bûches per
ardre en la chambra, car voici l'hiver[32].
C'est devant un grand feu de bois ou bien, l'été, toutes fenêtres ouvertes sur
le Coderc, que les seigneurs maire et consuls tiennent leurs réunions. Parfois,
pour les affaires graves, rassemblée est plus nombreuse : les 30 prud’hommes
sont là.
Pour faire exécuter leurs
décisions, les magistrats municipaux ont leur juge, leur procureur, leurs trois
sergents, le geôlier et maître Pierre, le bourreau. Ils ont une sorte de
directeur des travaux, Thomas Breton, nostre
hobrier, et, comme héraut, une trompette[33].
Tous ces fonctionnaires perçoivent traitements ou gratifications. L'indemnité
du Juge est de 9 livres ; celle du procureur, de 6; celle du comptable, de 15.
Ceux dont la fonction est exclusive, de toute autre, ont des traitements assez
élevés: on donne 8 livres 5 sols au bourreau, 15 au trompette, 2 sols par jour
à l'ouvrier. Les deux premiers reçoivent, comme les sergents, une livrée par an
et quelque argent aux fêtes de Noël, de Pâques, de la saint Jean et de la
Toussaint[34].
Sans être entièrement gratuites, les fonctions municipales sont fort peu
rémunérées. En 1462, le maire touche 6 livres, et chacun des consuls deux ;
mais ce sont là des chiffres exceptionnels ; eu temps normal, le maire a 36
livres — environ 7.000 fr. — et l'indemnité allouée aux consuls varie de 10 à
15 livres. A quoi il convient d'ajouter pour le maire deux torches de cire pesant
4 livres l'une — il est vrai qu'il doit donner deux arbalètes — et, pour chaque
consul, une torche contre une arbalète.
Aux émoluments des maîtres et
des suppôts de l'Hôtel-de-Ville s'ajoutent, nous le savons, les dépenses
qu'entrainent les voyages et la nécessité de se faire des amis auprès du roi.
Et ce n'est pas tout. Il faut entretenir les murs, réparer les ponts sur l’Isle
et les ponts-levis, sceller, à l'occasion, des barres de fer aux fenêtres des
prisons pour mettre fin aux évasions. Il faut soutenir de coûteux procès;
celui, par exemple qu'à intenté à la ville à « Mademoiselle la comtesse»
». Il faut payer encore et toujours pour n'avoir plus à payer davantage. On
annonce l'arrivée des charretiers du roi, qui traînent des bombardes. Vite, on
sépare les ponts de Tailhefer et de Tournepiche, où ils doivent passer; puis,
quand ils sont là, au faubourg, ou leur sert douze pintes de vin afy que se portessan grasieusamen aux pons.[35]
L'administration des deniers
publics n'est pas un jeu d'enfant. Mais nul n'est à même de s'en tirer plus
honorablement qu'un consul pétrocorien, homme de petit commerce et de stricte
économie. Un jour, era bruth que la
moneda tombava. Périgueux est trop près de Cahors pour ne pas avoir ses
changeurs. On leur porte sans délai la monnaie douteuse pour avoir de l'or.
Ainsi pourra-t-on, à l'échéance, rembourser en or, selon les conventions, les
sommes qu'a prêtées le commandeur d'Andrivaux[36].
Bons administrateurs, il faut
bien que les consuls l'aient été pour que, en dépit de tant de traverses, le
bilan de l'année soit aussi satisfaisant. Pour 1461-1462, le total des dépenses
s'élève à 878 livres 9 sols 3 deniers, mais celui des recettes atteint 1013 l.
10 s. 6 d. Il est vrai, l’excédent de 135 l. 1 s. 3 d. s'explique, aisément[37].
Le maire et les consuls, sur avis conforme du conseil, ont arrenté à deux
fermiers les impôts indirects de l'année suivante; ils ont, en outre, levé deux
tailles sur les habitants[38]'.
Mais n'ont-ils pas dû faire face à des dépenses extraordinaires ? N'ont-ils
pas, plus que jamais, multiplié les pots de vin ? Etait-il quelque autre
moyen de sauvegarder les libertés de leur peuple ?
Ces choses, on les comprend si
bien, à Périgueux, que, contrairement aux statuts. Forton de Saint-Astier est
confirmé dans ses fonctions en novembre 1462[39].
C'est au cours de son nouveau mandat qu'à lieu l'exaltation des reliques du
fondateur et patron de l'Eglise de Périgord.
La coupole occidentale de
Saint-Front recouvre alors le chœur de la basilique. Sous le chœur se trouve la
crypte où fut déposé, au Ve siècle, le corps du saint disciple de Jésus. Depuis
longtemps, on est d'accord sur la nécessité d’offrir ses précieux restes à la
vénération des fidèles. Mais une querelle met aux prises les chanoines de la
cathédrale et ceux de la collégiale: de ces reliques, les uns et les autres
prétendent devenir les gardiens exclusifs. Et cela dure depuis deux cents ans
au moins, depuis quatre siècles s'il faut dater de 1077 le premier projet
d'exaltation[40].
Jadis, l'évêque Pierre de Saint-Astier a cru trouver un compromis en décidant
que l'ensemble des reliques seraient conservées en une seule chasse à trois
clés et gardées alternativement à la collégiale et la Cité. De ces clés, une
serait aux mains de l’évêque ; les chanoines de Saint-Front et ceux de
Saint-Etienne auraient les deux autres. Pour empêcher toute violence, chacune
des trois parties déléguerait, les jours d'ostension, trois hommes en armes.
Projet sans lendemain[41].
La bonne formule, c'est
l’évêque Hélie de Bourdeille qui la trouve enfin. Par la bulle Laudabilis, du 18 septembre 1462. Pie II
lui a donné loi des autorisations nécessaires. La cérémonie est fixée au
dimanche 22 mai 1463. La fête sera accompagnée d'un pardon solennel qui durera
trois jours: ainsi l’a voulu le Saint Père. « Et il vint, tant de peuple que ce
fut chose merveilleuse ». Hélie de Bourdeille a revêtu ses ornements les
plus riches ; chanoines et abbés mitrés se pressent autour de lui ; deux
évêques, Bertrand de Roffignac et Pierre Bonald, sont venus, l'un de Sarlat,
l'autre de Rieux, pour l'assister. Le corps de Saint Front est donc retiré de
la crypte et déposé dans une châsse faite au XIIIe siècle sur l'ordre de Pierre
de Saint-Astier. Le chef est mis à part, dans un grand vase d'argent
entièrement doré et orné de pierres précieuses. Ce reliquaire, ciselé sur
l'ordre exprès d'Hélie de Bourdeille, n'a pas coûté moins de 1200 livres
(240.000 francs); il est à triple serrure, comme celui qu'avait prévu
Saint-Astier. Chef et corps sont enfin rassembles dans un troisième reliquaire,
sculpté au XIe sièele par Guinamond, moine de la Chaise-Dieu, et placés au
milieu du chœur[42].
A la vérité, saint Front n'est
plus là tout entier. Car il a bien fallu réserver leur part aux chanoines de la
cathédrale. « Ce fut un coup de la prudence de nostre prélat d’accoiser les
différens intervenus entre les deux chapitre cathédral et collégial, chacun
prétendant devoir posséder le chef de ce corps sainct ; l'accord faict par le
sainct evesque fut portant processionnelement a l'église Saint-Estienne un bras
de sainct Front le jour de la saincte Quitère », le 22 mai 1464. Ce bras vient
donc enrichir le trésor de la cathédrale où sont vénérées déjà les reliques de
tant d'autres bienheureux; il est spécifié en outre que le chef de saint Front
pourra être porté à la cathédrale pour les ostensions[43].
Entre l’élévation des reliques
et le transfert du bras à la Cité, les Pétrocoriens ont été les témoins d'une
autre solennité. Ce 10 juillet 1463 s'est ouvert dans leur bonne ville le
chapitre général des Frères Prêcheurs. On y remarquait le Provincial,
l'Inquisiteur de la Foi de Toulouse, plusieurs maitres en théologie et un grand
nombre de religieux de saint Dominique. Maire et consuls leur ont donné
gracieusement du blé, de la viande, du vin : plusieurs notables ont fait de
même[44].
Hélas! les cérémonies saintes
de mai et de juillet n'attirent pas les bénédictions du ciel. Au mois d'août,
une épidémie se répand, qui frappe un nombre considérable de personnes, « que
Dieu ait miséricorde de leurs âmes ». La ville tout entière est atteinte et
bientôt seuls restent ceux qui ne peuvent pas fuir. La cour du sénéchal migre à
Brantôme ; celle de l'official va à Agonac[45].
Dix ans à peine sont passés depuis la précédente épidémie de peste. Sans doute,
comme ou Va l'ail alors, multiplie-t-on les prières. En 1454, on a dit des
messes à tous les autels de la basilique: ceux du Saint Sacrement, de
Notre-Dame, de saint Front, de saint Antoine, de saint Sernin, pour que Dieu
mette un terme au fléau ; on a fait bruler des monceaux de torches de cire. La
foule a tenté de fléchir le ciel par des processions à la (larde, à
Saint-Etienne, à Saint-Front, aux deux couvents de Mendiants[46].
On a déplié les bannières des confréries et on s'est groupé derrière elles. Il
y a, comme en beaucoup d'autres endroits, les confréries de la Croix, de saint
Pierre, de saint Jean-Baptiste, de saint Jean, de saint Catherine. M en est de
plus particulières à la ville: celles de la Garde, de saint Front, de saint
Mémoire, du tombeau de saint Silain[47].
De ces trois protecteurs de Périgueux, Silain est celui qui touche peut-être le
mieux le cœur de la foule. C’était un Périgourdin. Avant la venue de saint
Front, il exerçait le métier de jongleur. Avec les saints Fronhmo, Severin et
Sèverien, il s'attacha à l'apôtre du Périgord. Condamné à mort en haine du
Christ, il eut enfin la tête tranchée dans un pré voisin de la Cité. Et
maintenant, dans l'église Saint-Silain, un vitrail limousin fait revivre aux
yeux des fidèles celui dont les reliques reposent sous l'autel. Ses cheveux,
courts devant, sont longs et frisés séries oreilles et le cou. Il est vêtu «
d'une houppelande à corset, fourrée d'hermine et à manches fondues ; il a pour
coiffure un chapel à turban orné en avant d'un joyau». Avec un archet de crin,
il joue d'une vielle à trois cordes[48]
». On aime prier cet aimable musicien du ciel.
Pour faire reculer l'épidémie,
on a mobilisé toute la cohorte des saints. Mais on n'a pas oublié le diable car
le mauvais sort a peut-être été jeté sur la ville par les démons. On a donc
ouvert des informations contre leurs prêtresses, les sorcières, las fachilhieyras[49].
Les hôpitaux, par bonheur, sont
nombreux. Hors des murs, il en est un au Toulon[50]
un autre à l'Arsault[51]
; un troisième, près du pont des Nonnains, est tenu par les soeurs de
Sainte-Claire[52]; un
quatrième se trouve près du cimetière de la Cité. A l'intérieur de la ville, un
hôpital est rattaché à l'église Saint-Silain, Le plus important paraît être la
Maison-Dieu, dite de Brunet, fondée en l'honneur de Sainte Marthe.
L'administrateur en est nommé par la municipalité; il recueille les offrandes
des personnes charitables pour les malades et les pauvres qui y « surviennent[53]
». Ces hôpitaux ne cessent de s'emplir jusqu'à la fin de l’année. Mais aux
approches du printemps de 1464, l’épidémie est enrayée. Les cloches de Pâques
chantent sur une ville rassurée.
Aussi longtemps qu'a duré le
fléau, Forton de Saint-Astier est resté au Puy-Saint-Front. Celui qu'on voulait
jadis priver de sa magistrature est réélu, et c’est la douzième fois, le 13
novembre 1463[54].
Il est assez piquant de voir le
champion des libertés et coutumes de Périgueux violer aussi tranquillement les
statuts qu'il a mission de défendre. Car nul ne peut être réélu maire ou consul
si ce n’est après un intervalle de trois ans. Ou bien Forton a réussi à se
créer une puissante clientèle, ou bien les prud'hommes estiment assez haut les
services qu’il a rendus pour faire plier la règle en sa faveur.
Un suprême honneur l’attend à
la fin de sa carrière. Tandis que, l'année d'avant, on fuyait ses murs, il y
reçoit au mois d'octobre 1461 le Parlement que la peste a chassé de Bordeaux.
De la saint Martin à la Chandeleur, c'est à Périgueux que vont siéger le
président Jean Tricard ; les conseillers clercs Jean Avril, Jacques Loup et
Pierre Goujon : les conseillers laïcs Pierre Pelard, Henri de Ferranches, Jean
de Chassanches et Pierre Raphaël ; l'avocat général Jean Bermondet et le
procureur du roi Etienne Maleret[55].
Que de juges alors, à
Périgueux ! Tâchons de dénombrer les tribunaux auxquels ils se rattachent[56].
Il y a, d'abord, la justice consulaire. Elle tient ses assises à
l'Hôtel-de-Ville et est exercée au civil par un juge et un procureur assistés
de notaires, greffiers et sergents. Dans toute l'étendue de la ville et dans la
banlieue, c'est à-dire dans les paroisses et partie de 4 autres, la cour
consulaire détient basse, moyenne et haute justice, et nous savons que la tour
de l'Hôtel-de-Ville a sa prison. Les procès criminels sont expédiés, soit par
le juge délégué, soit par ceux des consuls qui sont « lettrés et capables
pour ce faire »; les autres assistent à l'audience si bon leur semble. Juge et
procureur sont nommés par la municipalité et choisis parmi les hommes de lois,
bacheliers ou même licenciés ès droits. Rares sont ceux qui ne restent en
fonction qu'une année durant. Jacques Chambon, juge de 1459 à 1463, l'est de
nouveau en 1464-1465 et de 1473 à 1475[57].
Pierre Fayard l'est cinq fois au temps de Louis XI, notamment de 1477 à 1479[58].
Le grand procureur de l'époque, Simon Gommel, reste en fonctions de 1472 à sa
mort, on 1482, avec une interruption de deux années seulement, interruption
dont, il profite pour se faire donner le consulat[59].
Juge et procureur sont, d'ailleurs, des personnages considérables : Chambon,
est, par deux fois, porté à la mairie; Fayard l’est, à son tour, en 1481[60].
La juridiction de la cour
consulaire sur la ville comporte une exception. Dans la paroisse de
Saint-Front, la basse justice lui échappe et relève, partie du Vigier – c’est
alors Jean de Cugnac, seigneur de Caussade, Cabans et Florimont[61]
- partie de la cour du Cellerier. Celle-ci agit au nom du comte de Périgord et
du chapitre de Saint-Front. C'est encore au nom du chapitre et du comte que se
tient la cour du pariage : sa juridiction s'étend, an sud de Périgueux, sur
dix-sept paroisses[62].
Certes, les officiers de cette cour
n'ont, aucun pouvoir à Périgueux, mais ils y font leur résidence habituelle. Il
y a encore la cour de la Temporalité de l'évêque, avec juge, procureur et
scribes[63].
Les appels sont portés aux
assises du sénéchal[64].
Ce grand officier ne réside pas à Périgueux, pas davantage son lieutenant ou
son juge mage; mais le baile royal ou son avoué, les exécuteurs et les sergents
royaux y font leur demeure, et nous n'oublions, ni le tribunal ecclésiastique
de l'officialité, ni les chats fourrés qui s'y trouvent.
C'est à tout cela que vient se
joindre le Parlement de Bordeaux, durant un trimestre, Périgueux est, en
quelque sorte, la capitale de la Guyenne. Vers elle affluent les plaideurs de
tout le Sud-Ouest, puisque le ressort du Parlement, englobant, on novembre
1462, la Guyenne, les Landes, L'Agenais, le Bazadais et la Saintonge, s’est
accru, eu 1463, de l'Angoumois, du Limousin, du Quercy et de l'Armagnac[65].
« Dans le cours de cette année,
lisons-nous dans le Livre Jaune, de
grands biens se répandirent sur la présente ville ; de quoi nous devons rendre
grâce à Dieu, à sa mère, à saint Front, notre patron, et aux autres saints[66]
».
III
LES TROUBLES
L'année 1465 s'annonce mal.
N'a-t-on pas aperçu dans le ciel de sinistres présages ? Une comète est
apparue an crépuscule. Elle a parcouru le firmament d'est en ouest en inondant
la terre d'une éclatante lumière. Le phénomène a été fort rapide — on eut dit
une étoile filante — mais « le peuple en fut terriblement saisi de stupeur[67]
»
Précisément, des bruits
étranges se répandent. On commence à parler d'une coalition que formeraient
contre le roi quelques grands seigneurs mécontents. Bourbon, Bretagne,
Lorraine, Charles de France, le propre frère du roi, auraient parti lié avec
Alençon, Nemours, Saint-Pol. Il n'en faut pas davantage pour que tous les
mécontents s'enhardissent.
Jean Dupuy, seigneur de
Trigonan, est porté à la mairie le 12 novembre 1464[68].
Une rude tâche s'offre à lui. D'autant plus rude qu'il n'a pas été élu sans
mal. Arnaud Fayard, consul sortant, qui, dans les derniers temps, avait tenu la
place de Forton de Saint-Astier gravement malade, s'était flatté de se faire
donner la mairie par le parti populaire et d'en chasser l'élu des prud'hommes.
Trois jours durant, il a négligé de convoquer le peuple pour lui soumettre
l’élection. Il a dû, pourtant, s'y résigner et subir l’humiliation de voir
acclamer ses adversaires. Un seul a tenté de protester, Jean Abonel, mais sa
voix est restée sans écho[69].
Elle ne va pas tarder à en trouver un.
Plus que jamais, les petits
officiers de police ont besoin d'en imposer au menu peuple. Jean Dupuy leur
donne donc un nouvel et brillant uniforme. Les quatre sergents, le geôlier, le
bourreau, ne porteront plus l'antique chaperon, si fort à la mode au temps des
rois Charles V et Charles VI. On leur fournira, à la place, des chausses
violettes.
Les robes des sergents seront
de drap pers et violet ; celle du bourreau, violette. Seul le trompette, avec
la robe et le corset, conservera le chaperon pers. Le juge, Jacques Chambon, et
le procureur, Jean Belcier, se vêtiront connue l'exige leur état[70].
Mais quatre sergents sont peu
de choses, même si on leur adjoint le bourreau et si on les habille de neuf. Le
maire et les consuls organisent donc une milice urbaine, car de plus en plus se
rapproche le « grand bruit qui était au royaume des grands seigneurs contre le
roi qui était dedans Paris » et l’on ne sait plus de qui l'on se doit garder[71].
On l'apprend bientôt, car les
troubles éclatent dans la ville même. Un certain nombre d'habitants cherchent à
soulever le peuple contre le maire et les consuls. Ils ont pour chefs Mathieu
Bruchart, Jean Le Verrier, Jean Dalhadet et quelques autres têtes fortes comme
Raymond Marchand. Seul, le Bien Public, les pousse. A les en croire, le maire
et les consuls dilapident, depuis de longs mois, les finances communales. Dès
octobre 1464, ils ont adressé au Parlement, assemblé à Périgueux, une lettre
véhémente, où ils ont accusé Forton de Saint-Astier et tous les autres
magistrats, « de faire les seigneurs », de gouverner en despotes et
d'enfreindre les statuts de la ville[72].
Tout d'abord on les a laissé
crier, mais l'impunité n'a fait qu'exaspérer leur audace. Leur puissance réelle
se trouve décuplée par l'adhésion de Jean Abonel, d'Hélie Cluzel et d'Arnaud
Fayard, que leur éviction du consulat, en novembre 1464, précipite du côté des bandouliers, Les chefs du mouvement ne
sont pas gens de rien. Le Verrier et Dalhadet ont été consuls de 1459 à 146[73];
Jean Abonel sort à peine de charge. Arnaud Fayard, consul de 1459 à l461[74]
était à la fois consul et comptable en 1463-64, tandis qu'Hélie Cluzel était et
consul et contre-comptable[75].
Ces simples dates expliquent
beaucoup de choses. La municipalité de 1460 à 1461 a eu même maire que la
précédente et a gardé huit sur neuf des consuls sortants. Puis, trois années de
suite, Forton de Saint-Astier a conservé la mairie, mais en laissant en chemin,
à la fin de 1463, l'équipe de consuls qui le secondait depuis 1461. On a vu
alors revenir à l'Hôtel-de-Ville ceux qui en avaient été les maîtres de 1459 à
1461. Ce sont ceux-là qui, à fa lin de 1464, ne veulent pas laisser la place à
d'autres, bien qu'il s'agisse, non pas d'adversaire déclarés, mais d'un tiers
parti d'hommes sages, parmi lesquels se rencontrent des membres des deux
anciennes administrations[76].
On en est tout de suite à la
tragi-comédie. Un certain Pierre Faure entre un jour dans l'Hôtel-de-Ville et
insulte grossièrement le maire et les consuls. Comme on tente de l'arrêter, il
se précipite vers la fenêtre et, s'adressant à la foule assemblée sur le marché
au blé, il se met à crier « Au meurtre! Au meurtre! A l'aide, mes compagnons!»
Le dimanche avant, la Noël, Jean Abonel le Vieux et Hélie Garda sont jetés en
prison: des rassemblements se forment alors sur la Clautre et des cris
jaillissent de tous côtés « Tuez tout ! Tuez tout ! » L'ordre n'est,
rétabli qu'à grand peine, et pour peu de temps[77].
Le 2 janvier 1465, Jean de Moutriffaut rencontrant le procureur Jean Belcier,
lui déclare qu'on l'étendra quelque jour sur le pavé. Jean Le Verrier, Jean
Dalhadet et Hélie Cluzel n'hésitent pas à pénétrer dans la chambre du consulat
et à lire devant maire et consuls un long et violent libelle, les traitant
vingt fois de voleurs et de concussionnaires[78].
Les consuls dressent
soigneusement procès-verbal de toutes les injures proférées contre eux. Et,
puisque on leur reproche, en particulier, d'avoir dilapidé les deniers publics,
ils font noter sur un registre spécial, toutes les sommes que 1es habitants
doivent encore au collecteur de la taille communale. Ainsi connaitra-t-on ceux
qui ont payé et ceux qui s'en sont donné dispense. De ceux-ci, les noms forment
une liste impressionnante. Pour faire le relevé des taxes impayées, Jean de
Laurière et Hélie de la Roche ne remplissent pas moins de 81 feuillets
in-quarto. Un grand nombre de contribuables ont des arriérés de comptes de 10 à
15 ans. Plusieurs ne se sont pas libérés de tailles remontant à 40 ans[79].
Encore n’est-il pas certain que l'état soit complet, car Hélie Cluzel refuse de
rendre compte de sommes qu'il a jadis perçues pour la communauté[80].
De son côté, le notaire Raymond Belcier passe plus de quinze jours à réunir les
pièces dont les magistrats ont besoin pour porter le différend devant le
Parlement[81].
Voici donc l'affaire à
Bordeaux, le 19 février, le Premier Président s'est fait remettre copie des
statuts réglant le mode des élections consulaires. Désireux d'amener la paix
sans avoir à sévir, il invite les mutins à ne plus troubler la ville. Ses
conseils ne sont pas entendus, et les semaines passent sans qu'il se décide à
donner des ordres. Le 5 juin, le maire et un consul partent pour Bordeaux dans
l'espoir d'obtenir une sentence ferme et rapide[82].
Le Parlement décide alors d'envoyer Vincent Pilhart, ,sergent royal de la
sénéchaussée de Guyenne, pour procéder à une enquête, notamment contre Arnaud
Fayard[83].
Aucune tâche n'est plus urgente, si, comme l'affirme le comptable, le but réel
des révoltés est de jeter la ville dans la lutte contre le roi[84].
Pilhart passe passe dix-sept jours à Périgueux et entend une quarantaine de
témoins. Durant son séjour, Hélie Queyrel est chargé d’aller porter aux juges
de Bordeaux, un supplément d'informations[85].
Tout cela coûte fort cher. Il
faut payer greffiers et notaires qui transcrivent les procès-verbaux, les
comptables qui dressent les inventaires. Il faut munir d'argent ceux que la
ville dépêche tant à la cour du roi qu'à celle du sénéchal. C'est à Bordeaux
surtout qu'on doit dépenser sans compter. L'avocat général et le procureur
royal ne font rien que dûment payés, et d'avance. Signalant, en juillet, de
nouveaux envois de fonds, le comptable, Raymond Breton, souligne qu'il est
impossible de rien obtenir « sinon que l'argent tombe comme pluie[86]
». Cependant, on n'a pas manqué de bien traiter ces messieurs du Parlement
lorqu’ils étaient à Périgueux. Au mois d'octobre 1464, le sieur des Bories et
les consuls ont décidé de donner à chacun des conseillers une barrique de vin
et deux torches de cire, et le double au Président. Mais, ce cadeau, ils ont
laissé à leurs successeurs le soin de le faire, alléguant, au reste, qu'il
serait refusé. C'était mal connaitre ses hôtes. Le cadeau promis est réclamé.
Il faut donc, bon gré mal gré, livrer vin clairet et torches ; il en coûte près
de 50 livres[87].
On n'obtient pas la paix en
faisant boire le Parlement.
Lorque le tribunal des consuls
les frappe, les mutins relèvent appel à Bordeaux[88].
Ils trouvent, d'ailleurs, de puissants complices. Le sénéchal Pierre d'Acigné
n'a pas encore oublié la demi défaite que lui ont infligée les bourgeois.
Maintenant, il laisse les mains libres à deux de ses conseillers, Marthonie,
neveu de Jean Le Verrier, et Saint-Sanso, son propre frère. Celui-ci, sur les
instances des mutins, prétend faire examiner tous les comptes de la ville. Pour
échapper à ses tracasseries, le maire porte plainte auprès du juge des appeaux
de la vicomté de Limoges. Mais Saint-Sanso « ne redoute ni homme ni Parlement.
» Pour se venger, il met le denier de la chair sous la main du roi[89].
Cette fois, c'est à Bordeaux
qu'on fait appel. Ainsi, on plaide partout. A Bordeaux, contre la ville à la
requête des mutins, contre les mutins et leurs soutiens occultes à la requête
de la ville ; à Limoges, contre un lieutenant du sénéchal. A Périgueux même, où
enquêtent les gens du Parlement, la cour des consuls tente parfois de faire
bonne justice des bandouliers pris en
flagrant délit de rébellion. Des amendes variées sont infligées à Mathieu
Bruchart, qui a coupé un noyer malgré l'interdiction des consuls ; à un
bourgeois qui refuse de payer la taille ; à Pierre Faure, qui, non seulement
s'obstine à ne pas prêter à la municipalité le serment accoutumé, mais incite
ses concitoyens à la rébellion. Jean Abonel est frappé d'une amende de 50
livres pour avoir adressé au Parlement de Bordeaux un libelle diffamatoire et
pris une part active à la plupart des mouvements populaires. Hélie Garda,
interrogé par le juge, se précipite vers la fenêtre, et, appelant son complice
Jean Dalhadet, le presse d'aller chercher main forte ; il devient si insolent
que le juge le fait mettre aux fers séance tenante. Amendes contre Jean Abonel
le jeune, contre son père, contre d'autres encore. En fait, les treize
principaux instigateurs des troubles sont frappés par la cour consulaire. Mais,
comme ils font appel, la sentence reste inappliquée[90].
La tâche de la municipalité, prise entre le mécontentement populaire et
l'évident mauvais vouloir des officiers royaux est donc bien difficile. Pour
mettre le comble à son infortune, il ne lui manque plus que de voir triompher
les mutins. Cette disgrâce, c'est le roi lui-même qui la lui procure.
Louis XI, cependant, n'ignore
rien de ce qui se passe à Périgueux. Au mois de janvier, on lui a fait
connaître les menées de Mathieu Bruchart et de ses complices, qui mettent
« cette pauvre ville en désolation et destruction[91] ».
En février, il a reçu Hélie Dupuy, sieur de la Jarte, et le consul Hélie
Raymond, qui l’ont prié de maintenir le Parlement chez eux. Deux mois plus
tard, il a entendu un député des Etats du Périgord, qui lui a remontré, en
particulier, que, pays frontière depuis de fort longues années, le Périgord
n'avait cessé d'être grevé et oppressé et que, appeler ses nobles on d'autres
provinces serait exposer de fidèles sujets du roi à un redoutable danger. Les
villes, en particulier, se doivent garder avec un soin constant puisque le
comte, sire d'Albret est parmi les ennemis de la couronne[92].
Au mois d'août, les Bergeracois ne donnent pas d'autres raisons pour refuser de
fournir arbalétriers et francs archers : ils sont trop pauvres, affirment-ils
et se doivent garder de trop près contre les comtes d'Armagnac et de Périgord[93].
Le roi sait, d'autre part,
qu'un gentilhomme est venu proposer au maire de Périgueux l’achat de onze
canons appartenant au duc de Bourbon et que pareil marché a été refusé[94].
Les magistrats de la ville lui inspirent tant de confiance qu'il leur fait
porter par un héraut des lettres closes où il les informe des entreprises
nouées, sans cause ni raison, pas ses ennemis ; il leur recommande de
demeurer fidèles à la couronne, de prier et faire prier Dieu par les gens
d'église et le peuple tout entier pour sa conservation et celle du royaume[95].
Il sait, enfin, que cet appel a été entendu. On a mis la ville en état de
repousser toutes les attaques des ennemis du roi. On a réparé barbacanes et
pont-levis des Plantiers, de Taillefer, d'Eguillerie et on y a installé des
guérites. On a consolidé les remparts et muré les portes de la Limogeanne et
des Plantiers. On a obstrué le « tezart » de la leur du moulin de
Saint-Front. A la fin d'octobre, on fera réparer à la fois le pont de
Tournepiche et la Tour Neuve dont la charpente est tombée[96].
Rien de tout cela n'est, pour
plaire aux fauteurs de troubles. En voici la preuve. Des ouvriers étrangers se
sont engagés à paver de cailloux le grand pont de Tournepiche pour le prix de 6
écus. Ils feront là ce qu'on a fait à Cahors et à Montauban et leur œuvre
durera un siècle. Or, ils sont au travail depuis deux jours à peine que Jean Le
Verrier et Raymond Marchand viennent les prendre à parti et menacent de les
frapper. Les paveurs, épouvantés, se précipitent à l’hôlel de-Ville et
demandent en grâce qu'on leur paie les deux journées et qu'on les laisse partir
sans bruit[97].
Encore une fois, les consuls
n'auront subi tant d'outrages et ont repris tant de travaux que pour être,
finalement, quasi désavoués par le roi. En effet, on voit arriver à Périgueux,
Jean Duvergier, Président de Toulouse, le fils du chancelier de France et un
secrétaire du roi. Et ces hauts personnages décident que les amendes infligées aux
coupables seront annulées et qu’on ne devra plus parler du passé « ce qui lui
mal fait, remarque Raymond Breton, et contre conscience « et Dious lor ho perdo, car la dicha
remission ne fara rebellar d’autres a temps a venir, que agesan cessat si
fussan estadas levadas [las esmandas] e los exces punitz[98] ».
Des troubles qui agitent la
ville d'octobre 1464 à juillet 1465, tout le
monde toute, naturellement, de profiter, et d'abord, ceux qui espèrent échapper
aux filets de la police, mais, quand ils sont pris, le tribunal des consuls
frappe fort. Jean Bailly, convaincu d'avoir acheté, en connaissance de cause,
des objets volés, est condamné à « courre la ville » et à être banni, et
que faisaient donc, en l'hôtel de l'abbé de Peyrouse, où logeait Me Pierre
Raphaël, conseiller au Parlement, ces clercs qu'on y arrête et contre lesquels
le juge Jacques Chambon fait ouvrir une information[99] ?
Les officiers du roi tâchent
aussi à profiter de l’embarras des consuls. Une fois de plus, ils refusent
d'admettre que les Pétrocoriens soient exempts de tailles et de subsides royaux
; il faut dont délivrer copie de ces privilèges au Président du Parlement de
Bordeaux[100].
Ils veulent que la ville, accablée de dépenses et dans l'impossibilité de faire
rentrer des fonds, s'acquitte sans retard des droits de francs-fiefs et
nouveaux acquêts. Or, il s'agit d'une somme de 3.000 écus et les commissaires
se flattent même d'obtenir davantage. Le roi, heueusement, vient au secours des
bourgeois. Il leur accorde des délais, d'abord jusqu'à Pâques, puis jusqu'à la
Noël, afin qu'ils puissent rechercher et, s'il y a lieu, exhiber leurs chartes
d'exemption[101].
J. MAUBOURGUET.
(A suivre)
pp. 203.
LA CHRONIQUE DE PERIGUEUX AU
TEMPS DE LOUIS XI.
(Suite)
Les clercs ne sont pas moins
enclins que les autres à tirer parti du désordre. La cour du cellerier ne peut
tenir ses assises dans l'enceinte de la-ville, si ce n'est par « sol emprunté »
et avec l'autorisation, des consuls. Cette autorisation, elle cherche,
naturellement, à s'en dispenser ; ainsi, en avril 1465. Mais le maire proteste
immédiatement, lui interdit, d'abord de tenir ses séances dans la juridiction
de Périgueux, ne lui en donne ensuite la permission qu'à titre précaire[102].
Comment le consulat pourrait-il tolérer que, chez lui, fonctionnent des
juridictions laïques autres que la sienne, et celle du roi, alors que
l’official, chef du tribunal épiscopal, doit se plier à ses exigences et ne pas
sortir, pour tenir les séances, de la salle basse de la maison de l'Abbatial, «
près de l'écurie réservée aux chevaux de l'évêque[103]
»? Obligés de s'incliner en ce qui concerne la justice, les chanoines de
Saint-Front tentent de prendre leur revanche à l'occasion de certaines
redevances dont ils revendiquent la perception. L'affaire est si peu claire,
les droits de chacun sur le vieux Puy sont si mal définis qu'on s'en remet,
finalement, à l'arbitrage du viguier de Saint-Yrieix[104].
Il n'est pas étonnant que le
bilan de l'année soit des plus lamentables. Pour 360 livres 10 sols 8 deniers
tournois de recettes, les dépenses s'élèvent à 524 livres 8 sols 5 deniers
tournois. Le déficit atteint 32 pour 100 ! On dirait d'un budget moderne. Il
est vrai que, sur 432 personnes qui auraient dû payer la taille, 71 sont
parties durant l'épidémie, « sans congé » et sans laisser d'adresse[105].
On se tromperait pourtant si
l'on s'imaginait les bourgeois plongés dans l'angoisse et sevrés de toute
réjouissance.
A l'Hôtel de Ville, chacun
reçoit les gratifications habituelles. Aux quatre grandes fêtes, le geôlier
touche 10 sols petits; le bourreau et les sergents en reçoivent 5. Le trompette
et le tambour ont 12 deniers à la saint Jean et autant le jour de l'Ascension
pour « tromper » en la Chutre, selon la coutume. Le soir de la Noël, maire et
consul ont eu leurs torches de cire; elles vont leur être fort utiles[106].
Car la population tout entière
est appelée à nue grande solennité. Pour en assurer le succès, autorités
religieuses et civiles rivalisent de zèle. Sur les instances de l'évêque Hélie
de Bourdeille, le pape vient, en effet, d'accorder un grand pardon « à peine et
à coulpe ». Les fêtes commencent le 20 mai, et, durant trois jours, attirent
dans la ville une telle multitude de peuple que, chaque nuit, torches en main,
le maire et les consuls doivent diriger eux-mêmes les rondes à travers rues et
carrefours[107].
Ils n’ont garde de s'en plaindre, ces commerçants. N’ont-ils pas, au mois de
février, prié le roi d'insister auprès du Souverain Pontife afin que le pardon
fût accordé pour quatre années consécutives[108]?
Parmi les nobles personnages qu'attirent les fêtes, le comptable note «
Mademoiselle d'Orval », mère de la comtesse de Périgord, à qui les consuls font
présent de quelques pintes de vin[109].
Comme tous les ans, on célèbre
la saint Jean par des réjouissances où s'entremêlent le ton grave et le
burlesque. Ce 23 juin, on nomme les officiers. Ce sont l'empereur de Verdun, le
roi du Pont, le duc de la Limogeaune et de l'Eguillerie, le marquis de la rue
Neuve, et l'abbé de la Bride, c'est-à-dire de Saint-Silain. A peine sont-ils
élus, chacun leur doit faire la révérence, chapeau ou bonnet à la main. Dans
l'après-midi, précédé du tamhour et du rebec et portant les herbes de la saint
Jean, le corps de ville va chercher l'un après l'autre ces officiers
d'opérette, les conduit en cortège sur la Clautre et les installe autour d'un
mai dressé sur la fontaine. Alors, tandis que brûle le feu traditionnel, maire
et consuls organisent la procession. Ils en prennent la tête en chantant de
vieux refrains périgourdins à la louange du Précurseur. Et toute la ville
défile derrière eux, autour de la place.
Senhor,
chantem la festa , eleison,
De
saint Joan Baptista ,
eleison,
Direm
vos, si vos platz ,
eleison,
………………………………………………………
Pregem tag la festa , eleison,
Que
nos gart de tempesta ,
eleison,
E
nos garde los blatz ,
eleison,
Las
vinhas e les pratz ,
eleison,
E
patz del cel en terra ,
eleison,
Jamais
non ayam guerra , eleison.
La chanson
terminée, tout le monde se rend au Consulat, où est servie une collation; le
maire remet à chacun des officirs 10 sous petits que leur octroie la
municipalité; l’abbé, plus détaché des biens de ce monde, se contente de la
moitié. On part alors pour les Plantiers. Il est là une maison dont les maitres
ont accoutumé d'allumer un feu de la saint Jean. Les officiers, spectateurs sur
la Clautre, deviennent acteurs à leur tour: ils chantent la chanson avec tous
ses eleison. En récompense, ils
reçoivent un baril de vin et deux pains blancs sur une nappe.
Mais ils ont droit aussi à
d'autres présents. Toute femme de la ville ou de la banlieue qui s'est mariée
au cours de l'année écoulée leur doit un menu cadeau. Celle qui a rompu son
veuvage pour célébrer des secondes noces, leur donne un pot de terre et treize
bâtons de treize arbres fruitiers différents; le dimanche après la saint Jean,
les pots seront, placés au bout de longues perches, on distribuera les bâtons
aux amateurs, et ceux qui, les yeux bandés, mettront en pièces les oulos, recevront 2 sols 6 deniers. Celle
qui a pris mari pour la troisième fois baille une comporte de cendres tamisées
treize fois et treize cuillères du bois d'autant d'arbres fruitiers. Le cas
devient beaucoup plus grave pour celle qui, ayant eu trois époux tués sur elle,
en a choisi un quatrième. On exige d'elle une maison sur l’Isle, avec treize
chevrons, où entreront trois hommes — les doubles des défunts? — habillés de
blanc à ses frais. Si, enfin, ce qu'à Dieu ne plaise, une Pétrocorienne a
poussé l'expérience jusqu'au cinquième mari, elle, ne peut se le faire
pardonner qu'en offrant une cuve pleine de fiente de géline blanche. Et les
hommes ? Qu'ils se marient aussi souvent qu'ils le voudront et pourront ;
nul ne leur en demandera compte[110].
Une autre tradition veut que,
deux fois l'an, à la Pentecôte et au mardi-gras — le dimartz lardier del baco —, le maire et les consuls fassent
l'aumône « à tous les pauvres du Christ » qui se présentent à eux. Ils leur
distribuent du blé, du pain, de la menue monnaie. Ces largesses sont alimentées
par des ressources spéciales. Nombreuses sont les rentes « de la charité
à Dieu et aux pauvres »; constituées le plus sonvent par des dispositions
testamentaires, elles sont levées, le moment venu soit par un des consuls, soit
par les « bailes de la Charité[111]
».
Sans doute la coutume ne
s'est-elle pas encore perdue des diverses réjouissances qui accompagnaient, au
siècle précédent, le banquet de la Charité du mardi lardier, particulièrement
de la course que se disputaient les femmes au Pré-l’Evêque. Au chef-lieu du
diocèse voisin, à Sarlat, on célèbre, à l'occasion du Carnaval, la fête du Colhage. Celui qui en est le fermier a
droit à certaines redevances. Plusieurs moulins — ceux des Boyt par exemple —
lui donnent une pugnère de blé. On ne peut se marier sans lui faire un cadeau.
Celle qui s'habille de blanc le jour de ses noces paie 12 deniers périgourdins
; celle qui préfère le bleu ou le vert en doit 12; la redevance est de 2 sols
si la robe; est rouge ou de toute autre couleur « précieuse». Le plus notable
des nouveaux mariés lui fournit en outre, pour le carnaval, l'écu qui, tous les
ans, sert de cible, la paire de gants et les 5 sous qui ont aussi leur rôle
dans les jeux. Chaque boucher lui livre la valeur d'un denier de lard pour
faire les crêpes qu'on promènera joyeusement sur la place et par les rues.
Quant aux veuves récemment remariées, on choisit parmi elles celle à qui l'on
offrira le pot percé — l’oulo traucado[112].
IV
UNE VILLE PAUVRE
Parmi les mutins qui se sont le
plus signalés par leur malice, nous avons constaté la présence d'anciens
consuls. Il semble que, en définitive, ce soient eux les vainqueurs. Dans la
municipalité élue le 17 Novembre 1465 figurent, en effet, quatre des meneurs:
Jean Le Verrier, Jean Dalhadet, Raymond Marchand et Hélie Garda. Il est vrai
que le maire est Guy d'Abzac, seigneur de la Douze: sa fortune et son nom le
mettent au dessus des factions. La municipalité qu'il préside est
extraordinairement nombreuse: elle comprend dix huit consuls, et le juge lui
même est assisté de trois procureurs. Sans doute tes prud'hommes ont-ils voulu
faire siéger cote à côte des représentants de toutes les tendances et opérer
une sorte d'union urbaine. Mais la part faite aux anciens émeutiers est trop
importante; car, s'ils n'ont que quatre consuls, l'un des trois procureurs.
Hélie Cluzel, est de leur bande. Par contre, de l'ancienne municipalité il ne
reste rien, si ce n’est un des procureurs, Jean Belcier. Il n'est donc pas
étonnent que, parvenus au terme de leur mandat, maire et consuls ne puissent
pas se mettre d'accord sur les noms des prud'hommes chargés de préparer les
élections. Il faut avoir recours à une procédure exceptionnelle et, pour une
fois, à une, sorte de suffrage universel à deux degrés. C'est le Conseil de
ville, assemblé à son de cloche, qui désigne les huit prud'hommes électeurs ;
il porte son choix sur deux marchands, deux artisans, deux agriculteurs du
bourg — dont le remuant Jean Abonel — et deux « citoyens ». Le 19 novembre
1466 est enfin élue — avec une semaine de retard — la municipalité nouvelle. A
sa tête, une fois encore, les prud'hommes ont voulu mettre un noble; Jean de
Laurière, seigneur de Lanmary[113].
Par bonheur, les disputes de
1466 ne troublent nullement la vie du Puy-Saint-Front. Que le calme soit
vraiment revenu, on n'en voudra pour preuve qu'un seul fait: le choix que font
de Périgueux pour s'assembler les trois Etats du Périgord (14 lévrier 1466)[114].
Les officiers des diverses cours ne tentent plus de s'arroger des droits qu'ils
n'ont pas. Rien de commun entre leur attitude en 1466 et celle qu'ils avaient
prise l'année d'avant. Le 24 novembre 1466, Hugues Bailly, sieur de Razac et
juge ordinaire de la Cour commune du paréage, demande aux consuls l'autorisation
de tenir son tribunal dans la ville et la banlieue durant un an ; on le lui
permet à condition qu'il reconnaisse par écrit l’autorisation sollicitée et
reçue[115].
Ainsi fera, deux ans plus tard, le procureur du comte de Périgord et de la
bailie. Car les officiers du roi renoncent, comme les autres, à envahir la
juridiction communale. En 1468, Pierre ce Polisses, procureur royal[116]
en la sénéchaussée, demande au maire la permission de faire pendre un criminel
sur le territoire de la ville; ou la lui donne, mais requête et autorisation
sont enregistrées par acte notarié[117].
Le 11 janvier 1469, Guillaume Belcier, parlant au nom du même procureur royal,
reconnaît que seuls le maire et les consuls ont le droit de faire procéder à
une arrestation dans la ville et sa banlieue; en conséquence, il fait relaxer
un homme que les sergents royaux ont capturé dans la juridiction consulaire[118].
La municipalité n’admet aucune exception à la règle. Les officiers de l'évêque
ont arrêté près de la porte de l'Aubergerie un certain Laurent Piochel,
chanoine de l'abbaye de Chancelade. Sans hésiter, les consuls traînent le
prélat devant le tribunal du sénéchal[119].
La paix s'étend sur les clercs
comme sur les laïcs, il semble que l'évêque ait tout tenté pour amener, non
seulement un accord, mais une certaine fusion entre les deux chapitres. De
cette fusion, on trouve de nombreuses traces, mais on n'en peut dire les
modalités. Qu'elle ait été réalisée, au moins partiellement, tout parait le
prouver. Il est, certes, des propriétés et des rentes qui restent particulières
de chacune des deux églises, mais nombre de textes montrent un même chanoine
stipulant pour l'une et l'autre[120].
Ce n'est pas tout, fin janvier 1468, les chanoines de Saint-Etienne donnent
pour sépulture à un clerc le porche de Saint-Front : jamais la collégiale, ne
tolérerait pareille intrusion si la paix n'avait été conclue[121].
En 1475, les deux chapitres décident que, tous les ans, à l'occasion de la
saint Mémoire, les chanoines et serviteurs de la cathédrale assisteront aux
cérémonies de Saint-Front: messe chantée et procession. De même, les chanoines
et serviteurs de la collégiale se rendront, le jour de saint Léon, à la
cathédrale pour assister à la grand'messe et suivre la procession. Une amende
d'une demi-livre de cire sera infligée aux défaillants[122].
La ville est libre. Elle est
calme. Mais elle est pauvre. Les registres comptables de 1467-1468 ne laissent
aucun doute à cet égard. Sous l'administration de Jean de Laurière (1466-1467)
on a dépêché vers le roi Guilhem Belcier et Pierre Durand; ils avaient mission
d'obtenir un nouveau mandement sur le « denier de la chair » et le maintien
d'exemption des tailles, tant pour les paroisses de la juridiction de Périgueux
que pour la ville elle-même. Chemin faisant, les deux députés se sont trouves à
court d'argent. Ils ont alors emprunté 35 écus à un marchand de Tours et laissé
en gage le sceau du consulat, en se réclamant de Bertrand fiuillon, trésorier
du roi. Or, à l'échéance fixée, la ville n'a rien payé. On voit donc, arriver à
Périgueux, en 1468, le marchand et Bertrand Guillon. Ils vont tout droit à
l'Hôtel-de-Ville et somment le maire de leur compter les deniers. Que
faire ? On leur montre la caisse vide. Ils en sont si peu émus qu'ils font
mettre les émoluments du consulat sous la main du roi. Pour se débarrasser
d'eux, il faut que le comptable, Pierre Arnaud, tire de sa propre cassette les
35 écus libérateurs[123].
La ville est pauvre parce
qu'elle s'épuise en gratifications. De plus en plus, les cadeaux aux gens du
roi sont gestes obligatoires; il serait vain d’attendre quelque chose de bon de
quelque officier que ce soit si l’on ne le comblait de présents. Sous Louis XI,
le pot de vin est réellement une institution d’Etat.
M. de la Rochefoucauld,
nouvellement créé sénéchal, vient à Périgueux pour prendre officiellement
possession de sa charge. La ville lui offre une barrique de vin, une biche,
deux saumons, six boîtes de dragées, trente-deux boisseaux d’avoine et huit
torches de cire; le tout ne coûte pas moins de 11 à 12 livres[124].
Le lieutenant du sénéchal a détourné son maître de tenir les assises à
Bergerac, cela se paie; on lui donne donc un écu de 27 sols 6 deniers. Et l'on
en compte quatre au procureur des aides, Me Jaufre Maria, et à l'élu Antoine
Corbeu, pour les remercier d'avoir mis la villa de Pereguers per nichil en la
talha[125].
Que si l'on ne prend soin d'amadouer par de beaux écus sonnants ceux qui
détiennent l'autorité, les frais sont, en définitive, beaucoup plus élevés.
Un corps de 300 hommes,
commandé par le lieutenant des francs archers de l'Agenais, du Quercy et du
Rouergue, traverse la banlieue. Le bruit se répand qu'ils y font « beaucoup de
mal ». Il faut absolument empêcher qu'ils ne franchissent les murs. Tel est le
but de la visite que font les consuls aux sénéchaux d'Agenais, de Quercy et de
Toulouse et au capitaine de Castelsarrazin, qui, se rendant auprès du roi, sont
descendus chez Géraud Arnaud[126].
La ville est pauvre parce
qu'elle est seule à financer ses dépenses. Il n'est point, ici, de routes
royales, pas davantage de ponts royaux. Or. Louis XI veut que les murs soient
en bon état et s'il ne demande pas un sol aux bourgeois, il n'entend pas
davantage leur fournir le moindre subside. Cependant, chaque année apporte une
longue série de travaux à entreprendre d'urgence. En 1408, il faut réparer le
pont de la Cité, et cela n'est rien. Il y a tant à faire que, l'année
précédente, d'accord avec les commissaires royaux, on a dû aliéner au maçon
Pierre Chadourgne, pour 98 écus, soit 134 livres 15 sols, toute la taxe du
denier de la chair. Chadourgne reconstruit quatre ponts-devis, la herse et le portanel de Taillefer, le mur crenelé
qui s’étend entre la tour de Galigant et la tour Neuve; il pave le pont de
Tournepiche et ses abords et recouvre une partie de la Boucherie et de la
Bladerie du Coderc. Les comptes ne seront arrêtés qu'en 1477 : sur les 134
livres 15 sols que Chadourgne aura perçus, 18 sols 6 deniers seulement
reviendront à la ville[127].
Sans doute pense-t-on que, avec
la paix, viendra la richesse. C'est, certainement le ferme espoir du maire et
des consuls, rassemblés en fin d'année pour établir le compte définitif. Tâche
aisée, semble-t-il, puisque à Pierre Arnaud, comptable « par commission royale
», ont été adjoints, toute l'année, pour tenir le contre-compte, deux consuls :
Mathieu Brochart et Hélie de Petit[128].
Les paiements s'élèvent à 228 livres 4 sols 6 deniers tandis qu'à peine 178
livres 17 sols sont entrés dans la caisse. Maire et consuls font l'appoint et,
sans désemparer, se mettent autour de la table préparée par Pierre Arnaud; il
est vrai que le repas ne coûte au total qu'un écu[129].
De leurs maigres ressources,
quelle est l'origine? Quelle est, en d'autres termes, la structure du budget
communal ? La taille, la vinade, la taxe sur les nouveaux bourgeois sont les
seuls impôts directs. La taille est perçue fort irrégulièrement et selon les
besoins de la communauté. En principe, on en lève une chaque année; c'est par
exception — comme en 1462 — qu'on en 1ève deux[130].
Etablie par les soins du consulat, elle frappe ceux qui habitent Périgueux ou y
possèdent des maisons. Il ne semble pas, cependant, que la mairie ait usé de
son droit, solennellement reconnu par Charles le Bel, d'y contraidre les clercs
; à coup sûr, ceux d'entre eux qui vivent cléricalement ne paient pas la
taille. Pareille exemption n'est pas accordée aux nobles. Suite compte des
tailles de 1462, on relève les noms des sieurs de Meymi, de Merle, de Lanmary[131]
; sont taxés en 1465 le sieur de la Douze, celui de Lanmary, d'autres encore[132]
; en 1489, on relève parmi les « assujettis » le sieur des Bories et tous
les Arnaud[133]. La
taille est proportionnelle à la fortune. En l462, elle va de 2 sols a 8 livres
; en 1465, de 1 à 24 sols ; en 1468, elle n'a d'autre objet que de couvrir les
dépenses des trois délégués aux Etats de Tours et ne dépasse pas 10 sols ; elle
est beaucoup plus forte en 1478 et varie de 1 à 37 sols 6 deniers[134].
Elle est levée dans chaque quartier par les soins du délégué du comptable. En
dehors des limites du bourg, elle frappe un petit nombre de gens de la Cité —
19 en 1468 et 1478 — et, autour de Périgueux, quelques habitants de
Champcevinel, Trélissac, Bassillac, Boulazac, Atur, Saint-Pey-Laneys[135].
Le droit d'entrée payé par les nouveaux
bourgeois est à peu près insignifiant, En 1465, trois personnes seulement sont
invitées à payer : elles viennent de
Sarlat, Saint-Yrieix et Saint-Jean-d'Angély ; on ne demande qu'un réau à
chacune[136]. Et
il n'est plus question de ce droit durant tout le règne.
La vinade, taxe jadis
exceptionnelle, a dû à la guerre de Cent Ans de devenir impot normal ; elle
frappe les vignobles et rapporte au budget de 30 à 40 livres[137].
Les taxes indirectes sont d'un
meilleur rendement. Les consuls les afferment ordinairement, peu de temps aprés
les élections. A cet effet, les habitants sont convoqués à l'Hôtel-de-Ville ad sonum tube et campane, et cet appel
est renouvelé huit jours durant. Puis commence l’adjudication; elle se
poursuit, chaque soir, aussi longtemps que brille une chandelle de cire. Il
faut, pour en terminer, cinq séances en 1468; une seule suffit dix ans plus
tard. Sauf en 1462, où les taxes indirectes de 1463 sont affermées en bloc,
chaque « émolument » est adjugé au dernier enchérisseur. Bien entendu,
chaque fermier jure sur les Saints Evangiles de respecter ses engagements et
les statuts fiscaux. Après quoi, il ne lui reste que fournir bonne et
suffisante caution[138].
La plus importante des taxes
est le denier de la chair, perçu sur les bouchers, mais c'est aussi la moins
stable, car il est rare qu'elle rentre aisément. Ou les bouchers refusent de
payer, ou quelque officier le leur interdit en mettant le denier sous la main
du roi, ou encore on en a engagé la levée par avance pour financer des travaux
publics ou se mettre en mesure de faire des cadeaux. Cette redevance paraît
dater de la fin de la guerre de Cent Ans. C'est, en effet, en 1431 qu'il en est
question à propos d'un procès qui met aux prises les chanoines de Saint-Front
et la municipalité touchant le droit d'un denier par livre sur la viande de
boucherie[139].
Un peu moins productifs que le
denier de la chair, le péage et la leyde sont aussi moins aléatoires. Le droit
de percevoir parlent la leyde a été cédé aux consuls par le chapitre de
Saint-front, moyennant une rente annuelle de 13 livres tournois[140],
payables moitié à la saint Front et moitié à la saint Mémoire[141].
Lorsque la première de ces fêtes tombe un dimanche, les consuls doivent offrir
aux chanoines l’acapte d’une paire de gants de serge blanche, doublés de rouge.
La leyde est essentiellement, une imposition dont sont frappées toutes les
denrées apportées du dehors pour être vendues dans l'intérieur de la ville,
tandis que le péage frappe toutes les marchandises qui traversent le territoire
de la juridiction[142].
Un statut municipal détermine, tant pour la leyde que [mur le péage, la somme à
percevoir sur chaque denrée.
La boulangerie supporte trois
taxes : la panneterie, qui produit de 40 à 45 livres, la mesure du blé, le
pesage du blé[143]. La
ville perçoit, en outre, des taxes sur l’entrée
du vin[144], la
mesure de l'huile[145],
le poids de la boucherie[146],
le cuir[147], la
bûche, la paille et le charbon[148].
Elle lève lods et ventes[149],
sur les mutations d'immeubles et trouve encore quelques deniers grâce au cot[150],
au greffe du consulat[151],
aux ventes à l'encan[152],
aux licences de bâtir[153],
aux amendes infligées par son tribunal[154].
La ville a des maisons et des
terres qui produisent cens et rentes. Les contrats d'accense sont passés en
l’hôtel-de-Ville, devant le maire et les consuls et en présence de témoins. Ils
sont consentis à perpétuité moyennant une redevance annuelle payable à
certaines fêtes, surtout Pentecôte et la Noèl, et un droit d'acapte. La mairie
baille ainsi tous les biens fonds, terres, emplacements qui relèvent de la
communauté. Nombre de ces emplacements, situés dans la ville, sont des pleydures et sont destinés probablement
à recevoir des constructions. La plupart de ceux qui sont hors des murs sont
des déserts où l'on plantera de la vigne; on les trouve, soit dans la banlieue
immédiate, soit dans les paroisses les plus voisines. Ces terres, ces maisons
sont, de la part des tenanciers, objets d'achat et de vente, mais les consuls
sont très attentifs à faire reconnaître leurs droits à chaque mutation. En voici
un exempte. En 1479, noble Jean Flamenc acquiert d’Hélie Plastulphe et de
Corborand Vigier des cens, rentes, terres, vignes, déserts, etc... dans le
domaine communal. Il se présente peu après devant le consul, M. de Saint-Angel,
et le greffier, Jean Breton, peur eu fournir le dénombrement. Enfin, le 12
novembre, après avoir pris connaissance des titres, le consulat tout entier,
assemblé en la chambre du conseil, renvoie en possession[155].
Les comptes, tenus par le
comptable, sont vérifies par le contre-comptable. En général, le comptable
n'appartient pas au consulat; on note cependant sept exceptions sous Louis XI,
particulièrement de 1472 à 1477[156].
En 1463-1464, le fait est d'autant plus grave, que le contre-comptable est, lui
aussi, de la municipalité[157].
II est vrai que les fonctions de comptable ne restent qu'un an dans les mêmes
mains; les exceptions sont fort rares : de 1461 à 1492, ou n'en relève que
trois[158].
Les taxes perçues dans la vile
n'entrent pas toutes dans la caisse municipale. La juridiction du cellerier a
ses revenus propres - justice, .sceau, cire du sceau - que se partagent par
tiers le comte, le chapitre et le juge. En 1470, il est vrai, les chanoines
cèdent, au consulat, moyennant 30 livres de rente annuelle amortissable pur un
capital de 600 livres, leur part dans la juridiction du cellerier ; mais cet
accord reste si bien sans effet que, qninze ans plus tard, la cession sera
renouvelée pour 40 livres de rente ou 800 de capital[159].
Au pariage revient, d'autre part, la taxe sur la vente des maisons ou des
terres qui relèvent de Saint-Front.
Des revenus échappent donc aux
consuls. Mais, les eussent-ils, il leur en faudrait bien d'autres pour donner
un peu d'aisance à leur trésorerie.
La ville est pauvre. Mais elle
reste fière. Pour faire des économies, il ne saurait être question de renoncer
aux beaux costumes qui donnent à ses officiers un peu de leur autorise. Pour la
somme de 10 livres tournois, les deux-tiers de leur indemnité, les consuls de
1467-1468 reçoivent chacun des mains du comptable une robe et un chaperon
mi-partis de noir et le rouge[160].
Vers cette époque, le costume mi-parti parait, en effet, fort à la mode parmi
les gens qui fréquentent Hôtel-de-Ville. Les quatre sergents ont des robes de
gris et de pers, exactement autant de gris que de pers, car on achète dix
coudes et demi de l'une et de l'autre couleurs ; leurs chausses sont en rollet
rouge d'Angleterre. Le vêtement du trompette est peut-être moins fantaisiste :
nous savons seulement qu'il est de « gros drap » et s'accompagne du
chaperon[161].
Quant au bourreau, qui instrumente désormais tant pour la cour du sénéchal que
pour celle des consuls, sa livrée — robe et chausses — est faite de gris et de
blanc[162].
Le goût des officiers
municipaux pour les beaux atours les suit partout. Par lettres signées de sa
main, Louis XI leur a mandé d'envoyer aux Etats de Tours, trois délégués
choisis parmi les plus notables bourgeois. Le consulat charge le maire, Jean
Duvergier, 1e procureur Jean Alcan et Géraud Arnaud de se rendre au désir du
roi. On leur donne pour leurs frais de route 14 écus que l’on s'est procurés en
changeant de vieux testars anglais. A peine arrivés à Tours, Alcan et Arnaud
s'achètent des chausses ; quant au maire, il fait l'acquisition, pour 4 livres
10 sols, d’un vêtement complet. Il se laisse même tenter par un beau
« chapelet une cornette de velours ». Hélas ! on les lui vole, avant même
qu'il ne quitte les Etats, en pleine Chambre du Conseil[163].
Une autre occasion est donnée à
ces discrètes personnes de paraître en publie dans le costume qu'elles aiment,
M. de Grignols a convié la noblesse du Périgord au service funèbre célébré pour
son père. Or, Périgueux est ville noble. Le conseil de ville s'assemble. On
fait valoir que le défunt et les membres de sa famille se sont toujours montrés
les amis de la communauté, et l’on tombe d'accord pour décider que le maire, le
juge et la plupart des consuls se rendront en robe au service et que la ville y
fera porter neuf torches avec bâtons et pennons à ses armes[164].
Et c’est la population tout
entière qui, en 1468, prend part aux cérémonies qui accompagnent le changement
d'évêque.
C'est un grand prélat qui s'en
va. Fils d'Arnaud, sénéchal de Périgord, et de Jeanne de Chambrillac, entré
fort jeune chez les Frères Mineurs de Périgueux, Hélie est devenu évêque de
cette ville à l'âge de 24 ans. Vingt années durant, il a dirigé le diocèse sans
que jamais son zèle se démentît, sans jamais épargner son argent ni mesurer sa
peine. Il a entrepris de longues démarches et fait de pénibles voyages jusqu'en
Cour de Rome pour rendre plus populaire le culte de saint Front. C'est un
théologien et un canoniste de marque, et aucun problème du temps ne le laisse
indifférent. En 1453 ou 1454, dans une Considération sur le procès et la
sentence rendue contre Jeanne d'Arc, il
soutient, que la Pucelle n'était pas justiciable de l’évêque de Beauvais et
qu'elle était, à coup sur, beaucoup plus sainte que sorcière. A Tours, il ose
même écrire un ouvrage pour l'abrogation de la Pragmatique Sanction.
Naturellement, tout le monde se ligue alors contre lui; Louis XI se plaint de
ce que sa majesté soit attaquée ; Jean Jouvenel des Ursins lui-même déclare
qu'on en veut à 1’autorité du sceptre ; les gens de robe crient plus fort que
tous les autres. Hélie de Bourdeille n'en est point troublé. Non content
d'écrire, il prêche, il agit. Rien ne l'irrite autant que 1’insulte à Dieu, le
blasphème : ceux qui sont convaincus de ce crime, il leur impose de se tenir
durant la messe devant, la porte de l'église, en chemise, pieds nus, le cierge
en main. Par ailleurs, homme aussi simple que de noble origine, « lequel Dieu
relevait tout autant qu'il se déprisait par les actions de son humilité
ordinaire. Le roy eut cognaissance de ses mérites, le choisit pour son
confesseur, et, l'archevêché de Tours vacant, il le ravit à ceste province pour
le colloquer en plus haut grade, l’an 1468 », Ni les charges officielles, ni
les honneurs du cardinalat (1483) ne feront oublier à Hélie de Bourdeille sa
première église. En 1476, il est encore « général pénitencier et surintendant »
du jubilé accordé a Périgueux par Rome. « C'est pourquoi, écrit le scribe du
consulat, nous devons tous d'un même voeu prier Dieu et son Père pour lui. Que
son âme, lorsqu'elle aura quitté son corps, soit hébergée parmi les bienheureux.
»
Tout à fait à la fin du règne,
les chanoines de Périgueux dressent la liste de ses bienfaits. Grâce à lui, les
papes ont accordé trois indulgences plénières: la première, pour trois ans, à
l'occasion de l'exaltation du corps de saint Front et de sa déposition dans la
chasse d'argent; la deuxième, d'un jour, fixée à la fête de la décollation de
saint Jean-Baptiste, pour commémorer la déposition du chef de saint Front dans
le vase d'argent doré ; la troisième, pour dix ans, afin d’encourager les fidèles
à faire des aumônes. En outre, il a donné de riches reliquaires; il a dépensé
2000 livres pour faire décorer le grand autel de la cathédrale : il a légué 300
livres de rente perpétuelle à Saint-Front et à Saint-Etienne, et les chanoines
oublient de noter les sommes qu'il a dépensées pour reconstruire l'église de
Saint-Georges, et, au bas de la rue Romaine, celle de Saint-Astier.
Mais ce qu'ils se rappellent
est bien suffisant pour les pousser à réclamer déjà, son inscription sur la
liste des saints. Trois grandes vertus l'ont illustré, affirment-ils : « la
charité ardente qu'il avait pour les hommes, la magnanimité inébranlable pour
le soutien des droits de l'église, l'assurance qu'il avait sur la providence de
Dieu ». Ils prient Pierre de Boismorin, l’ancien secrétaire et confesseur
d'Hélie, d'écrire la vie de son maitre. Et bientôt, sans que, en dépit d’une
enquête parfaitement concluante, il y ait eu canonisation, on ne parle plus de
l'ancien évêque de Périgueux qu'en l'appelant « saint, bienheureux,
thaumaturge».
« Par la promotion d'Elie
….. nostre siège episcopal escheut à
Radelphinus ou Ranulphius, pour veu par le pape Paul second, suivant la bulle
expédiée l'an 1468», le 8 juin[165].
Raoul du Fou, fils de Jacques,
gouverneur et sénéchal de Poitou, frère d’Yves, grand veneur et gouverneur
d'Angoumois, est abbé de Saint-Thierry, près de Reims, de Saint Junien de
Noaillé, de Saint-Taurin d'Evreux. Il est probable que le nouvel archevêque de
Tours l'a recommandé aux suffrages des chanoines. Eu tout cas, il le connait
bien, puisque Ylaire du Fou, soeur de Raoul, a épousé François, fils du baron
de Bourdeille. Que le choix soit heureux c'est, assurément, l'avis du roi ;
c'est aussi celui de Rome, puisque Louis XI et le pape chargent Raoul,
concurremment avec les évêques de Basas et de Sarlat, d'informer sur la sainte
vie de Pey Berland, archevêque de Bordeaux à la fin de la guerre de Cent Ans.
Un missel manuscrit d'Evreux nous a transmis le portrait de Raoul du Fou.
L'évêque est à genoux sur un prie-Dieu. Ses mains sont jointes, son visage est
relevé, dans l'attitude de la prière. Coiffé de la mitre, il porte une riche
chape à ramages. La crosse, appuyée à terre, repose sur l'épaule gauche. Les
armes reproduites sur le drap qui recouvre le prie-Dieu sont d'azur à une fleur
de lis d'or accompagnée de deux colombes affrontées d'argent[166].
Un évêque s'en va; un autre le
remplace. Dans l'événement, rien qui puisse apporter aux bourgeois un peu de
cet argent dont leurs officiers ont si cruellement besoin. Périgueux, ville
libre et fière reste une ville pauvre.
V
UNE VILLE FRANCHE
Les premiers jours de mai 1469
apportent une nouvelle des plus inattendues. A la fin du mois précédent, le roi
a donné à son frère Charles l'apanage de la Guyenne au sud de la Charente avec
les sénéchaussées d'Agenais, Quercy, Périgord, Saintonge, la ville et le
gouvernement de la Rochelle et le bailliage d'Aunis. Certes, la nouvelle est de
nature à réjouir les Bordelais. Ils n'ont jamais cessé de désirer un prince
particulier. Un duc, dont le tribunal
n'est pas sans appel, est moins dangereux qu'un souverain pour les exemptions
d'une ville; il est aussi contraint à plus d'égards. Et tout cela est encore
plus vrai si ce duc est Charles de France. On le dit homme facile à mener, «
qui peu on rien faisoit de luy, mais on toutes choses estoit manié et conduit
par autruy »[167]
; un éternel conspirateur, mais aussi un trembleur éternel. D'autre part, si la
menace d'une nouvelle invasion anglaise compte peu dons les préoccupations des
Bordelais, ils souffrirent cruellement des méfaits des gens d'armes à la solde
du roi, qui multiplient leurs désordres, tuant, violant, saccageant tout quand
c'est leur plaisir[168].
Mais les choses ne se
présentent, pas de même manière à Périgueux. Cette ville a toujours été royale.
Au lieu de venir en aide aux Anglais, elle n'a cessé de les combattre et c'est
pour ne dépendre en rien d'un vassal quelle a mené contre les Archambaud une
lutte dure. Par ailleurs, les environs, déjà dé va si és, n'attirent que fort
rarement les pillards de l'année ; le passage des 300 francs-archers est déjà
oublié. Cependant, le traité, conclu entre le roi et son frère, met fin à
quatre années de troubles. Les Pétrocoriens sentent qu'ils sont un élément de
la rançon de la paix. « Souples et mols » selon l'expression de
Chastelain, comme le commun des bourgeois français, ils acceptent, sans joie,
mais sans révolte.
Dès le 31 mai, le sénéchal de
Rennes. Olivier Dubreuilh, délégué à cet effet par le représentant de Charles
de France, Odet d'Aydie, reçoit en l'auditoire du consulat, le serment de
fidélité du maire, Bertrand Aytz, et des consuls de Périgueux, Maire et syndic
de Bergerac sont venus pour remplir le même devoir. A tous, Dubreuilh promet de
faire confirmer leurs privilèges par leur nouveau suzerain[169].
Très vite s'organise
l'administration ducale. A Hugues Bailly, provisoirement délégué dans les
fonctions de sénéchal de Périgord, succède, le l9 juillet, Christophe de
Plailly[170].
Quelques jours après, pour remplacer le Parlement transféré à Poitiers, Charles
crée les Grands Jours de Bordeaux. Mais, comme la peste désole celle ville, il
décide en même temps que, du 14 septembre à Pâques, les Grands Jours se
réuniront à Périgueux[171].
Ainsi, pour 1a seconde fois depuis le début du règne, Périgueux devient le
grand centre judiciaire du sud-ouest.
La cour des Grands Jours
comprend deux présidents, dix conseillers, dont cinq laïcs et cinq
ecclésiastiques, un procureur général, un avocat général, deux greffiers et six
huissiers[172].
Elle est encore à Périgueux — où elle fait preuve d'une réelle activité —
lorsque, le 1er février 1470, le duc fait sa première entrée dans la ville. Il
est accueilli eu grande pompe par le clergé, le maire, les consuls, et salué par
les vibrantes acclamations de la foule. Il est si content des habitants de sa «
bonne ville » qu'il séjourne chez eux jusqu'au 5[173].
Il faut dire, à la vérité,
qu'il a su préparer son voyage, si aimablement il a reçu les délégués des Trois
Etats qui sont venus l'entretenir des nouvelles limites du Périgord du côté de
l'Angoumois et de la Saintonge, si simplement il a promis de confirmer au plus
tôt les privilèges de Périgueux[174].
Rien ne préoccupe davantage les bourgeois, car, depuis quelque temps, on a
tendance à oublier leurs immunités et à leur réclamer de l'argent, comme à de
vulgaires vilains. Les Trois Etats du Périgord qui voté un don de joyeux
avènement de 1000 livres. Au début de 1470, le sénéchal Louis Sorbier leur
demande d'en verser 300 sans retard. Les Etats, qui ont décidé de procéder à
une levée spéciale pour couvrir des frais de voyage vers le duc et le roi,
décrètent qu'elle sera établie sur tous, privilégiés ou non. Seront seuls
exemptés les gens d'église, les nobles vivant noblement, les vieillards hors
d'état de combattre, les officiers ducaux on royaux, les étudiants et les
mendiants[175].
Mais Périgueux est ville noble et n'entend pas payer, Plus ardemment que
jamais, elle demande la confirmation de ses privilèges, trop longtemps
retardée. A cette confirmation s'oppose Sardon de Bars, syndic des Etats, C’est
alors que Charles de France intervient pour ordonner, le 30 avril 1470, une
enquête sur la question. Du 6 au 22 mai, l'évêque de Périgueux et celui de
Sarlat, les deux chapitres pétrocoriens, l'abbé de Brantôme, le maire et les
consuls de Bergerac, les seigneurs des Bernardières, le Razac, Bourdeille,
Ladouze, Chantérac, Antonne, Montréal déclarent par actes formels, que les
privilèges et exemptions de Périgueux ne sont que la juste récompense des
services rendus au roi et à la province par les hahitants. Ils ajoutent que
«attendu la pouvreté d’icelle ville et cité, les faire contribuer es aides et
impotz mises ou à mettre, leur seroit chose importable et la toute désertion et
deppopulations desdites ville et cité et dommaige de tout le pays de Périgort
». La cause est entendue. Au mois de juin, Charles de France confirme les
lettres qui exemptent les bourgeois de toutes aides et impositions quelconques;
ces lettres sont ratifiées par les Etats. Enfin, le dernier mois de l'année
apporte la confirmation générale des coutumes[176].
L’inquiétude a été vive; mais
les exemptions accordées par les rois sont reconnues par ceux-là même qui
devront s'imposer davantage pour qu'elles subsistent. On ne pouvait espérer
victoire plus complète.
Les listes consulaires données
par le Livre Jaune sont muettes sur
les municipalités qui administrent Périgueux de novembre 1469 à novembre 1472,
c'est-à-dire sur celles qui rendent hommage au duc. Nous ignorons le détail de
la plupart des événements qui se déroulent dans la ville durant ces trois ans;
nous ignorons aussi l'écho que peuvent réveiller ici ceux qui ont pour théâtre
le reste du royaume: la réunion de la grande assemblée de Tours en 1470, la
reprise de la guerre avec la Bourgogne en 1471, la lutte contre la troisième
coalition féodale, où se signalent le comte d'Armagnac et le frère du roi, en
1471-1472.
A peine le duc est-il mort (21
mai 1472), Louis XI reprend l'apanage. Puy-Saint-Front et Cité reviennent au
domaine royal, sans secousse, comme ils s'en sont détachés. La première
assurance à obtenir du roi est, naturellement, la confirmation des privilèges.
C’est un geste rituel auquel, surtout en un pareil moment, se conforme
volontiers Louis XI[177].
Il veut donner satisfaction à tous. Les Chanoines de Saint-Front lui remontrent
que des gens sans vergogne se sont saisi, en Périgord ou ailleurs, de village,
et de terres relevant du chapitre et refusent, soit de les restituer, soit de
payer les rentes : ordre du roi de faire restituer les biens injustement
occupés (24 octobre 1472)[178].
Il étend même sa sollicitude au Périgord tout entier en l'autorisant à
racheter, pour 700 écus d'or, tous les droits de francs fiefs et nouveaux
acquêts (juillet 1473)[179].
Louis XI prend délibérément la
défense des bourgeois, même contre ceux qui se prévalent de titres officiels.
Le maire et les consuls, gardiens des intérêts publics, ont fait occuper des
pièces de terre dans la paroisse de Trélissac. A cette nouvelle, Jean de
Cognac, seigneur de Caussade, qui se disait pourvu par lettres royaux de
l'office de vigier de Périgueux, « depuis ung an en ça ou environ, s’est
voulu sans tiltre ou raison dire et porter seigneur justicier dudit lieu et
paroisse de Traillissac et, soubz umbre de ce, a fait et perpétré, avecques
certains de ses filz et serviteurs et autres aliés et complices, plusieurs
grans excès, port d'armes, voies de fait et surprinses sur ladite ville et
juridiction d'icelle ». L'affaire, tout d'abord instruite par le sénéchal Louis
Sorbier, tournait probablement à l'avantage des consuls; Cognac a alors réussi
à la faire porter devant le lieutenant du sénéchal à Sarlat. C'est une
fantaisie que ne peut tolérer Louis XI et il en informe Sorbier en décembre
1474: le sénéchal ordonnera à son lieutenant de se dessaisir et fera lui-même
bonne et prompte justice. Cugnac est d'ailleurs tort peu intimidé. Les procès
l'enchantent, où il peut opposer ses prétentions à celles de la mairie ; il
faut porter contre lui une plainte nouvelle aux premiers jours du 1476[180].
Mais qu'exige le roi, en
échange de sa protection ? Il est extrêmement discret. Il ne demande pas aux
consuls d'envoyer des troupes hors de la ville pour s'opposer aux ennemis de la
couronne. « Monseigneur le roy, leur écrit le comte d’Angoulême, nous a
présentement escript que les Anglois sont en grand puissance sur 1a mer,
dé1ibérés de descendre ès pais de Normandye ou Guyenne, et que fessions a
diligence crier et publier l’arrière ban par toutes les sénéchaussées dudit
pays de Guyenne, et à cette cause nous envoyons à Périgueux le sieur Breial,
notre écuyer d'écurie, garni de nos lettres patentes. Si vous prions de votre
part, donner bon ordre à la garde de la ville dudict Périgueux par tous moyens
requis en tel cas. » Ces lettres sont du 30 avril 1475, et il est bien vrai
qu'à l'appel du Téméraire, Edouard IV, dans l'espoir de reconquérir «son
royaume» s'apprête à passer le détroit. Il suffit que les Pétrocoriens gardent
leurs murs et se tiennent prêts à répondre aux appels de leur « Vigilator
del cluchey »[181].
Ainsi, toutes les libertés
reconnues à la ville après les essais de domestication du début du règne,
toutes celles que Charles de France a confirmées à son tour subsistent
entières. On ignore si les Etats, assemblés à Périgueux le 11 août 1475,
prétendent obliger la ville à prendre sa part de la gratification votée en
faveur de Monseigneur de Beaujeu, gouverneur de Guyenne ; mais lorsque, moins
de deux ans après (Janvier 1477), ils se réunissent à Montignac, c'est pour
reconnaître, une fois de plus, après audition du maire Hélie Dupuy, que les
bourgeois sont exempts de tailles. Tel est le fait que confessent Antoine,
seigneur de Salignac, représentant de l’évêque de Périgueux; Jean, seigneur de
Bars, maitre d'hôtel et procureur du comte de Périgord ; Mérigou de Comarque,
délégué du sire de Turenne, les barons de Biron, de Caumont, les seigneurs de
Villac, Pelvézy, etc.[182]
. Ce temps est, véritablement, celui où, de toutes parts, affluent ici les
grâces.
Que sont donc les libres
habitants de cette ville franche ? Nous connaissons quelques-unes de leurs
passions et leur humeur volontiers frondeuse, leur frayeur en présence des
phénomènes de la nature, leur piété aussi lorsqu'il s'agit d'obtenir des saints
du ciel la guérison des maux du corps.
Parmi les clercs s'agite tout
un monde de moines divers et de séculiers. Il y a, entre l’amphitéâtre et la
porte Taillefer, le couvent des Dominicains[183].
Entre la même porte et l'Isle sont établis les Frères Mineurs, dont le custode
est Hélie de Larmandie[184].
Ces religieuses de Sainte-Claire, près du moulin de Labatut, sont plus à
l'écart de la ville ; elles obéissent successivement à Catherine de Vaucocour,
à Bernardine de Lastey, puis à Hélène de Merle et Guillemette Audine[185].
Le clergé séculier comprend les
importants curés des paroisses, les auxiliaires peu fortunés ou misérables, les
chapelains mal dotés mais oisifs. Ces derniers sont tort nombreux.
La cathédrale, entre autres
chapellenies, a celles de Sainte-Croix et de Saint-Astier[186].
Non loin de là, le grand cimetière Saint-Pierre de la Cité a une vicairie en
l'honneur des saints Michel et Barthélémy[187].
A Saint-Front se trouvent les chapellenies de Saint-Barnabé, de Saint-Saturnin[188]
— celle-ci sous le porche — et les douze vicairies fondées par le cardinal de
Périgord.
Ce sont les desservants de ces
douze vicairies qui adressent un jour, à leur protecteur, le comte de Périgord,
un mémoire fort peu élogieux pour le clergé périgourdin. Ils se plaignent
d'avoir été frustrés de dîmes et de rentes par les chapitres de Saint-Etienne
et de Saint-Front, par l'évêque, l'abbé de Chancelade, l'archiprêre de
Champagnac et le curé de Celles. Leur fondateur a légué aux chapellenies de
beaux vêtements de drap d'or, calices dorés, chandeliers, encensoirs, «
canctes », bénitiers, navette d'argent, boite pour les hosties, « cuillères
d'argent pour mettre le vin et beau au calice », « évangélistiers et
épisloliers » recouverts d'argent. Contre tout droit, les chanoines de
Saint-Front prétendent s'en servir. Bien plus, ces mêmes chanoines, pour
acquérir dîmes et rentes nouvelles, ont vendu à Limoges une chape d'or pour un
millier de ducats[189].
Comme la gène les menace peu,
cependant, les chanoines de Périgueux ! Et qu'ils sont loin déjà, les
temps difficiles de la fin de la guerre de Cent Ans! L'Extrait général de la
Cathédrale Saint-Etienne rapporte un nombre considérable d'accenses faites
par l'une ou l'autre église ou par les deux en commun. Saint-Front a des terres
dans la campagne, des maisons, surtout, dans le bourg. De ceux qui les
habitent, le chapitre exige cens et acapte, et, à l'occasion, un droit d'entrée
en possession[190].
Comme dans toute maison religieuse de ce temps, les investitures sont faites en
assemblée générale. Le 23 septembre 1473, les chanoines de Saint-Front
s'assemblent à son de cloche au réfectoire. Il y a là Hélie et Bernard d'Abzac,
Hélie de Boussavin, Guillaume et Bernard Robert, Guillaume Margot, Jean
Ramonet, Pierre Colombier, Guillaume Bodin, Archambaud Montaur, Pascal Pelette
et Jean Thibaud. Devant eux se présente Olivier de Boschaud, sergent royal: il
a acquis du notaire Aimeric de Lau/elie une maison, sise aux Plantiers, dans la
rue qui va vers la collégiale. Cette maison, qu'il a payée 39 écus d'or, est du
domaine direct de Saint-Front : il se reconnaît donc redevable, vis à vis de
cette église, de 8 sols de rente à la Noël et de l'acapte. Les conditions de
vie de chanoines de Saint-Front deviennent encore meilleures lorsque, en 1478,
le pape supprime quatre canonicats. Des revenus ainsi rendus disponibles, une
moitié sera affectée à l'entretien d'un maitre de musique, l'autre fera retour
à la mense pour servir à l'accroissement des prébendes.
La collégiale a donc des
maisons et des terres, et elles sont nombreuses. Mais elle partage souvent son
titre de propriété avec la cathédrale et cette communauté va jusqu'à entraîner
celle de quelques chanoines.
« Chanoine des deux chapitres »
est le titre que prend, dès 1458 — avant même le transfert du bras de aaint
Front — Hélie Geoffroy, archiprêtre de Saint-Marcel. En 1463, le chanoine Hélie
de Boussavin, est syndic des deux églises.
Les dépendances communes se
trouvent tant à Périgueux que dans le reste du diocèse, notamment à Boulazac,
Eyvirac, Breuilh, Cendrieux, Campsegret, La Chapelle-Gonaguet, Saint-Martial-de-Viveyrol
etc.[191]
.
Le chapitre de Saint-Etienne a
des biens particuliers[192],
mais on y trouve peu de maisons. Il se contente, il est vrai, pour son usage
particulier, d'une seule habitation, puisque les chanoines couchent en dortoir;
par ailleurs, il supplée au défaut des ressources que lui procureraient les
locations par le revenu des églises dont il a le patronage. Ces églises sont
propriétaires de dîmes. Ordinairement, les chanoines de Saint-Etienne accensent
ces dîmes pour cinq ans au vicaire perpétuel : ainsi font-ils pour Faux,
Saint-Front-de-Pradoux et Saint-Laurent-des-Hommes en 1459[193].
Il n'est pas sans intérêt de constater que le vin de Montbazillac est déjà
apprécié à sa valeur et que les chanoines en servent au réfectoire. Le 12
octobre 1459, le vicaire perpétuel de Montbazillac et Colombiers reconnaît
devant les chanoines que ces églises sont de leur patronage et que la dime leur
appartient. Or il a pris, sans leur autorisation, trois charges et demi de vin
et de vendange sur la dîme de Montbazillac. Le chapitre décide de lui
abandonner à l'avenir, pour sa portion congrue, tout le produit de Colombiers ;
quant à la dîme de Montbazillac, le blé ira an vicaire, le vin aux Chanoines.
Pair avoir la certitude que le desservant observera celle clause, on ne lui
permet de repartir vers son Bergeracois que « laissant ès munis des chanoines
dudict chapitre son capuchon en gage[194].
Il est encore question de vin dans l’accord conclu avec le curé de
Saint-Laurent-des-Vignes en 1479. Le chapitre lui abandonne, à titre de portion
congrue, le droit de « verrouilh, les carnalages, le disrne des légumages et
bladages, et oultre ce six pippes de bled, scavoir deux de froment, deux de
segle et deux de mesture et deux pippes de vin s'il en y a en ladite paroisse ».
Mais, le 29 mai 1482, le vicaire est contraint d'abandonner au chapitre les
deux pippes de vin qu'on ne lui a pas livrées l’année précédente[195].
Ruiné vers 1450, le chapitre
cathédral est assez riche, un tiers de siècle plus lard, pour acheter rentes et
cens sur terres et maisons. Il est probable que, parmi ceux avec qui il a
traité, assez forte est la proportion des nobles qu'aminés ravilissement du
pouvoir d’achat de l'argent.
Des nobles pétrocoriens, les
uns sont encore de grands seigneurs. Les Bourdeille et les Abzac de la Douze
ont châteaux et vassaux dans le pays; mais.ils préfèrent à l'ombre des forêts
celle du clocher de Saint-Etienne. Les nobles de moindre importance, ou, du
moins, de date plus récente, sont très nombreux au Puy Saint-Front. Les Laurière,
seigneurs de Lammary, habitent dans le quartier Eguillerie[196];
les Saint-Astier des Bories ont une maison dans la rue Neuve et une seconde
vers la Limogeanne[197].
Les bourgeois constituent le
monde des machands, où se recrute surtout le consulat. Disséminés à travers
toute la ville, ils ont, cependant, une préférence marquée pour les abords de
la Clautre et du Coderc. Dans la Limogeanne se trouvent Blaise Arnaud, Pierre
Fayard, les Chalup, Hélie Cluzel, Jean Chassarel, Raymond Breton; près de
Saint-Silain se sont établis Hélie Queyret, Raymond Arnaud, et, après les
Seguy, Géraud Arnaud[198].
Quartier calme, autour du cimetière, de l'église et du jardin du vicaire régent[199].
L'indépendance d'esprit des bourgeois se retrouve jusque dans l'organisation de
leur vie quotidienne. On a beau consulter les textes, n'en négliger aucun, si
minime soit son importance, on ne trouve pas une seule fois la mention d'une
corporation.
Tisserands, marchands drapiers,
merciers, opèrent en liberté. Même lorsqu'ils ont été attirés dans la ville à
prix d'argent, les artisans restent libres. Les consuls donnent-ils 50 écus à
trois teinturiers de Toulouse pour obtenir leur élablissement à Périgueux — du
côté de la Limogeanne, semble-t-il — ils n'exigent d'eux que l’engagement, d'y
faire draps et teintures, el ung bel peyrol[200].
Les foulonniers ne prennent conseil de personne pour organiser leurs moulins.
Cros-Vieil, sur l'Isle, dans la paroisse de Saint -Martin, sera un moulin, non
seulement à drap, mais à blé et à huile; ce sera même une pêcherie où l'on
emploiera les nasses d'osier; ainsi en décide le propriétaire, sans en référer
à aucune association corporative[201].
Si les cordonniers ont leur
patron, ils n'ont point de gardes-jurés; la coutume est suffisante pour
empêcher savetiers ou ressemeleurs de se pousser ultra crepidam. Et les
métiers, sauf la boucherie, ne se groupent pas par rues : les rôles des tailles
dénombrent ici et là, un peu partout, chapeliers — le chapelier de la
Claustre, lo chapelier del pon — -, selliers — lo selier —
menuisiers, serruriers, sabotiers, voire peintres et potiers — lo pintier de
Taillefer[202].
Vêtements, chaussures, coiffures, les paysans venus au marché hebdomadaire se
procurent à Périgueux tout ce qui est nécessaire pour se parer en vue de la
frairie. Ils y achètent bêches, pioches, charrues, serpes, ciseaux, tout ce
qu'exige le soin de la terre et de la vigne. Ils y trouvent aussi nombre de
tavernes où abonde le vin clairet et où les connaisseurs dégustent l’hypocras
vieilli. Si le marché a été bon, peut-être se laissent-ils aller jusqu'à entrer
chez le patissier de la rue Eguillerie[203].
C'est du fond même de la province qu'on afflue pour les trois grandes foires de
l'année : celles de la saint Mémoire, de la saint Front, de la
Mi-Caréme surtout, qui peuplent les places et l'entre-deux-villes de
baraques bruyantes et la prison de vide-goussets[204].
Deux quartiers surtout, en
temps normal, retentissent des appels des marchands. Entre la Clautre et la
porte de Taillefer, à l'extrémité de la rue Aubergerie se groupent les mazels[205].
Mais s’ils sont rassemblés comme à Limoges, les bouchers petrocoriens ne
forment pas de corporation. Non loin de là, sur le Coderc, en face de
l'Hôtel-de-Ville, se trouvent, les bladeries, c'est-à-dire la halle aux grains.
Un vieux règlement veut qu'on en ouvre les portes à neuf heures[206].
Bientôt après, les charettes emportent vers les moulins la provision
quotidienne. Comme elles sont actives, les eaux de l’IsIe, dans la boucle
qu'elles dessinent autour de Périgueux ! Les meules, pour compter le temps, se
relaient de proche en proche. Moulins de Cros-Vieil à Saint-Martin et de «
l'Abbé » au pied de Saint-Front, moulins de Labalut et de Cachepouil au
sud de la Cité[207].
Ils livrent leur farine aux peytouresses qui pétrissent et cuisent le pain.
Femmes fortes que les sergents doivent surveiller de près, car elles n'hésitent
pas toujours, pour faire lever la pâte, à utiliser des ingrédients défendus :
mousse de prunes ou de raisins en fermentation. Elles doivent, bien entendu,
faire le pain de bon poids et bien cuit, tout comme les hôteliers doivent avoir
des « vaisseaux de mesure »[208].
Nos textes signalent plusieurs
barbiers. Il est bien, parmi eux, quelques barbiers-chirurgiens : un de leurs
prédécesseurs a été envoyé, en 1398, par le maire et les consuls, pour porter
secours au sénéchal qui venait de tomber malade à Mareuil ; en 1501, on en voit
plusieurs se rendre avec le procureur au domicile de la Janetou, atteinte de la
bosse (charbon). Mais le plus grand nombre sont de simples tailleurs de
barbe, des barbitonsores [209].
La profession de médecin est, à coup sur, moins encombrée que celle de
chirurgien, car on ne peut l'exercer sans titre : en 1480, le sénéchal Louis
Sorbier charge deux authentiques médecins de donner la chasse à ceux qui
prétendent soigner les maladies sans avoir étudié en quelque Université[210].
Et que serait une ville de
bourgeoisie sans ses hommes de lois : notaires, procureurs, juges, huissiers,
greffiers, etc. ? A Périgueux, ils pullulent. Que serait un bourg périgourdin
sans ses propriétaires terriens ? Dans la ville et sur les bords de l'Isle — en
las ribeyras — les jardins sont nombreux et, a mesure qu'on s'éloigne de la
guerre de Cent Ans, tes vignes et les champs cultivés prennent, dans la proche
banlieue, la place des friches. Il y a donc ici des vignerons et des
cultivateurs. L’un deux, Jean Abonel, qui réside à la Limogeanne, tour a tour
consul et chef de mutins, s'est acquis une manière de célébrité.
De ces hommes, quelles sont les
conditions de vie ? Et, d'abord, que gagnent-ils ? Le sénéchal touche — du
roi — 300 livres par an ; le juge-mage et le receveur royal, 100 livres[211].
Or, ce sont là les principaux officiers de la couronne en Périgord. A l'autre extrémité
de l'échelle sociale, il y a les simples manoeuvres: la ville leur donne deux
sols par jour, tandis qu'un ouvrier qualifié, un couvreur par exemple, en gagne
deux et demi[212]. Si
l'on compte 280 jours ouvrables, le manœuvre touche donc 28 livres par an, et
l'ouvrier qualifié 35 livres.
Le loyer annuel des maisons,
qui varie de 4 à 30 sols, s'établit à la moyenne de 14. L'ouvrier ne paie donc,
dans une maison à « loyer modéré » que deux pour cent de son salaire[213].
Et voici ce que coutent quelques objets d'alimentation. En 1477-1478, un
boisseau de blé vaut de 30 à 60 deniers avant la Saint-Michel et seulement 18
après[214].
Une biche est évaluée un écu de 27 sols et demi, tout comme un saumon[215].
Ce sont là, certes, denrées de luxe, mais nous ignorons le prix des objets de
consommation courante. Un repas à l'auberge se paie 8 deniers[216].
En 1478, trente-cinq personnes, réunies en une taverne, mangent jambon,
fromage, pommes et arrosent le tout de bon vin: il leur en coute 22 sols 4
deniers. La même année, la municipalité sortante offre un repas à la nouvelle;
cette politesse revient à 27 sols et demi aux « assujettis ». Une autre fois,
le comptable, pour 4 sols, donne un véritable banquet à quatre des principaux
bourgeois de la ville[217].
Le vin cependant, est assez cher.
En 1462, la pinte vaut 8 deniers et la charge 4 livres[218].
Trois ans après, on paie de 5 à 6 livres une pipe de deux barriques[219].
En 1478, le vin blanc est estimé 4 livres et le rouge ou le clairet 4 livres 8
sols la barrique[220].
C'est là, à peu de chose près, le prix d'un habit de cérémonie[221].
Mais il y a étoffe et étoffe. L’habit d'un sergent ou du trompette ne revient
qu'à 2 livres 11 sols[222].
Car le gros drap ne vaut que 4 sols le coude et on a du gris pour 5 sols. Le
rollet rouge d’Angleterre est à 6 sols, le pers à 10. Quant au violet, il se
hausse jusqu'à 11 sols 6 deniers, et, si l'on veut du beau drap rouge, il faut
le payer 13 sols 9 deniers[223].
Le chauffage et l'éclairage. On
peut avoir une charette de bûches pour 6 à 8 deniers[224]
; la chandelle de cire, luxe des « gros » bourgeois, vaut 3 sols 9 deniers la
livre, mais la bougie est quatre fois moins chère (10 à 12 deniers)[225].
Et l'on peut, à bon marché,
appeler sur soi les bénédictions du ciel. Les honoraires pour une messe des
morts sont de 6 arditz (18 deniers)[226].
Une messe votive se paie 20 deniers, comme une messe du Saint-Esprit[227].
20 deniers, cela représente une vingtaine des francs de notre ère de
prospérité, et c'est plus que n’en exige le clergé moderne. Mais les
Pétrocoriens du temps de Louis XI ne versent, entre les mains de leurs prêtres
ni dime, ni denier du culte.
Cependant, lorsque s'impose la
nécessité de restaurer les deux grandes églises de l'évêque, les fonds des
chapitres ne suffisent plus. Force est de faire appel à la générosité des fidèles.
Pour réussir à les émouvoir, il faut leur promettre des indulgences. C'est
l'archevêque de Tours, Hélie de Bourdeille, qui se charge de les obtenir. En
1476, Sixte IV accorde, pour dix ans, une bulle de grand pardon en forme de
jubilé en faveur de tous ceux qui visiteront la collégiale et la cathédrale
pour la saint Front et la saint Etienne ou durant les quatre jours suivants, et
feront une offrande destinée à la réparation de ces églises[228].
Et l'on vient en foule. Car, si le Saint-Sacrement est là, il y a surtout les
reliques des saints: le corps et le chef de saint Front, « l'un des
septante-deux disciples de Jésus-Christ » à la collégiale ; un bras du même
saint et des ossements des bienheureux Etienne, Léon le Grand, Patrocle et
Sabine à la cathédrale[229].
Dès le 31 octobre 1476, Raymond Feyraud, nonce du Saint-Siège et collecteur des
revenus de la Chambre apostolique dans les provinces d'Auch et de Bordeaux,
déclare avoir reçu 322 livres 5 sols et 4 deniers « pour la troisième
partie de l'indulgence octroyée auxdites églises par le Saint-Siège apostolique
le jour de saint Front passé »[230].
Les offrandes ont donc atteint, dans les cinq premiers jours, près de 1000
livres (200.000 fr. d'aujourd'hui).
Que la Sainte Vierge intercède,
avec les bienheureux pétrocoriens, auprès de son fils et tout bon bourgeois
sera sauvé. Le scribe du consulat — celui qui a souhaité à Hélie de Bourdeille
le salut éternel — nous en donne l'assurance dans son invocation Ad virginem
Mariam [231]:
O Virgo Virginum
gloriosa.
Miserorum aducenta,
In hac valle miserie
Ubi sumus assidue
Tu pro nobis intercede
Erga tuum filium
Ut visamus sine fine
In celi pelacium. Amen.
Le Livre Jaune, où
se lit celle prière, montre, ici et là, des lettres initiales remarquablement
ornées. Le plus souvent le scribe allonge en forme de poisson l’I de In
nomine Domini ; parfois, il imagine un visage pittoresque et quelque peu
grimaçant, comme celui qui, en bistre et noir, a l'œil si fixe, la lippe si
pendante, le nez si tortueux[232].
Cependant, c'est la Vierge que chantent les plus beaux de ces dessins. Les
notes de l'an 1460-1461, dues probablement à Raymond Belcier, commencent par un
I à l'encre noire qui tient tout le côté gauche de la page in-quarto et
se recourbe pour couvrir le bas. Sous un baldaquin gothique, une Vierge
couronnée porte sur son bras gauche l'enfant Jésus. Au-dessous, dans
l'encadrement d'une porte à arc lobé, une reine est debout, la Vierge encore,
vient-être ? La partie inférieure de l'I montre une porte fortifiée à
trois tours crénelées. Tout le bas, enfin, sépare de fleurs et de feuillage[233].
C'est encore par un I orné que débutent les notes de 1475-1476. Toute la
partie centrale de l'enluminure est constituée par une Vierge à l'Enfant que
vient couronner un ange. Ses cheveux d'or pâle retombent sur son épaule gauche;
le bas de sa robe bleue, sur laquelle tranche le rose de l'enfant Jésus,
s'enchâsse dans un lis rouge, bleu et blanc. En haut, trois saints personnages
en robes rouge, bleue et rouge, font pendant à un rouge Saint-Pierre qui, d'en
bas, tend une clé bleue — comme le ciel — à la mère de Dieu. L'auteur de la
miniature n'est autre que le scribe de la prière Ad Virginem Mariam[234].
J.
Maubourguet.
pp. 264.
LA CHRONIQUE DE PÉRIGUEUX AU
TEMPS DE LOUIS XI
(Suite et fin)
VI
UN GRAND BOURGEOIS
La ville est pauvre, mais
nombre de bourgeois sont riches. Les Aytz, seigneurs de Meyrni, les Laurière,
les Fayard, les Brochard, les Belcier ont terres, maisons et belles pièces
d'or, et aussi les Dalhadel, les le Verrier, les Chalup, les Dortix, les
Breton, etc. ; mais les plus riches de tous sont les Arnaud.
Au début du siècle, il y a, à
Périgueux, trois frères Arnaud: Jean I, Raymond et un autre dont le nom est
inconnu. Ils viennent de Mussidan. Jean I, époux de Guillemette de Lacoste,
teste le 23 juillet 1431, laissant trois héritiers: Hélie, Helie II et Yvette.
Il les fait héritiers universels à parts égales, mais il a soin de ne pas
oublier celle qui va devenir sa veuve, et il pousse la générosité jusqu'à prévoir
le cas où elle se remarierait : tous les frais des noces seraient alors payés
par ses héritiers, qui offriraient à leur mère des robes nuptiales de bonne
étoffe — de bono panno[235].
Celui dont nous ignorons le nom
a pour fils Pierre. La richesse de
Pierre est telle que personne, à Périgueux, ne paie plus que lui pour la
taille. Consul dès 1440, il est maire de 1459 a 1461 : comptable en 1467-68, il
prête de l’argent aux consuls; il est procureur de la ville à Bordeaux en 1478[236].
Tant d'honneurs ne le mettent pas à l'abri de la calomnie.
Au début de 1479, il est accusé
d’avoir participé à un infanticide. Dans quel but ? A la suite de quelle
improbable... imprudence ? Il est alors « vieil et ancien, aagé de soixante-dix
ans, fort maladif et débilité de sa personne ». Le 22 septembre 1478, un
commissaire député par le roi l'a reconnu innocent et l'a « absolz a pur et a
plain ». Cependant, les gens du Grand Conseil ont retenu l'affaire et ont
invité Pierre à comparaître devant eux pour se justifier à nouveau. Nul doute
qu'il ne soit acquitté, mais le scandale l'a trop atteint ; à partir de ce
moment, il n’est plus question de lui[237].
De Raymond et de Marie de Montméja descendent Jean II et Géraud[238].
Jean rédige son testament en juillet 1454. Cet acte vaut d'être analysé, car il
porte témoignage d'un état d'esprit. Jean se recommande, corps et âme, à Dieu,
à Notre Dame, à saint Front et à tous les saints. Il veut être enseveli au
couvent des Frères Mineurs où repose déjà un de ses frères. A ce couvent il
lègue 10 livres de monnaie, à charge peur les religieux de "célébrer une
messe chaque année pour le repos de son âme. On fera dire pour lui, dans les
églises de Saint-Front et de Saint-Silain et dans les deux couvents de moines
mendiants, 200 messes à 6 arditz l'une. Le jour de ses obsèques, on mettra
autour du catafalque quatre cierges d’une demi-livre et quatre de trois livres.
Au barbier Gauthier Charpentier, qui l'a soigné, on donnera un écu neuf. Jean
désigne comme universelle héritière sa mère, Marie de Montméja, puis, au décès
de celle-ci, son frère Géraud[239].
Géraud Arnaud, voici enfin
celui que lus textes nous permettent de connaître le mieux. Il est marchand
drapier. Dans sa boutique, près de l'église Saint-Silain, on trouve toutes les
étoffes à la .mode, le drap et le rollet, le vair et les peaux de martres. Il
vend beaucoup à crédit, même — et surtout — aux plus hauts personnages : l'abbé
de Tourtoirac et le seigneur de Clermont lui doivent pendant, quelques temps,
l'un 6 écus, l'autre 21. Ces dettes, Géraud accepte qu'on les solde « à
tempérament » : une somme de 43 livres lui sera payée en quatre termes ; il se
borne à faire constater par notaire le bien fondé de ses créances[240].
A peine a-t-il la libre
disposition de ses biens, il s'attache à réunir terres, maisons, rentes,
richesses de toutes sortes. Et d'abord, ce qui vient des Arnaud. En 1451, il
achète à son cousin Hélie des terres et des cens pour le prix de 285 livres[241].
Il défend ses droits avec une belle ardeur. Ainsi se trouve-t-il aux prises
avec Pierre Arnaud (1455) dans une affaire de succession ; affaire assez
banale, mais où Pierre est représenté par un serf du nom de Pierre Questo.
C'est ce serf, véritable homme d'affaires, qui apporte à Hélie de Veyre et à
Géraud Arnaud le pardon de tous les excès, injures et violences dont ils .se
sont rendus coupables à l'égard de son maître[242].
Vers la même époque, Géraud
réussit la plus fructueuse « affaire» qu'il eût jamais entreprise en épousant
Catherine de Verneuil, alors « majeure de 14 ans et mineure ce 25 ». Catherine
est la fille de Jean de Verneuil et de Huguette de Cahors. Petite fille de
Marguerite Seguy[243],
héritière, par conséquent, d'une des plus considérables maisons de Périgueux au
début du siècle, elle apporte à son mari des biens immenses disséminés à travers
tout le diocèse. A ses terres de la région de Mussidan et de Rouffignac[244],
à ses maisons de Périgueux, Géraud ajoute par ce mariage nombre de maisons et
d'emplacements à bâtir dans la ville, des terres et des rentes dans la proche
banlieue[245] et
dans treize paroisses disséminées entre Périgueux et Vergt[246]
ou autour de Tocane[247].
Dès lors, sa fortune va
s'accroître avec une très grande rapidité. Jusqu'aux environs de 1464-1465.
c'est-à-dire jusqu'à l'année de son troisième consulat, il n'achète de propriétés
qu'à Périgueux et aux environs; il acquiert, en particulier, par voie
d'échange, la moitié du moulin de Labatut, sur l'Isle, préludant ainsi à une
sorte de trust local des moulins. Puis, de 1465 à 1475, il se constitue, dans
la région de Vergt, un immense domaine.
En même temps il accroît ses biens autour de Tocane et de Mussidan, à Mauzens
et jusqu'à Chalus en Limousin. A Brantôme, il achète deux moulins[248]. Enfin, autour de
Périgueux et dans la ville même, on compte, de 1465 à 1484, un minimum de 25
acquisitions dont le quart du moulin de Labatut et la totalité de celui de
Cachepouil avec des cens et des rentes sur le territoire de Voulon[249].
Ainsi, dispersé avant 1465,
l'effort de Géraud Arnaud s'est porté, de 1465 à 1470, surtout autour de Vergt.
Sans jamais négliger Périgueux - où il achète un nombre considérable de
maisons, Géraud s'intéresse plus particulièrement, à dater de 1471, à
Sallegourde, sur la rivière de Beauronne. De la plupart des biens qu'il a
acquis jusque là, il ne possède que le domaine éminent, le droit de percevoir
un cens, une rente et l'acapte. Le plus souvent, ces biens sont aliénés à
perpétuité à un tenancier qui peut les vendre, tandis que Géraud ne peut céder
lui-même que la rente. Bien mieux, certaines de ces terres relèvent, au-dessus
de lui, des chanoines de Saint-Front, de certains desservants de vicairies, des
abbés de Chancelade ou de Brantôme[250].
En somme, avant l'acquisition de Sallegourde, il a fait comme nombre de
bourgeois de son temps ; il a acquis des rentes sans se préoccuper de la
seigneurie ; seulement, elles sont d'une ampleur inaccoutumée, assises sur des
biens disséminés dans trente paroisses, sans compter Périgueux et ses
faubourgs.
Au début, il ne détient à
Sallegourde que quelques prairies[251].
Tout le reste est du domaine direct de François de Bourdeille et se trouve
partagé entre deux tenanciers principaux, Vignérat et Parel. Géraud Arnaud
achète, vers 1471-1475, tous les droits de Vignérat. En 1475, d'accord avec
Bourdeille, il acquiert, aussi les cens payés par Parel. En prévision de cet
arrangement, il a déjà procédé à un échange avec Jacquette Cotet, veuve de
Fortanier de Saint-Astier, sieur des Bories, et tutrice de son fils, Antoine;
il obtient ainsi, dans la paroisse de Montrem, le manse de la Bétonnie; sur ce
manse, il assigne à Bourdeille des rentes de remplacement. Parel lui-même,
évincé de Sallegourde, doit se contenter d'un pré au Toulon et d'un jardin près
de la Cité. Désormais, la borie de Sallegourde est tout entière aux mains
d'Arnaud, avec la justice haute, moyenne et basse. Le 20 avril 1475, le nouveau
seigneur fait hommage à François de Bourdeille ; à genoux, il lui promet
fidélité ; il lui offre enfin une lance d'acapte et reçoit le baiser de paix[252].
Mais, de sa seigneurie, il n'a pas encore tous les droits utiles, car, ici et
là, subsistent quelques censiers. Il les évince peu à peu, soit en obtenant
leur renonciation à leur tenure, soit, en achetant les cens encore perçus par
d'autres — et il lui en coûte près de 100 livres — , soit en donnant, une fois
encore, des rentes du remplacement[253].
— En même temps il s'attache à accroître l'étendue de la borie. Qui a des
terres à vendre autour du Sallegourde n'a qu’à les lui offrir : il achète des
prés, des friches et un manse tout entier[254].
Le titre de noble, auquel il a
droit, il est rare que Arnaud s'en pare. On le lui donne plus qu'il ne le
prend. Il est alors Arnaud de Seguy ou Arnaud de Golce[255].
Cette ascension d’un bourgeois vers la noblesse s'explique, non seulement par
la reprise des affaires, dont profitent surtout les commerçants, mais autant,
sinon davantage, par l'appauvrissement de l'ancienne aristocratie. Les nobles,
endettés — nous l'avons déjà constaté — en sont réduits à vendre des terres.
Parmi ceux qui cèdent à Géraud des cens et des rentes contre de beaux écus, il
y a Paulin de Montagrier à Brassac[256],
Olivier de Pratgelier à Vergt[257],
Arnaud de Camblazac à Veyrines-de-Vergt[258],
Jean d'Abzac, seigneur de Beauregard, à Saint-Mayme et à Vergt[259],
le damoiseau Jean Flamenc à Périgueux[260],
l'ex-sénéchal Pierre d'Acigné et le damoiseau Jean Cailherot. Lorsque celui-ci
se résigne à lui abandonner un moulin, il lui doit déjà 772 livres 14 sols[261].
Cest peut-être alors que les
Arnaud font jeter les fondations de l’hôtel dit de Sallegourde, au bas de la
rue Aubergerie. Maison bourgeoise et hôtel noble à la fois, sa haute façade à
pignon, sa tour octogonale couronnée de machicoulis et surmontée d'un pavillon
dénoncent la manière du xve siècle finissant. Elle se continue
latéralement par une longue terrasse d'où la vue s'étend sur la campagne
voisine.
D'autres, d'ailleurs, à
Périgueux, passent dans le même temps où viennent de passer de la bourgeoisie à
la noblesse. C'est le cas de Jean Chassarel, seigneur de Soleille[262],
d'Hélie Dupuy, seigneur de la Jarte[263],
de Jean Dupuy, seigneur de Trigonant[264],
de plusieurs autres. Lorsque le greffier du consulat s'en donne la peine, il
trouve une quinzaine de nobles à Périgueux[265].
Sans doute est-ce l'un d'eux qui fait alors construire, à la tête du pont de
Tournepiche le luxueux hôtel qui prolonge le mur d'enceinte du côté de l'eau.
Une rangée de triples corbeaux soutient le parapet à machicoulis du chemin de
ronde; on a beau lui avoir donné l'air d'une paisible galerie, ce chemin fait
de la construction à laquelle il s’accroche une maison forte. Le toit, très
large, est orné de deux lucarnes de pierre à pinacles et fleurons[266].
Non loin de là, au centre du bourg, se trouve un des plus beaux hôtels de la
ville. Il est formé de deux corps de logis en retour d'é.querre que domine la
jolie tour où s'incurve l’escalier.
Des moulures prismatiques
entourent des ouvertures, tandis que les « batons écotés » décorent sur la
façade des croisées gothiques. Et cette construction vient s'ajouter à une
autre, bien plus ancienne, où se voient d'admirables peintures murales du
siècle précédent. Là vivent les chefs de la famille des Dupuy, seigneurs de la
Jarte et de Trigonant[267].
L'accession de bourgeois à la
noblesse, fort courante à Périgueux, se réalise dans toutes les villes de la
province. A Sarlat, par exemple, où les parents de la Boétie ne s'appellent
encore que Boyt[268].
A l'autre extrémité du pays, sur les confins de l'Amenais, les Carbonnier ont
acquis terres, cens et rentes dans douze paroisses autour de Castillonnès. La
famille est connue depuis la fin du xiiie siècle. L'un de ses membres est dit
noble en 1446; en 1468, tous prennent la particule. C'est que, dans
l'intervalle, Pierre de Carbonnier a fait, avec l'abbé de Cadouin, seigneur
suzerain de Castillonnes, un accord en vertu duquel il jouira noblement de tous
ses biens et revenus dans la ville et la juridiction, sous l'obligation de
l'hommage et l'acapte d'une maille d'or (12 décembre 1458)[269].
Il y a similitude complète entre les Arnaud et les Carbonnier dans leur marche
vers la noblesse.
A la fin du règne de Louis XI,
à ne tenir compte que des textes — les moins nombreux — qui nous donnent le
prix des rentes acquises par Géraud Arnaud, celui-ci : consacré à ces achats
1720 livres 8 sols 9 deniers, c'est-à-dire à peu près six fois le traitement
annuel du sénéchal, ou 350.000 francs de notre monnaie. A la même époque, en
admettant que nous connaissions tous ses titres de rente — et nous en sommes
fort loin — il perçoit sur ses tenanciers, sans compter Sallegourde et les
environs qu'il fait valoir directement, 60 livres 1 sol 5 deniers, une énorme
quantité de blé, d’avoine et de seigle, des poules et une part du bénéfice
réalisé dans les moulins[270].
Or, ces moulins doivent être d'un très gros revenu. En septembre 1455, la
moitié de celui de Labatut a coûté à Géraud ses rentes sur quinze manses épars
dans dix paroisses[271].
En 1472, il acquiert de l'ancien sénéchal Pierre d'Acigné, le quart du même
moulin et ceux de Chauchape et de Vigonat, sur la Dronne, près de Brantôme,
pour 100 livres[272].
Dès 1464, Labalut a quatre meules[273].
En face, sur l'autre rive de l'Isle, se trouve le moulin de Cachepouil. En
1484. Jean Cailherot le cède pour 800 livres[274].
Quelques années plus tard Géraud possède, avec Cros-Vieil[275],
trois moulins sur les quatre que rencontre l’Isle dans la traversée de
Périgueux. A Celles, le moulin de Thoalhar lui doit une rente[276].
A Tocane, le moulin de Puychouvet lui rapporte sols et froment[277].
A Saint-Victor, celui de Chantemerle, sur la Dronne, est arrenté avec quatre
journaux de pré pour le tiers du revenu ; ses deux roues et ses deux meules
écrasent le grain et pressent l'étoffe[278].
Tous ces domaines, le fils
d'Arnaud ne cessera de les accroître, d'abord d’accord avec, .son père, puis
seul. Il épouse Françoise Fabre, soeur de Jean, damoiseau de Saint-Paul, en
Limousin. Le mariage a lieu les 26 septembre 1485. La fiancée porte en dot 1000
livres tournois, dont 500 sont comptées immédiatement en beaux écus, 200
assignées sur divers biens, et 300 payées en argenterie.
L'inventaire de celle argenterie
permet de constater que la table des Arnaud n'a rien à envier à celle d'un
riche seigneur. Ce sont six tasses massives d'argent doré pesant 7 marcs et 5
onces (1865 grammes), six autres tasses planes d'argent (9 marcs, 2201 gr.);
quatre aiguières d'argent, dont deux ciselées (6 marcs, 1467 gr.) ; six
gobelets d'argent ouvré (4 marcs 1/2, 1100 gr.). Il est vrai que lorsque se
marie la sœur de Françoise, Louise, il faut restituer toutes ces belles pièces
et se contenter, en échange, d'une promesse[279].
Il semble que le mariage de
Fronton marque pour Géraud le temps de la retraite. Il a tenu dans le
gouvernement de la ville une place de premier plan. En 1466, il est désigné par
les bourgeois comme l'un des prud'hommes chargés d'élire la municipalité[280];
il est porté lui-même par trois fois au consulat[281].
C'est chez lui que descendent, en 1468, lors de leur passage à Périgueux, les
sénéchaux d'Agenais, de Quercy et de Toulouse[282].
Il devient alors une sorte d'ambassadeur de se ville natale. Avec deux de ses
concitoyens, il représente Périgueux aux Etats de Tours; en 1478, il entreprend
pour les consuls deux voyages à la cour[283].
Mais, désormais, il ne s'occupe plus que de gérer ses propriétés. S'il reste
prud'homme jusqu'à la fin de ses jours — en 1505 probablement —, i! laisse à
son fils le soin de briguer les magistratures, d'obtenir le consulat en 1487,
la mairie en 1492, et la satisfaction ne parer une noblesse récente des
suprêmes honneurs accordés à la haute bourgeoisie[284].
VII
LA
RESTAURATION
A partir de 1475, toutes les
grandes diflîcuités sont liquidées. Mais une oeuvre de double restauration
s'impose: il faut, réformer les mœurs politiques, il faut relever les murs
écroulés.
La restauration politique est
l’oeuvre des consuls élus le 17 Novembre 1476, et du maire, Hélie Dupuy,
seigneur de la Jarte. Deux fois consul au début du règne, chargé de missions, à
plusieurs reprises, auprès du roi, Hélie Dupuy a précédé Géraud Arnaud dans la
conquête de la noblesse[285].
Ceux qui siègent avec, lui à l'Hôtel-de-Ville sont apparentés aux familles
consulaires ; tous, cependant, sauf un, sont des hommes nouveaux[286].
L'autorité du maire n'en sera que plus grande. Car c'est précisément
l'organisation du consulat qu'il s'agit de transformer pour mettre fin à des
abus déjà fort anciens.
Depuis longtemps, on viole les
statuts avec la plus parfaite sérénité. La mairie, qui ne devrait rester qu'une
année entre les mémes mains, vient de voir Jean de Landric aîné s'y maintenir
le temps de deux consulats[287].
Cette irrégularité est particulièrement fréquente pour les consuls; certains se
font réélire immédiatement: bien peu ont assez de patience pour attendre, entre
deux élections, les trois années réglementaires. Ils ont constitué, dans ce
but, une sorte de syndicat de garantie: les prud'hommes désignés pour procéder
aux élections sont des compères; ils devraient être au nombre de huit, mais on
en prend plus ou moins selon la commodité ; ils ont déjà occupé l'Hôtel de
Ville et le meilleur moyen, pour eux, d'y revenir un jour, est d'y envoyer ceux
qui, sachant vivre, leur rendront service pour service. Que s'ils n’ont pas
envie de revêtir la robe consulaire, on pourra toujours leur donner en
récompense quelqu'une des prébendes dont dispose la municipalité.
De l434-1435 à 1460-1461, en 27
ans, Forton de Saint-Astier a eu neuf fois la mairie et Hélie Dupuy six fois[288].
Comme au début du règne, maire, consuls, prud'hommes se recrutent donc dans un
petit cercle, toujours le même. Le nombre des consuls, fixé à huit, varie sans
cesse. Il y en a 9 jusqu'en 1465, 18 en 1465-1466, 9 en 1466-1467, 7
ordinairement à partir de 1467, bien qu'on en compte seulement 4 de 1473 à 1474
et 6 en 1475. Quant aux trente prud'hommes, ils ne sont jamais 30; leur
conseil doit souvent dégénérer en cohue, car il y en a 47 au minimum, 71 en
moyenne, plus de 100 en 1464-1465[289].
Quel que soit ce chiffre, on les appelle toujours les trente prud'hommes.
C'est en effet, une des
caractéristiques des hommes de ce temps de n'avoir pas cherché à donner aux
mots une trop grande précision. En voici un exemple. Nombre de textes
concernant la ville de Périgueux parlent de pleydures. Il en est qui précisent
: pleydura sive platea, pleydura sive eyral, pleydura sive
arca : ce serait donc un espace vacant[290].
D'autres disent pleydura sive parietes, et l'on peut penser qu'il s'agit
d'un espace libre entouré de murs[291]
; mais on trouve aussi pleydura que solebat esse mazel [292]:
peut-être encore a-t-on démoli la boucherie et ne reste-t-il plus qu'un
emplacement à bâtir; hélas ! pleydura sive domus nous prouve qu'une
pleydure peut être déjà construite[293].
Et le blé peut fort bien ne pas être du blé. Six pipes de blé se décomposent en
deux de froment, deux de seigle et deux de méture. Quelques années plus tard,
quinze charges de blé en comprennent six de froment, quatre de seigle, trois
d'orge, une de méteil et une de... fèves[294].
Hélie Dupuy ne veut plus que
pareille confusion puisse exister jusque dans l'administration municipale. Il
assemble donc, à son de cloche et de trompe, le conseil général de la ville et
de la Cité, c'est-à-dire l'ensemble des bourgeois, et leur expose ses projets.
Il s'agit simplement de revenir aux coutumes anciennes, et comme on les a
oubliées, de les rappeler en un texte solennel.
Des délibérations de
l'assemblée naît — ou plutôt renaît — la loi électorale[295].
L'élection du maire et des consuls aura lieu, chaque année, le dimanche après
la saint Martin. La municipalité sortante désignera quatre prud'hommes, dont un
de la Cité et trois du Puy, parmi les bourgeois qui n'auront exercé aucune
fonction élective depuis trois ans. Ces quatre prud'hommes jureront sur
l'Evangile de choisir selon leur conscience et en écartant les excommuniés et
les gens en procès avec la communauté, six personnes de la ville et deux de la
Cité. Même serment devra être prêté par ces huit élus, et à eux reviendra la
mission de nommer, soit un maire assisté de six consuls de la ville et d'un de
la Cité, soit seulement de neuf consuls, dont deux de la Cité.
La municipalité ainsi élue
devra prêter serment. La formule de ce serment énumère les prérogatives du
maire et des consuls et en fixe les limites.
Leurs prérogatives
administratives surtout. Ils gouverneront l'université de Périgueux le mieux
possible et donneront tout leur soin au maintien des franchises, coutumes et
libertés, sans faire de distinction entre le riche et le pauvre, sans accepter
le moindre cadeau de ceux qui peuvent avoir affaire avec le consulat. Il leur
appartient de veiller à ce que personne ne mette la main sur les biens de la
communauté ou ne porte atteinte aux justes statuts établis par leurs
prédécesseurs. Pour les aider dans celle tâche, ils auront le conseil de trente
prud'hommes, qu'ils choisiront eux-mêmes dans la première quinzaine de leur
magistrature, ils surveilleront et entretiendront ponts, passages, fossés,
murs, tours, barbacanes, portes et tous autres édifices publics. Magistrats,
ils feront exécuter les condamnations — au besoin par le bourreau — et payer
les amendes infligées par la cour du consulat. Vassaux directs du roi, ils
auront charge de veiller à la fidélité des habitants.
Les pouvoirs du maire et des
consuls ne seront pas sans limites, et les réserves que formule l'assemblée
sont si nombreuses et si précises qu'elles ne laissent aucun doute sur la
volonté du commun des bourgeois. Ils entendent que leurs libertés ne soient pas
plus confisquées par les consuls que par les officiers royaux : L'acte de 1477
est un contrat entre l'aristocratie dirigeante et la petite bourgeoisie
gouvernée.
Il est certaines choses qu'ils
ne pourront pas faire de leur seule autorité. Ils ne pourront, en particulier,
laisser sortir hors des murs le matériel de guerre de la communauté que pour le
service et avec le consentement des 30 prud'hommes ; ce matériel sera
d'ailleurs réintégré dans l'arsenal au plus tôt. C'est encore l’assentiment des
prud'hommes et celui des membres des quatre derniers consulats qu'ils devront
obtenir pour aliéner une possession quelconque de la communauté.
Ils n'auront pas le maniement
direct des deniers publics : sauf circonstance exceptionnelle, ils ne recevront
d'argent que de la main du comptable. Ils n'en seront, pas moins responsables,
puisque, leur année terminée, ils devront, non seulement remettre à leurs
successeurs sceau, titres et. papiers du consulat, mais surtout leur rendre un
compte strict de leur gestion dans un délai de trois mois; quittance leur en
sera donnée à eux-mêmes dans les trois mois suivants. Les comptes seront
clairs, sans détails inutiles. On y indiquera les recettes et Les dépenses, au
fur et à mesure quelles se produiront.
Et la plus stricte économie
devra régner dans l'administration financière. Qu'on supprime les présents de
la veille de la Noël aux officiers du roi, à l’évêque, au juge et à l'avocat de
la communauté. Qu'on «'abstienne désormais de célébrer l’apuration et la
reddition des comptes par des repas ou des beuveries. Les nouveaux élus, au
lieu de donner un dîner, comme autrefois, offriront à la communauté, le maire,
une arbalète à poulie, et chaque consul une arbalète à pied: ce sera double
bénéfice. Et comme les ressources de la ville sont des plus médiocres, le maire
devra se contenter de 30 livres d'appointements et de 6 livres à titre de
contrôleur des comptes. Les consuls auront chacun 15 livres, pourvu qu'ils
s'acquittent du guet et fournissent, la chandelle, sinon ils n'auront que 10
livres. Encore ne les toucheront-ils que lorsque rien ne restera dû à leurs
prédécesseurs. Que s'ils sortent de la ville pour d'autres soins que ceux de la
communauté, ils ne toucheront rien durant leur absence.
Plus de dépenses somptuaires,
plus de coupables négligences. Maire et consuls devront se rendre à toute
convocation des sergents et des secrétaires à peine d'une amende de 4 sols pour
le maire, de 2 sols pour les consuls; s'ils ne répondent pas à une convocation
annoncée à son de cloche, ils paieront respectivement 2 et 1 sols.
El pas davantage de privilèges
injustifiés. Chaque consul visitera en personne ou bien faire visiter en son
nom las portes de la ville tous les quinze jours. Juge, procureur et comptable
paieront la taille, contribueront aux dépenses communes et feront le guet comme
tous les autres habitants. L'empereur, le roi, le duc, le marquis et l'abbé de
la saint Jean seront également soumis et à la garde et à la corvée pour le
compte de la ville.
Il est un article — le dernier
— où l'on devine, non pas une proposition d’Hélie Dupuy, mais une revendication
des bourgeois. Le seul fait qu'il ait été inséré montre que les mauvais payeurs
n’étaient pas rares. Les comptables ou leurs représentants ne devront lever ni
tailles ni amendes imposées par les consuls après un délai de deux ans. Il y
aura alors prescription, à moins que ces taxes n'aient pu être levées pour un
cas de force majeure.
Si les mots, écrits sur un
parchemin, signifient quelque chose, sans doute ne pourra bon, de longtemps,
contrevenir à ces dispositions. C'est ce qu'on a voulu.
El, puisque Hélie Dupuy a
entrepris de régler les grandes questions d'intérêt public, il termine son
mandat par la promulgation d'un nouveau statut qu'il a fait accepter, comme le
précédent, par l'assemblée générale des bourgeois. Passé la saint Martin
d'hiver, il ne sera plus permis de faire entrer du vin dans la ville; la
pratique contraire a porté de trop grands préjudices aux habitants. Si le vin
vient à faire défaut ou se vend trop cher, le maire, les consuls et les
prud'hommes pourront donner des « licences d'importation » ou taxer le vin à un
prix raisonnable[296].
Sans doute certains bourgeois se plaignent-ils alors de ce qu'on fait trop de «
vin de lune », car, dès l'année suivante, sept hommes sont engagés par la ville
pour garder les vignes dans les jours précédant les vendanges. Il est probable
aussi qu'on s'est plaint, une fois de plus, des continuels dégâts que font, en
las rinieyras, aux vignes et aux blés, les troupeaux de brebis[297].
Sans connaître le mot, les
Pétrocoriens optent donc pour le protectionnisme. Le même jour — 4 novembre
1477 — Dupuy soumet aux délibérations de l’assemblée un troisième projet. Et il
est décidé que, dans la quinzaine qui suivra leur entrée en fonctions, maire et
consuls désigneront deux prud'hommes pour lever et utiliser les aumônes
destinées aux âmes du Purgatoire ; dans le même délai, ils vérifieront les comptes
des deux prud'hommes précédents[298].
Tant il est vrai que rien n'est étranger uux assemblées de ce temps : ni
l'administration de la cité, ni le commerce du vin, ni le souci des choses du
Ciel.
La première municipalité élue
selon le statut de 1477 est présidée par noble Jacques Chambon. Cet homme de
loi[299]
a un long passé administratif. Juge de 1458 à 1463, puis en l464-1465, il l'a
été de nouveau de 1473 à 1475. On l'a vu consul en 1461-1462 et en 1468-1469;
il a obtenu la mairie en 1472-1473[300].
Il connait donc les besoins immédiats de la ville. La longue pratique qu'il a
des affaires a fait de lui un des plus aptes à résoudre les difficiles
problèmes de l'heure.
L'un des plus compliqués
consiste à s'entendre avec le comte du Périgord. Ou ne voit pas le litige qui
met aux prises ce seigneur avec la communauté, mais on le devine. A la fin de
décembre 1477, Hélie Dupuy et deux consuls sont envoyés à Montignac vers Mgr
d'Albret, récemment arrivé de la cour, pour le remercier de ses « offres
obligeantes ». Les consuls n'en cherchent pas moins, le 10 janvier suivant, à
décliner « par une réponse gracieuse et agréable » la proposition que leur a
faite le comte de procéder à un appointement; ils envoient quatre députés à
Montignac pour lui expliquer leur manière de voir. Dans la même année la petite
cour du comte ne reçoit pas moins de neuf ou dix ambassades pétrocoriennes[301].
Une autre difficulté, plus
grave peut-être, se dessine du côté de Bergerac. Les officiers de justice de
cette ville, sur autorisation des gens du roi, prétendent rattacher à leur
juridiction plusieurs paroisses du « bailliage » de Périgueux. Immédiatement,
la mairie sollicite de Louis XI des lettres qui lui sont facilement accordées.
On les fait lire et exécuter sans délai à Bergerac, à Montravel, dans la Double
et « par tout le pays d'aval »[302].
Attentif à ce qui se passe au
dehors, Jacques Chambon recherche, avec non moins d'application, l'ordre dans
la ville. Le samedi après son élection, il charge te seigneur de la Roche, à
défaut du procureur, qui n'est pas encore désigné, d'aller avec le trompette
dans tous les quartiers du Bourg et de la Cité pour convoquer les hommes à
venir, le lendemain, prêter aux magistrats municipaux le serment accoutumé[303].
Il veille aussi à la stricte administration de la justice. Le 21 mars 1478, à
la veille de Pâques, Léonard de Trasvenc est amené devant son tribunal. Cet
homme est convaincu d'avoir vendu en ville de la cire qu'il a volée à
Notre-Dame-de-Sanillac et dont il a alourdi le paquet en y dissimulant une
pierre : pour ce double vol, on le condamne à être fouetté, battu et banni ;
mais, comme il ne possède absolument rien, au moment, de le chasser, on lui
donnera 5 sols « pour l'amour de Dieu »[304].
En juriste qui connaît la
valeur des parchemins, Jacques Chambon a soin de se faire délivrer par le
lieutenant du sénéchal, une confirmation en règle des lettres par lesquelles
Philippe le Hardi a déclaré les habitants de Périgueux indissolublement unis à
la couronne[305].
Mais c'est à la reconstruction matérielle de la ville qu'il va consacrer
presque tous ses efforts. L'aide de Dieu ne peut lui manquer puisque, dès son
entrée en charge, il a fait célébrée une messe du Saint-Esprit, puis, peu
après, des messes votives chantées[306].
On ne saurait trop prendre de précautions avec le ciel pour que ne se
reproduise pas le tremblement de terre qui, quelques mois plus tôt, a affligé
l’Auvergne et dont, le 29 juin, le Périgord a ressenti les effets[307].
On prie pour soi, pour tous ceux de la ville et pour le roi : en juillet 1478,
les consuls font dire des messes votives au grand autel de Saint-Front pour que
Dieu secoure Louis XI et lui donne la victoire[308].
Depuis la fin de la guerre de
Cent Ans, chaque municipalité a pris à tache de relever les ruines, mais aucune
n'a fait un effort comparable à celui de Jacques Chambon. Son prédécesseur,
Hélie Dupuy, a donné à l'entreprise, sous la direction du maitre ouvrier
Guillaume de Lascoutz, la reconstruction de la tour Mataguerre qui tombait en
ruines ; il en a posé la première pierre le 29 mai 1477, et « plaise à Dieu de
la laisser achever à son honneur, au profit du roi et de la ville »[309].
Elus le 15 novembre, Chambon et
les consuls se rendent sur le chantier dès le 18. Maîtres maçons et valets les
reçoivent fort civilement, non sans leur rappeler, d’ailleurs, que la
bienvenue; se souhaite mieux le verre en main. La tour monte assez vite. A
l’entrée de l'hiver, on recouvre de paille tout, ce qui est déjà fait pour le
mettre à l'abri des intempéries, mais on n'interrompt pas totalement les
travaux : sous une cabane en planches, les tailleurs de pierre préparent les
blocs qui seront utilisés dès le retour du printemps[310].
A la foire de la mi-carême, on achète à un homme d'Eymet un quintal de chanvre
pour tresser le câble de la tour. Avec, le mois d'avril, tandis que s'affairent
les compagnons et que le « gendre de Sansonnet » taille le cintre des
canonnières, François Molhar sculpte les armes du roi[311].
Naturellement, lorsque, la nuit, le chantier est abandonné, nombreux sont ceux
qui y pénétrent pour, tranquillement, y faire plusieurs deshonestatz.
Une porte solidement cadenassée y met ordre[312].
Le 26 juillet 1478, il ne reste plus à exécuter qu'un tiers de la maçonnerie.
Mais alors se produit un incident fort inattendu. Les maçons qui ont pris à
forfait la construction de la tour déclarent ne plus vouloir continuer. Il faut
en embaucher d'autres[313].
Le sont les nouveaux qui terminent la seconde voûte, et le consulat leur en
marque sa joie par ma distribution de vin. De ce vin le comptable porte même
deux fois le prix sur son registre; il est vrai qu'il ne s'agit que de 2 sols 8
deniers, et peut-être s'cst-il laissé aller jusque payer double
« tournée »[314].
En fin d'année, on a versé 60 livres aux maçons et 28 livres 16 sols 6 deniers
au charretier qui a fait les transports ; dépenses auxquelles il faut ajouter
les sommes versées aux sculpteurs ou employées en achats de bois, de paille, de
corde, etc[315].
La reconstruction de la tour
Mataguerre est pour Chambon un héritage de son prédécesseur. Les frais qui en
résultent ne l'empêchent pas d'entreprendre d'autres travaux coûteux. Il fait
recouvrir la maison des bladeries, la tour de la Boucherie et la barbacane du
pont de Tournepiche ; il ordonne la réfection des ponts sur L'Isle à
Tournepiche et à la Cité. Il fait restaurer la porte Limogeanne et en fait
fermer une au tre pour empêcher qu'on ne continue à y passer en fraude la nuit.
Il n'est pas jusqu'à l'huis des prisons qu'il ne faille réparer parce que les
détenus, après s'être délivrés de leurs fers, l'ont brisé[316].
Petites choses, en vérité. En
voici une de plus grande importance. Jacques Chambon a appris que trois maîtres
fontainiers — les sourciers de ce temps — ont réussi à fournir de l'eau aux
villes de Saint-Yrieix et de Ségur. Or, aucun problème n'est plus pressant à
Périgueux que celui de l'eau. Non que les sources fassent totalement défaut : à
Saint-Martin sourd une fontaine qui donne naissance à un ruisseau[317];
il en est une deuxième sur la Clautre[318]
et une autre à l’Arsault[319].
Sur le Coderc il existe un puits public depuis 1448[320] ;
un bourgeois du monde consulaire, Hélie Raymond, possède un puits près de la
tour de Roffiol, dans le quartier de la rue Neuve[321] ;
un autre bourgeois, Hélie de Petit, en a un dans la paroisse Saint Silain[322].
Cependant, l'eau de l’Isle est encore celle qu'on utilise le plus, et il ne
faut pas aller chercher ailleurs la cause des épidémies qui, trop souvent,
déciment la population.
Chambon invite donc les
fontainiers à venir à Périgueux. Là, neuf personnes de la communauté leur sont
adjointes. Tous ensemble, ils parcourent les abords de la ville et, leur
opinion faite, enireprennent des travaux de nivellement. Les résultats ne sont
pas très encourageants. Après plusieurs jours
de recherches, on constate que seule l'eau de la « fontaine couverte »
pourrait être amenée à l’intérieur des murs. On passe donc contrat avec tes
fontainiers pour réaliser ce projet et pour établir, soit, sur la Clautre, soit
ailleurs, une fontaine puissante. Pratiquement, rien n'est exécuté. De même
restent sans résultat les travaux entrepris à la fin du juillet, pour amener
jusqu'au pont les eaux de la fontaine Saint-Hippolyte, située à la Daurade, sur
la rive gauche de l'Isle[323].
On ne réussit pas à fournir à
la ville une eau loyale, du moins lui done-t-on l'heure. C'est à la fin de 1476
que Michel Malet a fabriqué une horloge pour le consulat. Mais, à la suite de
contestations avec la municipalité, Malet a fait saisir le produit des taxes.
L'affaire réglée, on achète du chanvre pour remplacer la corde qui tirait le balailh
deux personnes sont chargées de governar lo relocge[324].
Il est enfin une dernière
entreprise qu'à tous égards ou peut appeler publique. La municipalité a
décidé d’autoriser l'ouverture, à Périgueux d’une maison hospitalière, que le
scribe désigne, sans fausse honte, par son nom. Mais cette maison, il faut la
construire, et, en attendant, il faut loger les filles. C'est un soin que le
maire n'abandonne à nul autre. Sur le budget de la ville, il faut verser à
Léonard Nyssol les 27 sols 6 deniers — un écu — du loyer de ces dames. Quand on
a fixé et le lieu et le plan, on commence à bâtir. Le comptable porte sur ses
registres 4 charretées de fuste et 2000 tuiles pour la maison du
« b....l». Menuiserie et charpente s ont données à prix fait à Léonard de
Beauronne, et la maçonnerie à Léonard Rossaud. La Maison Blanche ne sera
terminée qu'en 1489 ; dès lors ses pensionnaires verseront au comptable une
redevance annuelle de 3 livres 10 sols. Il ne manquera plus rien à Périgueux
pour être une grande ville.
Maire et consuls n'ont pas
perdu leur temps. Ils en sont si satisfaits qu'ils en oublient les statuts les
plus récents et l'interdiction de boire et de manger aux frais de la ville.
Vont-ils chez le comptable pour distiller de la future taille, ils boivent: ci,
14 deniers. Procèdent-ils à la taxation des amendes, ils dinent en commun : ci,
20 sols. Le jour de la Pentecôte, précédés par lo rebec et tabori, ils
font, selon la coutume, le tour de la Cité et du Puy ; ils donnent ensuite
l'aumône et vont chez le comptable avec les personnes qui les ont aidés à
distribuer le pain aux pauvres; on boit du vin, on mange pain, jambon, fromage
et pommes; ci, 22 sols 4 deniers. Le dimanche où ils cessent leurs fonctions,
après la messe du Saint-Esprit, ils se réunissent, toujours chez le comptable,
avec tous les « officiers anciens et nouveaux » ; on boit: ci, 1 écu[325].
Pas d'eau ; mais du vin. Et
l'amour.
VIII
UN
ÉVÊQUE
Le 16 avril 1480 est jour de
grande fête. La ville et la Cité, théoriquement privées d'évêque depuis dis
ans, célèbrent l'entrée solennelle de messire Geoffroy de Pompadour.
Donc, ce jour-là, se présente
devant lui, en la « salle peinte » du palais épiscopal de Saint-Front, Jean
d'Abzac, seigneur de Barrière, Ladouze, Reillac, Vergt et autres lieux. C'est
pour lui exposer les droits et devoirs du seigneur de Barrière en pareille
circonstance, droits immémoriaux mais dûment constatés par acte du 3 août 1447.
Lorsque l'évêque part de la Clautre, à dos de mule, pour prendre possession de
la cathédrale, Barrière le doit « adextrer et conduire », en tenant
l'animal par la bride, jusqu'à l'église Saint-Pey-Laneys, près de la tour de
Vésone, à quelques pas de la Cité. L'abandon qu'on lui fait alors de la mule le
paie de ce premier service. De plus, durant tout le repas qui suit la
cérémonie, il n'est point d'autre maître d'hôtel que lui ; mais la vaisselle
d'argent, la seule utilisée en jour-là, les nappes, les longières, en un mot
tout ce qui passe sur la table, doivent lui revenir. C'est là une bonne et
louable coutume à laquelle on ne saurait déroger. Geoffroy de Pompadour y
souscrit volontiers, puisque ainsi ont fait ses prédécesseurs.
Les discours préliminaires
terminés, l'évêque apparaît sur la Clautre. Une nombreuse et brillante
compagnie s'empresse autour de lui. On remarque le saint Hélie de Bourdeille,
toujours fidèle à son ancienne église; les abbés de Dalon, de Tourtoirac, de
Brantôme, de Peyrouse, tous mitrés et. crosse en main.
Barons, écuyers, petits
damoiseaux ont abandonné pour quelques jours les manoirs échelonnés tout au
long des rivières périgourdines et déjà leurs chevaux sont à l'attache dans les
écuries des proches hostelleries. Tous, nobles et clercs, maire, consuls et
prud'hommes veulent être de la fête.
Abzac aide Pompadour à se
mettre en selle et prend les rènes. Le cortège s'ébranle. Par la rue et la
porte Taillefer, il gagne l’entre-deuv-villes, passe auprès du couvent des
Frères Mineurs et arrive enfin dans un cimetière, devant cette église
Saint-Pey-Laneys, qu’a fondée saint Front. Sans plus tarder, Abzac prend
possession de la mule, tandis que l'évêque entre dans l'église, revêt les
ornements pontificaux, donne au chapitre cathédral sou manteau noir et fait les
prières et les cérémonies d'usage.
Maintenant, il faut aller à la
cathédrale. Le noble muletier s'efface devant les quatre barons du Périgord.
Pompadour s'asseoit sur son « brancard ou siège épiscopal », les barons doivent
le porter ainsi d'une église à l'autre : c'est ce que fait remarquer Géraud
Gontrand, maitre d'école et syndic de l'insigne chapitre Saint-Etienne.
D’ailleurs, Pompadour a informé les barons de Mareuil, de Bourdeille, de Beynac
et de Biron de son entrée prochaine et les a expressément convoqués pour ce
jour. S'ils font défaut, le prélat se présentera devant la porte de la cathédrale,
revêtu « d'accoustremens sacerdotaux » et donnera « défaut contre les
défaillants, protestant des dommages et intérêts et toutes autres choses contre
iceux ».
Des quatre barons un seul est
là; c'est Gaston de Gontaut, seigneur de Biron. Il est prêt a tenir son rôle,
mais à la condition qu'on lui donne « le premier et le plus noble lieu pour
porter le sieur évêque », car il est le premier des barons. Sans plus attendre,
il « proteste contre les autres barons en cas qu'ils ne voulsissent luy laisser
son lieu comme premier baron ». Bourdeille et Mareuil ne sont certainement pas
loin ; mais, pour débattre la question, chacun d'eux a délégué un procureur qui
tiendra le même langage que Biron. Quant à Beynac, il ne s'est point dérangé,
il a même jugé inutile de se faire représenter, tant est connue d'avance
l'issue d'une querelle dont on ne compte plus les joyeux épisodes.
Geoffroy de Pompadour va-t-il
renoncer à l'assistance des nobles? A défaut des barons, qu'on laissera à leurs
éternelles querelles de préséance, d'accord avec l’archevêque, les abbés et les
seigneurs de Montclar et de Pompadour, il se confie, aux seigneurs du Peuch, de
Meymi, des Bories et de Châteaubouchet. Ils prennent donc la périgourdine
sédia, et l’on part. Avant de franchir la Porte Romaine, où l’ont précédé le
maire Jean de Landrie et les consuls, Geoffroy doit se soumettre à de nouvelles
formalités. Le maire lui adresse une harangue et, en terminant, l'invite selon
l'usage, à lui prêter le serment d'être fidèle au roi, de respecter et de
défendre au besoin les privilèges de la ville, d'empêcher de tout mon pouvoir
les maux et oppressions dont pourraient être victimes les habitants, de leur
procurer, au contraire, tout le bien possible. Tout cela, la main droite sur la
croix, Pompadour le promet solennellement. Il lui reste à prêter un second
serment aux chanoines et archidiacres de Saint-Etienne assembles devant la
cathédrale : il le lit sur le missel que lui tend le chanoine Guillaume
Margot.
On est arrivé. Pompadour
descend de son siège et, par trois fois, heurte de sa crosse la porte d'entrée,
sous le clocher, en chantant Attolite
portas, tandis que le chœur, dans l'église, lui pose la triple question Quis
est iste rex gloriae. Enfin, il peut entrer. Porté jusque dans le sanctuaire
par les quatre seigneurs, il gravit les degrés, baise l'autel et récite les
prières canoniques. Les deux doyens du chapitre, Jean de Brandie et Guillaume
Margot, le prennent, l'un par la main droite, l'autre par la main gauche, le
conduisent sous la statue de Notre-Dame et, là, l'invitent à s'asseoir sur son
trône. Les chanoines entonnent le chant Sint lumbi vestri praecincti,
l’évêque dit la prière à saint Elienne. Et deux mille poitrines clament le Te Deum, tandis que, l'un après l'autre,
les chanoines viennent recevoir le baiser de paix et faire acte d'obédience.
L'intronisation se termine par la prière à la Vierge : Concede nos famulos
tuos. C'est enfin la grand'messe, la messe pontificale, avec la voix alternée
des menus enfants de chœur et des puissantes orgues.
La première partie de la fête
est terminée. La seconde, pour être d’un caractère plus profane, n'est pas
moins appréciée des assistants.
Abzac a poussé la
bienveillance jusqu'à prêter à Pompadour la mule qui, maintenant, lui
appartient. Tout le monde est revenu à la « salle peinte » du palais de
Saint-Front. L'heure est avancée et l'on a faim. On ne s'attarde point aux
congratulations. L'évêque fait asseoir ses invités autour de la table du festin.
Abzac lui présente deux bassins d'argent pour qu'il se lave les mains, et le
repas commence. Chaque mets est servi dans deux plats d'argent, par les soins
du maître d'hôtel improvisé. Quel est le menu, nous ne le savons pas. Mais nous
connaissons parfaitement ceux qui furent servis à ses deux successeurs
immédiats. Ils se ressemblent tant qu'on peut admettre qu'ils étaient commandés
par la tradition. Voici donc celui de 149 :
Pain grillé
Foie de veau
Saucisses
Deux soupes, dont une à la chicorée
Eclanche de mouton aux câpres
Chapon rôti farci de petites lamproies
Râle d’eau à la sauce noire
Rôti de veau
Sarcelle
Rognons
Une pièce de gibier
Lapin
Pâté de chapon
Perdrix
Jambon
Sanglier aux châtaignes
Patisseries
Laitages
Prunes à la crème
Poires confites au vin et au sucre
Tartelettes
Oublies au sucre
Voilà ! c'est tout.
Mais peut-être a-t-on éprouvé le besoin de boire un peu. On a eu droit, en
effet, à une seconde tasse d'hypocras clairet. Quand lévêque, sur l'invitation
d'Abzac, s'est lavé les mains, le maître d'hôtel a dénomhré son butin : 2
grands « plats bassins » 20 autres plats, 2 tasses, une coupe, 3 flacons,
une aiguière, un pot à eau, 29 assiettes, une salière, le tout en argent, deux
grandes nappes et 12 nappes longières. Mais les seigneurs de Barrière
souhaitaient-ils longue vie aux évêques ?[326]
.
Celui qui vient d'être
intronisé n'est pas un personnage quelconque[327].
Il est né le 1er mai 1430, au château de Pompadour, de Geoffroy, seigneur de
Pompadour, Arnac, Chanac et autres lieux, et de dame Isabeau de Comborn, dont
il est le deuxième fils. Après avoir veillé sur ses études, son oncle, évêque
d’Alelth, près de Viviers, l’a fait nommer chantre de la cathédrale d'Evreux.
chanoine et comte de Lyon et, en 1454, archidiacre de Viviers.
Mais tous ces bénéfices sont
bien loin du château paternel. Geoffroy ne pourrait-il en obtenir un autre à
distance raisonnable ? On lui donne un canonicat à Limoges: c'est
insultant!. il veut quelque chose de plus substantiel, une abbaye, un riche
prieuré tout au moins. Pour l’obtenir, il lui souvient à propos de quel sang il
est né.
Le prieuré collégial de
Saint-Cyprien[328] est
précisément vacant, ou, du moins, trop de prétendants se le disputent, pour
qu’on ne puisse pas le considérer comme tel. En 1456-1457, c'est Jean de Puylamousque
qui parait remporter sur Pierre de Losse[329],
nommé administrateur par le pape. L'année d'après, c'est l'archevêque de
Bordeaux, Blaise de Grêle[330],
qui se dit chargé à vie de régir ce prieuré. Contre lui se dresse Pierre de
Comborn, évêque d'Evreux et abbé d'Obazine, qui intrigue en cour de route pour
son neveu, Geoffroy. Le 1er juin 1459, on apprend à Bordeaux que le
seigneur de Pompadour et l'évêque d'Evreux s'avancent à la tête d'un grand
nombre de gens d'armes pour s'emparer du prieuré. Par deux fois, en juin et
juillet, les gardes de l'archevêque doivent, abandonner la ville à l'ennemi[331].
Geoffroy en profite pour se donner le titre de prieur et se le faire octroyer
par le pape lui-même.
Certes, l'archevêque a beau jeu
pour porter la querelle devant le tribunal du roi. La Pragmatique Sanction a
élé violée par son compétiteur comme la simple honnêteté. Charles VII ordonne
au sénéchal d'ouvrir une enquête et de laisser l'archevêque en jouissance du
prieuré. Mais, de son côté, l’official de Limoges, chargé par le pape
d'informer, entend que soient respectés les « droits » de Pompadour.
Droits que semblent reconnaître des lettres royaux du 23 août 1459. Au fond, le
roi, ou, plutôt, ceux qui suivent, pour lui cette affaire, varient singulièrement,
ils sont tantôt pour l'un, tantôt pour l'autre, à moins qu'ils n'envoient en
même temps — à trois jours d'intervalle — des avis parfaitement contradictoires[332].
Ainsi, le procès s'éternise, En
1463, Blaise de Grêle se dit toujours prieur, Ce n'est qu'à partir de l'année
suivante, et sans qu'on sache comment il est parvenu à l’emporter, qu'on voit
Geoffroy en possession paisible du prieuré et de ses revenus. Il ne s'en
défera, en 1502, que pour les transmettre à son neveu.
Chanoine, chantre, archidiacre,
prieur, Geoffroy de Pompadour trouve enfin un titre et un milieu dignes de son
ambition et de ses goûts: il devient évêque d'Angoulême le 24 juillet 1465.
Dans sa nouvelle résidence, il se lie d'amitié avec le comte Jean d'Orléans ;
il devient l'un des familiers de cette petite cour où fréquentent Foulques de
La Rochefoucauld, Guy de Mareuil, seigneur de Villebois, Jean de Chambes,
d'autres encore, comme Yves du bon, fils du sénéchal de Poitou, et Pierre de
Saint-Gelais, le grand-père de Mellin, le poète. Que de fois, dans la cour du
château, n'assiste-t-il pas aux ébats de cet enfant pour lequel il fera tant
d'imprudences plus tard et qui régnera enfin sous le nom de Louis XII !
Hélas ! l'aimable animateur de
cette société choisie disparut bientôt. Le comte Jean meurt à Cognac, le 30
avril 1467. Il laisse bien une riche bibliothèque où abondent les livres de
théologie; mais Geoffroy ne tarde pas à s'ennuyer et à aspirer à d'autres
horizons. Précisément, l'évêque de Périgueux, Raoul du Fou, est dans les mêmes
sentiments. Le 6 juillet 1470, les deux prélats font échange leurs diocèses[333].
Dans la détermination que prend Geoffroy de venir à Périgueux, peut-être
découvrirait-on le désir de servir le jeune comte d'Angoulême, Charles
d'Orléans, qui réclame le comté de Périgord, possession, jadis, de cet autre
Charles d'Orléans que la guerre, avait exilé sur les falaises de Douvres[334].
Mais il n'y a dans l'événement rien qui puisse irriter les Pétrocoriens.
L'évêque qu'on leur annonce est précédé d’une solide réputation de science, de
douceur, de charité; il a comblé de dons son ancienne cathédrale et s'est fait,
en toute occasion, le défenseur de son clergé et de son peuple.
Que devient-il de 1470, date de
sa translation, à 1480, où il fait son entrée solennelle? Par permission
spéciale du pape, il a conservé, non seulement Saint-Cyprien, mais encore les
prévôtés de Lyon et d'Arnac et tous ses anciens bénéfices[335].
Il y ajoute, en l473, le prieuré de Notre-Dame-de-la-Faye et, en mai 1478,
l'abbaye de Chancelade[336].
Là où il ne peut pas diriger lui-même, il met des procureurs : l'archidiacre
Roger de Pompadour[337],
par exempte, ou bien, à Saint-Cyprien, Jean de Puylamousque junior[338].
Il fait avec application son
double « métier » de seigneur et d'évêque, tout comme s'il était intronisé. De
seigneur d'abord. A peine désigné, il reçoit les reconnaissances de ses vassaux
et tenanciers[339] et
il en profite pour tâcher d'accroître les revenus de sa mense. Les frères
Fillol tiennent, dans la paroisse de Coursac, le manne de Malvars, mouvant de
l’évêque. Ils paient une rente annuelle de 4 boisseaux de froment, 4 d'avoine,
2 gélines, 10 sols tournois, et l'acapte d'une livre de cire. Pompadour les
convoque le 25 avril 1171 et leur fait observer que la redevance est beaucoup
trop faible. Il la porte donc à 8 boisseaux de froment et autant d'avoine,
livrables à la saint Michel au grenier épiscopal de la Cité, 3 gélines, une
demi-livre de cire et 15 sols tournois ; l'acapte sera réduite à 6 deniers; les
Fillol seront tenus, enfin, de venir moudre leur blé au moulin de l'évêque, à
Marsac[340]. Le
geste n'est pas d'un homme qui néglige ses intérêts ; pas davantage
l'accord conclu par Geoffroy, en 1473, avec les seigneurs de Badefols-d'Ans an
sujet des dîmes de cette paroisse[341].
Est-ce l'évêque, est-ce le
féodal que l’on invite, en 1476, à rendre un arbitrage entre les seigneurs et
le bâtard de Bruzac? On ne le voit pas[342].
Mais c'est bien l'évêque qui s'inquiète de faire réparer les maisons
épiscopales et l'église Saint-Front elle-même[343].
Et c'est lui que met en cause un arbitrage du 20 août 1473. Il prétendait
exercer intégralement la juridiction ordinaire dans l'église cathédrale : de
son tribunal, affirmait-il, relevaient chanoines et autres clercs. Il affirmait
également son droit de lever la procuration à l'occasion de sa visite à
Saint-Etienne. Il se donnait comme le président de droit du chapitre ; celui-ci
ne pouvait donc, délibérer sans son assentiment. Il exigeait enfin que les
chanoines pourvus d'églises lui demandassent des lettres de non-résidence. On
s'en remet à l'arbitrage d'Hélie de Bourdeille, qu'une translation du chef de
saint Front a attiré à Périgueux. Le saint archevêque décide que, comme par le
passé, l'évêque sera juge dans toutes les affaires civiles et criminelles. Il
lui sera loisible de visiter canoniquement la cathédrale, mais sans lever de
procuration; à ce titre, il n'exigera qu'un repas des curés de Périgueux, de
Champcevinel, Saint-Pey-Laneys, Saint-Eumais, Sainte-Eulalie. Lorsqu'il sera
question des affaires particulières aux chanoines, il pourra assister à la
réunion du chapitre, mais sans voter. Enfin, les chanoines auront la faculté de
posséder plusieurs bénéfices, pourvu qu'ils présentent à l'évêque, pour chacun
d'eux, des remplaçants aptes et suffisants[344].
Les démêlés de Geoffrov avec le
chapitre cathédral ne seraient-ils pour rien dans le peu d'empressement qu'il
témoigne à venir se faire introniser ? En tout cas, les Bergeracois l'attendent
moins longtemps que les Pétrocoriens. Le 9 février 1476, la Jurade de Bergerac,
informée de sa venue, décide d'aller à cheval a sa rencontre et de lui offrir
une pipe de vin, une d'avoine et six torches de cire[345].
Il est possible que sa
nomination à Périgueux, faite sous l'administration du duc Charles de France,
n'ait pas plu au roi et qu'il ait fallu donner des gages avant de rentrer en
grâce. Geoffroy les a donnés. Il a obtenu missions honorifiques et bénéfices
substantiels. Le 11 avril 1474, Louis XI informe sou « ami et féal conseiller
l'evesque de Perrigueus » que Christian I de Danemark, qui se rend à Rome, a
exprimé le désir de voir le roi de France. Celui-ci, retenu par l'expiration de
la trève avec le duc de Bourgogne, ne peut aller en Italie, mais il envoie le
comte de Dunois à Avigliana, en Piémont, pour saluer Christian. Que Pompadour
se mette en route sans délai pour se joindre à Dunois[346].
En 1482, Geoffroi devient prieur de Saint-Jean-de-Côle. L'année suivante. Louis
XI le charge, de concert avec les sires de Maillé et du Fou, de dresser I inventaire
des biens meubles laissés par la reine Charlotte de Savoie. Il entre enfin,
pour la deuxième fois, au Conseil du roi.
La mort de Louis XI va
précipiter son ascension. Député aux Etats Généraux de 1484, il devient, la
même année, président de la Cour des Aides, il est premier président de la Cour
des Comptes et grand-aumônier en 1485. Mais lorsque, en 1486, lui parviennent
ses lettres de provision pour l'évêché du Puy, c'est en prison qu'on les lui
porte. Car il n'a pas assez oublié ceux qui l'avaient reçu à la cour
d'Angoulême ; il a, aussi, trop prêté l'oreille aux conseils du sire d'Albret,
l'un des plus déterminés parmi les adversaires des Beaujeu, et s'est laissé
compromettre dans la rébellion d'Orléans. Haute trahison !
Il réussit, cependant, à se
tirer d'affaire sans trop de mal et à conserver même son titre de grand
aumônier. Mais, plus prudent désormais, il consacre le reste de sa longue vie à
l'administration de ses deux diocèses — car son successeur à Périgueux se fera
attendre jusqu'en 1499[347]
— , de l'Hôtel-Dieu d'Amboise, des abbayes de Saint-Amand-de-Boisse et de
Chancelade, des prieurés de Saint-Cyprien et de Saint-Jean-de-Côle, des
prévôtés de Saint-Pardoux et d'Arnac, qu'Alexandre VI lui permet expressément
de cumuler avec, son ancien canonicat lyonnais[348].
On le voit aux obsèques de Charles VII. On le voit au sacre de Louis XII et
c'est là le couronnement de sa vie. Désormais tous ses espoirs sont réalisés.
Que le roi lasse donner à son neveu l'évêché de Périgueux, il y joindra
lui-même Saint-Cyprien et sa tâche sera remplie. L'église d'Arnac-Pompadour
s'ouvre en mai 1514 devant son cercueil[349].
IX
PUISQUE PASSER FAULT LE PASSAGE
On ne saurait échapper au
destin. Celui des villes, au temps de Louis XI, est de subir, tôt ou tard, la
volonté du roi. Bergerac, sur l'ordre du prince, n’a plus que huit prud'hommes
au lieu de douze et ces magistrats sont choisis par le baile royal sur une
liste dressée par le corps de ville sortant.[350]
De Périgueux, le roi respecte les statuts, mais il commence à oublier les
franchises. Et ses officiers font comme lui.
A la fin de 1477 on au début de
1478, M. de Mareuil, lieutenant de M. de Bressuire, fait convoquer à son de
trompe le ban et l'arrière-ban. Or, quelques temps auparavant, un héraut du roi
a apporté des lettres patentes eu vertu desquelles nul n'est tenu à ce service
s'il n'a 25 livres de rente. Le maire et les consuls ont joint ce texte aux
privilèges particuliers de la ville. Ils adressent leurs réclamations à M. de
Bressuire et sont assez heureux pour obtenir de lui l'ordre de ne pas bouger
jusqu'à ce qu ils en aient exprès commandement, soit de lui-même, soit de M. de
Grignols[351].
On échappe moins aisément à
d'autres réquisitions. Le 30 janvier, M. de Rochechouart, capitaine-général des
francs-archers, est à Périgueux pour faire les « montres ». Dans l'espoir
qu'il sera conciliant — on en a tant amadoué par ce système ! — on lui offre
six cartes de vin vieux et, puisque c'est « jour caresmal où l'on ne mange pas
de viande », un lutz et une carpe[352].
Hélas ! Cela ne suffit pas,
cette fois, pour tirer la ville d'embarras. Le comptable ne doit pas verser aux
commissaires moins de 120 livres 13 sols 10 deniers pour l'habillement des
francs-archers envoyés en Bourgogne ; à cet effet, tes consuls se voient contraints
de faire lever, à la fin de septembre, une taille spéciale[353].
L'événement est d'autant plus
grave qu'il n'est plus un fait isolé. Les trésoriers de France placent
Périgueux sur la liste des tailles. Les consuls, avertis trop tard, ne peuvent
faire recevoir leurs protestations et doivent payer. Certes, la somme est des
plus faibles — 6 francs —, mais un précédent fâcheux est créé. Immédiatement,
ou entreprend des démarches; on charge M. de Grignols de porter au roi les
remontrances de la communauté: Louis XI, toujours aimable pour les
Petrocoriens, assure « en foi de roi », qu'à l'avenir la ville ne
sera plus imposée. Fort de cette promesse, mais justement méfiant, le maire
envoie François de Merle et Géraud Arnaud auprès des trésoriers (septembre
1478)[354]
Lorsque les commissaires viennent pour percevoir la taille à laquelle on n'a pu
échapper, on leur offre dix cartes de vin; ainsi, se plait-on à l'espérer, ils
auront la ville « pour recommandée »[355].
Chaque fois que les consuls
trouvent des personnages susceptibles de les servir, ils les paient. Le
trésorier de Languedoc, passant à Périgueux, obtient d'eux 4 cartes de vin[356].
M. de Torcy, « parce qu'il est un très grand seigneur et un des
gouverneurs du roi » obtient des torches,
de l'avoine, 24 cartes de vin et deux livres de dragées : il faudrait
qu'il fût bien ingrat pour ne pas faire bon report de la villa enver lo rey
et ne pas la prendre sous sa protection. M. et Madame d'Albret viennent-ils à
Périgueux pour le « jour du pardon », on leur offre 3 barriques de vin — une de
blanc, une de clairet, une de rouge —,12 torches de cire et 42 boisseaux
d'avoine. Pour tout ce qu'il a fait en faveur de la ville à la cour du roi, et
« parce qu'il le valait bien », M. de Brantôme reçoit deux cartes de vin ». Le
viguier de Toulouse vient il à passer, maire et consuls vont le saluer chez le
consul Raymond Breton, et, sur sa promesse qu'il parlera d'eux au roi et au
dauphin, ils le défraient de toutes ses dépenses à l'hôtellerie. M. de Grignols
leur annonce-t-il qu'il a parlé d'eux au roi, on lui envoie 4 cartes de vin.
Malgré tout, corvées royales et
réquisitions commencent à frapper la ville. Le 15 avril 1478, sur l'ordre d'un
commissaire, les consuls font porter à Mareuil 9 charges de salpêtre. Quelques
mois plus tard, le lieutenant de Marmande, fruitier du roi, passant chez eux,
leur ordonne de lui donner trois hommes pour porter jusqu'à Thiviers les
raisins destinés à la cour. De son côté, le prévôt des maréchaux réclame du
lard pour l'armée de Bourgogne.
Lac nouvelle alarme se répand
au début de Novembre. On dit qu'un seigneur de la cour, M. de Borgueil, a
obtenu l'office de maire de Périgueux. Le roi tenterait-il, à dix-sept ans de
distance, de renouveler ce qu'il avait tenté de faire en 1461[357]
? Rien ne serait moins surprenant. N'a-t-il pas imposé plusieurs fois sa
volonté en pareille occasion ? A Poitiers, à Amiens, à Abbeville, à Paris[358] ?
Cependant la menace ne se précise pas. Le roi tranquillise peut-être les
ambassadeurs de la ville; peut-être ceux-ci doivent-ils négocier; en tout cas,
c'est un Petrocorien, Guillaume Belcier, qui obtient la mairie, le 15 novembre
1478[359].
Autre alerte, plus grave
encore, à la fin du même mois. Le roi a chargé le Premier Président du
Parlement de Bordeaux d’enquêter sur les abus commis par les maire et consuls
de Périgueux, Bergerac et Sarlat. Il s'agit, la chose est évidente, de se
procurer de l’argent, et le délégué du roi l'a fort bien compris. A Périgueux,
il se fait communiquer tous les titres du consulat. Il en est que n'a pas enregistrés
le Parlement ; certaines taxes ont été imposées sur la ville sans autorisation
; des droits de lods et ventes restent impayés. On ne veut pas la mort du
pécheur, mais son argent. Périgueux versera donc 500 livres d'amende, et
Bergerac 250, et Sarlat autant, et Issigeac 100. Et l’ensemble du Périgord 3000[360].
Voici autre chose encore. Le
roi a donne l'ordre à la ville d'envoyer deux hommes d'armes, érquipés et
montés, pour le servir en son ban et arrière-ban. Le 15 mars 1480, le maire et
les consuls comparaissent devant le sieur de Ruffec, conseiller et chambellan
du roi, et lui exposent qu'ils n'ont ni cens, ni rentes suffisants pour faire
les dépenses quoi veut leur imposer. Les deniers qui entrent dans leur caisse
servent, partie à la réparation des murs, partie aux aumônes ordonnées pour les
âmes du Purgatoire « et du résidu n'avait assez à suffrager aux gaiges
des officiers de la ville ». D'ailleurs, ils sont dispensés de ce service par
lettres royaux. Jean de Ruffec leur donne satisfaction. Mais, quelques jours
après, à la requête du procureur du roi, Hugues de Fayolle ordonne au maire
d'armer, habiller et monter six archers au lieu de deux. Sans doute des
interventions, chèrement achetées comme à l'ordinaire, se produisent-elles
aussitôt, car l'ordonnance est cassée le 15 avril[361].
Sur ce point particulier — la
milice — la ville résiste, mais ses beaux privilèges ne sont plus intacts. Les
libertés politiques tiennent encore, mais les franchises fiscales sont battues
en brèche. Taille, équipement des francs-archers, envois de vivres et de
munitions, on a dû accepter tout cela. Avec les Beaujeu, Périgueux ne devra
plus considérer ces dérogations à ses privilèges comme des exceptions.
Mais que sont ces mécomptes
auprès des malheurs qui viennent frapper la ville une fois de plus ? Il y a
déjà trop longtemps qu'à force de prières on réussit à écarter le mauvais
destin. Le 1er mai 1478, le clergé et le consulat ont ordonné une procession
générale; elle s’est déroulée à travers toute la ville pour demander au ciel la
paix, la conservation de l'Eglise, de l'Etat et du roi, pour que Dieu veille
sur les fruits de la terre et préserve Périgueux de « pestilence ». On a porté
à travers les rues le chef de Monsieur saint Front, que jamais plus de
memoria de home no fust plus portat. A cette procession il y a eu une telle
affluence qu'à peine les sergents ont-ils suffi pour maintenir l'ordre. On
enregistre cependant une recrudescence de la lèpre, puisque, le 12 novembre
1480, le sénéchal Louis Sorbier donne commission à deux médecins, dont l'un,
Pierre de Porterie, est de Périgueux, et à deux chirurgiens de la même ville,
Jean Rocgier et Jean Martin, de rechercher les lépreux dans toute la
sénéchaussée[362].
La lèpre, on la connait. Mais
les fièvres pestilentielles et mal chault qui se déclarent en 1482, vers
Pâques, ni médecins, ni « autres experts », ne réussissent à en déterminer la
cause. Pour mettre le comble à la désolation, la famine, qui sévit « dans les
pays voisins et dans toute la chrétienté », fait affluer à Périgueux quantité
d'étrangers. Les pauvres sont si nombreux qu'ils couchent dans les rues et sous
les tauliers ». On meurt partout on masse, tant alz hospitlalz que aillours
en la dicha villa, en bladarias et per las estables et charieias. De faim
autant que de maladie. Car le blé, vendu 4 livres le setier, ne fait que passer
: il est trop cher pour les gens d'ici. Le vin, « trop vert », est à peu
près imbuvable »[363].
Il reste bientôt si peu de monde à Périgueux que, malgré l'exaspération de la
piété, les aumônes faites aux églises se réduisent à presque rien: le délégué
de la Chambre apostolique déclare, dans une quittance du 30 octobre 1482, avoir
encaissé 28 livres 10 sols sculement pour le tiers des aumônes des indulgences[364].
Ne faut-il pas attribuer à
l'épidémie la remise à un autre temps du voyage de Louis XI en Périgord ? Le
roi a donné à l'abbaye de Cadouin 4000 livres de rente à charge pour les
religieux de célébrer certains offices à son intention. Au début de février
1482, les gens de Bergerac s'entretiennent
de sa venue prochaine. Or, ce voyage ne se fait pas. Non point que le
roi oublie le Saint Suaire; bien au contraire, il accorde à l'abbaye tout ce
qu'elle lui demande: il crée à Cadouin deux foires annuelles et un marché
hebdomadaire, et en septembre, il donne aux-religieux le château et la
baronnerie de Badefol avec toute la juridiction haute, moyenne et basse[365].
Et qui donc, maintenant,
viendrait en Périgord ? L'épidémie a pris fin au début de l'hiver, mais c'est
pour renaître, plus violente encore, au mois de juin 1483. La plupart des
habitants s'enfuient ; la cour du sénéchal et celle de l'official émigrent à
Brantôme[366].
Sans doute est-ce alors qu'un
scribe périgourdin se laisse aller à écrire ces vers, si frivoles et si graves
à la fois :
Tant faut que la terre
nourritz,
Certes après elle pourrit,
Car quant on ha passé son
temps.
On na ganhé que ses despens :
Après ta mort, tu ny as rien.
S. Augustini.
Puis que passer fault le
passage,
Du pas que durement passa,
Qui n’y veult penser n’est pas
saige,
Car en croix pour nous
trépassa,
Et pour mes emfers passé as
Pour nous fere es sainctz
cieulx passer,
Et plusieurs gaincz en repassas
En repassant sans repasser[367].
Et voici que c'est au tour du
roi de « passer le passage ». La nouvelle de sa mort, survenue le 30 août, se
répand dans une ville presque vide. Que Dieu «le pardonne» et le fasse « ès
sainctz cieulx passer ». Et qu'il bénisse Charles VIII[368].
J. Maubourguet.
[1] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 13.
[2] P. Champion, Louis XI, 2e
éd., Paris, 1923. tome II, p. 20. 35
[3] R. Villepelet, Histoire de la ville de Périgueux, 1908,
p. 14.
[4] Arch. mun. Périgueux. CC 87,
f°s l3v°, 17, et CC 91, f°s 42-53.
[5] P. Denifle, La désolation des
églises pendant la guerre de Cent Ans, Paris 1899, n°s 394-407. - J.
Maubourguet, Sarlat et le Périgord
méridional, II. Paris, 1930, p. 129-132.
[6] R. Villepelet op. laud., p. 1-3.
[7] G. lavergne, dans Le Périgourdin de Bordeaux, juillet
1932, p. 4.
[8] P. Barrière, Vesonna Petrocoriorum, Périgueux, 1930,
passim
[9] Chroniqueur du Périgord et du Limousin, III, p. 135, note.
[10] Arch. dép. de la Dordogne, E.
Sallegourde, 46.
[11] Marquis de Fayolle, dans Bulletin de la Soc. hist. et arch. du
Périgord, 1929, LVI, p. 115-150.
[12] Cf. Chanoine Roux, La Basilique Saint-Front de Périgueux,
Périgueux, 1920.
[13] Cf. Le vray pourtraict de la
ville de Périgueux, dans François de Belleforest, La Cosmographie universelle, Paris 1575, I, p. 201-202, et plan
cadastral.
[14] Arch. mun. Périgueux. DD 11,
et CC 59 à CC97, passim.
[15] Ibidem, BB 14, f° 66 v°.
[16] Viollet-le-Duc, Dictionnaire de l’Architecture française,
I, p. 414.
[17] Bull. de la Soc. hist. et archéol. du Périgord, XLI, p. 443 sq.
[18] Cf. Hardy. Inventaire sommaire des Archives communales
de Périgueux, Périgueux, 1894, passim. — W. de Taillefer. Les Antiquités de Vésone, t. II,
Périgueux, 1826 p. 584 sq. — Bull. de la
Soc. hist. et archéol. du Périgord, I, 354.
[19] R. Villepelet, op. laud., 25 sq.
[20] Arch. Mun. Périgueux, FF 185,
n° 5 et BB 13. — Mémoires sur la constitution
politique de la Ville et Cité de Périgueux, Paris, 1775, p. 493. Sur les
rapports de Louis XI avec une grande ville, cf. Mlle Bonnafous, Toulouse et Louis XI, dans Annales du Midi, 1927-1928, p. 1-54 et
113-167.
[21] C. Jullian, Histoire de Bordeaux, Bordeaux, 1835,
p. 173, cite par R. Villepelet, op. laud., p. 117, note 1.
[22] R. Villepelet, op. laud., 118 sq.
[23] Arch. mun. de Périgueux, BB
14, f°s 6 et 16, et CC 87, f° 1.
[24] Arch. mun. de Périgueux, FF
185, n° 6 — Mémoire sur … Périgueux,
p. 226 et 488.
[25] Arch. mun. de Périgueux, BB
14, f° 14.
[26] Arch. mun. de Périgueux, CC
87, f° 8 v°.
[27] Ibidem, f°s 7 v°-8.
[28] Ibidem, FF 185, n° 7 et AA 10.
[29] Arch. mun. Périgueux, CC 87,
f°s 9-9v°.
[30] Ibidem, f°s 2 v°, 3 v°, 5 , 10.
[31] Annales agr. et littéraires de la Dordogne, XXXV, p. 633.
[32] Arch. mun. Périgueux, CC 87,
f°s 3, 4 v°, et CC 91, f°s 2, 4, 10.
[33] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f°s 14, 16, et CC 87, f°s 1, 2.
[34] Ibidem, CC 87, f°s 1v° et 2, 10 v°, 11 v°; CC 88, f°s 2v°, 34; CC 90, f°s 1
v°, 26, CC 91, f°s 3, 31 v°.
[35] Arch. mun. Périgueux, CC 87,
f° 9 v°.
[36] Ibidem, f° 8 v°.
[37] Ibidem, f° 25.
[38] Ibidem, f°s 13, 20 v°, 22.
[39] Ibidem, BB 14, f° 14.
[40] Chanoine Roux, op. laud., p. 50, 74.
[41] Bibliothèque Nationale, Périgord XXVII, f° 316.
[42] Bibliothèque Nationale, Périgord XXXVII, f° 319 — Arch. mun.
Périgueux, BB 14, f° 47. — Tarde, Chroniques,
éd. de Gérard, Paris, 1887, p. 194, n° 8. — Ch. Roux, op. laud., p. 56, 68-69 , 72-73..
[43] P. Dupuy, Estat de l’Eglise du Périgord, 1629, II, p. 150-151. — Arch. mun.
de Périgueux, BB 14, f° 20v°. — Ch. Roux, op.
laud., p. 69, 78.
[44] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 17.
[45] Arch. mun. Périgueux, loc.
cit.
[46] Arch. mun. Périgueux, CC 85
[47] Cf. Hardy, Inventaire, passim.
[48] Bulletin de la Soc. hist. et arch. du Périgord, II, 264.
[49] Inv. Hardy, CC 85 (ou GG 85 –
peu lisible, note C.R.)
[50]
Arch. dep. Dordogne, E Sallegourde 70, f° 52v°.
[51] Inv. Hardy, passim.
[52] Bibl. mun. de Périgueux, Extrait général de la cathédrale
Saint-Etienne, f° 40.
[53] Arch. mun. Périgueux, GG 186,
n° 1.
[54] Ibidem, BB 14, f°s 6 et 15.
[55] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 19 v°.
[56] Sur les tribunaux de la ville,
cf. Villepelet, op. laud., p. 166 sq.
[57] Arch. mun. Périgueux, BB 14, f°s 9, 11, 13, 14, 16, 19, 27.
[58] Ibidem, f°s 7, 25, 32, 33, 35.
[59] Ibidem, f°s 9, 25, 27, 28, 30, 32-36.
[60] Ibidem, f°s 25, 32, 36.
[61] Nobiliaire universel, XVII, p. 204-208.
[62] Cf. R. Avezou, dans le Bull. de la Soc. hist. et arch. du Périgord,
LIII, p. 55-62.
[63] Arch. mun. Périgueux, DD 2, f°
52.
[64] Ibidem, f° 100, n° 3.
[65] H. Sée, Louis XI et les villes, Paris, 1891, p. 227.
[66] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 19 v°.
[67] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 20 v°.
[68] Ibidem, f° 19.
[69] Ibidem, CC 88, f° 6 v°.
[70] Ibidem, CC 88, f° 3.
[71] Ibidem, f° 4.
[72] Ibidem, f°s 3v°-4.
[73] Ibidem, BB 14, f°s 11, 13.
[74] Ibidem.
[75] Ibidem, f° 15.
[76] Ibidem, BB 14, f° 19.
[77] Ibidem, CC 88, f° 5 v°.
[78] Ibidem, f°s 5-5 v°.
[79] Ibidem, CC 88, f° 4 et CC 59.
[80] Ibidem, CC 88, f° 24.
[81] Ibidem, f° 6.
[82] Ibidem, f° 11.
[83] Ibidem, f° 5.
[84] Ibidem, f° 6.
[85] Ibidem, f°s 7v°, 11.
[86] Ibidem, CC 88, f°s 6, 11 v°.
[87] Ibidem, f° 12v°-13v°.
[88] Ibidem, f° 6 v°.
[89] Ibidem, f°s 7v°, 11.
[90] Ibidem, f°s 8, 22-24.
[91] Ibidem, f° 10.
[92] Ibidem, f° 10v°.
[93] Jurades de la ville de Bergerac, éd. C.
Charrier, I. Bergerac, p. 270-271.
[94] Arch. mun. Périgueux, CC 88,
f° 11.
[95] Ibidem, f° 12.
[96] Ibidem, f°s 15-17.
[97] Ibidem, f° 17v°.
[98] Ibidem, f° 22.
[99] Ibidem, f° 4 v°.
[100] Ibidem, f° 8 v°.
[101] Ibidem, f°s 10, 14.
[102] Ibidem, f° 9, et BB 14, f° 19v°.
[103] Ibidem, FF 99.
[104] Ibidem, CC 88, f° 19.
[105] Ibidem, f°s 27-32v°, 34v°, 35-36.
[106] Ibidem, f°s 2v°, 20, 34.
[107] Ibidem, f°s 7, 14v°.
[108] Ibidem, f° 10.
[109] Ibidem, f° 14v°.
[110] Arch. mun. Périgueux, CC 88,
f° 20; CC 90, f° 24-24v°; CC 91, f° 12. — W. de Taillefer. Les Antiquités de Vésone, IL, p. 643-644. — Bull. du Périgord, XII, p. 203 sq, 329 sq., et G. Lavergne, La veille de Saint-Jean-Baptiste à Périgueux,
dans Lou Bournat, 1921, t. VIII, p.
39-45.
[111] Arch. mun. Périgueux, CC 87,
f° 12v° ; CC 88, f° 20 v°, CC 90, f°s 20-21v°, CC 91, f°s 37-39 v°, et
table de l’Inventaire Hardy, au mot Charité.
[112] Bibl. Nationale, Périgord, XXXVI, f° 82 v°.
[113] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f°s 1, 7.
[114] Jurades de Bergerac, I, 276.
[115] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 3. — Mémoire sur Périgueux, p.
468.
[116] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 21 v°.
[117] Villepelet, Inv. sommaire des Arch. départ. de la
Dordogne, série B, I, p. IV.
[118] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 23 v°.
[119] Ibidem, f° 21.
[120] Cette question est posée plus
bas, ch. V.
[121] Arch. dép. Dordogne, G II 2.
[122] Bibl. mun. de Périgueux, Extrait de la Cathédrale, f° 284.
[123] Arch. mun. Périgueux,
[124] Ibidem, f°s 10v°-11.
[125] Ibidem, f°s 4, 11v°.
[126] Ibidem, CC 9, f° 10.
[127] Ibidem, f° 14-16, 28 v°, et CC 91, f°s 7 v°-8.
[128] Ibidem, CC 90, f°s 1v°, 24v°.
[129] Ibidem, CC 90, f°s 26 v°, 43.
[130] Ibidem, CC 87, f°s 13v°-20
[131] Ibidem, f°s 16 v°, 20.
[132] Ibidem, CC 88, f° 32.
[133] Ibidem, CC 92, f°s 31, 42v°, 45.
[134] Ibidem, CC 90, f°s 29 sq., et CC 91, f° 42 sq.
[135] Arch. mun. Périgueux, CC 87,
88, 90, 91, aux états de la taille.
[136] Ibidem, CC 88, f° 24 v°.
[137] 38 livres ½ en 1465 (CC 88, f°
25) ; 31 livres 5 deniers en 1468 (CC 90, f° 27) ; 30 livres 5 sols
en 1475 (DD 1, f° 17) ; 36 livres 13 sols 4 deniers en 1478 (CC 91, f°
35).
[138] Ibidem, CC 90, f° 4; CC 91, f° 2; et Inventaire Hardy, CC 150.
[139] Le denier de la chair produit
68 l. 15 s. en 1462 (CC 87, f° 21), 55 l. 3 s. 9 d. en 1465 (CC 88, f° 25, 134
l. 15 s. en 1468 (CC 90, f° 28 v°), 151 l. en 1478 (CC 91, f° 35). Il est donc
de plus en plus important.
[140] En 1467, la somme
effectivement versée est de 14 livres (CC 90, f° 5.)
[141] Arch. Dordogne, G II 2, et
Arch mun. Périgueux, CC 91, f°s 8 v°, 10. – D’après un texte communiqué par M.
le chanoine Roux, le droit de leyde aurait été cédé au consulat moyennant 1800
livres de capital et 13 livres de rente avec l’hommage d’une paire de gants de
laine quand la saint Silain tomberait un dimanche. On ne voit pas que pareil
accord soit exécuté au temps de Louis XI. La leyde produit 34 sols 6 deniers en
1462 (CC 87, f° 21), 4 livres 3 sols 8 deniers en 1465 (CC 88, f° 25 v°), 17
livres en 1478 (CC 91, f° 35 v°), 20 livres en 1481 (CC 150).
[142] Il produit 76 livres 5 sols en
1465 (CC 88, f° 25), 68 livres 15 sols en 1468 (CC 90, f° 27 v°), 110 livres en
1474 et 1475 (DD 1, f°s 4, 18 v°) 112 livres 13 sols 4 deniers en 1478 (CC 91,
f° 35).
[143] CC 88, f° 25, CC 80, f°s 27-27v°; CC 91, f°s 35-35v°; DD 1, f°s
17v°-18.
[144] CC 88, f° 25 v ; CC 90, f° 28 v° ; CC 91, f° 35.
[145] CC 88, f° 25v°; CC 90, f° 27v°; CC 91, f° 35v°; DD 1, f° 18.
[146] CC 88, f° 25v°; CC 90, f° 27v°; CC 91, f° 36.
[147] CC 88, f° 25v°; CC 91, f° 35v°.
[148] CC 88, f° 25v°; CC 91, f° 35v°; DD 1, f° 18.
[149] CC 88, f° 25; CC 91, f° 35.
[150] CC 87, f° 21; CC 88, f° 25; CC 91, f° 35; DD 1, f° 18.
[151] CC 91, f° 35.
[152] CC 88 f° 25 v°.
[153] CC 91, f° 36.
[154] CC 88, f° 22v°; CC 90, f° 28; CC 91, f° 36 v°.
[155] Arch. mun. Périgueux, DD 10,
n° 3.
[156] Ibidem, BB 14, f°s 9, 15, 22, 25, 27, 28, 30.
[157] Ibidem, f° 15.
[158] Ibidem, f°s 14 et 16, 9 et 27, 47 et 49.
[159] Communication de M. le
chanoine Roux, et Arch. mun. de Périgueux, BB 14, f° 42v°.
[160] Arch. mun. de Périgueux, CC
90, f° 25v°.
[161] La municipalité de 1477-1478
lui donne 12 s. 6 deniers pour s’acheter des chaussess au lieu du chaperon
habituel (CC 91, f° 2 v°).
[162] Ibidem, CC 90, f°s 2-3 ; CC 91, f° 3.
[163] Ibidem, CC 90, f°s 6-7.
[164] Ibidem, CC 90, f° 42.
[165] Bibl. Nat., Périgord, XII, 81 et XXXI, 418 sq. — P.
Dupuy, op. laud., p. 152-153. —
Chanoine Roux, op. laud. P. 313
( ?) — Sur Hélie, voir surtout Le
cardinal Hélie de Bourdeille, par B. Th. Poüan, 2 volumes,
Neuville-sous-Montreuil. 1897-1900.
[166] P. Dupuy, op. laud., p. 153. — Audierne, Calendrier
de la Dordogne, 1886, p. 223. — Bull.
de la Soc. hist. et arch. du Périgord, IX, p. 62 sq., 456, et XV, p. 153. —
Dessalles, Histoire du Périgord, III,
p. 48-49.
[167] Commines, Livre II, ch. XV.
[168] Stein, Charles de France, frère de Louis XI, Paris 1921, p. 263 sq. —
Dupont-Ferrier, Officiers royaux des
baillages et sénéchaussées, Paris, 1902, p. 902.
[169] Arch. mun. Périgueux, AA 12.
[170] Stein, op. laud., p. 279.
[171] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 23. — Stein, op. laud., pièces
just. n° 72.
[172]
Stein, op. laud., p. 280-281, 337.
[173] Ibidem, p. 314, 316. — Arch. mun. Périgueux, BB 14, f° 23.
[174] Stein, op. laud., p. 313-315.
[175]
Stein, op. laud., p. 314, 360.
[176]
Arch. mun. Périgueux,
AA 13; FF 185. — Arch. Nationales, J. 864 — Mémoire sur Périgueux, p.
498 — Stein, op. laud., pièces just.
n° 82( ?) et p. 315, 361..
[177] Arch. mun. Périgueux, AA 14;
FF 185 n ° 12. — Ord. des Rois de France, XVII, p. 494.
[178]
Arch. dep. Dordogne, G II 26.
[179] Arch. mun. Périgueux, CC 8 n°
2.
[180] Arch. mun. Périgueux, FF 18,
n° 1 et 2, et comm. de M. le chanoine Roux.
[181] Ibidem, FF 185, n° 13.
[182] Jurades de Bergerac, I,
p. 202.
[183] Arch. mun. Périgueux, FF 185
n° 14. — Bibl. Nat. Périgord, LXXV, f° 5.
[184] Bibl. Nat. Périgord,
XXXIV, f° 131.
[185] Bibl. Nat. Périgord, XII,
f°s 304, 306, et XXXV, f°s 31 v°, 35 v°. — Bibl. mun. Périgueux, Extrait de
la Cathédrale Saint-Etienne, f° 40.
[186] Extrait de la Cathédrale
Saint-Etienne, f° 203 v°.
[187] Ibidem (21 mai 1468).
[188] Arch. Dép. Dordogne, E.
Sallegourde 78, f° 1 v°.
[189] Bibl. Nat. Périgord,
IX, f° 159 v°.
[190] Extrait de la Cathédrale f°s
199, 205. — Arch. Dép. Dordogne, E. Sallegourde 70, f° 2 v°, 14 v°, 37 v°.
[191] Extrait de la Cathédrale f°s
8 v°, 16, 16v°, 18 v°, etc.. — Arch. Dép. Dordogne, G II 2.
[192] Arch. Dép. Dordogne, E. Sallegourde
43 v° — Arch. mun. Périgueux, I I 14.
[193] Extrait de la Cathédrale f°s
23-23 v°.
[194] Ibidem, f° 23.
[195] Extrait de la Cathédrale f°
20 v°.
[196] Arch. Dép. Dordogne, E.
Sallegourde 70, f° 37 v°.
[197] Ibidem, f° 41 et Arch.
mun. de Périgueux, CC 92, f° 37.
[198]
Arch. Dép. Dordogne, E. Sallegourde 70, f° 57. — Arch. mun. Périgueux, CC 92, f° 37 sq.
[199] Arch. Dép. Dordogne, E.
Sallegourde 43°.
[200] Arch. mun. Périgueux, CC 90,
f° 27 v°.
[201]
Arch. Dép. Dordogne, E. Sallegourde 44.
[202]
Arch. mun. Périgueux,
CC 87, f°s 17 sq.
[203] Ibidem, CC 87, f°s 14v°, 18.
[204] Ibidem, CC 92, f° 26v°.
[205]
Arch. Dép. Dordogne,
E. Sallegourde 431, n° 1, f° 1. — Bibl. Nat., Fonds Périgord,
XLIX, f° 324 v°.
[206] Arch. mun. Périgueux, FF 203.
[207] Arch. Dép. Dordogne, E.
Sallegourde 44 et 76, f°s 9 v°-10.
[208] Bibl. Nat. Périgord,
XXIV, f° 177.
[209] Inventaire Hardy
(barbier, chirurgien).
[210] Bibl. Nat. Périgord,
XXIV, f° 100.
[211] Dupont-Ferrier, op. laud.,
p. 87, 114, 171.
[212] Arch. mun. Périgueux, CC 88,
f° 17 ; CC 90, f° 16.
[213] Ibidem, DD, passim ; — Arch. dép. Dordogne, E. Sallegourde,
passim.
[214] Ibidem, CC 91, f° 37.
[215] Ibidem, CC 90, f°s 10 v°-11.
[216] Ibidem, CC 88, f° 15.
[217] Ibidem, CC 91, f° 10, 11, 25.
[218] Ibidem, CC 87, f° 9 v°.
[219] Ibidem, CC 88, f°s 13, 13 v°.
[220] Ibidem, CC 91, f° 30.
[221] Ibidem, CC 90, f° 7.
[222] Ibidem, CC 90, f° 2-2v°.
[223] Ibidem, CC 88, f° 3 ; 90, f° 2 v°; 91, f°
2 v°; — E. Sallegourde, 70, f° 52.
[224] Arch. mun. Périgueux, CC 87,
f° 3 ; CC 91, f° 4.
[225] Arch. mun. Périgueux, CC 87, f° 2 v ; 88, f°s 18 ; 90, f°s 4,
4v°; 91, f° 2.
[226] Arch. dép. Dordogne, E. Sallegourde, 431, n° 3.
[227]
Arch. mun. Périgueux,
CC 87, f°, f°s 3 v°, 5.
[228] Ibidem, BB 14, f° 29.
[229] Dupuy, op. laud., p.
154.
[230] Extrait de la Cathédrale, f°
284.
[231] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 28.
[232] Ibidem f° 9.
[233] Ibidem f° 13.
[234] Arch.
mun. Périgueux, BB
14, f° 28.
[235] Arch. dép. Dordogne, E.
Sallegourde, 431, n° 4.
[236] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f°s 1, 11, 13 ; CC 90, f° 2 v°, CC 91, f° 32.
[237]
Ibidem, FF 100, n° 5.
[238]
Arch. dép. Dordogne, E. Sallegourde, 431, n° 3.
[239] Ibidem, E. Sallegourde, 431, n° 3.
[240] Ibidem, E. Sallegourde 70, f°s 31, 49 v°-52.
[241] Ibidem, f° 32 v°.
[242].
Ibidem, E. Sallegourde, 431, n° 5.
[243] Ibidem, E. Sallegourde,
432, et 70, f°s 75, 75 v°,77.
[244] A Mussidan (ibidem 432,
46; 70 f°s 45, 53 v°, 54 v°, 57, 58, 58 v°) à Saint Médard (46; 70 f°s 56, 56
v°); à Bourgnac (431, n° 1, f° 8) ; à Rouffignac (45 ; 70,
f° 46 v°).
[245] Ibidem 431,
n° 1, f°s 1, 10 ; 432 et 433 ; 70, f°s 2 v°, 10
v°, 65, 67, 76 v°, 77, 78, 78 v°
[246] Champcevinel (431, n°
1, f°s 7 v°, 8) ; 431, n° 1, f°s 4, 4 v°, 6; 70, f°s 71 v°, 75);
Coulounieix (70, f° 73); Coursac (70, f° 76); Sanillac (70, f°s 72 v°, 73);
Chalagnac (70, f° 45 v°); Saint-Laurent-sur-Manoire (70, f°s 72 v°, 76 v°);
Eglise-Neuve-de-Vergt (431, n° 1, f° 1 v°).
[247] Tocane (431, n° 1,
f° 7 ; 46 ; 70, f° 66, 71 v°, 72) ; Celles (431, n°
1, f°s 4, 5; 70, f°s 65, 74) ; Saint-Victor (431, n° 1, f° 3;
46 ; 70, f° 66 v°); Douchapt (431, n° 1, f° 3 v°; 70, f°
72) ; Léguillac-de-Lauche (70, f° 79).
[249] Une maison et une pleydure au
Puy-Saint-Front (431 ; 70, f°s 14 v°, 37 v°) ; deux prés à
la Cité (432 ; 70, f°s 31 v°, 50) ; un verger au Plantiers (432 ;
70, f° 41 v° ; une vigne à Puy-Abry (431; 70, f° 49 v°).
[250] Chanoines de saint-Front (432
; 70, f°s 14 v°, 37 v°) ; de saint-Etienne (433; 70, f°
78 v°) ; un chapelain de Saint-Front (70, f° 49 v°) ; un chapelain de
Saint-Silain (432 ; 70, f° 49 v°) ; vicairies du cardinal de
Périgord (432 ; 70, f° 9 v°) ; abbé de Chancelade (70, f° 52
v°) ; abbé de Brantome (432 ; 70, f° 9 v°).
[251] Ibidem, 70, f° 3.
[252] Ibidem, E. Sallegourde, 45; 70, f°s 1,
2, 5.
[253] Ibidem, 45; 70, f°s 1 v°, 4 v°.
[254] Ibidem, 70, f°s 2, 2 v°, 4 v°, 6 v°.
[255] Ibidem, 70, f° 45 v°. — Arch. Mun. Périgueux, CC 91, f° 32
v° ; BB 14, f° 28.
[256] Arch. dép. Dordogne, E. Sallegourde,
45.
[257] Ibidem, 47 et 57.
[258] Ibidem, 70, f° 24 v°.
[259] Ibidem, 47.
[260] Ibidem, 433.
[261] Ibidem, 432, 433.
[262]
Arch. mun. Périgueux, BB 14, f° 46.
[263] Ibidem, f° 30.
[264] Ibidem, f° 19.
[265] En 1475, les seigneurs de Trigonant
et de Lanmary, du Pont, de Ladouze, de Belcier, de Golce, du Vergier, du
Chambon, de Landric, de La Jarte, des Bories, de Meymi, de Seguy alias de
Golce, de Vergt (ibidem, f° 28). En 1476, même liste (ibidem, f°
30).
[266] G. Lavergne, dans Le Périgourdin
de Bordeaux, Avril 1928.
[267] Mis de Fayolle dans Bull.
de la soc. hist. et arch. du Périgord, XI, p. 238 sq.
[268] Abbé Audierne, Un mot sur
la Boétie, Sarlat, 1875, passim.
[269] J. Maubourguet, Inventaire de
Puymartin, Sarlat, 1928, n°s 30, 40, 65.
[270] 6 charges et 191 boisseaux de
froment et 72 boisseaux d’avoine, mesure de Périgueux (un boisseau vaut 20
litres 30) ; 59 ( ?) cartons de blé et 21 d’avoine, mesure de
Vergt ; 5 setiers de blé, mesure de Celles ; 4 boisseaux de seigle,
mesure de Mussidan ; 7 cartons de froment et 3 d’avoine, mesure de
Rouffignac ; 4 cartons d’avoine, mesure de Miremont ; 50 gélines et
demi, 6 journées d’homme ; un repas.
[271] Arch. dép. Dordogne, E.
Sallegourde, 70, f° 10.
[272] Ibidem, 432
et 70, f° 9 v°.
[273] Ibidem, 432.
[274] Ibidem, 433.
[275] Ibidem, 44.
[276] Ibidem, 431, n° 1 f° 5.
[277] Ibidem, 70 f°s 66 et 71
v°.
[278] Ibidem, 431,
n° 1 f°3, 462, et 70, f° 66 v°.
[279]
Arch. dép. Dordogne, E. Sallegourde, 431, n° 7.
[280]
Arch. mun. Périgueux,
BB 14, f° 1 v°.
[281] Ibidem, f°s 11, 13,
19( ?).
[282] Ibidem, CC 90, f° 10.
[283] Ibidem, CC 90, f° 6, CC 91, f°s 26, 32
v°.
[284] Ibidem, BB 14, f°s 47, 60.
[285] Arch. mun. Périgueux, BB 14, f°s 16, 14( ?) ; CC 87, f° 7 v°;
CC 88 , f°s 10, 11.
[286] Ibidem, BB 14, f° 30.
[287] Ibidem, f°s 9, 27.
[288] Ibidem, f° 6.
[289] Ibidem, BB 14, f°s 1 à 30.
[290] Ibidem, DD 1, f° 8 v° ; Arch. Dep.
Dordogne, E. Sallegourde, 70, f°s 2 v°, 40 v°.
[291]
Arch. Dep. Dordogne, E. Sallegourde, 70, f°s 40, 41.
[292] Ibidem, f° 78.
[293] Ibidem, E. Sallegourde 44.
[294] Extrait de la cathédrale,
f°s 20 v°, 33 v°.
[295] Arch. mun. Périgueux —
Dessalles, op. laud., III, p. 12 sq.
[296] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 31 v°.
[297] Ibidem, CC 90, f° 5 v° ; 91, f° 9 v°.
[298] Ibidem, BB 14, f° 31 v°.
[299]
Arch. Dep. Dordogne,
E. Sallegourde, 431, n° 6.
[300] Arch. mun. Périgueux, BB 14, f°
4, 9, 11, 13, 14, 16, 19, 22, 25, 27.
[301] Ibidem, CC 91, f°s 23, 24, 32 v°.
[302] Ibidem, f° 25 v°.
[303] Ibidem, f° 2.
[304] Ibidem, f° 5.
[305] Arch. mun. Périgueux, AA 2.
[306] Ibidem, CC 91, f° 2, 5.
[307] Chronique du chanoine Tarde,
p. 195, note.
[308] Arch. mun. Périgueux, CC 91,
f° 6.
[309] Ibidem, BB 14, f° 31.
[310] Ibidem, CC 91, f°s 13, 13 v°.
[311] Ibidem, f°s 15 v°, 16 v°.
[312] Ibidem, f° 14 v°.
[313] Ibidem, f° 16 v°.
[314] Ibidem, f°s 13v°, 20.
[315] Ibidem, f° 21 v°.
[316] Ibidem, CC 91, f°s 14, 15, 17 v°, 18, 19
v°.
[317]
Arch. Dep. Dordogne, E. Sallegourde, 70, f° 31(?) v°.
[318]
Arch. mun. Périgueux,
CC 90, f° 24 v° ; 91, f° 12.
[319] Ibidem, CC 90, f° 17
v°.
[320] Bull. de la Soc. hist. et
arch. du Périgord, XII, p. 329.
[321] Arch. mun. Périgueux, DD 2, f°
40 v°.
[322] Bull. de la Soc. hist. et
arch. du Périgord, XII, p. 63.
[323] Bull. de la Soc. hist. et
arch. du Périgord, XII, p. 337-339. — Arch. mun. Périgueux, CC 91, f°s 17
v°, 20-20 v°.
[324] Arch. mun. Périgueux, CC 91,
f°s 9, 18 v°.
[325] Arch. mun. Périgueux, CC 91,
f°s 10, 11.
[326] Extrait cathédrale de
Saint-Etienne, f° 20. — Cf. Entrée de Hélie Servien en 1385, d’après Géraud
Lavergne (Bull. de la Soc. hist. et arch. du Périgord, XLVIII, p. 79
sq ; entrée de Gabriel Dumas, dans Annales agricoles et littéraires de
la Dordogne, XXXV, p. 136 sq. ; entrée de Geoffroy II de Pompadour (ibidem,
I, p. 243 sq.) ; entrée de Guy de Castelnau en 1513, chanoine Roux (Bull.
de la Soc. hist. et arch. du Périgord, LX, p. 53 sq.) ; entrée de Jean
de Lustrac, en 1550, dans Chroniqueur du Périgord et du Limousin, III,
p. 135. — Voir aussi Arch. mun. Périgueux, AA 27.
[327] Sur sa vie extra-périgourdine,
cf. Nobiliaire du Limousin, II, 1863-1872, p. 490 sq. et Bull. de la
Soc. hist. et arch. du Périgord, XXI, p. 171 sq.
[328] Sur Geoffroy et le prieuré de
Saint-Cyprien, cf. A. Jouanel, dans Bull. de la Soc. hist. et arch. du
Périgord, XXII, p. 426 sq.
[329] Arch. dep. Dordogne, E IV
Saint-Cyprien, Botel I, 43, 46.
[330] Ibidem, E IV
Saint-Cyprien, Divers 1, 33 v°.
[331] Arch. dep. de la Gironde, G
240, f°s 428-430. — Arch. hist. de la Gironde, IX, p. 311-312.
[332] Arch. dep. de la Gironde, G
187.
[333] Bibl. Nationale, Périgord
XXXI, f°s 436, 452.
[334] Lettres de Louis XI,
éd. J. Varsan et Et. Chavaray, t. IX, Paris, 1905, p. 252.
[335] Bibl. Nationale, Périgord
XXXV, f° 74.
[336] Ibidem, XXXI, f°s 460, 465.
[337] Ibidem, XXXI, f° 440 v°.
[338] Arch. dép. Dordogne, E IV
Saint-Cyprien, Péchaut II, 6 v°.
[339] Bibl. Nationale, Périgord
XII, f° 12 v°.
[340] Arch. dép. Dordogne, E.
Sallegourde 46.
[341] Bibl. Nationale, Périgord
XXXI, f° 436.
[342] Ibidem, XXXI, f° 462.
[343] Ibidem, XII, f° 13.
[344] Ibidem, XII, f° 24.
[345] Jurades de Bergerac, I,
p. 299.
[346] Lettres de Louis XI, t.
V, Paris, 1895, p. 234.
[347] Annales agric. et littér.
De la Dordogne, XXXV, p. 136 sq.
[348]
P. Dupuy, op. laud., p. 161.
[349] Sur les trois évêques qui ont
tenu le siège de Périgueux au temps de Louis XI, voir Pécout, Périgueux,
Lille, 1890, p. 256 ( ?) sq.
[350] Séé., op. laud., p. 51-52.
[351] Arch. mun. de Périgueux, CC
91, f°s 27-28.
[352] Ibidem, f° 29.
[353] Ibidem, f°s 34, 40( ?) v°.
[354] Ibidem, f° 26.
[355] Ibidem, f° 29 v°.
[356] Arch. mun. de Périgueux, CC 91,
f° 29.
[357] Arch. mun. de Périgueux, f° 26
v° ( ?).
[358] Sée., op. laud., p. 73,
74.
[359] Arch. mun. de Périgueux, BB
14, f° 33. — Sur les Belcier, cf. Bibl. Nat., Périgord LXXV, dossier
Belcier.
[360] Bibl. Nationale, Périgord,
XXIV, f° 95.
[361] Arch. mun. Périgueux, EE 19,
n° 1 ; FF 185, n°s 15 et 16. — Mémoire sur … Périgueux, p.
512-513.
[362] Bibl. Nationale, Périgord,
XXIV, f° 100.
[363] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 37.
[364] Extrait général de
Saint-Etienne, f° 284 v°.
[365] Archives Nationales, K 176, I,
3, n°s 14 et 15 ; JJ 207, n° 373 ; JJ 208, n° 234. — Jurades de
Bergerac, I, p. 325-326.
[366] Arch. mun. Périgueux, BB 14,
f° 38 v°.
[367]
Arch. dép. Dordogne, G V n° 3, f° 3.