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Source : Bulletin SHAP, tome LXII (1935) pp. 104-115.

LES SEIGNEURS DE RIBERAC[1]

I — ORIGINES

Wlgrin, étant comte de Périgord et d'Augoumois, établit, en 866, un représentant de son autorité au passage de la Dronne, près du point où devait, plus tard, s'élever Ribérac, au Chalard, Vers l'an 1000, ce représentant de l'autorité comtale, ce vicomte, qui s'appelait alors Alchier, pour des raisons que j'ai supposées ailleurs, se serait déplacé vers la hauteur qui domine la ville actuelle[2] et c’est à lui qu'on attribue la fondation du château de Ribérac.

Le vicomte du Chalard et ses successeurs obéirent à l'autorité comtale tant que celle-ci fut puissante, mais des discussions étant intervenues vers la fin du Xe siècle, après une guerre d'extermination de plus de vingt-cinq ans, Arnaud Mauzer était devenu le seul possesseur de la province d'Angoumois, sous le nom de comte d'Angoulême, tandis que les comtes de la Marche conservaient le Périgord. Au milieu de tels désordres, la tentation était grande pour le vicomte du Chalard de s'affranchir d'une tutelle qu'il ne savait, du reste, à quel maître rapporter.

C'était, alors, Alchier, deuxième du nom, fils de celui dont il vient d'être parlé. Son entreprise eut le plus entier succès.

Les populations du voisinage lui montrèrent les plus heureuses dispositions. Sa maison prospéra très vite. On raconte, sans grande certitude, toutefois, que Grimoald, vicomte comme lui de Ribérac, son fils ou petit fils, aurait épousé Déa, de la maison de Montignac, appelé plus tard Montignac-le-Petit, canton de Montpon, et en aurait eu deux filles, dont l'une se maria avec le comte d'Angoulême et l'autre avec le comte du Périgord. Mais, ce qui ne saurait faire de doute, c'est qu'Archambaud, fils de Boson 1er, vicomte de Turenne, mort en 1091 à Jérusalem, devint vicomte de Ribérac vers le commencement du XIIe siècle en épousant, probablement, l'héritière du seigneur de Ribérac. On ne connaît pas la descendance d'Archambaud. Sans doute n'eut-il que des filles. Tout porte à croire qu'après sa mort, la seigneurie de Ribérac passa dans la maison des Rudel, seigneurs de Bergerac, Blaye et autres lieux, dont le troubadour Jaufre Rudel reste le représentant le plus connu ; et, de celle-ci, à la maison de Pons, par le mariage, en 1250, entre le 8 juin et le 1er juillet, de Marguerite de Bergerac avec Renaud III, sire de Pons, fils de Geoffroi de Pons, cinquième du nom et d'Agathe d'Angoulême-Lusignan.

Elle était parente au quatrième degré de son futur mari et il fallut l'intervention d'une bulle d'Innocent IV, accordant les dispenses nécessaires, pour la célébration de cette union dont naquirent au moins sept enfants : Hélie, Geoffroi, Ponce, Agathe, Géraude, Marguerite, Jeanne.

Marguerite de Bergerac était à Ribérac au mois de mars 1255, comme un le voit par des lettres écrites au roi d[3] Angleterre au sujet de son mari, prisonnier entre ses mains. Par son testament, daté de 1289, elle donna la seigneurie de Ribérac à Geoffroi de Pons, sixième du nom, son fils cadet, dont les descendants restèrent possesseurs jusqu’au XVe siècle.

« Item Gaufridium de Ponte, filium nostrum... et instituimus in omnibus et singulis castris et castellanis nostris, videlicet de Castro Maurone, Montemuro, de Montecuco, de Ribeyraco, de Espeluca, de Monteforti, de Alhac, de Chaslucio, de Martello, de Cunhac, deMontibus et in tota terra nostra de Bayanesio et in omnibus juribus, homagiis, feodis, retrofeodis, deveriis, reditis et pertinenciis existentibus tam in vicecomitatu Turenne quam in omnibus aliis bonis nostris.

Datum et actum VIIe Kalendarum februari, anno Domini CC° LXXX° nono[4] ».

II LA MAISON DE PONS

A GEOFFROY VI DE PONS (l289-1307)

Geoffroi VI de Pons était donc, comme on peut le voir, en même temps que seigneur de Ribérac, seigneur d'Epeluche (canton de Ribérac), de Montfort d’Aillac, de Carlus (arrondissement de Sarlat) et de divers autres domaines situés en Quercy, en Bas-Limousin et ailleurs ; il était même vicomte, en partie, de Turenne.

Geoffroi VI avait épousé Isabelle de Rodez[5] par contrat du 14 mars 1291. Il fit son testament en 1307 et institua pour son héritier son lus aîné, Renaud, quatrième du nom. Il mourut peu de temps après avoir fait son testament, puisque l'un voit son fils, à la date du 18 août 1308, signer avec Elie Rudel une transaction dans laquelle il est dit seigneur de Ribérac.

B RENAUD IV ET RENAUD V (1307-1356)

Renaud de Pons, quatrième du nom, épousa par contrat du dernier samedi avant la fête de la purification de la Vierge de l'année 1319), c’est-à-dire, selon notre calendrier actuel, le 26 janvier 1320, Jeanne d'Albret, fille d'Amanieu VII, sire d'Albret, et de Rose du Bourg qui avait été émancipée aux fins de ce mariage. Ses père et mère constituèrent à Jeanne une dot de 10,000 livres pour la garantie de laquelle Renaud devait hypothéquer son château de Ribérac. « Pro qua quidem dote solvenda et restituenda, in casu in quo dotis restitutio vendicat sibi locum, idem dominus Reginaldus obligavit et ypotecavit specialiter et expresse castrum suum de Ribayriaco, Petragoricensis diocesis, cum omnibus jurisdictionibus, redditibus, exercitibus, emolumentis, proventibus et pertinentiis ne juribus universi eidem Johanne et successoribus suis ».

L'union des époux fut très féconde. Ils eurent au moins dix enfants, mais un seul enfant mâle, qui devait être Renaud V.

Renaud IV, dans le dessein de se transporter en Italie, testa une première fois le premier dimanche après la Nativité de Notre Seigneur de tannée 1312, qui fut le 27 décembre, à Castelmoron. Il se nomme dans cette pièce miles, vicecomes Carlatensis et dominus Ribariaci. Il énumère les sept filles qu'il a déjà eues de sa femme : Marguerite, Yolande, Isabelle, Marquise, Malte, Johanne et Seride, et l'on peut voir qu'à cette date il n'a pas encore de descendant mâle ; mais sa femme est enceinte et, cette fois, il aura un fils.

Ce fils, Renaud V, entre 1940 et 1345, épousa une fille de Guillaume Flotte, sénéchal de Toulouse, dont il eut, au moins, Renaud VI qui lui succéda.

Renaud IV, faisant un nouveau testament le 15 novembre 1351, élisait pour sa sépulture l'hôpital neuf de Pons et nommait pour sou héritier universel « noble homme monseigneur Regnault de Pons, chevalier, son fils », qui, du vivant de son père, portait le titre de seigneur de Montfort. Ce dernier était tenu en vive estime par le roi Jean, par qui il avait été nommé capitaine pour le roi dans les parties de Périgord et de Limousin en deçà de la Dordogne.

Le père et le fils périrent de leurs blessures à la bataille de Poitiers (19 septembre 1356). Le père fut laissé sur le champ de bataille, tandis que son fils survécut encore quelque temps, puisque nous le trouvons, le 15 novembre; suivant, à Toulouse, où il assiste aux Etats de Languedoc présidés par le comte d'Armagnac, où furent prodigués au roi Jean, alors prisonnier, «les témoignages éclatants de fidélité et où fut décidée la continuation de la lutte. Et c'est à Toulouse qu'il, fit son testament, in domo habitationis reverendi in Christo patris et domini Radulphi, Dei gratia abbatis monasterii Grandis Sylvae, diocesis Tolosane. Il s'y nomme et désigne Reginaldus de Pontibus, miles, dominus de Pontibus, vice comes Carladesii, diocesis Xanctonensis, more militum armatus...

 

C RENAUD VI (1356-1419)

 

Par ce double deuil, Renaud VI n'avait que quelques années quand, le titre de vicomte de Turenne, la seigneurie de Ribérac lui échut. Il n'avait pour veiller sur lui que sa grand’mère, Jeanne d'Albret. Ce soutien devait bientôt lui manquer. Jeanne mourut dans les derniers mois de 1857, après avoir fait son testament le 20 octobre de la même année, dans lequel elle désignait son petit-fils comme héritier universel. Il est intéressant de noter dans cette pièce le legs fait à l'église de Ribérac où elle instituait une chapellenie.

« Item legamus ecclesiae de Ribeyraco sexvigenti florenos auri de Florencia semel, pro emendo decem libras rendales, ex et de quibus decem libris rendalibus facimus et instituimus in dicta ecclesia unam capellaniam, quam ex nunc dotamus de dictis libris rendalibus, et eciam eamdem capellaniam volumus conferri per rectorem ipsius ecclesiae... Item legamus cuilibet ecclesiae in castellania dicti loci de Ribeyraco unum florenum auri de Florencia semel, ut quilibet rector dictarum ecclesiarum teneatur celebrare.. »

Le dauphin Charles fut alors appelé, le 29 janvier l358, à nommer un gouverneur des biens du jeune Renaud. Il fit choix de Guillaume de Montlieu.

« Charles, dauphin, filz et lieutenant du roi de France, duc de Normandie et daulphin de Viennois à notre ami et féal Guillaume Feucheux de Montlieu, chevalier, salut et dilection. Il est venu de nouvel à notre congnoissance que la dame de Pons, mère de feu Renault sire de Pont, chevalier, qui mourut en la bataille de Poitiers, derrer passée, laquelle mère, après la mort de son dict filz a toujours tenu par devers ly, Regnault de Pons, mineur d'aige, fils du sieur Regmault de Pons et de la fille de amé et féal le seigneur de Ravel[6], conseiller du mondit sieur et, de nous... est naguère allée de vie à trépassement que ledict sieur de Ravel à qui, par droict et par raison, appartient et doit appartenir la garde et la tetelle dudit mineur, est si occupez et chargez des besoignes de mondit sieur et des nostres qu'il ne peut pas bonnement, quand à présent; et pour cause, vacquer et entendre au gouvernement, de ladite terre de Pons, si comme métier seroit ; si avons considéré que mondit sieur et nous sommes biens tenus à garder le droict dudit enfant, tant par amour de sondit père, qui se porta moult et grandement vassalement comme loyal chevalier et hardy en ladicte bataille de Poitiers, en laquelle il fut occis[7], en la présence de mondit sieur, comme par amour dudit sieur de Ravel qui a rnoult longuement et d'ancienneté servi mon davant dit seigneur et ses prédécesseurs roys de France et nous aussi bien et loyaulment... Et pour ce, nous qui avons été et sommes soufissans informez... du bon portement que vous avez autrefois eu au temps dudit seigneur de Pons et de son père et sa mère sur le fait et gouvernement du pays, que aucuns autres… vous ordonnons et establissons... gouverneur général de toute la terre du dit mineur, des villes, chasteaulx et forteresses d’icelluy… si donnons en mandement aus seneschaulx de Sainctonge, de Périgor et de Rouhergue et au bailli des montagnes d'Auvergne. »

Renaud VI, qui mérita d'être appelé « père, protecteur et conservateur des deux Aquitaines », ne choisit pas cependant le parti du roi de France dès qu'il fut en âge de porter les armes. La faute en revint à son mariage avec Marguerite de Périgord, fille de Roger Bernard, comte de Périgord, et d'Eléonore de Vendôme, et sœur d'Archambaud qui tenait, pour les Anglais. Marguerite de Périgord était, en outre, la petite-fille de cette délicieuse Brunissende de Foix, si fine, si jolie, si intelligente et si instruite, dont le pape Clément V, alors qu'il n'était que Bertrand de Goth et évêque de Comminges, avait failli devenir amoureux et dont il resta l'ami dévoué tant qu'il vécut, et l'arrière petite-fille du troubadour Roger Bernard[8]. Mais, en 1370, Renaud IV était revenu au roi, non par pure inclination toutefois, mais bien par intérêt. Charles V lui promettait 2.000 livres tournois de rente par an et, en 1371, tenait ses promesses et au-delà. Marguerite ne lui pardonna pas cette défection et jura qu'elle ne coucherait plus avec lui. Il ne fallut rien moins que l'intervention de l'évêque de Saintes et du pape lui-même pour la relever de son serment et permettre la réconciliation des époux, qui dut être complète, puisque, en 1397, Renaud lui fit don pour en jouir pendant sa vie, de divers châteaux et châtellenies, dont celui de Ribérac, Elle mourut entre le 27 juillet et le 24 octobre 1411.

Le 8 février 1384, le roi nommait Renaud pour la Saintonge, l'Angoumois et le Périgord, conservateur des trêves avec le roi d'Angleterre. Il lui renouvela sa charge le 22 août 1388.

La soixantaine largement atteinte, Renaud VI, sans postérité de Marguerite, contracta une deuxième union avec Marguerite de la Trémouille. Celle-ci avait perdu son père, le comte Guy, porte-oriflamme de France, quand elle fut recherchée par Renaud, à qui Georges de la Trémouille, son futur beau-frère, s'engageait, par contrat du 17 janvier 1412, à verser une dot de 10.000 livres tournoises d'or, sous la condition de renoncement par les futurs époux à tous droits sur 1a succession paternelle et maternelle des La Trémouille. Cette union fut de courte durée ; mais, quand Marguerite mourut, elle laissait un héritier mâle à son mari, Jacques, qui succéda.

Enfin, Renaud contracta un troisième mariage, celui-ci probablement en 1416, avec Catherine de Montbron, fille de Jacques de Montbron dont, il eut une fille, Marie. Il mourut âgé de près de quatre-vingts ans.

D JACQUES 1ER (1419-1472)

Jacques de Pons 1er avait à peu près quatorze ans à la mort de son père. Par testament, du 20 septembre 1419, Renaud VI avait confié la tutelle de son fils à Georges de la Trémouille, son beau-frère.

« A toux ceulx .. savoir faisons que, comme Dieu par sa grâce nous avet donné ung seul filz nommé Jacques de Pons, né procréé de nous et de notre feue très chière et tres amee compaigne Margarite de la Trémouille dont Dieu aict l'arme, estang nostre dict filz en minorité et en bas eâge de six ans ou environ. Et, pour ce, nous qui sommes sexagénaire… désirans de tout nostre cuer, amprès nostre décès, nostre dict filz estre traictié, gardé et gouverné notablement et féablement… considérans que notre très chier et très ami seigneur et frère le seigneur de la Trémouille, frère gerrmain de notre feue compagne... est… après nous son plus prochain parent... avons volu et ordonné... notre frère tuteur... ».

Jacques suivit le parti du roi comme ses aïeux. Ce ne fut pas, toutefois, sans traverses et, avant d'arriver aux honneurs que lui accorda Louis XI, il connut des difficultés sous le règne de Charles VII. Il avait du tenir maintes fois la campagne et entretenir des troupes sans recevoir aucun subside, et il avait un peu trop vécu sur le pays et « aucunes fois ont par lui et ses gens esté prinses églises, boutez feu, meurtri gens, forcé femmes… » Ses ennemis le lui reprochèrent et il fut même accusé du crime de lèse-majesté et emprisonné, cependant qu'un arrêt de confiscation de ses biens était pris le 14 juillet 1445. Il fit appel à la justice du roi, lui énumérant ses états de service, lui citant ses nombreuses rencontres avec les Anglais, «  sitôt qu'il peust porter harnoiz », lui rappelant le dommage qu'il leur avait fait, qu’il avait été de son sacre, où il était apparu « bien et notablement acompaigné de grand nombre de gens de guerre ». Le roi se laissa toucher et lui pardonna ses fautes, même qu'il se fût évadé de la Conciergerie de son palais à Paris « où il a esté à grand povreté et misère par longtemps... avec son page, secrètement et par nuit, à l'aide d'aucuns ses amis qui, pour ce faire, luy baillèrent eschelemens de cordes et autres engins pertinens... en considération de ses services et de ceux de ses aïeux qui avaient ri dépensé corps, vie et chevance ».

Il se réservait de juger du crime de lèse-majesté.

Jacques rentra donc en possession de ses biens et c'est un nouvel arrêt du 28 juin 1449 qui, en le condamnant au bannissement, rendit définitive la confiscation première. Il se réfugia en Espagne où il put, à l'abri de ses ennemis, préparer sa défense et son retour qui n'eut, cependant, lieu qu'en 1461, à l'avénement de Louis XI.

Ses biens lui furent rendus une seconde fois, Louis XI avait chargé son chambellan Guillaume d'Estuer, chevalier de Saint-Mégrin, d'aller en prendre possession en son nom. Celui-ci partit d'Amboise à cet effet le 6 novembre 1461, arriva le 13 à Pons et opéra, les jours suivants, successivement de seigneurie en seigneurie, Le 26, il arriva à Ribérac.

« Ensuite, dit Guillaume de Saint-Mégrin dans le rapport qu’il fournit au roi de sa mission, nous transportâmes à grand diligence audit lieu de Ribeyrac dont estoit cappitaine ung nommé Petrus de La Place pour et au nom de Monsieur d'Orval et de Mademoiselle sa femme, et y arrivasmes le xxvie jour du moys de novembre au giste. Et le lendemain, bien matin, xxviie dudit moys, pour ce que avons esté advertiz que ledit Petrus ne nous obéyrait point, feismes tant qu'il vint par devers nous auquel feismes faire exposition de notre dicte commission, du vouloir et intencion du roy sur ce, avec commandement exprès, sur peine de désobéissance, de nous obéyr. Mais à tout il différa et reffusa et en parlant, avec luy de ce qui dict est, voyant son dict reffus, feisrnes entrer dedans ladicte place et chastel de Ribérac et icelui prandre de par le roy, nostre dict seigneur, et a ce moyen ledict Petrus demeura hors d'iceluy. Pour lequel chasteau et place de Ribérac avec la chastellenie et seigneurie dudict lieu et la terre de Epeluche régir, garder et gouverner soubz la main du roy nostre dict seigneur y fut par  nous commis et ordonné cappitaine et commissaire le bastard Ardillon, lequel nous fit serment... »[9].

Il convient de noter que tout ce passage du procès-verbal de Saint-Mégrin a été bâtonné. Nous verrons, plus loin, la signification de ce geste.

Sa mission achevée, Saint-Mégrin revint vers le roi à Tours, où il était. Et la rédaction continue :

« Et après mondit rapport a luy ainsi faict, ledict sieur nous dict... qu'il avoit rendu et restitué audit messire Jacques de Pons, qui estoit lors pardevant ledit sieur, toutes et chascune ses terres... »

Jacques de Pons fut chambellan de Louis XI. Il avait reçu au service du roi vingt-cinq blessures et cinq arquebusades. Il mourut probablement en 1472.

Il avait épousé Isabelle de Fois, fille de Gaston de Foix, captal de Buch, vers 1428, qui lui avait porté en dot dix mille cens d'or. Il en eut quatre enfants, dont Guy qui lui succéda.

E — GUY (1472-1484)

Guy de Pons épousa en 1461 Jeanne de Chateauneuf (ou de Castelnau). Cependant, en I459, il avait épousé ou avait été sur le point d’épouser autre Isabelle de Fois et, pour cette union, il lui avait fallu une dispense, en raison du troisième degré de consanguinité par la ligne maternelle, qui lui lut accordée par Pie II, signant à Mantoue, le neuvième jour des calendes d'août 1459.

Jeanne de Castelnau était sœur d'Antoine de Castelnau, baron du Lau, en Armagnac. Louis XI exigea, au moment de son mariage, qu'une partie des biens qu'il restituait à Jacques, son futur beau-père, fût abandonnée à Jeanne pour devenir son propre héritage.

Guy de Pons eut trois enfants : un fils, François; deux filles, Anne et Antoinette, dont l’ainée épousa, le 14 février 1483, Odet d'Aydie, le premier du nom, qui fut comte de Ribérac.

Jeanne de Castelnau vivait encore le 21 décembre 1504, date à laquelle elle est mentionnée dans le testament de son mari, fait au château de Pons, par lequel il ordonne que sa femme « qui a souffert auprès de sa personne innumérables peines et travaulx, tant en mes santés que maladies » soit traitée selon son état. Jeanne avait fait le sien, le 7 novembre 1481, à Sarlat, en l'étude de discrète personne, Jehan Guillaume, notaire royal de ladite cité, située sur la place publique.

Le contrat de mariage d'Anne de Pons et de noble homme Odet d'Aydie, « escuier, seneschal de Carcassonne », fut passé en la ville de Tours, proche la résidence du roi,

« en présence de révérend père en Dieu, messire Jehan de La Salle, evesque de Cozerans, hault et puissant  seigneur Odet d'Aydie, comte de Cominges, messire Antoine de Chasteauneuf, chevalier, seneschal de Beaucaire (oncle de la. mariée), honnorable et saige seigneur Monseigneur Me Jehan Chassaignes, président de la cour du Parlement de Bordeaux, Guillaume de Suplenille, baillif de Montargis, Guyot Gomart seigneur de la Vallée, maîtres Yves Faure, Léonard Gay et François Pastoureau, licenciés es loiz » pardevant les notaires G. de Brosse et, J. Luyllier.

La dot d'Anne de Pons consistait «  pour ce que, de présent, son père, le sire de Pons, n'a que trois enfants de- son loyal mariage... en la tierce partie de toutes et chacunes ses terres rentes et seigneuries qu'il aura au temps de son trépas », réserve faite de la ville, terre, seigneurie et châtellenie de Pons et de la quinte du surplus de ses biens qui devaient revenir à son fils en qualité de chef et aîné, « laquelle part ledit seigneur dores et déjà a donné et donne... Au surplus a été accordé que, durant iceluy mariage, ledit seigneur sera tenu norrir et alimenter ladite demoiselle Anne sa fille, e sa maison. Item a esté dit et approuvé que, en cas que ledit noble Odet d'Aydit vouldroit, durant ledit mariage et vie dudit seigneur, tenir sa maison à part avecques ladite Anne et hors la maison dudit seigneur, ne sera tenu, audit cas, ledit seigneur de la alimenter et nourir, si bon ne luy semble, mais sera tenu bailler... ausdits noble Odet d’Aydie et, damoiselle Anne, par provision, les chasteaux et chastellenies de Creuze et Ailhac qu’il heut à présent, assises en païs de Perigort, avecques toutes leurs appartences... lesquelles sera valoir de rentes annuelles la somme de trois cents livres tournoises pour les percevoir, en joyr et user. Item et après le trespas dudit seigneur lesdites chastellenies demeureront à ladite Anne pour son partage en déduction de la part qui devra appartenir à ladicte Anne... »

Odet d'Aydie se constituait 10.000 écus d'or qu'il devait consacrer à l'acquisition de 500 livres tournoises de rente, « qui sera censé, et repputé héritage dudit noble Odet... »

On a écrit qu'Anne de Pons avait apporté à son mari la seigneurie de Ribérac. C'est une erreur. On ne voit rien de tel figurer dans son contrat de mariage. Et la raison pour laquelle la seigneurie de Ribérac n'échut pas à Odet d'Aydie du chef de sa femme est péremptoire : la seigneurie de Ribérac, depuis près de quarante ans, avait cessé d'être de la maison de Pons et, pour lors, appartenait à la maison d'Albret. Jacques de Pons l'avait vendue, le 6 janvier 1445, pour la somme de 2.000 écus d'or, à Jean de Bretagne, comte de Périgord[10], par contrat en bonne et due forme reçu par Mes Guillou Pedepaulin et Jean Roqueron, notaires à Sarlat[11].

Ainsi s’explique-t-on que tout le passage concernant Ribérac, dans le procès-verbal de main mise au nom du roi sur les anciens biens de Pons, par le chambellan de Saint-Mégrin, soit bâtonné dans la pièce originale du chartrier de Pons. L'opération de Saint-Mégrin dut être, après coup, considérée comme illégale et annulée. Et c'est, sans doute, une discrète allusion a cette vente et aux motifs qui durent la nécessiter que ces quelques mots, plus haut cités, de Chartes VII pardonnant à Jacques en considération des services rendus à la couronne par lui et les siens, qui ont dépensé corps, vie et chevance.

Odet d'Aydie reçut la seigneurie de Ribérac par donation pure et simple du roi de Navarre, postérieurement à son contrat de mariage, le 20 juillet 1484.

 

Emile Dusolier.

(A suivre)



[1] Bien qu'une histoire d'ensemble des seigneurs de Ribérac n’ait pas encore été écrite, ce travail ne saurait prétendre à être complétement inédit. L’auteur tient à signaler les documents imprimés qui ont été ses sources : en premier lieu le chartrier de Pons (tome XXI des Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, publié par G. Musset, 1892) ; ensuite les pages que Léon Dessalles a consacrées à Ribérac (Echo de Vésone, 1865 : 21-25 juillet). Enfin il a eu recours avec fruit aux Généalogies périgourdines (chapitre d’Aydie) du comte de Saint-Saud, quand ses notes défaillantes exigeaient un contrôle ou un supplément de recherches que son éloignement des Archives départementales de la Dordogne rendait trop souvent difficiles.

[2] Du même auteur : Le prieuré du Chalard de Ribérac, dans le Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord (1922).

[3] Voici comment, d'après le comte de Saint-Saud, dans Généalogies périgourdines (seconde série), s’établirait la chronologie des seigneurs de Ribérac, après Archambaud.

Son fils Raymond lui succéda. Du mariage de ce dernier avec Hélix de Castelnau, serait née une fille, Raymonde, dame de Ribérac et de Montpon, châtellenies qu’elle apporta en dot à Hélie V Talleyrand, comte de Périgord, par son mariage en 1167. De ce mariage provinrent Hélie, qui succéda, et Archambaud Talleyrand, vicomte de Ribérac, mort sans postérité vers 1212.

Hélie épousa Marguerite de Limoges après 1203 et avant 1211.

Ici on est en présence d’une courte lacune ; puis on arrive à Elie Rudel, fils d'autre Elie et de Géraude de Gensac, qui épousa Hélix de Turenne. C'est de cette union que naquit Marguerite de Bergerac que d'autres textes disent encore de Turenne.

[4] Chartrier de Pons.

[5] Isabelle était la fille ainée de Henri II, comte de Rodez et de Marquise de Baux. Elle reçut en dot 4.000 livres de tournois noirs, et, à la mort de son père en 1303, par testament de ce dernier, la vicomté de Carlat en Auvergne, et d’autres terres, voisines de la rivière de la Troveyre ; mais, en sa qualité d’ainée elle prétendait à la possession du comté de Rodez et entra dans un long procès avec sa sœur Cécile, issue d’un second lit, femme de Bernard VI, comte d’Armagnac.

[6] Guillaume Flotte, sieur de Revel, sénéchal de Toulouse, plus haut mentionné. Revel, chef-lieu de canton de la Haute-Garonne, fut créé en 1332, sur l'ordre de Philippe VI de Valois, par Guillaume Flotte qui lui donna le nom de sa seigneurie de Revel, près Domène en Dauphiné.

[7] On voit que le dauphin lui-même croyait que Renaud V était mort sur le champ de bataille.

[8] Par contrat du 8 novembre 1365 passé au château de Montignac, Archambaud avait promis à sa soeur 15600 nobles en or d'Aquitaine « quorum quadraginta quinque valeant et equipollant unum marcham boni et puri auri » (Chartrier de Pons).

Il est vrai qu’à sa mort il devait encore 7000 nobles pour lesquels Renaud était dans l'obligation de faire opposition « aulx crieurs des biens du comte ». Inventaire du Trésor de la maison du consulat de Périgueux, publié par le chanoine J. Roux, président de la Société historique et archéologique du Périgord. Périgueux, 1934.

[9] Chartrier de Pons.

[10] Après Jean de Bretagne, Guillaume, qui lui accorda, laissa, à sa mort, une fille unique, Françoise, qui épousa Alain d'Albret.

[11] Arch. dep. de la Gironde : C. 4144 f° 100.

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