Extrait des Mémoires de l’Académie des
Sciences et Lettres de Montpellier, section des Lettres, 1900-1907, pages
279-472.
par A. Vigié
TABLE DES MATIÈRES
Pages
CHAPITRE PREMIER
LES
BASTIDES DU PÉRIGORD 279
§
I. DES PRINCIPALES BASTIDES FONDEES EN PERIGORD 286
a) Villefranche du Périgord 287
b) Beaumont 306
c) Molières 321
d) Montpazier 330
e) Courtes notices sur les autres bastides du Périgord 337
I. Bastide d'Eymet 337
II. Bastides de Castelréal et de Dome 338
III. Bastide de Puyguilhem 340
IV. Bastide de Fonroque 342
V. Bastides de Beaulieu et de Villefranche 342
VI. Bastide de Beauregard 344
VII. Bastide de Sourzac, plus tard St-Louis 349
VIII. Bastide de Lisle en Périgord 353
IX. Bastides fondées par le comte de Périgord 354
§
II. Administration des Bastides 355
CHAPITRE II
CHARTES
ET PRIVILEGES DES BASTIDES 368
I.
Garanties politiques 391
II.
Liberté civile 392
III.
- Organisation municipale des bastides 401
IV.
Juridictions : Droit civil et Droit criminel 415
A. Juridictions 415
a) Juridictions des seigneurs locaux 416
b) Juridictions municipales, juridictions relevant
du fondateur de la bastide 417
c) Sénéchaux 422
§ 1. Sénéchaux, juges de 1re instance 426
§ 2. Sénéchaux, juges d'appel 427
§ 3. Appel au seigneur suzerain de la Bastide 430
B. Droit criminel des Bastides 440
a) Coups et blessures 444
b) Paroles injurieuses et outrageantes 445
c) Adultère 446
d) Menaces avec armes tranchantes 447
e) Vols et rapines. Dommages aux champs 447
C.Procédure civile, organisation du Notariat 455
D. Foires et marchés 459
V.
Fours, Boulangeries 464
VI.
Service militaire 468
LES BASTIDES DU PÉRIGORD
Par M. VIGIE
Les bastides sont des
villes fondées généralement sur un terrain désert ou formant une propriété
rurale, dans lesquelles on essaya d'attirer les hommes des seigneuries
voisines, et d'y retenir la population, au moyen soit de libertés politiques,
soit de franchises civiles.
La prospérité de ces
établissements démontra le mérite et la valeur de cette organisation; aussi
vit-on, en divers points du pays, s'élever d'importantes agglomérations
urbaines, en même temps que des formations urbaines anciennes accepter et
solliciter le régime et la constitution des bastides.
C'est principalement
pendant la durée du XIIe au XIVe siècle que ces
établissements se multiplièrent dans le sud-ouest de la France.
La révolution communale fut
un événement social; elle fut, comme la féodalité, un phénomène indépendant
quant à son essence, des races, des langues et des frontières. La commune,
comme les autres formes de l'émancipation populaire naquit, en France, comme
dans les autres pays, du besoin qu'avaient les habitants des villes et des
campagnes de substituer l'exploitation limitée et réglée à l'exploitation
arbitraire dont ils étaient les victimes, « La révolution communale n'a été
qu'un des aspects du vaste mouvement de réaction sociale et politique
qu'engendrèrent partout, du XIe au XIVe siècle, les excès
du régime féodal (1). »
(1) Ach. Luchaire: Les
communes françaises à l'époque des Capétiens directs, Paris 1890.
p. 280 (2)
La fondation des bastides
fut une des formes de la révolution communale; mais il s'y rattache des
considérations accessoires qui donnent à ce phénomène une physionomie
particulière.
Suivant l’opinion
généralement acceptée (1), la fondation des bastides se lie par son origine aux
immunités accordées par les rois carolingiens aux grands monastères; elles
permirent à ces derniers, pour l’exploitalion de leurs immenses domaines, les
fondations de centres de population nombreux, sous les dénominations de Sauvetat, la Salvetat, Saint..., Moutier,
etc.
Les seigneurs ne tardèrent
pas à suivre l'exemple que leur donnaient les monastères et ouvrirent dans
leurs domaines de nombreux lieux d'asiles. Le duc d'Aquitaine, les comtes de
Toulouse, de Foix, de Bigorre, de Périgord et leurs vassaux pratiquèrent ces
fondations dont les noms caractéristiques rappellent l'origine.
Sans avoir à étudier, dans
son ensemble, ce système de fondation de villes nouvelles, constatons seulement
que le comte de Toulouse, Raymond VII, avait établi dans ses états un très
grand nombre de villes neuves; Alfonse de Poitiers, successeur de Raymond VII,
fit de cet usage une véritable institution et entoura ses états d'une ceinture
de villes neuves, où venaient affluer les mécontents des seigneuries voisines,
elles formèrent des points d'appui très importants de son autorité. Aussi ne
devons-nous pas nous étonner de voir ces fondations se multiplier sur la
frontière anglo-française, en Agennais, à l’entrée du Périgord et en Quercy.
Les rois de France et,
d'Angleterre suivirent ces exemples; et, pour assurer leur autorité, les uns et
les autres fondèrent, à la frontière de leurs possessions, des centres
importants, lieux privilégiés, soumis à un régime très libéral et points
d'appui
(1) Molinier: Notes sur
l'Histoire du Languedoc (nouv. édition Privat), t. VII, p. 559. A. Giry:
Biblioth. de l'Ecole des Chartes, t. XLII (1881), p 451, et Curie Simbres:
Essai sur les villes fondées dans le sud-ouest de la France aux XIIIe
et XIVe siècles sous le nom générique de bastides, etc. (Toulouse,
1880).
p. 281 (3)
de leur influence. Là
trouvèrent leur origine des villes aujourd'hui importantes; nous voudrions,
pour le Périgord principalement, étudier ces fondations de bastides ou villes
neuves, sans cependant nous interdire absolument de faire quelque incursion
dans les territoires voisins.
Le Périgord doit à Alfonse
de Poitiers les fondations de Villefranche
du Périgord (antérieurement Villefranche
de Belvès), d'Eymet et de Sainte-Foy-la-Grande (1).
Aux rois d'Angleterre, les
fondations de Lalinde, de Beaumont du Périgord, de Molières, de Montpazier, de Beauregard,
aux rois de France, de Dome et de la
bastide de Saint-Louis; au comte de
Périgord, celle de Bénevent, pour ne
parler que des plus importantes.
Les fondateurs des bastides
trouvaient de grands avantages dans ces établissements; par là, ils
augmentaient leurs revenus, peuplaient leurs domaines, créaient de nouvelles
villes, qui faisaient concurrence aux villes plus anciennes, et attiraient à
elles un mouvement commercial considérable; enfin, pour les grands feudataires
(Alfonse de Poitiers, par exemple),
pour les rois de France et d'Angleterre, toujours préparant la guerre ou se la
faisant, ils réalisaient par ce procédé, à leurs frontières, rétablissement
d'une ligne de places fortes, villes de liberté, qui attiraient à elles les
populations mécontentes des pays limitrophes, et qui, la guerre venue, étaient
des postes avancés pour l'attaque, des boulevards pour la défense.
Si ces fondations de villes
réussirent d'une façon si complète, elles le durent à un ensemble de
circonstances qu'il faut indiquer. Le régime féodal, dans la pratique, avait
amené de grands excès; beaucoup de seigneurs se permettaient vis-à-vis des
populations rurales de nombreux abus d'autorité: les paysans qui « travaillent
pour tous, dit Geoffroy de Troyes, qui se fatiguent dans tous les temps, par
toutes les saisons,
(1) Nous rattachons
Sainte-Foy au Périgord, bien qu'au Moyen-Age cette localité fût du diocèse
d'Agen et fasse actuellement partie du départemeut de la Gironde.
p. 282 (4)
qui se livrent à des œuvres
serviles, dédaignées par leurs maîtres, sont incessamment accablés, et cela,
pour suffire à la vie, aux vêtements, aux frivolités des autres..., (les nobles
et le clergé), on les poursuit par l'incendie, par la rapine, par le glaive; on
les jette dans les prisons et dans les fers, puis on les contraint de se
racheter, ou bien on les tue violemment par la faim, ou on livre à tous les
genres de supplices... les pauvres crient, les veuves pleurent, les orphelins
gémissent, les suppliciés répandent leur sang (1) ».
En supposant même que ces
violences fussent l'exception, il y avait à cette époque une grande partie de
la population, les serfs questaux, dont la condition était des plus précaires:
la publication de nombreux documents relatifs à cette catégorie de serfs permet
de se rendre compte de sa condition misérable (2).
Les serfs questaux, eux et
leurs enfants, attachés au sol à cultiver, accablés de redevances, exposés à
être renvoyés du domaine, ne jouissaient d'aucune liberté civile, ni pour eux,
ni pour leur famille; ils étaient sous la volonté arbitraire de leur seigneur,
obligés d'obtenir de celui-ci, en les payant à chers deniers, les autorisations
nécessaires pour les actes de la vie civile, mariage de leurs enfants, entrée
dans les ordres, etc. (3).
Aussi s'explique-t-on le
double courant qu'entraînait toute
(1) L'abbé d'Ougny, Pierre
le Vénérable, écrit dans sa lettre 51-28: Patet quippe invitis, qualiter
seculares domini rusticis servis et ancillis dominentur — praeter solitos
census ter et quater in anno, vel quoties volunt, bona ipsorum diripiunt,
innumeris serviciis affligunt, onera gravia et importabilia imponunt, unde
pleiumque eos etiam solum propium relinquere et ad peregrinos fugere cogunt.
(2) Parmi les nombreux
documents publiés, citons les reconnaissances faites à titre de serf questal et
rapportées dans les Archives historiques de la Gironde, t. I, p. 66 (15 mai
1372), Comp. t. 1, p. 70, n° XXXIV, 24 août 1384; XXXV, 25 octobre 1337; XXXVI,
4 mai 1389, p. 80, et passim autres volumes.
(3) Comp. Les Bastilles
Landaises (Revue des questions historiques, 1901 p. 456 et suivantes) et les
documents y cités sur les serfe questaux (page 480, note 12).
p. 283 (5)
fondation d'une bastide ou
ville nouvelle; là venaient affluer les mécontents des seigneuries voisines,
avides d'un régime libéral, et contre toute fondation nouvelle protestaient les
seigneurs dont les terres se dépeuplaient.
A toutes les époques, et à
chaque fondation de bastide, il en avait été ainsi. Nous avons présent à la
mémoire les entraves qu'apportait l'evêque de Rodez aux fondations de bastides
faites par Alfonse de Poitiers (1), et le règlement qui fut provoqué par ce
prince, et fait conformément aux décisions de l'assemblée des consuls et
notables d'Agen (2). L'histoire nous a conservé les plaintes que provoquait, de
la part des seigneurs voisins, la fondation d'une ville nouvelle (3).
De même le roi d'Angleterre
se faisait un grief contre le comte de Périgord de la fondation des bastides et
de la diminution des droits qui en était le résultat (4) et, en sens inverse,
les seigneurs se plaignaient auprès du roi d'Angleterre de ce que leurs
tenanciers se retiraient dans les bastides anglaises,
(1) Plainte adressée à
Alfonse de Poitiers par Gui de Séverac, contre Vivien évêque de Rodez (Histoire
du Languedoc (éd. Privat), t. VIII (no CCCXXXVII, 487). «... Après
Sire, je vos faz saver que cum vos gens feisent une ville novelle, qui a num
Villefranche et voltre terre domine près de Najac, e mout de [gens] ce
eberiacent e preissent places por feire maison, le aveque escomenia les
habitants de celui lou et maudit le Lou et les habitants, dont moulte gens se
trairent areires et s'en alèrent, nins de ceux qui avoient lors maisons faites,
don vous avez moult grant damage ... »
(2) Ordonnance des
enquêteurs envoyés par Alfonse dans l'Agenats et le Quercy en 1252 (Histoire du
Languedoc (éd. Privat), t. VII, p. 419 à 424. Il fut posé en principe que le
sénéchal ne pourrait décider la fondation d'une nouvelle bastide, que sur un
mandat spécial du comte (b. a.) et des règles furent fixées sur l'admission des
hommes dépendant d'autres seigneurs, en garantie des droits de ces derniers
(b).
(3) Voir relativement à la
bastide de Briateste, en Albigeois, les plaintes des seigneurs (Histoire du
Languedoc (éd. Privat), t. IX, p. 127, note 1).
(4) Au nombre des plaintes
que le roi d'Angleterre formule contre le comte de Périgord, nous voyons,
d'après la traduction de Dessales: « ... Il (le comte de Périgord) suscite
toute espèce d'embarras au roi, au sujet du commun, et fait tous ses efforts
pour que les habitants de la bastille de Bénevent et ceux d'une autre bastille
qu'il vient de construire à Vergn, ne le payent pas, veillant à ce que les
sujets qui doivent, ce tribut se retirent dans ces bastilles et même dans le
château de Roussille, au moment où il faut l'acquitter, et retournent chez eux
quand la levée est achevée... » L. Dessales, Histoire du Périgord, t. II, p 49
et 50. Arch de Pau, 3° inv prép. P. et L, 1. 474, n° 24.
p. 284 (6)
au préjudice de leurs
droits (1) et, soit collectivement soit individuellement, ils prenaient des
garanties contre les fondations de bastide dans leurs domaines (2).
Quoi qu'il en soit de ces
difficultés, il n'en est pas moins certain que ces fondations réussirent
admirablement; les populations se pressèrent d'accourir dans ces villes. Et
bientôt celles-ci jouèrent un rôle dans les affaires publiques; la prospérité
de beaucoup s'est maintenue et ainsi doivent leur origine à ces anciennes
bastides un grand nombre de chefs-lieux d'arrondissement et de canton.
A quoi était dû ce succès?
Au régime profondément libéral qui leur avait été accordé: là, en effet, se
rencontraient; à côté d'une organisation municipale bien comprise, pour tous
les
(1) Rôles gascons, t. II,
n° 1664 (a. 1289). Le roi fait allusion à la plainte de Bernard de Mouleydier,
Dominus Castri de Monte Claro (Montclar, cant. de Villamblard), relativement à ses
serfs questaux que l'on avait acceptés comme membres des bastides de Beauregard
et de Molières (et homines bastide de Belloregardo et de Molieres homines suos
questales receperint) et dont il réclame la restitution pour lui et pour ses
vassaux. Le roi ordonne qu'il soit fait droit à cette demande, « unde vobis
mandamus ut dictos homines questales ad voluntatem in bastidis predictis recipi
minime permutatis; et, si qui de novo recepti fuerint, secundum tenorem statuti
nostri seu tenencium locum nostrum super hoc editi, faciatis eos a dictis
bastidis expelli. »
(2) Voir le règlement fait
pour la Gascogne, en faveur des barons, par les commissaires d'Edouard Ier
(10 sept 1278, Livre des coutumes de Bordeaux, n° XCV, p. 570). Comp. R. G, t.
II, n° 1053.
« ... Volumus et concedimus
eisdem baronibus, militibus et aliis subditis suis, vice et nomine dicti nomini
nostri Regis, quod bastide nobe non fiant in locis propriis vel in quibus
eumdem Baronibus Barones vel eorum subditi cistam justitiam habere noscuntur sine
voluntate illorum, etc., etc. Item, quod homines predictorum baronum suorum
conquestales in bastidis domini nostri Regis predicto de cetero non recipiantur
sine predictorum dominorum concenssu... etc., etc. C'est probablement le
règlement auquel il est fait allusion dans la note précédente. Beaucoup de
vassaux stipulaient du suzerain que celui-ci ne fonderait pas de bastide dans
leurs domaines.
p. 285 (7)
habitants de la bastide,
une liberté civile complète, quant à leurs personnes, à leur famille et à leur
propriété; un régime protecteur pour le commerce et les commerçants; la
suppression des entraves à la circulation des marchandises; la liberté
individuelle protégée; les délits clairement indiqués; les peines adoucies et
déterminées; des sauvegardes nombreuses contre les abus des autorités
municipales et seigneuriales.
§1. DES PRINCIPALES BASTIDES
FONDEES EN PERIGORD
a) Villefranche du Périgord.
b) Beaumont. c) Molières. d) Montpazier. e) Courtes notices sur les autres
bastides.
Nous avons en vue d'étudier
les principales bastides fondées en Périgord. Leur histoire n’est pas inédite,
car les faits qui les intéressent ont été relevés avec soin par le
consciencieux M. Léon Dessales, dans son Histoire
du Périgord (1).
Mais peut-être
trouvera-t-on quelque intérêt à rencontrer groupés, sous une même rubrique, les
faits relatifs à chacune d'elles. En outre, leur histoire est surtout
intéressante jusqu'à la fin de la guerre de Cent Ans. Ce sera la limite extrême
à notre récit.
Si cette étude ne comprend
que les bastides mentionnées dans la rubrique, le motif en est qu'elles forment
un groupe situé dans la même région, présentant une histoire à peu près
identique; il eût été possible d'y joindre Lalinde, si son histoire n'avait été
déjà présentée, et d'une manière très complète par M. l'abbé Goustat, dans le Bulletin de la Société historique et
archéologique du Périgord (2).
L'auteur complétera le
paragraphe 1 en ajoutant de courtes notices sur les autres bastides
périgourdines.
(1) Ouvrage édité après sa
mort par son ami M. Georges Escande. Périgueux, Delage et Jougla, 1885, 3 vol.,
t. II, passim
(2) T. X.
Villefranche du Périgord
est le chef-lieu d'un canton qu'il faut placer parmi les moins importants du
département de la Dordogne; son histoire présente un certain intérêt et, malgré
la perte complète de ses archives, soit au moment de la Révolution, soit plus
anciennement, pendant la guerre avec les Anglais, ou pendant les guerres de
religion, les points principaux de cette histoire peuvent être fixés avec un
absolu degré de certitude.
Origine de la Villefranche. (1) — Villefranche est une bastille ou bastide, dont
la fondation remonte à 1261; elle doit son existence au frère de saint Louis,
Alfonse de Poitiers. Ce prince eut, comme dépendances du Comté de Toulouse,
d'assez nombreuses possessions dans le territoire qui, au sud du Quercy,
s'étend entre la Dordogne et le Lot: ainsi, en 1259, la paroisse de
Saint-Étienne-des-Landes figure au nombre des fiefs appartenant au comte (2).
Ce prince avait aussi des
fiefs dans les paroisses voisines et notamment dans les paroisses de Besse,
Loubejac, Viel-Sieurac et Saint-Cernin.
En 1260, B. de Pestilhac
détenait, comme vassal d'Alfonse, des terres dans la paroisse de Viel-Sieurac,
dans le territoire de laquelle allait bientôt être fondée la bastide de
Villefranche (3); fait que rappelle un document important, conservé par Doat,
et tiré des archives de Rodez (4).
(1) L. Dessales, t. II, p.
14, Hist. du Périgord.
(2) 1259 Sanci-Steph. de
Landis figure au livre des fiefs du comte Alfonse (Archiv. nat. J. J., 11, fol.
93 v°) [dans un document que nous aurons bientôt à citer, de l'année 1287,
cette paroisse sera désignée sous le nom de Parrochia Sancti Stephani de
Paliis].
(3) Voir le numéro 11646,
fonds français à la Bibliothèque nationale (ancien S. Fr., 54016).
(4) Doat, vol. 74, fol, 91
à 94: Item bastidam de Villa francha, in introitu Petragoricensis; locum habuit
ex dono, valentem per annum ducentas libras Turonensium vel circa. Rodez,
archives du roy: Mémoire des acquisitions faites par Alfonse, comte de Toulouse
et de Poitiers.
p. 288 (10)
La fondation de
Villefranche fut faite en 1261, au nom du comte Alfonse, par Pons Maynard et
Denys de la Haye le François, lieutenants et procureurs fondés de Guillaume de
Bagnols [Baniols ou Banhols] chevallier, sénéchal d'Agennais et de Quercy, pour
ledit comte. Les procureurs agissaient du « voulloir et prières des barons,
chevaliers, donzels ou écuyers et des recteurs des églises..., ayant terres aux
environs de Villefranche. » La procuration donnée par le sénéchal rappelle les
circonstances de la fondation: « Nous vous mandons et commandons de la part
dudit seigneur conte et seigneur que vous vous transportiez en personne à
l'église de la bien heureuse Notre Dame de Viel-Scieurac au dieucèze de
Périgort et que illec faciez construire une bastille ou villefranche en la
terre et lieu qui vous sera demonstré par notre donzel B. de Pestilhac et au
lieu qu'il vous assignera, en touct au nom dudit seigneur conte, au phieuf que
ledit de Pestilhac tenoit dudit comte près de ladite églize de Notre-Dame de
Viel-Scieurac, vous donnant et concédant plaine et libre puissance que
assigniez et fassiez donner des coustumes et statuts aux habitants de ladite
bastille estant toutes fois à l'honneur et utilité dudit seigneur conte et
habitants de ladite bastille... (1) »
Les documents relatifs à
cette fondation nous ont été conservés par une traduction française, due aux
maîtres Vitalis et de Monméja, notaires royaux à Villefranche, dressée en juin
1598 sur les documents originaux en latin: ceux-ci ne sont pas parvenus jusqu'à
nous. Mais cette traduction a été dressée à la requête des consuls de
Villefranche (2) et sur des documents faisant alors partie des archives de la
ville: on doit avoir en elle une pleine confiance.
(1) Fonds Français, n°
11.646 (Bibli. nat.).
(2) Jean Monméja, François
Bizet, Jehan Faure, François Lavaur, Jehan du Pech et François Boscaman (F. F,
n° 11846. Bibl. Nat.)
p. 289 (11)
Toute fondation de bastide
comportait, en premier lieu, la détermination du territoire de la bastide ou
fixation des Dex; en second lieu, l'attribution d'emplacements à bâtir dans
l'enceinte de la bastide; en troisième lieu enfin, la fixation et détermination
des règles suivant lesquelles devait vivre et fonctionner la nouvelle
agglomération, règles de droit public et de droit privé, de grande importance
pour les nouveaux habitants.
Ainsi on procéda pour
Villefranche: « Et ont estably et ordonné par lesdictes coutumes que par tout
temps aye Dex en Villefranche, lequel Dex sera cestuy cy:
Savoir toucte la paroisse
de Notre-Dame Saincte-Marie de Viel-Scieurac et toute la paroisse de l'église
Saint-Pierre de Loubejac, excepté la bourdarie de la Vejarie en laquelle est la
tourn et l'hospital de Loubejac, et que soit dans lesdits Dex toucte la
paroisse de Sainct-Cernin près de Villefranche (1). »
Ainsi trois paroisses, à
l'origine, furent comprises dans les Dex de Villefranche: Viel Scieurac,
Loubejac et Saint-Cernin.
Mais d'un autre passage des
libertés et coutumes de 1261, on peut induire que les pouvoirs des agents de la
bastide durent bientôt s'étendre sur d'autres territoires, qui étaient placés
sous l'autorité des mêmes coutumes et formaient des dépendances du comté de
Toulouse. « Et pource que notre seigneur le comte n'avoit terres
desquelle luy appartint la propriété, es environs de la bastille de
Villefranche, ny en ces dites trois paroisses de Viel-Scieurac, ny de Lobejac,
ny de Bessa, ny de Sainct-Estienne de Las Landes, ny de Sainct-Serninq, combien
que lesdites terres feussent de luy tenues en phieuf pour raison de la comté de
Poytiers et de la comté deThoIouze... » et ainsi les paroisses de Besse et de
Saint-Etienne de Las Landes, tenues en fief d'Alfonse, furent tout
naturellement rattachées à la bastide, dont elles firent partie dans la suite.
(1) Fonds Français, n°
11646, folio 7 in fine et folio 8 in pr.
p. 290 (12)
Il en dut être de même pour
d'autres territoires voisins dont le comte Alfonse était le seigneur: ce qui
s'appliquerait aux paroisses de Prats de
Belvès et de la Trape qui furent,
pendant les temps modernes, rattachées à la bastide de Villefranche; mais leurs
baillies figurent, en 1285, dans un état de revenus donnés à Alfonse de
Poitiers par son frère Louis IX, en Périgord; et restent jusqu'au XIVe
siècle hors la châtellenie (1).
Quoi qu'il en soit, le roi
de France ayant succédé à Alfonse de Poitiers, la bastide de Villefranche, en
1287, fut attribuée au roi d'Angleterre, à suite de l'assignation de 758 livres
(en déduction des 3000 promises) faite par Raymond, duc de Bourgogne,
chambellan du roy, et par Raymond, seigneur d'Orgel, connétable de France, en
exécution des lettres de Philippe le Bel.
Ce document nous renseigne
sur les développements de la bastide de Villefranche depuis sa fondation; en
1287, au moment de l'assignation au roi d'Angleterre, la bastide de
Villefranche comprenait la paroisse de Viel-Scieurac dans laquelle la bastide
avait été construite, la paroisse de Loubejac, dans la partie qui s'étend vers
Villefranche à partir du chemin allant de Fumel vers Cazals, la paroisse de
Saint-Etienne des Landes, à partir du ruisseau Coste vers la Bastide de
Villefranche la paroisse de Saint-Cernin de l'Herm, la paroisse de Mazeyroles
(2); toutes ces paroisses formaient des dépendances de Villefranche, et
étaient, avec celle-ci, comprises dans l'assignation
(1) Compte des années 1363
et suivantes (J. Delpit, collection des documents français qui se trouvent en
Angleterre, t. I, n° CCXXIII, n° 586; et comptes du fouage de 1365 (fonds
Perigord, n° 88).
(2) Cette assignation au
roi d'Angleterre, notamment pour Mazeyroles, n'alla pas pas sans difficulté,
car dans les Olim, t. II, p. 47, il est dit que cette assignation, au profit du
roi d'Angleterre, pour Mazeyroles et autres lieux de cette paroisse, devait
être révoquée comme s'appliquant à des localités privilégiées dont l'aliénation
ne pouvait être faite par le Roi de France et qu'en conséquence une assignation
nouvelle en autres lieux serait faite au profit du roi d’Angleterre.
p. 291 (13)
au roi d'Angleterre avec
les haute et basse justices de ces paroisses (1).
En outre, ce même document
nous fournit des renseignements sur d'autres paroisses voisines de
Villefranche, et qui, dans la suite, feront partie de son territoire, et qui
étaient comprises dans l'assignation au profit du roi d'Angleterre.
Les paroisses de La Trape
et de Prats (de Belvès) formaient l'objet d'un débat entre le roi de France et
l'archevêque de Bordeaux; celui-ci, seigneur suzerain de Belvès, prétendait sur
ces paroisses la haute et basse justice. Le roi de France, de son côté, y
prétendait des droits de suzeraineté, probablement comme successeur d'Alfonse
de Poitiers. Dans tous les cas, ces paroisses étaient comprises dans
l'assignation, et si les droits du roi de France étaient reconnus, l'Anglais y
recevrait la haute et basse justice; et si le roi succombait dans ses
prétentions, on donnerait au roi d’Angleterre une compensation convenable (2).
Sur les paroisses de Lavaur
et de Besse, le roi de France cédait le ressort au roi d'Angleterre, et s'il ne
pouvait lui en assurer la jouissance il lui fournirait une compensation (3).
(1) D'après la copie de
Doat, t. CXX, p. 176: «... Concessimus et assignavimus.... Item bastidam Villae
franchae sitam in Petragoricensi diocesi cum pertinentiis suis Videlicet
parrochiam de Syoraco, in qua est sita dicta villa, Parrochiam de Lobejaco quae
est ab itinere citra per quod itur de Fumello versus Cazals in quantum se
extendit versus dictam bastidam, parrochiam Sancti Stephani de Paliis a rivo
Coste citra versus dictam bastidam, parrochiam Sancti Saturnini de Heremo,
parrochiam de Mazerolis cum justitia alta et bassa earumdem
parrochiarum... »
(2) Voir l’Histoire de la
châtellenie de Belvès, par A. Vigié, p. 60 et suiv. « Parrochiam de Trapis
(La Trape) et de Pratis (Prats de Belvès) sunt in manu domini regis tanquam
superioris propter discordiam quae est supra jurisdictionem altam et bassam
dictarum parrochiarum inter Dominum Regem et archiepiscopum Burdigalensem et
debent tradi regi Angliae, si dorninus rex obtinuit jus in dicta causa,
alioquin de alta et bassa justitia dictarum duarum parrochiarum fiet Regi
angliae competens emenda. » (Assign. de 758 livres. Doat, loc. cit.)
(3) « Item pro parrochiis
de Vaoro [ou Vauro, Lavaur] et de Bessa [Besse] et earum pertinentiis debemus
facere emendam regi Angliae pro ressorto, nisi
ressortum tradere possimus. » (Doat, loc. cit.)
p. 292 (14)
Enfin, d'après ce même
document, les bayles de Villefranche, probablement par usurpation, exerçaient
le droit de saisie à l’encontre de personnes originaires de paroisses voisines,
en exécution de conventions conclues par elles à Villefranche; ils avaient
compétence pour connaître des actions en justice exercées à cette occasion;
cette pratique sera maintenue, mais pour les voies d'exécution sur les biens,
les bayles devront en référer aux seigneurs de ces localités (1).
Ainsi les officiers de la
bastide de Villefranche étendaient, à cette époque et dans une certaine mesure,
leur autorité sur des paroisses comprises, quelques-unes au moins, dans la
châtellenie de Belvès et qui, à toutes les époques, ont fait partie de cette
dernière (2).
Les droits conférés au roi
d'Angleterre sur Villefranche et ses dépendances, en l287, furent pour les
Anglais la justification d'un établissement à Villefranche.
Ils en étendirent
l’importance comme le prouve un document intéressant, à la date de 1289 (3).
(1) Item in parrochiis de Franchinetto
(Frayssinet le Gélat, com. canton de Casals) et de Aigua sparsa (Aigueparse, sect.
de la comm. de Fontenilles, canton de Villefranche du Périgord) de Salis
Leydaco (Salles de Belvès, comm. canton et châtell. de Belvès); de font Guala
(Fongalop, comm. canton et châtell. de Belvès); de Sancta Fide (Sainte Foy de
Belvès, canton de Belvès et paroisse de la châtellenie) de Orlhiaco (Orliac,
paroisse de la chât. de Belvès, aujourd'hui canton de Villefranche du Périgord)
et de Doyssaco (Doissac, comm. de la chât. et du canton de Belvès) usi fuerunt
bajuli, qui fuerunt bajuli dictae villae franchae, pignorare in locis
praedictis homines commorantes ibidem, ratione contractuum mitorum in dicta
Villafrancha, et consueverunt habere clamores, et, est ordinatum quod bajuli
praedicti habeant clamores et guacgia ex causa praedicta, requirere tamen debent
dominos dictorum locorum pro executione facienda. » (Copie de Doat, loc. cit.)
(2) Voir Histoire de la
châtellenie de Belvès. Bull. de la Soc. histor. et arch du Périgord (ann.
1901).
(3) Rôles Gascons
transcrits et publiés par L. Bémont, dans la collection des Documents inédits
de l’Histoire de France, t. II, n° 1390, année 17e du règne
d'Edouard Ier, roi d'Angleterre.
p. 293 (15)
Villefranche, pour la
sauvegarde des droits du roi d'Angleterre, avait été d'abord placée sous
l'autorité du sénéchal de Gascogne; mais, en 1289, elle fut placée sous la
direction et l’autorité du sénéchal anglais d’Agenais et de Quercy (1): aussi
souvent, à partir de cette époque, cette localité aura la dénomination de Villefranche-d’Agenais.
Pour y défendre ses
intérêts et y exercer ses droits, le roi d'Angleterre y avait installé un bayle
spécial; nous connaissons, pour 1281, Hugo de Montménard, qui resta plusieurs
années à la tête de la baylie, puisque, en 1287, des plaintes se produisirent
contre les procédés de son administration; le roi ordonne d'examiner les griefs
dirigés contre son bayle; d'accorder aux habitants les indemnités jugées
suffisantes et d'avoir en vue, dans toute cette affaire, les droits du roi et
les intérêts des habitants (2).
En réorganisant le territoire,
à suite de l'assignation faite à son profit, le roi d'Angleterre voulut, à
nouveau, fixer l'étendue du territoire et des dépendances de la bastide de
Villefranche, il mentionne comme compris dans ses territoires, district et
juridiction:
La paroisse de l’église de Viel-Sieurac, dans laquelle est située
Villefranche; la paroisse de Loubejac,
dans sa partie ouest, celle qui se trouve vers Villefranche, en deçà du chemin
qui va de Fumel à Cazals; la paroisse de Saint-Caprais-de-Paliis,
à partir de la rivière de la Thèze, dans sa partie vers Villefranche: cette
paroisse fait aujourd'hui partie de Cazals, département du Lot; la paroisse de Saint Cernin de l’Herm; la
paroisse de Mazeyroles; la paroisse
de Saint-Etienne des Landes,
confrontant à la paroisse de Viel-Sieurac et qui était détachée de la baylie de
Cazals (3); et, enfin toutes
(1) R. G., t. II, n° 856.
(2) R. G., t. II, n° 516.
(3) R. G., t II, n° 1390
(22 avril 1289), 17e année du règne d'Edouard Ier: « ...
Item, concedïmus et assignamus in honore et prohonore, districtu et
pertinenciis dicte ville Ffranche, parochiam ecclesie de Veteri Syoraco
(Viel-Sieurac) in qua est sita dicta villa, et parochiam ecclesie de Lobeaco ab
itinere citra per quod itur de Ffumello versus castrum de Casalibus, in quantum
se extendit versus villam Ffrancham, et Parochiam ecclesie sancti Caprasii de
Paliis a rivo Tese citra versus dictam villam, et Parochiam sancti Saturnini de
Heremo et parochiam de Masayreles, et parochiam ecclesie sancti Stephani de
Landis que coheret se cum parochia ecclesie de Veteri Syoraco predicta, quamvis
prius dicta parochia sancti Stephani fuerit de balliva castri de Casalibus
supradicti, et omnia alia loca que per dominum regem Ffrancorum vel gentes suas
nobis reddita fuerunt assignata una cum villa de Villa Ffranca predicta, et que
prius erant de pertinenciis dicte ville, et hec omnia et singula predicta
concedimus quamdiu nostre placuerit voluntati... »
p. 294 (16)
les autres localités
livrées et assignées par le roi de France au roi d'Angleterre, en même temps
que Villefranche, et qui avaient antérieurement fait partie de cette cité:
c'est ici une allusion aux paroisses de Latrape, de Prats de Belvès, de Lavaur
et de Besse et de quelques autres, mentionnées dans l'acte d'assignation de
1287, rapporté plus haut (1).
A partir de ce moment, la
bastide de Villefranche et son territoire se trouvent définitivement
constitués; la volonté des souverains, les chances de la lutte, entre
l'Angleterre et la France (2) pourront à certains moments, en modifier
l'étendue; mais d'une manière générale, Villefranche, tantôt anglaise, tantôt
française, restera avec ses dépendances, telle qu'elle fut constituée au XIIIe
siècle.
La division du pays en
châtellenie au XIVe siècle amena quelques modifications à cette
organisation.
D'après le compte du Fouage
de 1365, nous connaissons la répartition des paroisses par châtellenie et le
nombre de leurs feux; ce fouage fut levé en Périgord par les délégués du roi
d'Angleterre Hélie Bernabe et Helie Prestald; la contribution était de 20
deniers sterlings par feux, sur les paroisses des
(1) Copie Doat, loc. cit.
(2) Comp. l’enquête faite
en 1310, sur les usurpations imputées par le roi d'Angleterre au roi de France
et publiée dans le Bulletin de la Société historique et archéologique du
Périgord, année 1902, p. 211.
(3) Les coutumes de 1357
accordées à Villefranche n'eurent pas à déterminer le territoire de la Bastide,
fixé qu'il était par les documents antérieurs.
p. 295 (17)
diocèses du Périgord, et payable
en quatre termes; ces indications du nombre de feux peuvent servir à déterminer
l’importance de la population, en tenant compte que le feu est la famille, la
maisonnée vivant sous la direction du chef de famille; en comptant pour chaque
famille le père, la mère, un ascendant du second degré, deux ou trois enfants,
un serviteur, on arrive à, multiplier le nombre de feux par six ou sept et on
ne doit pas être loin du chiffre vrai de la population; mais comme dans
l'établissement du fouage on ne comprenait ni les nobles, ni les clercs, ni les
mendiants (1), il faut ajouter, au chiffre précédemment obtenu un tiers pour
ces diverses catégories. Suivant ces procédés, voici les renseignements fournis
par le compte du fouage en 1365 (2):
Castellania Villafranche
Sarlatensis
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
Parochia Villafranche: |
|
|||
Pro IXXX XI foc. |
soit 9 fois 20 + 11 = 191 feux x 7 = |
1337 + 444 = |
1781 |
1641 |
1333 |
|
P. de Lobejaco: |
|
|||
Pro XXXI foc. |
soit 31 feux x 7 = |
217 + 72 = |
289 |
746 |
636 |
|
P. Sancti Saturnini: |
|
|||
Pro XVI foc. et dimi. |
soit 16 ½ x 7 = |
115 + 38 = |
153 |
652 |
521 |
|
P. Sancti Stephani: |
|
|||
Pro VI foc. |
soit 6 feux x 7 = |
42 + 14 = |
56 |
60 |
58 |
|
P. Sancti Caprasii: |
|
|||
Pro V foc. |
soit 5 feux x 7 = |
35 + 11 = |
46 |
|
|
|
P. de Mazeyrolis: |
|
|||
Pro XXI foc. |
soit 21 feux x 7 = |
147 + 49 = |
196 |
533 |
504 |
Focorum CC LXX et dimid. |
|
(1) «... ad percipiendum pro quolibet foco
diocesia XX denarii sterlingui, personis ecclesiasticis et nobilibus et
mendiantibus exceptis capiunt pro ratione in quatuor terminis.... »,
préambule du compte.
(2) Compte de la levée du fouage de 1365 en
Périgord Fonds Périgord Bib. Nat., t. LXXXVIII, p. 83.
p. 296 (18)
Les paroisses de Lavaur,
Besse, Prats et Latrape étaient en dehors de la châtellenie, voici les
renseignements que nous donne le compte:
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
Parochia de Vauro (1): |
|
|||
XXVII foc. |
27 feux x 7 = |
189 + 63 = |
252 |
370 |
281 |
|
Par. de Bessa (2): |
|
|||
L foc. |
50 feux x 7 = |
350 + 116 = |
466 |
596 |
443 |
|
Par. de Pratis: |
|
|||
XXIIII foc. |
24 x 7 = |
168 + 32 = |
200 |
335 |
354 |
|
Par. de Trapis: |
|
|||
V foc. |
5 x 7 = |
35 + 11 = |
46 |
69 |
64 |
Ces tableaux permettent de
voir les progrès faits par Villefranche depuis sa fondation; la population de nos
paroisses était élevée; mais les ravages de la guerre de Cent Ans et des
guerres de religion et les conséquences de la mauvaise politique paralysèrent
cet essor et la population n'est guère plus élevée aujourd'hui qu'au XIVe
siècle.
Le territoire de la bastide
forme aujourd'hui le canton de Villefranche du Périgord: il comprend les
communes de Villefranche (ancienne paroisse de Notre-Dame de Viel-Sieurac), de
Mazeyroles, de Saint Cernin de l'Herm, de Saint Etienne des Landes, de
Loubejac, de Lavaur, de Besse, de Latrape, de Prats (de Belvès ou d'Orliac), de
Fontenille et Aigueparse, anciennes paroisses de la châtellenie ou bastide de
Villefranche. Le canton a perdu la paroisse de Saint-Caprais, rattachée
aujourd'hui à Cazals (Lot); mais il a gagné Orliac et Campagnac lès Quercy: la
première de ces paroisses dépendait au Moyen Age et jusqu'à la révolution de la
châtellenie de Belvès; la seconde faisait partie de la châtellenie de Dôme.
Aperçu de la procédure suivie pour la fondation d'une
bastide — La fondation d'une ville
neuve ou bastide entrai-
(1) Lavaur au XVIIe
siècle était le siège d'une Haute Justice s'étendant sur Fontenille.
(2) Besse était au XVIIe
siècle le siège d'une haute justice comprenant la peroisse.
p. 297 (19)
nait des opérations diverses;
à chaque habitant, on devait fournir un emplacement pour sa maison et des
terrains à mettre ou à maintenir en culture, ce qui entraînait forcément un
arpentage du territoire et un plan de la ville projetée, pour la fixation et
l'attribution des emplacements: chacun de ceux-ci devait dans la suite être
attribué à un des membres de la cité.
A ce moment, intervenait
entre le fondateur de la cité et les habitants une convention fixant les
obligations réciproques des parties; pour le fondateur, l'obligation de
construire la bastide; et si quelque événement venait à se produire, empêchant
la réalisation du projet, les concessionnaires qui auraient fait des frais ou
travaux, devaient être indemnisés (1). Le fondateur avait à sa charge
particulière la première clôture et l’établissement des rues et des places, les
consuls et le bayle en assuraient dans la suite l'entretien.
Pour ces travaux d'intérêt
public et général, le fondateur ou les officiers le représentant avaient le
droit de réquisitionner les objets mobiliers nécessaires à la charge
d'indemniser les propriétaires; ils pouvaient aussi obtenir la cession des
immeubles, si la nécessité, nous dirions aujourd'hui l’utilité publique, en
était bien constatée (2).
Pour le concessionnaire,
l'obligation de construire suivant le plan dressé et dans un temps déterminé,
souvent sous une astreinte pécuniaire: ces pratiques déjà suivies du temps
d'Alfonse de Poitiers (3) furent maintenues dans la suite (4).
(1) R. Gascons, t. II, n°
1092.
(2) Ces de
Bénevent de 1305 (fol. 11 v°, lre col., in fine) « Item Consules et
Universitates possunt ligna, sive fustos, lapides et alia simillia, mobilia
tamen necessaria ad utilitatem et necessaria ad constructionem dicte ville
capere, verum satisfacto prius illi cujus predicta erunt, communi et legali
estimatione proborum virorum. Immobilia vero non invito domino eorumdem nisi
necessitas appareret que non posset aliter sine dampno publico evitare, que
tunc accipere possunt satisfacto primitus quibus erunt de precio impetenti. »
(3) Voir notam. correspond.
admin. d'Alfonse de Poitiers (Docum. inédits) n° 1540.
(4) Voir pour Montpazier
Rôles Gasc., t. II, n° 1403, et nombreux textes analogues.
p. 298 (20)
Les chartes de bastide
déterminent les charges qu'entraînaient pour les concessionnaires les
attributions d'emplacement à bâtir, et en déterminent le montant. Nous
empruntons, à cause de sa précision, l'exemple que nous donne le n° 746, des
Rôles Gascons, t. II, et relatif à la bastide de Sauveterre (arrondissement de
La Réole, Gironde); « Primo eis
concedimus et donamus loca seu placeas ad domos faciendas seu constituendas,
statuentes quod qualibet placea habeat quatuor stadia in amplitudine, duodecim
vero in longitudine, ita quod illud stadium habeat sex pedes », et ainsi on
trouve un emplacement en largeur de quatre stades soit vingt-quatre pieds,
environ huit mètres et en profondeur douze stades soit soixante-douze pieds,
environ vingt-quatre mètres, soit un emplacement de cent quatre-vingt-douze
mètres pour chaque maison. La première année, la construction devait être
élevée sur le premier tiers en façade sur la rue; la seconde année, la
construction devait être élevée sur le troisième tiers et post modum residuum quilibet cura poterit et placebit le troisième
tiers était fait quand et comme il plaisait au concessionnaire: ce qui laissait
au constructeur une assez grande latitude d'aménagement.
Pour faciliter au
concessionnaire l'accomplissement de ses engagements, on lui accordait des
droits particuliers: notamment de prendre les bois nécessaires à la
construction et à son aménagement dans les forêts voisines, sans avoir à payer
de forestage (1).
Des dispositions analogues
se retrouvent dans presque toutes les chartes des bastides; mais avec la
mention de mesures locales, dont la valeur exacte est difficile à déterminer
(2).
(1) R. G., t. II, n° 746,
art. 12 (cout. de Sauveterre) (Salvaterra), (arr. de La Réole, Gironde).
(2) La coutume de Castel
Sacrat (Quercy) parle d'un emplacement (pladura, platea seu airali) de quatuor
brassarum de large et de vingt ou onze brasses en profondeur: il y avait donc
deux types d'emplacements différents, sic Eymet. A Villefranche du Périgord,
l’emplacement était en largeur de quatuor canis vel ulnatis lato et de dix en
longueur (art. 10); mêmes dispositions pour Beaumont (art. 10), Villereal (art.
10); à Valence d’Agen (R. G., t. II, n° 748), deux types d'emplacements: le
premier, de quatre brasses de large et de douze de longueur; le second, de six
brasses de large et de douze en longueur, à Bénevent, chaque emplacement ou
pleidura était de quatuor branchiis en largeur et de sept en longueur; (Comp.
Beauregard, art, 10, etc.). Sous des noms locaux différents, on exprime
probablement un emplacement analogue à celui de Sauveterre, c'est-à-dire de huit
mètres de large sur une profondeur variable suivant les localités.
p. 299 (21)
Les charges résultant de
ces concessions se retrouvent partout; elles consistaient:
1° En un cens ou oublies;
c'était une redevance annuelle ou rente foncière, prix de l'abandon de la
propriété au concessionnaire;
2° En une redevance, en
général égale à la précédente et connue sous le nom d'acapte, due à chaque
mutation de seigneur;
3° Enfin, en un droit de
vente, au cas d'aliénation par le concessionnaire; cette redevance, analogue au
droit proportionnel de mutation perçu actuellement par l'enregistrement,
suivant l'usage du pays, était la douzième partie du prix, soit de 8,33 % et
était payée par l'acquéreur.
Ces droits pécuniaires
étaient d'une assez grande importance, quand la bastide était prospère, et
formaient un des revenus principaux du fondateur; le paiement en devait être
fait, aux époques déterminées par les chartes, et sous la sanction d'une amende
de 5 sous pour le redevable en retard.
Pour un emplacement de même
étendue, le cens pouvait varier d'une bastide à l'autre; comme aussi il
variait, suivant son étendue, pour chaque localité (1).
(1) A Villefranche
du Périgord: emplacement de 4 cannes ou aulnes sur 12 en profondeur: 1° cens
ou oublies, 6 deniers; 2° à chaque mutation de Seigneur, même redevance; 3° au
cas d'aliénation par le concessionnaire, l’acquéreur devait payer les Vendas,
soit le 12e du prix; le redevable en retard payait en plus une
amende de 5 sous. — Beaumont du Périgord:
mêmes dispositions, sauf que l’emplacement n'avait que dix en profondeur, que
les oublies n'étaient que de 4 deniers (Dans le texte des Ordonnances,
l'article 10 est incomplet, le copiste a sauté une ligne à partir de totidem
jusqu'à scilicet. — Villeréal et
Montflanquin: emplacement de 4 cannes ou aulnes en largeur, de 12 en
longueur: 1° sex denarii à titre d'oublies; 2° autant à titre d'acapte et le
droit de vente. — Valence d’Agen: 4
brasses de largeur, 12 de longueur, 6 deniers à titre d'oublies, autant
d'acaptes, au cas de changement de seigneur, et la 12e partie du
prix en cas de vente, si l’emplacement était de 6 brasses, en largeur et 12 en
profondeur, les oublies et l’acapte étaient portés à 8 deniers. — Bénevent (fol. 2, col. 1) présente, à ce
point de vue, une particularité: emplacement de 4 branches en largeur et de 7
en profondeur, 12 deniers d'oublies, à payer à la nativité du bienheureux
Jean-Baptiste et seulement 6 deniers d'acapte (de acaptamento in mutatione domini) et le droit de vente.
p. 300 (22)
Les bastides devaient être
bâties dans un espace de temps toujours court et suivant le plan établi au
moment de la fondation de la cité. Elles présentent toutes des caractères
communs qu'il est bon d'indiquer.
Dans la plupart des cas,
remplacement choisi est un plateau élevé, facile à défendre: ce qui se réalise
pour Villefranche du Périgord, Beaumont, Molières, Montpazier, Villeréal,
Montflanquin, Castillonnès, etc.; la ville présente un carré long, plus ou
moins régulier, suivant la disposition des lieux; les rues se coupent à angles
droits, et forment une ville en damier; à Montpazier, il y avait quatre rues
dans le sens de la longueur; à Villefranche du Périgord, trois; de même à
Beaumont. Partout ces rues étaient d'une largeur de huit mètres; les rues
transversales étaient de même largeur: les maisons allaient d'une rue à
l'autre, dans les bastides peu importantes; d'autres fois, les maisons bâties
sur les rues principales, se rejoignaient par leur façade postérieure, sur une
petite rue suffisante au service des bâtiments: les maisons formaient, comme à
l'époque romaine, un îlot; chacune ayant ses quatre murailles, et entre chaque
maison, un petit espace pour l'écoulement des eaux pluviales et ménagères.
En un point plus ou moins
central, à l'intersection des rues principales, était réservée une place pour
les marchés et les foires; et, en général, les maisons bâties sur cette place
laissaient au rez-de-chaussée un espace libre, couvert par des arcades;
galeries couvertes, aptes au commerce, à la prome-
p. 301 (23)
nade, assez élevées et
assez larges, pour que la circulation des chars et des charrettes s'y fit
facilement: on les trouve à Montpazier, à Beaumont, à Molières, à Villefranche
du Périgord et beaucoup de villes de l'Agenais (bastides ou autres). Sur cette
place s’élevait souvent une halle, l’hôtel-de-ville, et tout près, était bâtie
l’église de la localité. A Montpazier, à Villefranche du Périgord, sur la
principale rue, tout près de la place principale, de même à Molières, à
Beaumont, l’église est à un angle de la place.
Donc le caractère commun
est la régularité de la construction; des voies de communication larges et
commodes, une place publique où l’on accedait très facilement.
Viennent les fortifications
et la ville formera une place de guerre facile à défendre; chaque rue fermée
sur la campagne par une porte dont on assurera la protection, suivant les
localités, en les flanquant de tours, ou en plaçant la porte elle-même dans une
tour qui la surmontait et en assurait la défense (1).
La fondation de toute bastide entraînait
encore, comme conséquence, des attributions de terrains aux habitants et
souvent aussi des remaniements dans la condition juridique de la propriété
foncière et la constitution de droits d’usage et de pacage très importants.
Citons quelques documents
qui ne laissent aucun doute sur ces divers points.
En fondant la bastide de
Sauveterre, en 1284, on veut que chaque bourgeois puisse garder, de ses
propriétés, l’étendue qu’une paire de boeufs peut convenablement travailler
pendant l’année; une certaine quantité de terrain pour jardin (un estiro,
Ducange, hoc v°) et pour vigne, une concata terrae, et s'il arrivait que
quelque bourgeois n'eût pas de propriété suffisante, nos cum consilio juratorum debemus ei terras dimittere competenter
(2).
(1) Sur la construction,
des bastides en Périgord, voir l'article de M. Félix de Verneuilh, p. 71, t.
VI, (Annales archéologiques de Didron ainé).
(2) Charte de Sauveterre,
art, 25. R. G., t. 2, n° 746.
p. 302 (24)
C'était une préoccupation,
qui se reproduit à chaque fondation, d'assurer à chaque bourgeois un lot
convenable en terre. Et si le fondateur n’en avait pas en quantité suffisante,
dont il pût disposer, il s’en faisait céder par les propriétaires du voisinage.
Il est fait allusion à un
procédé de ce genre dans le n° 1416 des Rôles Gascons (t. II). Au moment de la
fondation de la bastide de Miramont (1), des arrangements avaient été pris
vis-à-vis de Jena de Greilly, sénéchal de Gascogne, par lesquels Amanaeus de
Malhano et ses tenanciers (parcionarios suos) s’engageaient à fournir aux
habitants les terres nécessaires (2).
La fondation d'une bastide
entraînait toujours des modifications dans la constitution de la propriété
foncière des environs.
Au lieu de laisser les
parties maîtresses de fixer les redevances dues pour les terrains donnés à fief
ou à censive, on fixait le maximum auquel le cens pouvait s'élever (3).
La charte de Villefranche
contient, à cet égard, des dispositions qu'il est utile de rappeler.
La bastide était élevée sur
un terrain que B. de Pestilhac tenait à fief du comte Alfonse de Poitiers et
qu'il abandonna à ce dernier gratuitement (dono)
pour y élever la bastide nouvelle.
Or, au moment de la
fondation de la bastide, les mandatai-
(1) Commune du canton de
Lauzun, arrondissement de Marmande (Lot-et-Garonne).
(2) « Dare terram habitantibus in dicta villa. » On trouve de nombreux
exemples dans les Rôles Gascons; pour la bastide de Bonnegarde en Chalosse
(canton d'Amon, arrondissement de Saint-Sever (Landes), le Roi se procure les
terrains nécessaires par un échange avec le chevalier Bernard d’Arricau (n°
654, R. G, t. II). Les numéros 600 et 763 mentionnent des échanges à faire pour
procurer au Roi les terrains nécessaires à la bastide de Sauveterre (R. G., t.
II).
(3) Art. 5, coutume de
Sauveterre (loco citato): « Item volumus
quod quilibet burgensis dictae villae teneatur solvere pro qualibet concata
tres solidos pro feodo annuatim domino feodi a quo terram suam tenebit; de
nemoribus solvet similiter duos solidos tantum. »
p. 303 (25)
res du sénéchal de Bagnols
requérirent les chevalliers, donzels, directeurs des Eglises et aultres
prudhommes, qui étaient jurés de ladite bastide et qui avaient terres es
environs d'icelle, si voulloient que fussent faictes coustumes et
stablissements sur les mêmes terres aux fins que ladite bastille en feust
dottée et meilheurée et que les dites terres feussent labourées et cultivées et
tirées de ruyne en bonne culture, où avaient demeuré longuement, les requérant
d'avantage si voulloient que des dictes terres feussent faictes costumes et
stablissements de justice, d'herbage et de paturage, au bestail des jurats et
habitants de ladite bastille, aux fins que la dite bastille feust bonne et
franche, et les habitants feussent dottés des franchises des seigneurs desquels
estoient les dites terres.
Et les ont requis
d'avantage ... sy voulloient que (les terres) feussent taxées de ce que on
conviendrait de payer de rente et d'acapte aux seigneurs desquels estoient tenues
à phieuf ». Fol. 40.
Et les seigneurs, donzels
et recteurs ayant donné à tout cela leur consentement, il fut fait par les dits
Pons et Denys « stabliments et costumes sur touctes les terres (fol. 45)
cultes et incultes, labourées ou à labourer, que sont situées es susdites
paroisses et es environs, en la pertenement et appartenance de la dite bastille
de Villefranche, et sur les pasturages et fustes et boys et herbages que sont
et seront à l'advenir es dictes terres, et sur la taxe et stabliments de cens,
rentes et d'acaptes que seront dûs des dites terres, et sur les manières et
gouvernement de phieuf et des debvoirs de phieuf que sont et que seront es
dictes terres par toucts lieus en cette manière, scavoir : .... »
En premier lieu, on
proclame que les « pergues et divisements de terres et des ayrials ou boutges »
que lesdits Pons et Denys firent, ou firent exécuter la première année que l’on
commença Villefranche, auront « valleur et effîcacie par touct temps et à
jamais » sous l’obligation pour les concessionnai-
p. 304 (26)
res de payer aux seigneurs
à qui appartenaient les dictes terres les rentes, cens et acaptes fixés.
Les concessionnaires
devaient payer six deniers de rente ou cens annuellement à la fête de
Sainte-Marie de febvrier, et six deniers d'acapte à chaque mutation de
seigneur, pour chaque denayrade (a) de terres situées dans les tènements
énumérés dans la charte de 1261 et qui sont tous autour de Villefranche (1).
Les concessionnaires payeront de même six deniers de cens et rente chaque année
à la Saincte Marie de febvrier, et six deniers d'acapte à chaque mutation de
seigneur pour chaque denayrade (a) de preds qui « seront en la rivière de la
Laimanse » (Lemance) et en la rivière del ruisseau de Tortilhon et aux rives de
toucts les autres ruisseaux qui sont près de Villefranche. »
Les autres terres, qui
seront divisées et attribuées en autres tènements que ceux mentionnés plus
haut, donneront lieu à quatre deniers caorcens (2) de rente et cens, à payer
annuellement, le jour et feste de Saincte Marie de febvrier, et à quatre
deniers caorcens d'acapte à chaque mutation de seigneur, pour chaque denayrade
(a) de terre.
(a) Denayrade: mesure,
usitée dans l’Agennais, le Quercy et le Bas-Limousin. Non pas seulement pour
les vignes, comme l'a cru Maximin Deloche, l'éditeur du cartulaire de Beaulieu,
où cette mesure est mentionnée, en plusieurs passages; mais elle s'appliquait
aux terres et aux prés suivant notre coutume de 1261; elle est tombée en
désuétude et il est impossible d'en fixer l'étendue d'une manière certaine: ce
que l’on peut induire, des textes cités par Ducange, v° Denariata, que cette
mesure était plus faible que l'acre, et qu'elle était la moitié de la roda,
qui, elle, en était la 8e partie. Mais il faut abandonner pour notre époque que
la denayrade serait la surface, ou produisant ou valant un denier, puisque
chaque denayrade de pré ou de terre des environs de Villefranche donnait lieu à
un cens annuel de six deniers.
(1) Les concessions en pré,
dans la vallée de la Lémance et du Tortilhon et des autres ruisseaux du pays,
comme aussi les concessions dans les tènements énumérés, dans la coutume de
1261, et qui paraissent être autour de Villefranche, se faisaient moyennant un
cens annuel de six deniers, probablement tournois puisque l'on ne mentionne pas
autrement leur qualité.
(2) Les concessions en
terre, dans tous autres tènements, se faisaient pour un moindre cens, à 4
deniers par denayrade et ces deniers sont mentionnés comme deniers caorcens,
qui ne valaient que la monté du denier tournois. Ces différences de cens
correspondaient à une différence de valeur des terres, suivant qu'elles étaient
plus ou moins rapprochées de Villefranche. D'après de Wailly, le sou caorcens
valait la moitié du sou tournois, soit 0 fr. 4493, le sou tournois valant 0 fr.
8986, et partant les deniers, dont douze valaient un sou, présentaient entr'eux
la même différence de valeur, suivant qu'ils étaient deniers tournois ou
deniers caorsins ou caorcens.
p. 305 (27)
Et ajoute la charte, «
toutes fois si les dits seigneurs des dictes terres ou pradals en voulloient
faire meilleur marché, que le puissent faire, s'ils veullent, et ne pourront
amplifier ny augmenter la dite rente, saulf en la forme et manière que dessus
est dict, et sans la vollonté de celluy à qui furent pirgées les dictes terres
et pradals » (fol. 49).
Enfin les seigneurs,
donzels et recteurs des églises consentirent à l'établissement de droits de
pacage et pâturage, au profit des habitants; ils décidèrent: « que par touct
temps toucts et chascung des habitants, et qui habiteront pour l'advenir la
dite bastille de Villefranche ayent et puissent avoir plein et libéral pouvoir,
prendre et avoir et recevoir pour leur bestailh, en quelque qualité que ce
soit, toucts pâturages et herbages, toucts francs et sans payer aulcun cens, de
touctes les terres hermes et incultes qu'ils et chacun d'eulx auront es dites
paroisses ou en aulcune d'icelles et par toucts autres lieux, en Quercy, en
Agenois et en Périgord.... et qu'en puissent avoir et prendre des dites terres
les dits habitants et qui habiteront en la dite ville, par leur propre
autorité, du boys pour leur chaufage, fustes nécessaires pour leurs maisons et
leurs vaisseaux faire et bastir, sans payer aulcung forestage, que seront tenus
n'en rien donner, ny payer en aulcung temps. Toutes foys si en vendoient à
aultruy, en payeront forestage a celluy de qui sera le dit boys ou terres
hermes » (fol. 49).
On voit par cet aperçu quels
avantages étaient faits aux bourgeois des bastides et on s'explique ainsi le
développement
rapide que prirent ces
villes neuves: tant étaient grands les privilèges de leurs habitants.
Beaumont est un chef-lieu
de canton de l'arrondissement de Bergerac; il comprend les communes suivantes: Saint-Avit Sénieur, Bayac, Beaumont, Born de Champs, Bourniquel, Sainte-Croix,
Labouquerie, Montferrand, Monsac, Naussanes, Nojals et Clottes, Rampieux,
Sainte-Sabine.
C'est vers 1272 que
Beaumont fut érigé en paroisse, suivant Tarde et le père Anselme, à la suite
d'un arrangement entre Guillaume et Pierre de Gontaut, seigneur de Badefol,
d'une part, et le chapitre de Saint-Avit Sénieur et l'abbé de Cadouin, d'autre
part (1).
Bientôt après, il fut élevé
là une bastide ou bastille par Luc de Tany, chevalier, lieutenant du roi
d'Angleterre.
Elle existait depuis
plusieurs années, lorsque, par lettre du 11 juin 1279 (septième année de son
règne), Edouard Ier invite son lieutenant Luc de Tany [Thaney] à
exercer dans les territoires de Lalinde et de Beaumont les droits de
juridiction et de ressort, comme les avaient exercés antérieurement les baillis
royaux, sans s'arrêter aux dires de quelques-uns, prétendant qu'il en était
investi à titre de titulaire direct, de seigneur.
Comme bailli, il était
placé sous la direction et l'autorité des sénéchaux de Gascogne et de Périgord
(3).
(1) Comp. L. Dessales,
Histoire du Périgord, t. II, p. 27. — « Guillaume et Pierre de Gontaut frères
(vraisemblablement fils de Pierre de Gontaut), seigneurs de Badefol,
consentirent, en 1272, avec l'abbé de Cadouin et le chapitre de Saint-Avit, que
le lieu de Beaumont fût érigé en paroisse, et que l’on y bâtit une église
paroissiale », Père Anselme, Histoire généalog. et chron. de la maison de
France, des pairs, grands-officiers, etc., 3e édit. t. VII, p. 316
(seigneurs de Badefol et de Saint-Geniès). — L'église de Beaumont fut fondée
dans le territoire d'un ancien oratoire de l'abbaye de Cadouin, ecclesia de
Bello podium Dict. top de la Dord., de M. de Gourgues, V° Belpech ou le
Casletot.
(2) Rôles Gascons, t. II,
n° 339. Luc de Tany avait sous son autorité Lalinde et Beaumont.
p. 307 (29)
Au moment de la fondation
de la bastide de Beaumont, et pour éviter les conflits entre les représentants
de la bastide et les seigneurs voisins, une convention avait été signée entre
représentants de la bastide, les prieur et chapitre de Saint-Avit Sénieur, et
Gailhard de Saint-Germain, seigneur puissant du voisinage (1): le texte n'en
est pas venu jusqu’à nous. Malgré cela, à Beaumont comme dans toutes les
bastides, des conflits ne tardèrent pas à naître entre les représentants de la
bastide et les seigneurs voisins. Les autorités communales prétendaient exercer
dans tous les territoires dépendant de la bastide, et dans leur plénitude, les
droits de souveraineté; tandis que les seigneurs locaux, au nom de leur
seigneurie, prétendaient à l'occasion de certaines personnes, et dans le
territoire de leur seigneurie, bien qu'il fût compris dans le territoire de la
bastide, exercer leurs droits, à l’exclusion des autorités communales.
Un conflit de cette nature
s'éleva entre les représentants de la bastide de Beaumont, les prieur et
chapitre de Saint-Avit Sénieur, et aussi avec Gailhard de Saint-Germain, en
1279, à l'occasion de la concession de certains emplacements à eux faite, et
les droits de juridiction en dépendant ou pour quelque autre motif (2).
Le roi invite Luc de Tany à
défendre les intérêts royaux, suivant ce qui lui paraîtra juste, et à mettre
fin à ces difficultés et contestations par arrangements, débat judiciaire, ou
de toute autre manière (3).
(1) Rôles Gascons, t. II,
n° 1632 (a R. XVII 1289) ... cum tempore constructionis bastide nostre Belli
montis alique convenciones inite inter gentes nostras et dictos priorem et
capitulum [ecclesie Sancti Aviti] et Gualhardum de Sancio Germano...
(2) Rôles Gascons, 336...
racione quorumdam airalium seu placearum pro domibus, vel pro ceteris, racione
jurisdictïonis predictorum locorum, seu qualibet alia racione...
(3) Rôles Gascons, t. II,
n° 336, ...et questiones seu controversias hujusmodi, inquibus jus nostrum
exigatis et defendatis, pace, judicio, vel aliter, prout magis ad opus nostri,
secundum justiciam, videritis expedire, terminetis...
p. 308 (30)
Dans la suite, des
difficultés d’un autre genre s’élevèrent entre les mêmes parties, à l'occasion
de leurs droits respectifs de juridiction.
Les prieur et chapitre de Saint-Avit
Sénieur se plaignaient des bayle et sergents de Beaumont et de Molières;
ceux-ci, suivant leur dire, entravaient et troublaient l'exercice des droits de
juridiction dont le prieur et le chapitre de Saint-Avit Sénieur étaient
investis dans la paroisse de Saint-Avit; ils saisissaient les biens des
personnes, relevant du chepitre sans appeler celui-ci à la procédure et
apportaient dans l’exercice de leurs fonctions une rigueur injuste et des
procédés nouveaux et irréguliers.
Le roi rappelle ses agents
et les agents de la bastide au respect des droits des plaignants; il leur
prescrit de s'abstenir, à l'avenir, de toute atteinte nouvelle et de réparer
les irrégularités, s'il en avait été antérieurement commis (1).
En 1277 (2), Edouard, duc
d'Aquitaine, accorda aux habitants de Beaumont une charte de privilège, qui fut
confirmée dans la suite par les rois de France, notamment par Louis XI, en
1461(3).
Or, suivant ce document et
d'après les usages, le Roi fixe l’étendue du territoire ou les Dex, dans lesquels s'exercera l'autorité
des agents de la commune: Ce fut l’objet de l’article 35 des Coutumes.
Il en résulte que le
territoire de la bastide comprenait, lors de sa fondation: Castrum Sancti Aviti Senioris, cum pertinenciis suis, c'est-à-dire
le bourg fortifié de avec ses dépendances, qui avait été antérieurement
rattaché à Lalinde, et qui 1ui était enlevé pour former le territoire de la
nouvelle bastide (4).
(1) 3 juin 1289 (a R.
XVII). Rôles Gascons, t, II, n° 1632.
(2) Les éditeurs des
Ordonnances donnent par erreur 1287, mais la 5e année de règne
correspond à 1277.
(3) Or. R. de F., t. XV, p.
450.
(4) Comp. les privilèges de
la Linde de 1267: Bulletin de la Société hist. et archéol. du Périgord, t. X,
et L. Dessales, Histoire du Périgord, t. II, p. 23, le Roi ne faisait
qu'exercer la prérogative qu’il s’était réservée, de modifier à l'avenir la
concession faite à la bastille.
p. 309 (31)
Castrum de Monteferrando (1), le bourg fortifié de Montferrand, avec toute la
paroisse du Bourg et la paroisse de Sainte-Croix et ses dépendances. La bastide
aura tous les droits que le roi avait ou devait avoir dans ces localités et
leurs dépendances.
Tota ecclesia de Rampio, toute la paroisse de Rampieux suivant voie publique
qui de Tourliac se dirige vers l’église de Sainte-Croix et vers Montferrand.
Tota ecclesie parrochia de Brunekello, toute la paroisse de l'église de Bourniquel, au
moins dans la portion qui regarde Beaumont, suivant une ligne qui, partant de l'église
de Bourniquel, irait à la fontaine de Romegust (2) et de cette fontaine suivant
le cours du ruisseau récemment appelé le Casali,
arriverait à l’église des Lepreux de Saint-Avit Sénieur (3).
(1) Castrum de
Monteferrando, c'est le bourg fortifié de Montferrand, qui s'était formé autour
du château de Montferrand. Ce dernier appartenait à une branche de la famille
de Biron. En 1273, Eymeric de Biron en était le seigneur; il suivait la cause
anglaise, et le connétable de Bordeaux, le 22 mars, lui attribue, pour en
assurer la défense, 10 arcs, X paquets de flèches et XX cordes (Archives
histor. de la Gironde, t. XII, n° CXXXII, p 334 Comptes du connétable de
Bordeaux et même recueil, t. XVIII, p. 498, ann. 1299, pièce, sinon fausse, du
moins irrégulière par la manière dont elle est datée) L. Delisle, Sénéchaux du
Périgord et du Quercy pour le roi de France, t. XXIV, Recueil des historiens
des Gaules, p. 220 et suiv.
(2) La fontaine de Romegust
est située vers le milieu du cours du Cousage (affluent de la Couze),
descendant des plateaux de Saint-Avit Senieur. Cette fontaine est dénommée
Romaguet par M. de Gourgues, Dict. topog. de la Dordogne. Roumaydet par de
Belleyme, atlas. Le Casali porte le nom de Cousage, de Gourgues, Dict. top.; de
Belleyme lui donnait le nom de Courage.
(3) « ... Et tota
ecclesie parrochia de Brunekello, scilicet ab eadem citra versus bastidam
predictam Bello montis, prout recensetur de predicta ecclesia de Brunekello ad
fontem vocatam Romegust et de predicto fonte prout recens vocatus le Casali
dirugit ac conscendit usque ad ecclesiam leprosorum Sancti Avitis Senioris... »
Ce texte démontre l'existence d'une église des Lépreux, dépendance de
Saint-Avit Sénieur, et qui se trouvait vers les parties inférieures du cours du
Cousage: elle n'a laissé aucun vestige. Dans tous les cas, la précision de
notre texte permet de considérer comme une erreur l’opinion de M. de Gourgues,
qui plaçait cette léproserie dans la Becède, ou au lieu de Saint-Avit ou à la
Sauvagie (Dict, top., introd. p. L). Nous la placerions vers le moulin del Rey,
près le Cousage, sans pouvoir donner une indication précise.
Il faut remarquer que ce
document n'attribue à la bastide de Beaumont que la moitié de la paroisse de
Bourniquel; l'autre moitié, à partir de l'église vers la Dordogne, dépendait de
la bastide de Lalinde; division territoriale qui fut reconnue en 1506 par un
accord entre les consuls de Beaumont et ceux de Lalinde (abbé Goustat, Bulletin
de la Société histor. et arch. du Périgord, t. X, p. 555-556, extrait du livre
consulaire de Lalinde).
p. 310 (32)
Tous ces territoires seront
de honore et districtu et foro et
pertinentiis dicte bastide de Bellomonte, droit d'autrui sauf et retenue
sauve la faculté de modifier cette attribution, en l'augmentant ou en la diminuant
(1).
Ainsi, à l'origine, le
territoire de Beaumont, à cheval sur rivière de la Couze, eut sur la rive
droite une partie de la paroisse de Bourniquel et le bourg fortifîé de
Saint-Avit Sénieur, et sur la rive gauche les paroisses de Beaumont, Rampieux,
Sainte-Croix et Montferrand et leurs dépendances.
Mais bientôt une
augmentation considérable de ce territoire allait se produire, à la suite
d’évènements importants que nous devons faire connaître.
Vers l'ouest, le territoire
de la bastide de Beaumont touchait aux fiefs et possession de Marguerite de
Rudel dite de Turenne, seigneur de Bergerac et de Genciac (2).
Marguerite eut une vie
assez agitée; mariée en première noce à Renaud III, de Pons, elle devint veuve
en 1272; et, en 1273, elle épousa Alexandre de la Pebrée: à ce moment, elle
avait des démêlés avec son suzerain, le duc d'Aquitaine, roi d'Angleterre; elle
s'était plainte d’avoir été dépossédée de la terre de Bayac et de ses dépendances
(3), dans tous les cas, et certainement de violences qui lui auraient été
faites au château
(1) 25 nov., de notre règne
le 5e, Lucas de Taicy (pour Tany), tunc senescallus wastensis fecit
istam bastidam.
(2) Voir ses nombreuses
possessions dans son hommage à Edouard Ier le 17 mars 1272, L.
Dessales, t. II, p. 4, Histoire du Périgord.
(3) L. Dessales, Histoire
du Périgord, t. II, p. 35.
p. 311 (33)
de Cugnac (commune de
Sainte-Sabine, canton de Beaumont) par les gens du roi d'Angleterre (1); sa
plainte n'avait pas été écoutée par son suzerain, et elle en avait appelé au
roi de France à juris defectu, pour
défaut de droit; par représailles, le roi d'Angleterre avait saisi le château
de Cugnac pour punir sa vassale.
Mais grâce à son mariage et
aux bons offices que son second mari rendait au roi d'Angleterre, au service
duquel il était attaché, Marguerite renonce à son appel au Parlement, et le roi
d'Angleterre, en conséquence, donne main-levée de la saisie de Cugnac, adresse
à ses agents les instructions les plus expresses, afin qu'ils n'aient à
intervenir dans les affaires pendantes entre lui et Marguerite de Turenne,
qu’après lui en avoir référé (2), et marque sa bienveillance pour Marguerite et
son mari dans de multiples circonstances, notamment en autorisant Alexandre de
la Pebrée à compenser ce qu'il devait du fouage pour ses possessions de la
Gascogne, avec des remboursements de sommes que le roi d'Angleterre devait à
Marguerite à suite des dépenses faites par elle dans l'intérêt du roi, pendant
la guerre de Béarn (3).
Mais, malgré sa
bienveillance pour Marguerite et son mari; le roi d'Angleterre ne pouvait
oublier les difficultés et conflits qui étaient nés aux environs de Beaumont,
entre lui et sa vassale, et les difficultés qui s'étaient produites aussi en
d'autres points des vastes domaines de Marguerite et notamment aux environs
d’Issigeac. Mais il se prêta à une transaction qui, préparée par ses
conseillers et le sénéchal de Gascogne, Jean de Grilly, et examinée après
enquête, par Bonnet de Saint-Quentin, fut acceptée par Marguerite de Turenne et
le roi.
Aux termes de cet accord
(4), Marguerite se voyait attribuer, pour elle et ses héritiers, et à
perpétuité, tous les droits du roi
(1) R. G., t. II, n° 127. Comp. Olim, t. II, p. 138, XXVI (ann. 1279).
(2) Comp. R. G., t. II, nos
126, 127 (année 1277).
(3) R. G., t. II, n° 524
(ann. 1281).
(4) R. G., t. II, nos
713 et 714 (31 août 1283).
p. 312 (34)
d'Angleterre, dans la
bastide de Roquépine (1) et ses dépendances, dans la ville d'Issigeac, et dans
le territoire de Bajanès: Marguerite serait investie de tous ces droits, à
titre de fief, aux mêmes titres et conditions que de ses autres domaines (2):
elle restait, pour ces droits, vassale du roi d'Angleterre, et reconnaissait
qu'à ce même titre, elle tenait ses autres domaines.
En retour, elle abandonnait
à perpétuité, au roi d'Angleterre, pour en disposer à sa volonté, les droits,
propriétés, possessions, domaines, devoirs et redevances de toute nature
qu'elle avait ou pouvait avoir dans les paroisses de Naussanes (3), de Bana
(4), de Monte-Canino (5) en leur entier; et les droits qu'elle avait dans les
villages et paroisses de Monsac (6) et de Perium (7), suivant une démarcation
dont le titre donne le détail. On démembrait sur ce point le territoire
relevant de Marguerite; à l'avenir, la portion située à l’est de cette
démarcation, vers Beaumont, appartiendrait au roi d'Angleterre, et la portion
située à l'ouest, vers le château de Cugnac (8), resterait la propriété de
Marguerite de Turenne.
(1) Commune de
Sainte-Radegonde, canton d'Issigeac, arrondissement de Bergerac.
(2) ... ita quod ipsa
Margareta predicta teneat in feudum una cum aliis feudis suis... (n° 713).
(3) Naussanes, canton de
Beaumout.
(4-5) Correspondant à Banes-sur-Couze
et Mont Cany (commune du canton de Beaumont).
(6) Monsac, commune du
canton de Beaumont.
(7) Que faut-il entendre
par Perium? M. Charles Bémont, l'éditeur des Rôles Gascons, propose de
l'identifier au Peyroux, près Monsac, mais avec doute (?) M. L. Dessales,
Histoire du Périgord, t, II, p, 35, propose le pin appelé par corruption le pic
ou Pic (entre Naussanes et Bardou).
(8) Château en ruines dans
la commune de Sainte-Sabine. Sa destruction n'est pas complète, son emplacement
est non loin, un peu à l'ouest du confluent des ruisseaux de la Bournègue et de
la Serre; il y a une cinquantaine d'années, M. Audierne le décrivait
ainsi : « Le château de Cugnac, avec ses tours, ses créneaux, ses
ponts-levis. sa salle d'armes, son corps de garde et ses vastes écuries... »
Audierne, le Périgord illustré, p. 538.
p. 313 (35)
Le titre qui rappelle cette
démarcation, a bien jalonné la limite de Beaumont, et bien que les noms
indiqués ne se soient pas conservés dans l'usage, il est facile de la retrouver
et de la suivre sur la carte: le château de Cugnac et ses dépendances les plus
proches restant à Marguerite de Turenne, et le château se trouvant au confluent
des ruisseaux de la Bournègue et de la Serve, nous pensons que la démarcation
partait de la Mouthe de Naussaunes (qui serait l'ancienne Mota del Charonluer);
elle se dirigeait vers le pont de La Cabanne, sur la Bournègue, en face du
village de La Cabanne, à l'est de ce ruisseau et où se trouvent de très
anciennes maisons et d'où partent deux anciens chemins, l'un vers le Pic,
l'autre, vers Bardou, et dont l'un porte le nom de chemin de la Reine Blanche.
A partir de ce point, la démarcation nous paraît suivre très exactement la
limite actuelle des cantons de Beaumont et d'Issigeac: elle laisse le Pic vers
Beaumont, rencontre entre Bardou et Lepic une mote, dont le lieu dit La Mouthe, rappellerait la mote de
Lopdac; de là, elle va à la Peyre-Carade (lieu dit): ce serait la petra vocata Poussineira ou Pousineira;
de là, la démarcation allait à la fontaine de la Vacheressa, ou Vaccaressa, et
suivait le ruisseau qui sortait de cette fontaine et se jetait dans le ruisseau
appelé le Coson, et suivait celui-ci jusqu'au point où il tombait dans la
Dordogne; nous verrions la fontaine de la Vacheressa (1) dans une fontaine vers
la Micalie, à l'ouest de Monsac; de cette source sort un affluent du Couzeau,
assez fort pour faire marcher un moulin (celui de Ronde), et la ligne
séparative des territoires de Beaumont (Roi d'Angleterre) et Issigeac (comte de
Turenne) suivait ainsi le Couzeau (ancien Cozon), qui arrose la plaine de
Lanquais et tombe dans la Dordogne par une cascade de dix mètres, circonstance
qui correspond bien aux indications des numéros 713 et 714. R. G., t. II (2).
(1) Nom qui ne se retrouve
pour désigner actuellement aucune des fontaines de la région.
(2) « Videlicet de Mota
vocata del Charonluer, secundum quod rectius, itur ad pontem vulgariter
appelatum de La Cabana versus bellum montem et exinde secundum quod goci e
rectius procedit sub ecclesia de Pinu versus motam vocatam Lopdac, et de eadem
mota, prout rectius itur versus petram vocatam Poussinera (vel Pousineira (n°
714) et exinde prout rectius itur ad fontem de la Vacharesia (Vaccaressa) (n°
714) et exinde secundum quod rivus qui derivatur a dicto fonte, descendit et
vadit ad rivum vocatum del Coson, et exinde secundum quod idem rivus del Coson
descendit et cadit in fluvium Dordonie... .»
p. 314 (36)
Cette transaction de 1283,
qui augmentait d'une façon si considérable le territoire de la bastide de
Beaumont, ne fit pas cesser les débats et difficultés entre Marguerite de
Turenne et le roi d'Angleterre, puisqu'en 1289 le roi donna à Bernard Favre,
chanoine de Saint-Séverin de Bordeaux, et à Bertrand de Panissal, chevalier,
pouvoir et mandat spécial de transiger sur les débats et querelles existant
entre le roi et les seigneurs de Bergerac relativement aux villes de Issigeac,
de Roquépine et de Bajanès (l) et sur l'étendue des droits de juridiction leur
appartenant.
Sur un autre point du
territoire de la bastide de Beaumont, des conflits de même nature s'étaient
produits entre des autorités rivales, et notamment à Naussanes, entre le
représentant des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et le bayle royal de
Beaumont.
Pierre de Valbéon, prieur
des maisons des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, pour le diocèse de
Périgueux, prétendait, par lui et par ses prédécesseurs, être en possession et
avoir été, de toute ancienneté, investi de l'exercice des droits de haute et
basse justice dans la ville et la paroisse de Naussanes, c'est-à-dire sur les
personnes, sur les terres et sur les fiefs desdits Hospitaliers.
Le bayle de Beaumont
contestait cette prétention.
En présence des difficultés
que faisaient naître ces dires respectifs, il fut fait, par Bonnet de
Saint-Quintin, Itier d'Angoulême et Pierre de Valbéon, une proposition de
transaction dans les termes suivants:
(1) R. G., t. II, n° 1239. A, 1289.
p. 315 (37)
La haute justice (1) et les
produits pécuniaires en dépendant, dans la ville et dans la paroisse de
Naussanes, sur les personnes, sur les choses et sur les fiefs desdits
Hospitaliers, resteront au roi d'Angleterre, en même temps que lui sera
réservée la juridiction entière (haute et basse) sur les fiefs et arrière-fiefs
ne dépendant pas dans ladite paroisse des frères Hospitaliers. Mais des frères
Hospitaliers relèveront les saisies des possessions ou immeubles appartenant
actuellement aux Hospitaliers ou dépendant d'eux.
La basse justice et la
juridiction y afférentes dans la ville et la paroisse de Naussanes, à
l'occasion des terres, des fiefs et arrière-fiefs desdits Hospitaliers ou
relevant de ceux-ci, c'est-à-dire les amendes de soixante sous et au-dessous,
infligées, à l'occasion des fiefs, arrière-fiefs ou gens desdits Hospitaliers,
seront partagées entre le roi et les Hospitaliers.
L'administration en sera
faite par deux bayles, l'un représentant le roi d'Angleterre, l'autre les
Hospitaliers; ils se prêteront serment, l'un à l'autre, de se faire compte
respectif des produits de la basse justice, restant communs entre le roi et les
Hospitaliers. L'assise relative à la basse justice devra être tenue dans la
paroisse de Naussanes, ou en tout autre lieu, s'il paraît convenable aux
bayles. Chacun des bayles aura qualité pour recevoir les plaintes en justice,
mais ni l'un ni l'autre ne pourra, à moins qu'il n'agisse d'accord avec son
collègue, ni juger seul, ni proposer seul une transaction.
Si le bayle des
Hospitaliers arrêtait un particulier, il devrait le livrer au bayle du roi, duquel
relèvent exclusivement la détermination de la peine à appliquer, le jugement à
rendre et l'exécution de la peine.
Cependant la compétence et
la juridiction, sur les frères et les serviteurs nourris dans le couvent et
restant habituellement
(1) C'est-à-dire les faits
qui entraînaient comme peines; mutilation des membres, dernier supplice,
bannissement, rélégation, ou toute peine de perte d'un membre ou d'une partie
du corps, ou confiscation de meubles.
p. 316 (38)
à l'intérieur du territoire
marqué par les croix de Naussanes, et, dans toute l'étendue de la paroisse, sur
les fiefs et les arrière-fiefs relevant des Hospitaliers, la connaissance des
infractions au régime des fiefs et aus redevances des fours et des moulins
dudit couvent, et au cottum et au gardiennage des terres, fiefs et
arrière-fiefs desdits Hospitaliers, dans ladite paroisse, appartiendront
exclusivement au représentant du couvent. Mais, en toutes ces choses, le
couvent se reconnait le vassal du roi d’Angleterre, qu’il proclame comme son
seigneur immédiat et supérieur.
Le roi d'Angleterre et le
prieur des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem de Saint-Gilles, Guillaume
de Villaret, donnèrent leur approbation à la transaction proposée, le 12 avril
1289 (1).
Ces débats et ces transactions
justifient une observation générale importante. Tandis qu'aujourd'hui, dans
chaque partie du territoire, l'autorité est investie uniformément et en chaque
lieu des droits de souveraineté, à l'époque où nous sommes il en était
autrement; étant donné un territoire affecté à une bastide, dans ce territoire
pouvaient subsister des seigneuries indépendantes; et ces seigneurs
conservaient par là même, dans Têtendae de leur seigneurie, des droits de
souveraineté et juridiction. Il y avait ainsi, dans le territoire de toute
bastide des ilots qui échappaient plus ou moins à l’autorité des magistrats
municipaux. De là les conflits que nous constatons, ici à Naussanes, entre les
Hospitaliers et les agents de la bastide de Beaumont; de semblables conflits se
produisent dans le territoire de toutes les bastides, entre les agents de la
bastide et les seigneurs locaux (2).
Au reste, il ne faut pas
perdre de vue que la bastide, grâce à la prépondérenace de son fondateur,
étendait toujours son
(1) A Condom. — Rôles Gascons,
t. II, n° 1324. Nous n'avons fait que résumer ce document dans notre exposé.
(2) Comp. pour Molières,
les conflits entre le seigneur de Badefol et les agents de Molières, etc.
p. 317 (39)
influence; les seigneurs
voisins en arrivaient à abandonner à son profit une portion de leurs droits:
ainsi Gaston de Gontaut, seigneur de Badefol, lui accorda une exemption de
péage, de nature à augmenter ses relations commerciales (1).
Ainsi constitué, le
territoire de la bastide de Beaumont présentait une assez grande importance;
des documents, dont nous allons analyser les dispositions, permettent de
constater que, suivant les événements de la politique générale, ce territoire
profita de certaines augmentations ou subit des diminutions, comme aussi,
suivant les époques, il fut français ou anglais, jusqu'au moment où les Anglais
eurent été chassés définitivement de France (1453) et où la bastide de
Beaumont, bastide royale, releva du Roi de France comme seigneur suzerain.
En 1306, la paix signée
entre les rois d'Angleterre et de France, Philippe rendit la Guienne à Edouard.
Celui-ci s'empressa de mettre de l’ordre dans les domaines qui lui étaient
restitués et reçut de nombreuses plaintes « de ces bastilles qui, pendant la
guerre ou durant l'anarchie, sous l'apparence des trêves, avaient eu beaucoup à
souffrir des seigneurs, tour à tour anglais ou français » (2).
Les consuls de Beaumont
furent les premiers à se plaindre; vers 1314, ils rappellent que Renaud IV de
Pons, seigneur de Bergerac, au début de la guerre de Gascogne, s'était emparé
et avait placé sous son autorité six paroisses dans lesquelles il avait exercé
les droits de haute et basse justice: c'étaient les paroisses de Faux (3), de
Mons, de Saint-Germain (4), de Verdon, de Saint-Aigne (5) et de Pont Roumieu
(6), localités qui, suivant les consuls, étaient et sont encore du détroit, de
la
(1) Histoire
généalogique..., t. VII, p. 317.
(2) L. Dessales; Histoire
du Périgord, t. II, p. 89.
(3) Canton d'Issigeac.
(4) Saint Germain et Mons
réunis (canton de Bergerac).
(5) Verdon et Saint-Aigne
(canton de Lalinde).
(6) Pont-Roumieu n'existe
plus comme paroisse et est dans la commune de Saint-Germain et Mons.
p. 318 (40)
juridiction et des
dépendances de Beaumont (1); Renaud IV de Pons avait ainsi privé le roi d'Angleterre
d'une part de ses droits.
Les consuls de Beaumont
rappelaient que le bayle de Beaumont était en saisine légitime de ces
paroisses; qu'un procès avait été suivi par eux devant le Parlement de France
et à grands frais: ils demandaient que le roi d'Angleterre voulût bien les
garder dans sa main et qu'il ne statuât pas sur le sort de ces paroisses sans
les consulter.
Et au dos de ce document
est écrit: « En droit de ce que il prient que le Roy ne les mette hors de sa
main, répondu est que le Roy nad volunté de mettre hors de sa main de ce que
sien est » (2).
Mais une solution favorable
ne paraît pas être intervenue à ce moment, puisque les consuls reviennent à la
charge le 28 février 1320 et formulent une série de réclamations.
Les consuls de Beaumont
rappellent que, par sentence judiciaire, leurs droits avaient été proclamés sur
les paroisses de Faux, Bardou, la chapelle de Mons, Pont Roumieu, Saint-Germain
et Saint-Aigne.
Ils reclamaient, en outre,
comme ayant toujours été des dépendances du consulat de Beaumont et, en leur
entier, les paroisses de Monsac, Saint-Cybranet (près de Villeréal), Naussanes,
Verdon, et, pour partie, les paroisses de Bourniquel, de Saint-Avit, de
Pontours; les bourgs fortifiés de Montferrand, Puybeton (commune de Nojals), Saint-Avit
Sénieur, de Mont-Savignac, de Cugnac, Lenquais (commune canton de La Linde) et
Lenqueysset (aujourd'hui Varennes): ils demandaient qu'on annexât et qu'on
réalisât l'union de ces paroisses et bourgs
(1) « Quae erant et adhuc
sunt de districtu, juris dictione et pertinenciis Belli Montis... (B. N., coll.
Breq., t. XVI.)
(2) Bibl. Nat., coll.
Bréquigny, t. XVI, Guienne. — Dessales, t. II, Hist du Périgord, p. 89.
(3) Bibl. Nat., coll.
Bréquigny, Rol. gasc, années 13 et 14 du roi Edouard II (folio 12 au dos).
p. 319 (41)
avec la bastide de
Beaumont, dont ces localités étaient des dépendances.
Le Roi ne se prononça pas
immédiatement; il ordonna que par enquête, on vérifiât si la décision
sollicitée ne lui occasionnerait pas de dommage et si elle ne nuirait pas aux
intérêts des paroisses.
Quoi qu'il en soit, nous
sommes arrivés au moment où le territoire de Beaumont ne s'étendra plus; au
contraire, des modifications postérieures, dans l’ordre administratif, le
restreindront beaucoup.
Ainsi, d'après le rôle du
fouage de 1365 qui nous fait connaître pour le Périgorrt la division en
châtellenies, l'ancien territoire de la bastide de Beaumont est morcelé et
réparti entre plusieurs châtellenies de la manière suivante:
1° La châtellenie de
Beaumont comprend les paroisses de Beaumont, Lenquais, Montmadalès, Saint-Aubin
de Mons, Bardos (ou Bardou), Monsac, Nojals et Clottes.
2° La châtellenie de
Montferrand comprend Montferrand et Sainte-Croix, Saint-Romain et Lolme,
Saint-Christophe, Soulaure et Saint-Avit rivière.
3° Bruniquel avec Banes
font partie de la châtellenie de La Linde et Bayac, de la châtellenie de Couze.
La paroisse de Saint-Avit
sénieur est en dehors de toute châtellenie.
Voici les renseignements
que donne sur ces diverses paroisses le compte du fouage de 1365, auquel nous
avons déjà emprunté des renseignements.
Castellania
Bellimontis
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
P. et locus Bellimontis: |
|
|||
Pro CCXXX foc. |
230 x 7 = |
1610+536= |
2146 |
1926 |
1343 |
|
P. de Leucaych (1) |
|
|||
Pro XXXIX foc. |
39 x 7 = |
273 + 91 = |
364 |
194 |
584 |
|
P. de Montmadalès (2) |
|
|||
Pro XX foc. |
20 x 7 = |
140 + 46 = |
186 |
184 |
135 |
(1) Lenquais ou Lanquais
(commune du canton de Lalinde).
(2) Montmadalès (commune du
canton d'Issigeac); il y avait un prieuré, de femmes dépendant du Bugue.
p. 320 (42)
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
P. Sti Albini de Montibus (1) |
|
|||
Pro XXXII foc. |
32 x 7 = |
224 + 74 = |
298 |
575 |
509 |
|
P. de Bardo (2) |
|
|||
Pro XVII foc. |
17 x 7 = |
119 + 39 = |
158 |
166 |
127 |
|
Par. de Monsac (3) |
|
|||
Pro XL foc. |
40 x 7 = |
280 + 93 = |
373 |
445 |
391 |
|
P. de Noyal cum Clotis (4) |
|
|||
Sunt CCC IIIIXX IX
foc. (389 faux) |
|
Chatellenie de
Montferrand.
Castellania
Montisferrandi
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
Par. Sancti-Crucis (5) |
|
|||
Pro XXXII foc. |
32 x 7 = |
224 + 74 = |
298 |
554 |
375 |
|
P. Sti-Romani cum de Lolmi (6) |
|
|||
Pro XX foc. |
20 x 7 = |
140 + 46 = |
186 |
259 S. R |
191 |
|
|
|
|
257 L. |
187 |
|
P. Sti Chrystophori (7) |
|
|||
Pro XXXVI foc. |
36 x 7 = |
253 + 84 = |
336 |
585 |
437 |
|
Par. de Solore (8) |
|
|||
Pro IIII foc. |
4 x 7 = |
28 + 9 = |
37 |
335 |
220 |
|
P. Sancti Avitis de Riperia |
|
|||
Pro VI foc. |
6 x 7 = |
42 + 14 = |
56 |
378 |
293 |
Foc. IIIIXX XVIII = 98 f. |
|
Castellania de Lindia
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
Par. de
Bruniquello (10) cum loco de Banes (11) |
|
|||
Pro XXVI foc. |
26 x 7 = |
182 + 60 = |
242 |
267 |
176 |
(1) Saint-Aubin de Montibus
s'appelle aujourd'hui Saint-Aubin de Lenquais (commune et canton d'Issigeac).
(2) Bardou (commune du
canton d'Issigeac), cette localité fut au XVe siècle le siège d'une
Haute justice sur Bardou, Nojals, Naussanes et Le Pic.
(3) Monsac (commune du
canton de Beaumont) devint dans la suite le siège d'une Haute justice sur la
paroisse.
(4) Nojals et Clottes, déjà
unis ensemble, forment aujourd'hui une paroisse et commune du canton de
Beaurnont.
(5) Commune du canton de
Beaumont.
(6) Commune du canton de
Montpazier et Lolme forme une commune du canton de Montpazier.
(7) Probablement la paroisse
de Montferrand qui avait pour patron saint Christophe.
(8) Forme actuelle
Soulaure, commune et canton de Montpazier.
(9) Saint-Avit Rivière,
commune du canton de Montpazier.
(10) Commune du canton de
Beaumont.
(11) Hameau de la commune
de Beaumont.
Castellania de Coza
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
Parrochia de Bayaco (1) |
|
|||
Pro III foc. et ½ |
3,5 x 7 = |
24,5 + 8 = |
32,5 |
588 |
426 |
Saint-Avit Sénieur
était en dehors de toute châtellenie.
|
|
Recensements |
|||
Habit. |
1872 |
1905 |
|||
|
Par. Sancti Aviti Senioris |
|
|||
Pro LIX foc. |
59 x 7 = |
413+137 = |
550 |
1272 |
951 |
Telle fut la bastide de
Beaumont, jusqu'à la guerre de Cent Ans; pendant cette guerre, elle eut beaucoup
à souffrir, fut tantôt française tantôt anglaise. Elle joua un rôle important
pendant les guerres de religion. La limite que nous nous sommes imposée nous
interdit d'aborder les transformations qu'elle eut à subir, au point de vue
administratif et judiciaire.
Molières est actuellement
une commune du canton de Cadouin. Cette localité devrait son nom, d'après
Audierne (2) à la grande quantité de silex molaires qu'on trouve dans son
voisinage; mais plus probablement, elle le doit à la nature générale du plateau
où elle se trouve établie (3). Les eaux y séjournent l'hiver, formant des
fondrières ou molières. Quoi qu’il en soit, la localité mérite quelques
attention: « Ses imposantes ruines, gisant encore silencieuses au sommet
d’un mamelon, sont dignes d’arrêter nos regards.
Les vestiges de son ancien
château, des murailles d’une épaisseur d’environ trois mètres entourant une
forteresse, un puits profond creusé dans le rocher, une tour carrée placée au
milieu de la forteresse et sans ouvertures extérieures, une vaste et ancienne
église, tels sont les objets for-
(1) Commune du canton de
Beaumont.
(2) Périgord illustré, p.
351.
(3) Ce nom est très commun
dans la Dordogne.
p. 322 (44)
mant l'ensemble de ces constructions
mutilées que l'on voit à Molières (1) ». Ce sont là les débris et les ruines
d'un établissement important, d’une bastide anglaise dont nous voulons
brièvement rappeler l'histoire.
C'est au commencement du
XIIe siècle que Molières apparaît pour la première fois dans
l'histoire: Elle est mentionnée dans une donation faite à Cadouin en 1115 (2)
Molerii; en 1202 il en est fait mention dans une transaction entre l'abbé de
Cadouin et le prieur de Saint-Avit sénieur... Excepto eo quod domus Cadunensis et domus Alliacensis habuerant in
parochia de Molieras, ante tempus factae compositionis... (3)
En 1272, Guillaume de
Biron, en son nom et au nom de ses frères et sœurs, fit un accord avec le
prince Edouard, représenté par Bernard de Panissal, le dimanche après la fête
des Rois de l'an 1272.
Guillaume de Biron cédait
au prince anglais les haute, moyenne et basse justice de la paroisse de
Molières, à la réserve des rentes et autres devoirs qui pouvaient être dus à
lui et à ses frères et sœurs; en échange, Edouard lui donnait quatre ayriaux
dans le bourg de Molières, dont deux étaient destinés pour des fours, francs et
quittes de tous droits et lui abandonnait la justice de Sigoniac (4).
Le roi d'Angleterre fit
établir à Molières une bastide désignée dans les documents sous le vocable de Bastida sancti Johannis de Moleriis, du
nom du Saint patron de la paroisse (5).
(1) Périgord illustré p.
531.
(2) Spicil. de D'achery.
(3) Acte rapporté au
recueil de Saint-Avit (fonds Périgord. Bibl. Nat. t. 47, fol. 9).
(4) Hameau de la commune de
Badefol-la-Linde (Sigoniat, état-major): cette justice resta indépendante, au
XVIIe siècle elle appartenait au seigneur de la Rue. (Dict. topogr.
de la Dordogne, v° Sigoniac. Voir: Histoire grands officiers de de la couronne
par le P. Anselme... t. VII, p. 310.
(5) D'après M. de Gourgues
(Dict. topogr.), Saint-Jean aurait été le vocable du bourg existant avant la
construction de la bastide; Sainte-Marie est le vocable de l'église de la
bastide; Saint-Jean en fut le patron.
p. 323 (45)
Jean de Grilly, sénéchal
d'Aquitaine, en fut le fondateur (1).
Le 20 novembre 1285 (2),
Edouard Ier, roi d'Angleterre, donna à la nouvelle bastide des
coutumes et privilèges (3); ceux-ci furent confirmés dans la suite par les rois
de France et notamment par François Ier en 1533 et par Henri II en
1558 et sont restés en vigueur jusqu'à la Révolution française.
Voici, d’après ce document,
le territoire qui dépendait de la dite bastide de Molières.
L'honor et le districtus,
c’est-à-dire le territoire et la juridiction de la bastide de
Saint-Jean-de-Molières embrassaient une assez grande étendue et plusieurs
paroisses.
Prenons pour point de
départ le port de Pomos sur la Dordogne: ce port correspond au port moderne de
Pontours; de ce point la limite se dirigeait vers le sud, en droite ligne, vers
l'église de Bourniquel; de là, et très directement à la fontaine de Romeguet
(ou Romaguet, forme acceptée par M. de Gourgues), et de ce point elle remontait
le cours du Cosage (ou Cousage) jusqu'à un petit étang, propriété du prieur de
Saint-Avit, et qui se trouvait entre ladite bastide et le castrum de
Saint-Avit; de cet étang et directement à l'étang de Montferrand; dans cette
partie la limite se confondait avec la limite extrême de la paroisse de
Saint-Avit Sénieur, dépendance de la bastide Beaumont; A Montferrand, la limite
laissait en dehors le bourg fortifié de Montferrand, dépendance de Beaumont; de
l’étang de Montferrand, la limite se dirigeait vers le bourg de
(1) N° 1688 Rôles Gasc, t.
II.
(2) C'est donc à tort qu'il
est dit dans une note du fonds Périgord (Bibl. Nat.), t, XLVII, Molières, qu'à
la sollicitation d'Aymeric de Biron, le roi Edouard aurait donné les premiers
privilèges à la ville de Saint-Jean-de-Molières, le 27 nov, 1315.
(3) Ces coutumes et privilèges
ont été publiés par M. le comte de Cumond dans le Bulletin de la Société
historique et archéol. du Périgort, t, IV, p. 415. d'après une copie conservée
dans les archives du château du Fraysse, appartenant à M. le comte Octave de
Saint-Exupéry. Une autre copie de ces coutumes se trouve à la Bibliothèque
Nationale (Fonds Périgord, t. XLVII, fol. 9.) et provient du château de Cardou,
paroisse de Bourniquel.
p. 324 (46)
Marsalès, qu'elle englobait
et de là elle se dirigeait à la Salvetat des Moines, qu'elle englobait: c'est
le village aujourd'hui connu sous le nom de la Salvetat-de-Becède (1) très
voisin de Cadouin et au sud-est. De la Salvetat et en descendant, la limite
englobait le village de Maseyrolas et
de là elle allait directement aux bornes terminales de Bellovidere: or, si l’on
veut remarquer qu'au sud-ouest de Cadouin, la carte d'état-major porte le
moulin de Marzelles, qui a conservé
le nom de Vicus de Maseyrolas; que la châtellenie de Belvès (Bellovidere)
comprenait dans son territoire les paroisses d'Urval et de Paleyrac, que des
bornes marquaient la limite de la juridiction, nous pensons que la limite de
Molières partait de la Salvetat-de-Becède et allait directement à Mazeyroles
pour revenir à l'extrémité du bois de Paleyrac (bornes terminales de Belvès) et
laissait le territoire de Cadouin en dehors de la Bastide... et des bornes de
Belvès la limite descendait directement à la Dordogne, en suivant dans sa
dernière partie le cours inférieur du ruisseau qui descend de Cadouin: elle
abordait la Dordogne en amont de Badefol et suivait le cours de cette rivière
jusqu'à Pomos (Pontours), notre point de départ (2).
(1) Sur ce point les droits
de la bastide Molière furent augmentés à la suite d'une donation que leur fit
en 1298 Gaston de Gontaud, seigneur de Badefol: il abandonna aux consuls de
Molières les droits de guet et les mesures de blé et de vin qu'il avait à la
Salvetat, et la 3me partie du revenu de la forêt de Cadouin (5 juin
1298) sous l'hommage d'une lance de fer doré pour lui et ses successeurs.
(Histoire des grands hommes de la Couronne, etc., t. VII, p. 317.)
(2) Note collationnée sur
les coutumes de Molières au fonds Périgord, 47, fol. 12, et verso.
...Item volumus et
concedimus quod honor et districtus dictae bastidae sancti Johannis de Molieris
duret et protendatur a Portu de Pomos, prout rectius itur ab ipso portu ad
ecclesiam de Burniquel inclusive, et de dicto Burniquel prout directius itur ad
fontem de Romeguet similiter inclusive, et a dicto fonte de Romeguet prout
directe itur per dictum Lo Casage ad Stancale prioris Sancti Aviti inter dictam
bastidam et castrum Sancti Aviti, et a dicto Stancali prout directius itur ad
stagnum de Monte ferrando, quo est dimiso tamen et excluso ipso castro de Monte
ferrando et ab ipso de Monte ferrando prout directius itur ad Burgum vocatum
Marsales inclusive, et ab eodem burgo de Marsales prout directe itur a la
Salvetat monachorum similiter inclusive et ab inde prout descend[end]o itur ad vicum
de Maseyrolas inclusive et de dictis Maseyrolis prout rectius itur ad terminos
dictos de Bellovidere, et de ipsis terminis prout directe descenditur ad
Dordoniam et sicut et quantum dicta Dordonia fluit usque ad Portum de Pomos
supradictum.
p. 325 (47)
La constitution d'une
bastide, avec territoire et juridiction, amenait presque toujours des conflits
entre ses agents et ceux des seigneurs du territoire; dans quelle mesure, les
droits de ces derniers pouvaient-ils subsister et s’exercer, en présence des
droits conférés aux bayles, aux consuls et autres agents de la bastide?
Pour Beaumont, nous avons
constaté des conflits de cette nature entre ses bayles et consuls d’une part,
et les prieur et chapitre de Saint-Avit Sénieur, d’autres part; un conflit de
même nature s’éleva entre les consuls de Molières et le prieur de Saint-Avit
Sénieur.
Les prieur et chapitre de
Saint-Avit se plaignaient que les bayles et sergents de Molières et de Beaumont
apportassent des empêchements et des troubles à leur juridiction dans la
paroisse de Saint-Avit; les agents de Molières y faisaient des saisies et
exécutions, au préjudice des habitants, sans adresser au prieur et au chapitre
les réquisitions nécessaires, enfin ils commettaient des actes illicites, ils
apportaient au régime établi anciennement des innovations non autorisées.
Le roi d'Angleterre défend
aux bayles, consuls et sergents de la bastide toutes innovations et violences,
et s'il en a été fait quelquefois, il ordonne d'en fournir réparation (1).
Des conflits analogues
s'étaient élevés entre les agents de la bastide de Molières et le couvent de
Cadouin. Pour les prévenir et les empêcher, un arrangement avait été passé
entre Bertrand de Panissal, lieutenant pour le Périgord de Jean de Grilly,
sénéchal du duché d’Aquitaine, et les abbé et couvent de Cadouin; il avait été
retenu par Hugo de Lagia, notaire
(1) Rôles Gasc, t. II, n°
1632 (an. 1289, 17e du règne).
p. 326 (48)
public (1). Le roi Edouard,
après l'avoir approuvé (2), en 1289, recommande de le respecter et de tenir la
main à son exécution; il veut qu'on protège l'abbé et le couvent de Cadouin
contre les injures, violences et molestations de la part des gens de Molières
ou d'ailleurs (3).
En outre des conflits de
même nature s'élevèrent entre Gaston de Gontaud, seigneur de Badefol, et les
consuls de Molières; les consuls, jaloux de leur autorité, voulaient exercer
les actes de juridictions, dans tout le territoire de la bastide, sans de
préoccuper des droits des seigneurs locaux.
Avec le seigneur de Badefol,
la lutte paraît avoir été très vive et longue, puisque, à son occasion, il nous
est resté trois transactions, la première passée le 23 mai 1284 entre Gaston de
Gontaud et Jean de Grilly, sénéchal de Gascogne pour le roi d'Angleterre (4);
une seconde, à la date du 8 juillet 1288, entre le même seigneur et les consuls
de Molières, elle forme le numéro 1526 du tome II des Rôles Gascons (5). Une
troisième le samedi après l'Assomption de la Vierge, en 1316, entre les consuls
de Molières et le même seigneur (6).
Il résulte de ces documents
que, à la suite de l’établissement de la bastide de Molières, le roi
d'Angleterre, d'une part, conservait, dans l'étendue du territoire de Badefol,
comme Gaston de Gontaud, seigneur de Badefol, dans le territoire de la bastide
de Molières et de ses dépendances, les domaines, fîefs et devoirs, relevant
d'eux: ce qui comprenait, suivant le rôle gascon de 1288, le droit de connaître
et de juger les difficultés
(1) Ce personnage fut
greffier de la sénéchaussée de Périgord. Rôl. Gasc., t. II, n° 1701.
(2) Rôles Gasc., t. II, n°
1738.
(3) Rôles Gasc., t. II, n°
1688. Le roi d'Angleterre avait antérieurement pris sous sa protection le
couvent de Cadouin, en 1254, R. G., t. I, n° 3838.
(4) Fonds Périgord, Bib. Nat.,
t. CXLII, dossier 194, fol. 28.
(5) Comp. L. Dessalles:
Histoire du Périgord, t. II., p. 36.
(6) Fonds Périgord, t. 47,
fol. 19.— Les consuls de Molières la firent renouveler en 1356, le premier
original ayant été perdu.
p. 327 (49)
s'élevant entre eux et leurs vassaux, et
le droit d'assurer l'exécution des décisions judiciaires intervenues. Chacun,
dans sa seigneurie, devait la justice à ses vassaux et tenanciers, c'était pour
le seigneur un droit et un devoir; en outre, la juridiction du seigneur s'étendait
à tout fait ou violence, commis sur le territoire de ses fiefs, quel que fût le
coupable ou le plaignant, si le coupable était arrêté dans la seigneurie.
Et pour éviter les conflits qu'un tel
régime pouvait faire naître, on fît une délimitation des juridictions du
seigneur de Badefol et des consuls de Molières.
Il fut statué que la justice haute et
basse de Molières ne pourrait pas s'exercer sur le territoire immédiatement
dépendant du château de Badefol; dans ce territoire, le seigneur de Badefol
conservait les droits de justice les plus étendus sur tous et sur tout.
La ligne de démarcation part de l'ouest du
château, des environs du village de Leyride (état-major), passe au sud du château de Badefol et va au
sud-est aboutir à la limite de la paroisse de Burniquel; les indications très
précises du titre ne permettent pas, en dehors de Leyride, d'autres
identifications, aucun nom ancien ne s'étant conservé; et ce titre reste
cependant intéressant pour prouver l'importance qu'on attachait, à cette époque,
aux droits de justice à cause des avantages pécuniaires qui s'y trouvaient
rattachés (1).
(1) Rol.
Gasc, t. II, n° 1526 (8 juillet 1288).
... Videlicet quod juris dictio alta et
bassa dicti loci de Moleriis (ait) a mota que est subtus podium dictum Michan,
scilicet a via antiqua perquam solet ire de Caduino versus Badafol usque ad
metam de Lyrida linea iter sitam in terra Petri de Manso in tenemento de
Lyrida, et dehinc prout rectius itur ad combam que est inter tenementum de
Mancet et de Linors et de Ffaurenta in quo tenemento de Ffaurenta terra Petru
Gelina continetur et dehinc usque ad viam per quam itur de Badafol apud
Molerias in eadem comba et de dicta comba, prout rectius itur ad Pratum
Griomoardi terria exclusive, et quod dicta comba tota usque ad dictum pratum
remaneat de Moleriis et a dicto prato, prout rectius itur ad fossatum prope
tenementum Grimoardi Terria, ita quod dictum tenementum remaneat versus
Badafol, quod dividit tenementa de la Ffaia et Montsessor et de la Caeria, et
de dicta comba rectiusque ad metam de Moleriis et de Brunikel in itinere
monachali...
p. 328 (50)
Ainsi Badefol formait une enclave où le
seigneur du lieu était investi de la haute et basse justice, sans que les
bayles et consuls de Molières pussent y exercer aucun droit de juridiction, si
ce n'est sur les fiefs qui dans le territoire du château relevaient de Molières
(1).
Mais bientôt, avec le cours des temps, les
bayles et consuls de Molières, au nom du roi d'Angleterre, dont ils étaient les
représentants, surent augmenter leurs droits: ils firent admettre que leurs
sergents avaient le droit de faire à Badefol
et dans le territoire du château tous actes d'exécution et de poursuite, sans
avoir à requérir le seigneur du lieu ou ses représentants, pourvu que les actes
d'exécution se rattachassent à des opérations juridiques formées ou contractées
à Molières ou dans son territoire (transaction de 1316).
Les bastides, suivant les hasards de la
guerre, étaient tantôt françaises, tantôt anglaises; dans tous les cas, les
deux rois cherchaient à se les attacher par des faveurs ou des privilèges;
c'est ainsi qu'en 1313, le roi de France accorda des lettres de rémission aux
bayles et aux consuls de Molières accusés d'excès envers Gaston de Gontaud (2)
et qu'en 1316, le roi d'Angleterre, pour se rattacher plus étroitement les
bastides de son domaine, prit la décision de les rattacher directement à la
couronne (3).
La paroisse de Molières ne fut comprise
dans aucune châtellenie et au compte du fouage de 1365, elle figure pour 129
feux.
(1) Si la bastide de Molières comprenait
dans son territoire le bourg de Badefol, et si ses consuls y avaient des droits
de juridiction, il ne faut pas oublier que la bastide de Lalinde et ses consuls
prétendaient aussi des droits de juridiction dans le territoire du bourg de
Badefol, et une transaction intervint entr'eux et Gaston de Badefol et un
accommodement fut signé entr'eux en 1288, à Saint-Jean de Molières, le mardi
après l'octave de Saint-Pierre (voir Histoire
de Lalinde, par l'abbé Goustat,
t.X, Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, p. 555).
(2) Arch. Nat., reg. du trésor des chartes,
coté 49, p. 103 et 105.
(3) Arch. Nat., J 623, n° 102, ce qui fut fait
pour Beaumont, Lalinde, Molières, Montpazier et Villefranche de Périgord.
p. 329 (51)
Parrochiae
quae sunt extra castellanias:
Parrochia de Molieriis pro VIXX
IX foc. = 6 x 20 + 9 = 129 + 1/3 de 129 (43) = 172 feux, en multipliant par 7
on a, pour le nombre des habitants, 1204: soit le double de la population que
donne le recensement de 1905, qui ne donne que 624 habitants. Cette bastide, si
prospère un siècle après sa fondation, souffrit beaucoup pendant la guerre de
Cent Ans et pendant les guerres de religion, et elle est restée jusqu'aux temps
modernes, sans pouvoir reconquérir la prospérité des premiers temps.
Au point de vue religieux, le curé de
Molières avait à compter avec la maison de chanoines d'Aillac, dépendant du
couvent de Cadouin et formant hameau de la paroisse de Molières; d'une
transaction passée en 1292 entre le curé de Molières et l'abbé Raymond de
Cadouin (1) il résulte que tous les habitants de la paroisse de Molières, tant
d'Aillac que d'ailleurs, relèvent spirituellement du curé de Molières; il est
fait exception pour ceux qui habitent le bourg proprement dit d'Aillac « infra
aream veterem usque ad rivum vocatum del Belegou et a dicto rivo usque ad
fontem vocatum de Las Mongas ».
Ceux-ci ne seront obligés d'aller à
l'église-mère (Molières) pour la confession qu'au carême, pour la communion
qu'à Pâques et à la Saint-Jean; en tout autre temps, ils pourront entendre
l'office divin dans le monastère d'Aillac et y faire tout autre pratique
religieuse, sans autre condition, pendant deux ans.
Les personnes au-dessus de 12 ans venant à
mourir à Aillac seront enterrées dans le cimetière d'Aillac, mais on paiera 7
sous au curé de Molières et les luminaires et offrandes pour la sépulture
seront partagés entre le curé et le prieur d'Aillac.
(1) Fonds Périgord, t. 47, folio 15.
d) Montpazier (1)
La ville de Montpazier est un chef-lieu de
canton de l'arrondissement de Bergerac (Dordogne); elle fut bâtie dans le
détroit et juridiction de Biron, paroisse de Notre-Dame de Capdrot.
C'est le 7 janvier 1284, que P. de
Gontaud, baron de Byron, fît don à Edouard Ier de l'emplacement
nécessaire à sa fondation.
En s'établissant fortement sur les
plateaux qui sont situés entre les grandes rivières du Lot et de la Dordogne,
le roi d'Angleterre suivait une politique déjà ancienne dont les fondations des
bastides de Beaumont, Molières, Montpazier sont les principales manifestations.
Un titre des Rôles Gascons (t. II, n° 1643) nous permet de constater que
depuis longtemps son attention s'était portée sur les plateaux du Haut Drot
(2); le 7 mars 1273, Pierre et Amanieu de Maumont, du consentement d'Aymeric de
Biron, damoiseau, firent don au roi Edouard du lieu ou montagne de Puypito,
situé entre Montpazier et Rives (localité des canton et commune de Villeréal)
(3); cette donation avait été acceptée par Vitalis de Luyganh, alors bayle de
Beaumont, en vue d'y élever une bastide.
Ce projet ne fut pas exécuté; Pierre de Gontaud,
seigneur de Biron, prit possession de cette localité; et sur la plainte du
(1) L'orthographe officielle, mais fautive,
est Monpazier; nous suivrons la forme Montpazier comme reproduisant mieux le Mons Passerius où la bastide fut
bâtie.
(2) Les rois de France et d'Angleterre ont
eu des démêlés assez longs sur les territoires du Drot, prétendus usurpés par
les gens du roi de France après la mort d'Alfonse de Poitiers. Comp. Olim., t.
II, p. 43.
(3) Cette localité nous paraît devoir être
placée à Pebetou (carte de l'état-major) au nord de Rayet; elle répond mieux
aux indications du titre que Puybetou (commune de Nojals) proposé par M. L.
Bémont; notre localité est bien entre Montpazier et Rives; elle domine la
vallée du Drot. Comp. L. Dessales, Histoire
du Périgord, t. II, p. 29 et le père Anselme, Histoire généalogique, de la maison de France, 3e
éd., t. VII, p. 350 et suiv.
p. 331 (53)
chevalier Pierre de Maumont, le roi
ordonne d'examiner si la restitution de cette localité doit lui être faite (1).
Au reste, le roi d'Angleterre, en
s'établissant fortement sur la rivière du Drot, en y fondant des bastides, en
développant celles qui devaient leur fondation à Alfonse de Poitiers (2),
donnait à son autorité des points d'appui très importants.
Mais revenons à la fondation de la bastide
de Montpazier.
Voici les renseignements que nous
fournissent les pièces conservées au fonds Périgord t. 47 (fol. 48 à 51);
« Sérénissime prince Edouard, roy
d'Angleterre, duc d'Aquitaine possédant le duché d'Aquitaine en paix du temps
du roy Philippe régnant en France, eut dessein de faire bâtir une ville dans le
pays de Périgord, au diocèse de Périgueux, et l’an 1284, 7 janvier, a cet
effet, Pierre de Gontaut, seigneur et baron de Biron, inclinant aux desseins et
volonté de sa majesté anglicane, donna le lieu pour bâtir la ville et fut
appelée Montpazier (3).
Lequel lieu où la ville fut construite
était alors dans le district et juridiction de Biron... », le lieu était
abandonné et formait un tènement appelé Mons
Passerius, auprès était une forêt, à demi-lieue; cette forêt appartenait
aussi à la maison de Biron; elle fut coupée pour servir à la construction de la
bastide.
Messire Jean de Grilly, sénéchal de sa
dite majesté anglicane, accepta le don que ledit seigneur de Biron lui fît de
l'emplacement, et en récompense, au nom de sa majesté,
(1) Rôles
Gascons, t. II, n° 1643: «... quare vobis mandamus ut si, visis
convencionibus vobis constet quod dictus mons datus simpliciter nobis, ipsum
retineatis; Si vero sub conditione ut faciamus ibi bastidam et nolimus eam
facere, restituatis ipsum montem militi supradicto (an. 17e, 3 juin
1389). — Comp. manuscrit, de Wolfenbuttel (fol. 68, 49, 129). édité aux
Archives hist. de la Gironde, t. V.
(2) Notamment Villeréal, Eymet sur le Drot
et Montflanquin dans une boucle de la Lède,
(3) L.
Dess., Histoire du Périgord, t.
II, p, 29.
p. 332 (54)
accepta un paréage, relatif à Montpazier,
entre le roi d'Angleterre et le seigneur de Biron.
Par cette transaction, le roi d'Angleterre
reconnaissait que le bourg de Capdrot et son église dépendaient, comme
auparavant, de la juridiction de Biron;
Que la basse justice et la juridiction de
Montpazier seraient communes, par moitié, entre le Roi et le seigneur de Biron;
Que les fours, fournages, boucheries,
marché, leude, oblies et acaptes, comme les jardins et cazals, seraient communs
et divisés par moitié entre le Roi et le seigneur de Biron.
Celui-ci conservait, comme auparavant, les
droits dans les paroisses situées hors ladite bastide et notamment les devoirs
et juridictions, les péages, fiefs et arrière-fiefs.
En exécution du paréage, les habitants de
ladite bastide et de ses dépendances devaient prêter serment de fidélité à sa
dite majesté et au seigneur de Biron; et, chacune des parties, le roi
d'Angleterre et le seigneur de Biron, avait la faculté de nommer un bayle à
Montpazier.
Cette organisation fut complétée par une
nouvelle convention signée le jeudi après l'Epiphanie 1293, par laquelle il fut
arrêté que les deux bayles commun aux deux parties;
ser- |
Que les consuls représentants de la
bastide prêteraient serment de fidélité, à leur entrée en charge : 1° au
seigneur de Biron; et 2° à sa majesté ou à son bayle.
Les bayles avaient à exercer en commun les droits de
la basse justice, et Guillaume de Conques fut nommé bayle par ledit de Biron à
la sortie de mars 1293; et Bernard de
Forzes le fut pour le roi et prêta serment au seigneur de Biron.
bayle par |
Ce paréage se maintint dans la suite; mais
les droits de Biron furent diminués ou méconnus: dans une note à la suite de
l'acte de 1293, analysé plus haut et provenant des archives de Biron, nous
trouvons cette mention: « de ce que
dessus les seigneurs de Biron ne jouissent plus ».
Nous savons, en outre, par un acte
conservé aux Rôles Gas-
p. 333 (55)
cons du 30 mars 1305 (1), que le seigneur de
Biron se plaignait des agents du roi d'Angleterre: ceux-ci ne respectaient pas
le paréage établi lors de la construction de la bastide; le roi ordonne une
enquête et recommande qu'on exécute ce qui paraîtra juste et conforme aux
engagements pris.
La bastide de Montpazier n'occupait, à
l'origine, que la surface même destinée à sa construction et qui avait été
prélevée sur la paroisse de Capdrot (2). Mais bientôt on allait rattacher à son
territoire d'importantes paroisses voisines: ce fut l'œuvre du damoiseau
Aymeric de Biron (3), seigneur pour partie du château de Montferrand, en
Périgord, qui, le 11 février 1285, céda à Bertrand de Panissal, bayle de la
bastide de Montpazier, et aux consuls Pierre de la Faye, artisan, Etienne de
Mansac, Gilbert de Sarlat, Guillaume du Puy et Arnaud del Camps, consuls en
exercice, la haute, basse et moyenne justice, les droits de garde et de
surveillance (Coto ac Gardiagio) des
champs et récoltes, droits que ledit Aymeric de Biron avait, pouvait ou devait
avoir dans les ténements et paroisses des églises de Capdroto (Capdrot), de
Marsalesio (Marsalès) (4), de Lavalada (Lavalade), de Gaujaco (Gaugeac), de
Sancti Cassiani (Saint-Cassien); les conditions de cet abandon étaient établies
dans un acte dressé par Gérald de Bossac, notaire public et général pour les
diocèses d'Agen, Périgueux et Cahors et revêtu des cachets des parties.
Cet acte fut approuvé par le roi le 30 mai
1289 (5). Ainsi se
(1) Rôl.
Gasc., ann. 32 à 33. Edw. 1er, membr. 21, Collection
Brequiguy. L. Dessales, t. II, Hist.
du Périgord, p. 93.
(2) C'est ce qui explique pourquoi la
commune de Montpazier, héritière de l'ancienne bastide, ne s'étend guère au
delà des anciennes fortifications.
(3) Comp. sur ce seigneur les Archives historiques de la Gironde, t.
XIV, p. 498-499, et les renseignements fournis par le père Anselme, t. VII, p.
351 et 352. Histoire des grands
officiers de la couronne.
(4) Il faut remarquer que le bourg de
Marsalès, comme nous l'avons constaté antérieurement, faisait partie de la
bastide de Molière; Biron ne pouvait céder que les droits qu'il avait, si
Molière avait conservé les droits lui appartenant.
(5) Rôles
Gasons, t. II, n° 1646. Arch. hist. de la Gironde, t, X, p. 99, d'après
Coll. B., t. XV, p. 93. L. Dess., t. II,
p. 37.
p. 334 (56)
trouvait constitué le territoire de la
commune de Montpazier, tel qu'il restera dans la suite.
La fondation d'une bastide emportait avec
elle des opérations multiples; en premier lieu, la désignation des habitants
qui prêtaient le serment de bourgeoisie et promettaient les obligations en
découlant (Rôles Gascons, n°
1403); on attribuait à chaque famille un emplacement sur lequel l'attributaire
promettait, dans un certain délai, d'établir une maison; or, parait-il, en
1289, ces obligations n'étaient pas remplies et le Roi exige que les
concessionnaires remplissent leurs obligations dans le délai fixé et accepté,
au moment de la concession, ou qu’ils paient une amende de « decem librarum
monete currentis »
ou toute autre par eux promise. Les sommes ainsi recouvrées, d'après l'ordre du
roi, seront affectées « ad clausuran bastide, vel constructionem
ecclesie dicti loci, vel ad
alias utilitates manifestas loci
ejusdem » (1).
La construction d'une bastide devenait
ainsi un travail d'utilité publique; l'autorité en surveillait l'exécution; de
là ces plans uniformes, si caractéristiques et sur lesquels M. le baron de
Verneuil (t. VI, Annales de Didron) a
fourni des renseignements et qui donnent à toutes ces villes une physionomie
particulière.
Dans chacune de
ces bastides se trouvait un bayle ou représentant du maître de la bastide: à
Montpazier, il y avait, du moins à l’origine, comme nous l’avons vu, deux
bayles, l’un pour le roi d'Angleterre, l'autre pour le seigneur de Biron, en
conséquence du paréage établi à la fondation. En outre, les intérêts généraux
de la cité et du territoire étaient dans les mains des consuls; ces
agglomérations avaient une organisation municipale plus ou moins complète: de
là la nomination de consuls avec des pouvoirs assez étendus; nous reviendrons
sur tous ces points lorsque nous étudierons les chartes et libertés qui furent
données à ces bastides.
(1) Rôles
Gascons, t. II, n° 1403.
Comp. L. Dess., t. II, p. 93.
p. 335 (57)
Pour le moment, nous nous bornerons à
rappeler quelques points spéciaux résultant des documents.
Suivant les hasards de la lutte entre
l’Angleterre et la France, chacune de ces puissances devenait maîtresse des
bastides: c'était l'occasion de privilèges et de faveurs à ces villes et à
leurs gouverneurs.
Avant la guerre de Cent Ans, Pierre de
Gontaut II, seigneur de Biron, fils du fondateur la bastide, qui savait bien
que la bastide avait été placée sous la sauvegarde du roi de France, de même
que Capdrot et autres lieux circonvoisins, avait envahi en 1327 la bastide,
Capdrot et autres localités, avait ravagé le pays et y avait commis des
violences de toute nature.
Mais en reconnaissance de ses bons
services, le maréchal Bertrand de Briquebec, lieutenant du roi de France en
Languedoc, en 1327, lui avait concédé des lettres de rémission, approuvées par
le roi, au mois de décembre (l).
Ainsi en 1341, Jean de Marigny, évêque de
Beauvais, en considération des services rendus par Aymeric II de Biron,
seigneur de Montferrand, par lettres du 10 octobre 1341, datées de Bergerac,
accorde à Aymeric et à ses vassaux exemption du ressort et juridiction des
baillis ou juges de Montpazier et de Molières, et de leurs assises (2); par là
les juridictions royales, desquelles relevaient les juridictions seigneuriales
de Aymeric, pour le ressort et la juridiction, se voyaient diminuées; et les
juridictions seigneuriales acquéraient par là une autorité plus grande (3).
En 1350 (4), à suite d’un accord fait
entre le comte de Penthièvre et de Périgord, etc., et Aymeric II de Biron,
seigneur
r quelques |
? |
|
|
(1) Arch. nat., Reg. fr. des ch., côté 64,
p. 699. Comp. L. Dessales, t. II, p. 167.
(2) Histoire
des grands officiers de la couronne, t. VII, p. 351.
(3) En conséquence, on notifia le 12
octobre 1341, par mandement de Me Guillaume de Badière, sénéchal de
Périgord et de Quercy, aux juges royaux de Mont-de-Dome, de Montpazier et de
Beaumont, lesdites lettres d'exemption.
(4) Histoire
des grands officiers de la couronne, par le père Anselme, t. VII, p.
352.
p. 336 (58)
de Montferrand, le 18 octobre 1350, il fut
convenu que l'on donnerait la capitainerie et le gouvernement de Montpazier à
Jean de Biron, fils du seigneur de Montferrand, pour l'aider à garder sa place
de Montferrand et on lui assurerait 20 livres de revenu annuel sur la
châtellenie du lieu de Montpazier.
A son tour, le roi d'Angleterre, en 1375,
pour attirer à lui ou maintenir dans son parti, et aussi pour le dédommager des
pertes par lui subies en servant la cause anglaise et le récompenser des
services rendus (1), attribue à « Dilecto et fideli nostro Almerico de Bironio
Dno de Montferrand de Perigord... locum de Montpazier cum
pertinentiis habendum ad vitam suam cum feodis homagiis parrochiis emolumentis
revencionibus et aliis profiscuis », mais il est vrai avec la réserve, de
nature à contrarier cette concession: « in casu quod ipse locum praedictum super inimicos
nostros poterit conquestare faciendo nobis homagium ligeum » (10 sept.
1375, Rôles Gascons, an° V,
Ed. III, coll. Brequigny). Le roi d'Angleterre ne cédait à Aimeric que des
choses que celui-ci avait préalablement à conquérir sur les Français.
La condition que ces titres firent à
Montpazier a duré fort longtemps, car dans l'aveu de la terre, baronnie et
seigneurie de Biron, faite au roi par François de Gontaud-Biron, en titre de
première baronnie (2), en 1648, nous lisons, après le dénombrement des biens,
« nonobstant ce que dessus je déclare que c'est sans préjudice à l'ancienne
possession de la justice haute, moyenne et basse du Bourg de Capdrot, en la
juridiction de Montpazier et au paréage avec Sa Majesté de la basse justice et
de la moitié des fours, fournage, boucherie, marché, leudes, etc., qui m'appartiennent
dans la juridiction; comme aussi la prestation et serment de fidélité qui m'est
dû par les habitants de Montpazier conjointement avec
(1) Ainsi, à quelques mois d'intervalle,
le même personnage suivait la cause anglaise ou la cause française.
(2) Fonds
Périgord; B. N, p. 43, t. XI.
sa dite Majesté; de même la faculté de
créer un juge pour y exercer la justice, conformément à la sentence arbitrale
passée entre Edouard, roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine, et ses commis d'une
part et Pierre de Gontaut de Biron, sieur et baron de Biron, un de mes ancêtres
d'autre part, et datée du 8 janvier 1284 et le lieu de Montpazier est donné,
dans mon détroit et juridiction de Biron. »
e) Courtes notices sur les autres bastides du Périgord
La bastide d'Eymet, située sur le Dropt, à
l'extrême limite du département de la Dordogne, doit son origine à Alfonse de
Poitiers; il en jeta les fondements sur un terrain très anciennement habité, et
où l’on a trouvé des restes romains assez importants (1), et lui donna, au mois
de juin 1270. des coutumes identiques à celles de Castel-Sacrat (2).
L'honor et le districtus se trouvent déterminés
dans le dernier article de ces coutumes (art. 37) de la manière suivante : «
Item damus et concedimus pro honore et districtu villas de Ymmeto praedictae,
villam de Losumo (3) cum pertinentiis suis, et villam Salvitate (4) cum pertinentiis, et villam seu castrum Perticae cum
pertinentiis suis et territoriis et limitationibus eorumdem, retinemus siquidem
in diclo loco seu villa de Ymmeto salinum nostrum, sine praejudicio libertatis
hominum dictae villae. »
(1) Compr. Audierne, le Périgord illustré, p. 351.
(2) Collect. Doat; t. LXXVI, p. 334 et
suiv. A tort M. de Gourgues place en 1272 la concession des coutumes par
Alfonse de Poitiers.
(3) Probablement Lauzun (Lot-et-Garonne).
(4) La Sauvetat de Dropt.
II — Bastide de
Castel-Real (1) et de Dome
La fondation des bastides en Périgord fut
de la part des Anglais et des Français le moyen le plus efficace d’y asseoir
leur autorité.
Louis IX, en abandonnant le Périgord, le
Limousin et le Quercy aux Anglais, sous condition d’hommage, avait réservé les
droits des privilégiés, c’est-à-dire des vassaux de la couronne, auxquels le
roi ou ses frères avaient garanti de ne pas les mettre hors leurs mains.
Les Anglais, dès la prise de possession du
Périgord, cherchèrent des points appropriés pour l'établissement de leurs
bastides; ils jetèrent les yeux sur un haut plateau, tout près de
Siorac-de-Belvès, et dans la châtellenie de Belvès, au nord, il est taillé à
pic sur la Dordogne et, au sud, par des pentes assez raides, il offre une
position formidable pour l'époque.
C'est vers 1267 que les travaux furent
commencés et poussés assez avant; mais l'abbé de Sarlat, dans le fief duquel se
trouvait la localité, fief qu'il tenait du roi, fît opposition à cet
établissement; opposition à laquelle s'associa Raoul des Trappes, sénéchal du
roi de France, et qui fut portée au Parlement de France; les Anglais ne
voulurent pas s'arrêter et le roi de France, saint Louis, en vue d'une enquête
à faire sur le point de savoir si la localité était une dépendance Sarlat ou
non, ordonna la cessation des travaux et prit le lieu sous sa protection (2).
Anglais n'abandonnèrent pas cependant ce
projet et, en présence des travaux que Philippe le Hardi entreprenait à Les
Anglais n’abandonnèrent pas cependant ce projet et, en présence des travaux que
Philippe le Hardi entreprenait à Domme, en 1280, ils réclamèrent au Parlement
la main levée de l'interdiction royale.
Le procurateur du roi d'Angleterre
suppliait le Parlement
(1) L. Dessales; Hist. du Périg., t. II, p 25.
(2) Parlement de la Penteooste, 1268; Olim, t. I, p. 723.
p. 339 (61)
de lever la main-mise, afin de pouvoir
achever et terminer un château fortifié, situé en Périgord, appelé Castrum Regale, antérieurement
commencé, travail qui avait été arrêté par saint Louis propter quandam
parvam inobedientiam.
Les procurateurs de l'abbé de Sarlat
s'opposèrent à la supplication des demandeurs et voici les raisons pour
lesquelles la requête du roi d'Angleterre ne devait pas être écoutée:
L’abbé et le couvent de Sarlat étaient
privilégiés en ce sens que eux, leurs choses et leurs biens ne pouvaient être
mis hors de la main du roi de France (1).
Des enquêtes faites par la Cour, il
résultait que les gens du roi d’Angleterre faisaient construire un château
fortifié « in feodo castri de Syurac (Siorac
de Belvès) quod castrum de Syurac cum pertinentiis suis est de feodo
dictorum abbatis et conventus. » La construction avait été continuée
malgré l'opposition des couvent et abbé de Sarlat, malgré la dénonciation de
nouvel oeuvre intentée par eux, et en conséquence, le roi de France saint
Louis, en son Parlement, ordonna la destruction du château; le roi, en présence
de ces faits, maintint l'opposition faite, et déclara qu'il n'y avait pas lieu
d'accueillir la demande de main-levée formée par le roi d'Angleterre, et qu'on
ne recevrait plus à l'avenir aucune réclamation sur ce point (2).
Ce projet ne fut pas repris, et les ruines
qui couronnent la montagne de Castel
Real sont, avec les documents analysés, le seul souvenir de la bastide
projetée; et l’office qu’en attendait le roi d’Angleterre fut rempli par les
bastides de Molières, Beaumont et Montpazier dont nous avons parlé plus haut.
En abandonnant au roi d'Angleterre le
Périgord, saint Louis et ses descendants y conservaient les fiefs qu'ils ne
pouvaient mettre hors de leur main; ainsi deux autorités rivales exis-
(1) Fait reconnu par le roi
d'Angleterre dans la réclamation de 1310 (Bulletin
de la Soc. hist. et archéol. du Périgord, an. 1902. p. 201. « In
Petragoricinio sunt privilegiati ante pacem habitam inter beatum Lodovicum...
Abbas sarlatensis in capite quam in membris ... »
(2) Olim, t. II. p. 179. XXV. Parlement de la Pentecôte de 1281:
Philippe III.
taient dans le même pays, et le roi de
France pouvait, comme tout autre seigneur, fonder des bastides dans ses
domaines.
Ainsi fut fondée, en Périgord, la bastide
de Dome ou de Mont de Dome, qui joua dans la suite un rôle important pendant
les guerres de l'indépendance.
Cette bastide, dans une très forte
position fut fondée par Philippe le Hardi, en 1281; ce prince lui donna des
privilèges en 1283; nous en devons la conservation à M. Lascoux, conseiller à
la Cour de cassation, qui en a donné la charte originale à la Bibliothèque
nationale (1).
Les autres documents relatifs à son
histoire ont été rappelés par M. Lascoux, dans une brochure spéciale. Nous
pourrions que répéter ce qu'à dit M. Lascoux, beaucoup mieux que nous ne saurions
le faire (2) ; nous nous en tenons à cette simple mention.
Un document des Rôles Gascons (3), à côté des bastides qui nous sont connues, et
dont nous avons présenté l'histoire, mentionne la bastide de Puy Guilhem, avec
les bastides de Fonroque, de Beaulieu (B. de Bello loco) et de Villefranche (B.
de Villa franca).
III. — Bastide de
Puy Guilhem.
II faut distinguer Puy Guilhem château et
castrum (4) et la bastide de Puy Guilhem.
Puy Guilhem (castrum) est « une ancienne
forteresse, aujourd'hui en ruines, assise au sommet d'un vaste plateau, qui
semble raconter encore tous les assauts qu’elle eut à soutenir
(5) » ;
(1) Mémoires de
l'Ecole des chartes, année 1877, page 278.
(2) Documents
historiques sur la ville de Dome (Dordogne), recueillis et publiés par
J(ean) Baptiste L(ascoux). Paris, 1836. — Sur la fondation de Dome, comp. L.
Dessales, Hist. du Périgord, t.
II, p. 53 et suiv.
(3) R, G. t. II, n° 802.
(4) Aujourd'hui chef-lieu d'une des
communes du canton du Sigoulès (arrondissement de Bergerac).
(5) Audierne, le Périgord illustré, p. 550.
p. 341 (63)
il fut cédé en 1265 par les seigneurs du
lieu au roi d'Angleterre à la condition « ... qu’el dits senhor Reis, ni l’avandita
dona sa molhier, n’il senhor N. Audouars los fils et lor bailles auran mestier
à far una bastida clausa ... fora lo casted de Pugh-Wilhem... » (1).
Cette forteresse de Puy Guilhem a joué un
grand rôle pendant la guerre anglo-française, et y été plusieurs fois prise et
reprise par les Français et les Anglais; elle devint par la suite le chef-lieu
d'une des châtellenies les plus importantes du Périgord.
La bastide de Puy Guilhem fut établie au
sud du castrum, sur un des affluents du Dropt: elle a porté jusqu'au XVIIe
siècle le nom de Sainte-Eulalie de Puy Guilhem; elle l’a changé en celui de
Sainte-Eulalie-d'Eymet, et forme une commune du canton d'Eymet (2); elle n'a
jamais eu une grande importance. En 1365 elle avait 24 feux.
D'après les documents publiés aux Rôles
Gascons, les castrum et la
castellania de Puy Guilhem avaient été concédés par le roi à Augier Mote, plus
jeune, en paiement d'une dette dont le roi était tenu vis-à-vis d'Augier Mote,
père; cette concession avait été faite pour quatre années vers 1288; le roi, en
1290, ordonna un règlement pour déterminer ce qui pouvait encore être dû (3),
et concéda le castrum et la castellania avec tous les droits qu'il pouvait y
avoir et en y comprenant la bastide (n° 1814) à Alexandre de la Pebrée et pour
la durée de sa vie; concession dont l'exécution présenta des difficultés (4), à
cause des privilèges des habitants; ce seigneur obtint en échange des droits
sur Puynormand et ses dépendances.
(1) Acte du 26 mars 1265 (Man. de Wolfembuttel,
n° 432), la cession était faite par Auger de Puychagut, Grimoart de Picou,
Hélie de Saint-Michel et quelques autres
chevaliers et seigneurs de Puy Guilhem. MM. Martial et Jules Delpit, Notice sur un manuscrit de la bibliothèque
de Wolfembuttel. Notices et extraits de manuscrits de la bibliothèque du
roi, t. XIV, 2e partie. Paris, Imp. Roy. 1841.
(2) Vicomte de Gourgues. Dict. top.
v° Sainte-Eulalie d'Eymet.
(3) R.
G., t. II, n° 1780.
(4) Comp. Rôles Gascons, t. II, nos 1775, 1779, 1781 et 1814.
La bastide de Fonroque fut établie au nord
d'Eymet et un peu à l'ouest de Sainte-Eulalie de Puy Guilhem; elle revit
aujourd'hui dans la commune rurale de Fonroque du canton d'Eymet; en 1365, au
compte du fouage, elle faisait partie de la châtellenie de Puy Guilhem, bastida,
cum parrochia de Font Roqua, avec 41 feux et demi.
V. — Bastide de
Beaulieu et de Villefranche
Où sont situées ces dernières bastides? M.
Dessales, dans son Histoire du
Périgord, t. II, p. 35, se borne à dire : « La bastide » de Beaulieu
pourrait être le lieu qu'on nomme de nos jours la bastide de Puy Guilhem près de
Sigoulès, et celle de Villefranche sur laquelle je n'ai pu recueillir que des
souvenirs; du reste, nous ne possédons ni charte de fondation, ni franchises,
ni privilèges. »
Nous n'avons pas été plus heureux que M.
Dessales, et comme lui nous n'avons découvert ni charte de fondation, ni
franchises, ni privilèges; mais puisqu'elles ont existé, à titre de bastides,
il est à présumer qu'elles ont été placées, sous le régime du droit commun des
bastides, avec les privilèges que l'on reconnaissait à toutes (1). Mais tout au
moins pouvons-nous fournir quelques renseignements qui permettront de
déterminer exactement leur situation et de les identifier.
Il est certain que ces bastides ont été
organisées, car elles figurent dans le rôle du fouage de 1365, accolées aux
paroisses dont elles faisaient partie et qu'elles étaient situées dans la
châtellenie de Puy Guilhem (2).
La bastide de Beaulieu était dans la
paroisse de Percusio ou Pertusio, d'après le rôle du fouage. Elle
avait une certaine importance, car on lui donne 76 feux; vers la même époque,
la description du Périgord mentionne parmi les bastides du
(1) Renvoi à l'étude des chartes et des
bastides.
(2) R. G., t. II, n° 302.
p. 343 (65)
patrimoine du roi; « Parochia, de Pertusio cum bastida belli loci (1) ». Or, cette
ancienne paroisse, attribuée par la bulle de 1153 au monastère de Sarlat, a
disparu; le souvenir en revit dans le village de Pertus, près de Sigoulès.
C'est donc certainement aux environs de Sigoulès qu'il faut placer la bastide
de Beaulieu (Bastida de Belle loco); elle
a bien été organisée comme bastide, puisque le mardi qui suivit la fête de la
Pentecôte de l’année 1289, les consuls de cette bastide, à la requête de
tenanciers de terrains dans la paroisse de Flaugeac (canton de Sigoulès), apposèrent
le sceau « communitatis bastide seu ville de Bello loco... in testimonium
premissorum », pour donner
l'authenticité aux engagements que ces tenanciers prenaient vis-à-vis du roi
d'Angleterre (2).
Quant à la bastide de Villefranche, elle était située dans
la paroisse de Lenvilla (3); cette paroisse, attribuée autrefois au monastère
de Sarlat (1153) et qui n'a disparu qu'assez tard, faisait partie de la
paroisse de Monestier (commune actuelle de Sigoulès) et il nous paraît certain
que le lieu marqué à la carte d'état-major, sous le nom de Bastide, à l'ouest et tout près de
Monestier, est l'ancienne bastide de Villefranche (4).
(1) Rôle de 1365. Parochia de Percusio cum
bastida Belli loci pro LXXVI foc, et manuscrit Saint-Germain, n° 1444 (Description du Périgord).
(2) N° 1719, Rôles Gascons, t. II.
(3) Compte du fouage de 1365, bastida Villefranche ad parochiam del
Lenvila pro XLIII foc. et dimidium.
(4) Cette attribution nous paraît résulter
des documents et nous ne saurions accepter l'identification de notre bastide de
Villefranche, avec Villafranca de
Lopsaco (aujourd'hui Villefranche-de-Longchapt, canton du Bergeracois),
qui jamais n'a fait partie de la châtellenie de Puy Guilhem. Nous rejetons
cette identification proposée par M. Curie-Simbres, p. 210. Comme aussi et par
les mêmes motifs celle qui place au Beaulieu d'Annesse (canton de
Saint-Astier), la bastide de Beaulieu de notre document. Les paroisses de Pertusio ou Percusio et de Lenvilla
ou Hemvilla, l'une et
l'autre sous le vocable de Saint-Martin, sont encore portées sur la carte
dressée en 1624 par le chanoine Jean Tarde (Chroniques de Jean Tarde, etc., Paris, 1887); la première est
marquée au sud de Sigoulès et séparée de Lenvilla par la paroisse de Lesdignac;
Lenville doit donc être placée dans le territoire actuel de la paroisse de
Monestier et non dans la paroisse de Flaugeac, comme l'a cru M. de Gourgues, Dict. top.
Ainsi les Anglais, continuant l'oeuvre d'Alfonse
de Poitiers, par la reconstruction du château de Puyguilhem et les fondations
des bastides de Fontroque, de Puyguilhem, de Beaulieu et de Villefranche,
développèrent de nouveaux centres de population et facilitèrent le défrichement
et la culture dans cette partie de leurs possessions.
VI. — Bastide de
Beauregard (Bello regardo)
La bastide de Beauregard fut fondée par le
roi d'Angleterre, pendant que Jean de Grilly était sénéchal; au mois de novembre
1286, des coutumes lui furent accordées par le roi Edouard. Ces coutumes
reproduisent d'une manière complète les dispositions formant le Droit commun
des bastides, et ne se différencient que par quelques variantes sans
importance des chartes des autres bastides périgourdines (Lalinde, Molières, Villefranche, etc.).
Sa fondation motiva quelques plaintes de
la part des seigneurs du voisinage et notamment de la part d'Elie de Talayrand,
seigneur de Grignols, qui se plaignait de la réception dans la bastide de ses
vassaux, liges et questaux, réception contraire au statut fondamental sur ce
point et à la défense du roi; aussi fut-il ordonné qu'après vérification des
faits, les vassaux du seigneur seraient renvoyés de la bastide (1).
Le roi d'Angleterre, en fondant cette
bastide sur les plateaux qui séparent les vallées de la Dordogne et de l’Isle,
voulait y établir fortement son autorité; aussi rattacha-t-il à la bastide un
très grand nombre de localités; cette situation est mise en évidence par le
dernier article de la charte de 1286.
La bastide était située au centre de ses
dépendances, au lieu de Beauregard, dans la commune de Beauregard et Bassac, du
canton de Villamblard. Le château ou bastide de Beauregard
(1) Rôles
Gascons, t. II, n° 1557 (24 mai 1289, année 17e du règne
d'Edouard).
p. 345 (67)
était bâti sur un plateau entre deux
vallées fertiles qu'arrosent les ruisseaux des Neuf-Ponts et celui de la
Crempse.
Voici, énumérées par la charte, les
dépendances de la bastide de Beauregard :
1° Castrum de Claromonte cum honore et
pertinentiis suis, le bourg
fortifié de Clermont, avec son territoire et ses dépendances. Aujourd'hui,
Clermont-de-Beauregard, commune du canton de Villamblard. D'épaisses murailles
rendaient cette ville un point de défense important, et sa belle position que
de larges et profonds fosses protégeaient, la mettait à l'abri d'une surprise.
Les tracés des murs de circonvallation paraissent encore, ainsi que ceux des
fossés, qu'on ne peut méconnaître; au pied du mamelon, sur lequel reposent ces
ruines, coule le ruisseau du Caudon.
2° Et castrum de Longo vado cum honore
et pertinentiis suis, probablement
le château et bourg de Longas, dans la paroisse et commune de Sainte-Foy de
Longas.
3° Et castrum de Monte claro cum honore
et pertinentiis suis castrum usque ad dictum rivum Lo Loyra, bourg fortifié de Montclar, dans la
paroisse et commune de Saint-Georges de Montclar; le château est bâti dans la
vallée du Coudau, sur une motte factice. Les dépendances du bourg, jusqu'au
ruisseau de la Louyre, étaient comprises dans le territoire de Beauregard.
4° Et castrum de Vernhio cum honore et
pertinentiis suis. Vernh ou
Vergt, qui fut le chef-lieu d'une châtellenie puissante.
5° Et castrum de Estissaco cum honore
et pertinentiis suis, le château
et bourg fortifié d'Estissac: il fut le siège d'une châtellenie importante,
dont le nom revit dans les paroisses de Saint-Hilaire d'Estissac, de Saint-Jean
d'Estissac et Saint-Séverin d'Estissac.
6° Et castrum de Rosilha cum honore et
pertinentiis suis. « Non
loin de Vern, à gauche de la route, entre Bordas et Saint-Mamet; il est une
ruine silencieuse comme la pous-
p. 346 (68)
sière des tombeaux, mais très expressive
pour l'histoire. C'est le château de Roussille, de style roman, et dans les
flancs duquel le laboureur promène sa charrue. Là vous découvrez encore
l'antique enceinte, un puits profond, des pans de murs tapissés de lierre, des
voûtes dont la solidité égale le rocher, des fortifications circulaires et un
monceau de débris qui révèle la grandeur passée de ce monument; que de
souvenirs enfouis dans ces décombres! Roussille, jadis forteresse, fut une des
plus anciennes châtellenies et vicomtes de la province. De ce château de
Roussille, si remarquable, il ne reste qu'une vieille tour dont la construction
remonte à la première race des rois de France (1). »
7° Parrochia et Burgum de Bassaco cum
pertinentiis suis, la
paroisse et le bourg de Bassac, avec ses dépendances: la paroisse de Bassac
formait autrefois une paroisse distincte, réunie aujourd'hui à Beauregard, sous
le nom de paroisse de Beauregard et Bassac.
8° Et burgum et parrochia de Grunh cum
pertinentiis suis, le bourg
de Grun forme aujourd'hui une commune du canton de Vergt.
9° Et burgum et parrochia Sancti Maximi
de Pérols cum pertinentiis suis, c'est
la commune et paroisse de Saint-Mayme de Pereyrols, du canton de Vergt. On l’a
appelé quelquefois Saint-Mayme de Douville.
10° Et burgum et parrochia Sancti Amadi, c'est la commune et paroisse de Saint-Amand-de-Vern;
canton de Vergt, que de Belleyme appelait Saint-Amand de Villadeix.
11° Et burgum parrochia de Montagnac, c'est la commune et paroisse de
Montagnac la Crempse, canton de Villamblard, sur un petit affluent de la
Crempse.
12° De
Campo Secreto, Camp Segret, commune du canton de
Villamblard.
(1) Audierne, le Périgord illustré 1858, p. 506 et 507. — Roussille dans la
commune de Douville, à l'extrémité de celle-ci, et à égale distance de Douville
et de Saint-Mayme-de-Pereyrol, les trois points en ligne droite.
p. 347 (69)
13° De Sancto Juliano, Saint-Julien de Crempse, commune du
canton de Villamblard.
14° De
Campanhac, village de Montagnac la Crempse (canton de Villamblard).
15° De Beleymas, commune du canton
de Villamblard, sur le plateau à la suite de Campagnhac.
On comprenait dans le territoire de cette
bastide de Beauregard les dépendances des localités énumérées avec tous les
droits qu'y avait ou pouvait y avoir le roi d'Angleterre, celui-ci se réservant
la faculté d'ajouter ou de diminuer ces attributions (1).
La bastide de Beauregard n'eut ni grande
importance, ni grand avenir. Les guerres qui éclatèrent entre la France et
l'Angleterre, bientôt après sa fondation (1294, 1295, 1296), qui entraînèrent
la perte de la Guyenne par les Anglais, amenèrent sur tous les points des
possessions anglo-françaises des luttes constantes et de grandes modifications
dans la répartition des territoires: ceux-ci passaient alternativement des
mains des seigneurs anglais dans les mains des vassaux du roi de France, et la
paix faite entre les deux pays n'arrêtait pas toujours les luttes
particulières sur certains points du territoire; à juste titre un poète
contemporain a pu dire:
On peut bien savoir et
congnoistre
Que Englois onc français
n'ama.
Male Dragée entre eulz y a:
Hui sont en pais, demain en
guerre (2).
Ainsi le roi de France, à la suite des
campagnes qui abou-
(1) Comp. Les Cout, de Beauregard, Bulletin de la Société hist. et arch. du
Périgord, t. III, p. 169, d'après une copie du 28 juin 1767. — Une autre
copie française de ces Coutumes a été publiée dans le Bulletin héraldique de France (1891); elle donne une variante.
Au lieu du château de Longas, elle donne Saint-Maurice (probablement de la
paroisse de Saint-Laurent-des-Bâtons), ce qui doit être une mauvaise lecture.
(2) Le dit de
la rébellion d’Engleterre et de Flandre, publié par M. Jubinal, nouveau recueil de contes, p. 73.
p. 348 (70)
tirent à la conquête de la Guyenne, avait
dans ses mains les bastides anglaises, et à la suite d'un échange de
territoires avec le comte de Périgord il abandonna à ce dernier les
châtellenies de Puynormand, les bastides de Villefranche de Longchapt, de
Saint-Astier, d'Estissac, la bastide de Beauregard avec Clermont, la bastide de
Lalinde avec sa pêcherie et Longas, le château de Grignols et d'autres domaines
(1).
Cet échange, basé sur les revenus des
territoires abandonnés par chacune des parties, nous permet d'affirmer le peu
d'importance de Beauregard, car cette bastide ne figure que pour un revenu de
59 livres périgourdines, tandis que Lalinde était mentionné pour 872 livres 10
sols et la même différence se rencontrait dans la population: Beauregard
n'avait que 950 habitants, tandis que Lalinde en avait 2465.
Tous les territoires cédés par Philippe le
Bel au comte de Périgord ressortaient à la sénéchaussée de Gascogne; ils
ressortiront à l'avenir à la sénéchaussée de Périgord (2).
Au reste, la paix faite entre les rois
d'Angleterre et de France (1303, 20 mai, traité de Paris), les bastides anglaises
furent rendues au roi d'Angleterre: celui-ci ne leur garda pas rancune d'avoir
si facilement suivi la cause française, et, au mois de juin 1316, Edouard II
déclara unir à jamais à la couronne les bastides de Beaumont, Lalinde,
Molières, Montpazier et Villefranche de Périgord (3).
D'un autre côté, le roi de France, par des
fondations de bastides, cherchait lui-même à se créer des points d'appui pour
son influence; c'est ainsi qu'en 1308, à la suite d'un paréage avec l'abbaye de
Charroux, il fonda la bastide de Saint-Louis, à laquelle furent attribués une
partie des territoires sur lesquels avait naguère autorité Beauregard, ce qui
démontre encore la déchéance de cette dernière bastide.
(1) Arch nat. reg. du trésor des chartes,
côté 38, p. 85.
(2) Loc.
cit. Registre trésor des chartes, côté 38, p. 86.
(3)
Arch. nat., f° 623, n° 102
VII. Bastide de Sourzac, plus
tard de Saint-Louis.
î de |
|
En 1308, l’abbé et le monastère de Charroux,
au diocèse de Limoges, par leurs procureurs Helye Itier, moine, et Raymond de
Sparta (ou Lesparta), clerc, proposèrent au roi France Philippe IV, dit le Bel,
un paréage ou association; ce paréage avait pour objet les plaines ou plateaux
de Chambonio et de la Croix, près de la rivière de Lisle, dans la paroisse de
Sourzac. au diocèse de Périgueux: le couvent de Charroux abandonnait « fundus et proprietas, omnimodaque alta et
bassa justicia, merumque et mixtum imperium », existant sur ces terrains et
leurs dépendances, et les mettaient en société avec le roi; ils agissaient « pro evidenti utilitate abbatis, et conventus
et monasterii predictorum », à la charge par le roi de bâtir une bastide « ad opus et ob causam cujusdam bastide
ibidem... construende in loco et Plateis predictis... sub infra scriptis
conditionibus et forma, videlicet », que la bastide serait gouvernée à
perpétuité par des officiers, ministres ou recteurs, communs au roi et au
couvent, élus et institués de leur consentement commun, que la juridiction, la
prison et la cour de justice seraient communs, et que les produits pécuniaires
de toute nature provenant pour le présent ou pouvant en provenir dans la suite,
seraient partagés par le roi et le couvent par égale portion; ce paréage devait
être maintenu à perpétuité entre le roi et ses successeurs et le couvent, avec
cette clause qu’aucun partage ne pourrait être provoqué à son occasion, que le
roi ne pourrait mettre ce domaine hors sa main, etc.
Le roi de France accepta le paréage et en
exécution de ces clauses fut élevée sur les bords de Lisle, au lieu déterminé,
une bastide; elle obtint les privilèges et statuts généralement accordés aux
bastides et qui sont rapportés au volume XI, p. 404. (O.R. de France), ils sont
semblables à ceux de Mont-chabrier et de Villefranche de Périgord.
p. 350 (72)
Cette bastide porta dans la suite le nom
de Saint-Louis, et en 1325, Charles le Bel confirma les privilèges et
franchises qui lui avaient été antérieurement donnés (O.R. de F., t. XII, p.
496), en y ajoutant quelques privilèges spéciaux, qui étaient suivis dans
presque toutes les bastides; il prit, en outre, cette bastide sous sa
protection spéciale, avec recommandation aux sénéchaux « de Saintonge, de
la Marche du Limousin et du Périgord de veiller à la conservation et au repos
de ses habitants (1). »
L’article 37 des coutumes de
1308 combiné avec l’article trois des coutumes de 1325 fixe l'étendue du
territoire de la bastide: Celle-ci comprendra tout et portion de ce que l’abbé
et couvent de Charroux avaient dans les paroisses de « Sancti Severini
(2), de Ponte Sancti Mameti (3), de Rossilha (4), de Sancta Columba de Dosvile
(Bosvilla) (5), de Salutare (Salvitate) 6, de Belesmas (de Benesimas) (7), de
Galmares (de Calmares) (8), de Sancto Juliano (9) et de Las Leschas (10),
Sancti Frontonis prope Moissidem (Moyssidam) (11), item in Mansis de Landa et
de Fabrica habebant et possidebant, que et prout nobiscum in communione et
pariagio, prout supra scriptum est, possident pro indivisio de ipsius bastide
honore et pertinentiis
(1) L. Dessalle, H. du Périg., t. II, p.
170, et Arch. nat., reg. du Tr. des ch.,
côté 64, p. 163.
(2) Saint Séverin d’Estissac (com., canton
de Neuvic). Voir plus haut bastide de Beauregard 5°.
(3) Parochia de Ponte Sancti Mameti
(usurp. 1310). Pont-Saint-Mamet, village, commune de Douville.
(4) Voir plus haut Beauregard 6°.
(5) Sainte-Colombe, com. de Douville (voir
Dict. top. Sainte Colombe de Lalinde).
(6) La Sauvetat Grasset, commune ecart de
Douville.
(7) Beleymas, com. et cant. de
Villamblard, comp. Beauregard 14°.
(8) Inconnu.
(9) Saint-Julien la Crempse, commune de
Villamblard. Voir Beauregard.
(10) Les Lèches, com. du canton de
Laforce.
(11) Il ne peut s'agir ici que de
Saint-Front-de-Pradoux, commune et canton de Mussidan.
p. 351 (73)
perpetuo remansura, salvo in aliis jure
nostro, et jure quolibet et alieno. »
La fondation de cette bastide par le roi
de France enlevait au roi d'Angleterre des territoires sur lesquels il avait
des droits: aussi protesta-t-il très énergiquement contre cette fondation, et
dans le rôle des réclamations, dressé en 1310 par le juge du roi d'Angleterre
en Périgord, Me Arnaud du Codex, figure en première ligne la
surprise que le roi de France avait réalisée à Sourzac, où il avait fondé la
villa franca de Saint-Louis, avec de nombreuses dépendances, au mépris des
droits du roi d'Angleterre, qui avait possédé toutes ces localités paisiblement
et sans contestation, y avait exercé, depuis plus de trente ans, les droits de
juridiction (ressort et supériorité) et y avait levé le commun, toutes choses qu'il pouvait établir par des témoins
dignes de foi (1).
Mais ces protestations du roi
d'Angleterre, renouvelées à plusieurs reprises dans la suite, n'empêchèrent pas
la bastide de Saint-Louis de rester sous la dépendance du roi de France. Elle
joua un rôle assez important dans la suite.
Le paréage entre le roi et l'abbaye de
Charroux donna lieu à des difficultés; on n'était pas d'accord sur l'importance
des rendements de la bastide, à suite d'une convention intervenue entre les
parties, on attribua au couvent pour ses droits une somme fixée à cent livres
tournois, moyennant que tous les revenus appartiendraient au roi (2).
Et si la somme n'était pas payée, l'abbaye
serait rétablie dans ses anciens droits. Vers la même époque (1317), le roi
(1) Voir l'information de
1310; elle a été publiée dans le Bulletin
de la Société Hist. et Arch. du Périgord, tome XXIX (an. 1902), page 202
et suivantes. « Et isti idem (les témoins) vel plures ex eis viderunt Bernardum
de Vilars tenere locum de Sorzaco pro domino rege Anglie et acquitanie Duce, eo
tempore quo Dominus Brunus de Saya erat senescallus Petragoricensis,
Caturcensis et Lemovicensis pro dicto Domino Rege et Duce. In cujus quidem loci
de Sorzaco pertinentiis proprietatem, Dictus Dominus Rex Francia contra dictam
pacem supprisit, faciendo ibi bastidam predictam... »
(2) Comp. Un arrêt du 9 août 1317. Olim, t. II. p. 672 XXV.
p. 352 (74)
avait nommé à titre de bailli Jehan Calvet,
et comme greffier Arnaud Blanquet (1).
Le roi augmenta bientôt l'importance de la
bastide, en y créant un sceau royal et en fixant la juridiction, qui s'étendit
sur une grande partie du territoire et comprit dans les limites de sa compétence:
Mussidan, Ribeyrac, Montpont, Gurson, Morens, Estissac, Montravel, Fraysse,
avec leur châtellenies et leurs dépendances, et les bourgs et paroisses de
Beauronne, Douzillac, Neuvic, Issac et St-Pierre d’Eyraud (1).
Dans la suite, de nouvelles difficultés
s'élevèrent entre le roi et les religieux; il résulte d'une procédure faite au
XIVe siècle, et d'un procès-verbal de vérification du sénéchal de
Périgord, le procureur du roi et les religieux appelés, fait, en 1323, que le
paréage devait être restreint à ladite bastide de Saint-Louis et aux paroisses
de Sourzac et de Bourgnac, sans que le couvent eût aucun droit à prétendre dans
les droits de justice des autres localités (3).
Comme les autres bastides situées dans le
Périgord, la bastide de Saint-Louis subit le contrecoup des événements
politiques; tantôt française, tantôt anglaise; c'est ainsi que le roi
d'Angleterre, en 1376, en donna la baillie à Raimond de Montaut, seigneur de
Mussidan.
Puis, après l'expulsion des Anglais, cette
bastide royale fut cédée à la famille des Masparaud de Longa et passa dans la
famille des Cosson, dont l’un des membres avait épousé une Masparaud; le roi
Louis XV, en 1723, érigea la terre, seigneurie, ville et bastide de Saint-Louis
en comté, sur la tête de Jean-Godefroid de Cosson; et, après l’extinction de
cette branche de la famille, cette terre fut revendiquée comme domaniale par le
roi (4).
(1)
Arch. Nat., sect. jurid., 3e reg. cri., fol. I.
(2) Arch. Nat., reg. du tr. des chartes, LX, p. 102.
(3) Documents du fonds Périgord à la Bib.
Nat, t. XLVII (Bastide St-Louis) et
déclaration de François-Charles Marcial, prieur de Sourzac, en 1464.
(4) Documents du fonds Périgord v° Bastide
Saint-Louis, t. XLVII, Bib. Nat.
VIII. — Bastide de
Lisle en Périgord (1)
Une bastide fut établie à Lisle en
Périgord et des coutumes et privilèges lui furent octroyés par Philippe IV, dit
le Bel, en juillet 1309: le préambule fait connaître les circonstances de cette
organisation.
Une difficulté contentieuse s'était
élevée: les seigneurs Helye de Saint-Astier, seigneur de Lisle, et Raymond de
Monte inciso, chevalier, frère d'Arnaud de Monte inciso, seigneurs de Lisle,
prétendaient que la haute et basse justice de la ville et paroisse de Lisle
devait leur revenir, comme ayant appartenu de toute ancienneté à leurs auteurs.
Les habitants contredisaient cette prétention comme non fondée; ils faisaient
remarquer que Raymond de Monte inciso, moyennant une compensation en argent et
payée, avait renoncé au profit des habitants à tous ses droits de justice.
Dans ces conditions, Helye de Saint-Astier
et les habitants donnèrent, cédèrent et transportèrent au roi les droits,
actions, propriété et domaine, qu'ils avaient ou pourraient avoir dans l'avenir,
à la charge d'établir dans la ville une fortification; de garder à jamais pour
lui et toujours la haute et basse justice, et de s'interdire toute aliénation
de ces droits, et, en conséquence, le roi de France concéda aux habitants de
Lisle des coutumes et privilèges, tels qu'on les rencontre dans la plupart des
villes libres, toutefois le régime municipal n'était pas organisé, comme dans
les autres bastides. Ici, en effet, on n'admettait ni maire, ni consuls; mais,
chaque année, à la fête de l'Annonciation de la Vierge, les bourgeois et les
habitants de la localité devaient élire six citoyens de la présente ville,
exempts de note d'infamie et de soupçon de crime; ils portaient le nom de
recteurs de la ville et de la paroisse (2).
(1) Comp. L. Dessales, H. du Périg, t. II, p. 108.
(2) Arch. nat., J. 292, n° 12, et Ord. des
rois de France, t. XII, p. 417,
La localité dont il s'agit ici est la
petite ville de Lisle, sur la Dozelle, affluent de la Dronne (circa Rivum seu aquarn vocatam la Dozela).
IX. — Bastides
fondées par le comte de Périgord.
Le comte de Périgord avait fondé dans ses
domaines trois bastides: Bénevent, Montignac-le-Petit et Vergt ou Vergn.
Bénevent était située dans la paroisse de
Saint-Laurent-de-Pradoux (1), au diocèse de Périgord; elle reçut à sa
fondation, par Archambaud III, des privilèges tout à fait semblables à ceux de
Sainte-Foy-la-Grande, et cela au mois de septembre 1270 (2) et qui furent
complétés, en 1309, par Helie Talayrand, comte de Périgord.
Le comte, Helie Talayrand, rappelle que la
bastide de Bénevent avait été fondée par son aïeul et avait reçu les usages,
libertés, statuts et coutumes observés in
villa seu bastida Sancte fidis agennensis diocesis (Sainte-Foy-la-Grande), que les jurats et consuls de la bastide
de Benavento demandèrent au comte de
vouloir bien les autoriser à suivre les usages en vigueur à Sainte-Poy, et qui
avaient été complétés depuis la fondation de Bénevent. Une députation, composée
de Pierre de Saint-Sauveur et de Guillaume Vigier, consuls de la ville de
Bénevent, se rendit à Sainte-Foy, et par le ministère de Egidius de Bayna,
notaire du diocèse d'Agen, et en présence des témoins Grimoard Chassens, bayle
de Sainte-Foy, pour le roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine; de Guillaume Olivier,
Réginald Garbauld et Helie Fabre, plus jeune, consuls de la ville de
Sainte-Foy, fut dressé l'acte contenant les libertés et usages; dont on use à
Sainte-Foy et ses dépendances, usages, qua
(1) Ou de Double, aujourd'hui paroisse de Saint-Laurent-des-Hommes.
(2) C'est la date que donne le titre des
Archives départ. de Pau E. 698, 1.A./619:
Actum et datum apud
Benavent mensis septembris anno domini millesimo ducentesimo septuagesimo
(1270).
355 |
scripta
non sunt in consuetudinibus dicti loci scriptis. Le comte éclairé sur ces usages leur
donne autorité par son serment et ils seront suivis comme complément des
coutumes locales de Bénevent (1).
Un peu plus tard, vers 1281, le comte de
Périgord octroya à Montignac-le-Petit, aujourd'hui réuni à Monesteyrol (canton de Montpaon), des
privilèges et franchises ; semblables à ceux des bastides, ils marquent la
volonté du comte de fonder là une bastide (2).
|
Sans que l’on sache à quelle époque elle a
été fondée, probablement vers 1285, on peut affirmer que le comte de Périgord
fonda une bastide à Vergn ou Vergt (3); les reproches que le roi d'Angleterre
fait à cette occasion dans le mémoire de 1310, ne laissent aucun doute sur ce
point; au reste, nous possédons une copie des libertés et franchises accordées
à Vergn (4).
Telles sont les principales bastides du
Périgord, il nous reste à grouper quelques-uns des faits principaux de leur
administration.
§ II. ADMINISTRATION DES BASTIDES.
Sans sortir des limites que nous nous
sommes imposées, nous voudrions dans ce paragraphe déterminer les règles
administratives qui présidèrent au fonctionnement des bastides. Ces règles
furent identiques, quel que fût le fondateur, roi de France ou roi
d’Angleterre.
Ces bastides, dotées toutes d'un consulat,
voyaient leur administration municipale confiée à leurs consuls; mais à côté de
ceux-ci, le fondateur de la bastide avait un bayle, pour la surveillance et la
défense de ses droits; c'était un représentant,
(1) Le fonds Périgord à la Bibliothèque
Nationale conserve une copie des coutumes de Bénevent, t. 52.
(2) Comp. Dessales, Hist. du Périgord, t. II, p. 46.
(3) Aujourd'hui chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Périgueux.
(4)
Comp. fonds Périgord, B. N., t. LII, fol. 302 à 310.
p. 356 (78)
investi, comme nous le verrons plus tard,
de pouvoirs très étendus, politiques, judiciaires, financiers et
administratifs. Ces bayles étaient placés sous l'autorité des sénéchaux.
Cette organisation existait déjà sous
Alfonse de Poitiers; elle fut maintenue par les rois d'Angleterre et pratiquée
sous les rois de France.
Les Rôles
Gascons et les documents diplomatiques de l'époque nous permettent de
proclamer avec quel soin, quelle attention et quelle intelligence, les princes
anglais assurèrent l'administration de leurs possessions. La fondation et le
développement des bastides se trouvant dans leur territoire furent une de leurs
préoccupations, n'étaient-ce pas pour eux des centres d'influence importants et
des points stratégiques de premier ordre?
Les baylies étaient à la nomination des
sénéchaux. Elles pouvaient être concédées par eux, au fonctionnaire de leur
choix, à titre d'office et pour un temps déterminé (1), mais le mode de
recrutement, ordinairement suivi, était la mise à ferme (2); et, si en principe
chaque bayle ne devait gérer qu'une baylie, souvent nous rencontrons dans les
mains du même bayle plusieurs circonscriptions: ainsi, en 1288, Bertrand de
Panissal, qui avait été bayle de la bastide de Montpazier, en 1286 (3),
obtenait à ferme, sous des conditions particulières, sur lesquelles nous
reviendrons bientôt, les bastides de Lalinde et de Saint-Jean-de-Molières (4), et en 1284, Henri le Walois, citoyen de Londres, avait
obtenu la ferme du castrum de Puyguilhem, avec les bastides de Fonroque, de Beaulieu et de ViIlefranche,
dépendances de ce castrum; des bastides de Beaumont et d'une autre bastide, sa voisine, Saint-Jean-de-
(1) R.
G., t. II, n° 967. Le roi recommande de confier à Guillaume Arnaud de
Sescas les baylies du Beaumont
et de Lalinde (11 mars 1286).
(2) R. G., t. II, n° 804, et 1720.
(3) R. G., t. II. n° 1616.
(4) R.
G., t. II, n° 1720; avait-il encore à ce moment la baylie de Montpazier,
comme le suppose L. Dessales, Histoire
du Périgord, t. II, p. 37 ?
p. 357 (79)
Molières; de la bastide de Lalinde avec le commun de Clarens, de Bassac, de Saint-Avit Sénieur et des autres localités dépendantes de
son territoire; et d'autres territoires étrangers à notre pays (1), et comme
conséquence de cette dation à ferme, le Roi invite les chevaliers damoiseaux,
consuls, prud'hommes, habitants et tenanciers de ces localités et bastides
d'obéir à le Walois tanquam ballivo ipsorum sub senescallo Regis ducatus
predicti et ejus locura tenente (2).
Mettre dans les mains d'un même
fonctionnaire l'administration de domaines si étendus présentait de graves
inconvénients; aussi pouvons-nous considérer ce cas comme tout à fait
exceptionnel; la règle posée par Alfonse de Poitiers, qu'à chaque baylie devait
être préposé un bayle spécial, était beaucoup plus sage, et c'est elle qui fut
le plus souvent suivie. Les documents nous permettraient, pour certaines
époques, de faire connaître les bayles de ces localités (3), mais les archives
des bastides ont été si souvent détruites qu'il est impossible, même pour une
localité, de tenter l’établissement d'une liste de ces fonctionnaires.
Les Rois d'Angleterre comme les Rois de France
tirèrent des territoires dépendant des bastides des revenus d'une assez grande
importance; presque tous ces revenus, suivant une pratique généralement suivie
à cette époque, étaient mis à ferme; et le fermier, moyennant le paiement de la
somme par lui promise, avait le droit de percevoir les revenus ou impôts
affermés; ces revenus varièrent suivant les époques et par leur nombre et par
leur quotité: ils se rattachent, les uns, au régime féodal, par exemple les
redevances à suite de concessions de terrain (4); les autres à l'exercice de la
justice, ce sont les droits
(1) R. G., t. II, n° 802.
(2) R. G, t. II, n° 804.
(3) Au début, à une époque indéterminée le
représentant du Roi d'Angleterre fut Vitalis de Luyganh (R. G., t. II, n°
1643.) Rappro. les citations faites au cours de nos études.
(4) Comp. plus haut Villefranche de
Périgord, p. 21.
p. 358 (80)
de Justice que percevaient les magistrats
ou les droits de Greffe; les autres sont perçus, à titre d'amendes, à suite de
délits ou de crime; d'autres enfin à l'occasion des marchés et foires et à
l'occasion du transport des marchandises. Quelquefois le pouvoir municipal
ordonnait la perception de taxes locales, en vue de la confection de travaux ou
ouvrages d'utilité générale. Enfin le pouvoir central (bien que sur ce point
son droit pût être contesté) ordonnait la perception de taxes perçues sur les
habitants du pays et par feux, d’où le nom de Fouage pour cet impôt.
Dans l'état des documents, il serait
absolument téméraire de prétendre faire connaître, pour nos bastides ou pour
quelques-unes d'entr'elles, l'importance de l'ensemble ou de quelques-unes de
ces redevances; cependant nous avons des documents, qui fournissent sur cette
matière quelques renseignements:
Un document de l’année 1306 (1) relatif à
un échange de territoire entre Philippe le Bel et le comte de Périgord (2) fixe
les revenus de Beauregard à 59 livres, ceux de Lalinde à 872 liv. 10 sols, y
compris la pêcherie et Longas, en monnaie chapetoise, monnaie de Bigorre, qui
avait cours dans le Midi; la livre chapetoise valait 0,75 de la livre tournois.
|
Un autre document, qui nous a été conservé
par Brequigny (3) et relatif aux revenus du roi d'Angleterre en France, donne
pour la baylie de Beauregard 120 livres, 13 sols 4 deniers tournois;
Pour celle de Lalinde, 310 livres
tournois;
Pour celle de Molières, 160 livres
tournois;
Pour celle de Beaumont, 380 livres
tournois;
Pour celle de Roquépine, 220 livres
tournois;
Pour celle de Villefranche de Périgord, 150
livres tournois; (4)
(1) Arch. nat. Reg. du Trés. des ch. côté
38, p. 85.
(2) Voir plus haut à propos de Beauregard, p. 66.
(3) Collect. Brequigny. Bib. nat., t. XVI, et Guienne, t. IX.
(4) Du temps d'Alfonse de Poitiers on
estimait son revenu à 200 livres tournois
(voir ci-dessus, p. 9).
p. 359 (81)
La pêcherie de Lalinde rapportait 59
livres 16 sols tournois, L'ensemble des revenus du roi d'Angleterre pour notre
pays s'élevait, d'après M. Léon Dessales, en y ajoutant les greffes et les
acaptes de ces mêmes baylies, le produit de quelques procès et autres petites
recettes et le commun de la paix (1640 livres pour le duché) « à une somme
totale de 3852 livres 16 sols 6 deniers tournois, somme minime en apparence,
mais qui, en réalité, représentait de 30 à 40 mille francs de notre monnaie,
sinon davantage (1) ».
> |
Enfin les comptes de Filongleye, trésorier
du Prince Noir, et édités par M. Jules Delpit (2), nous apprennent que dans
fouages de 1363-64, 1365, et 1366, nos bastides payèrent au roi d’Angleterre
d’importants subsides.
|
|
1363-1364 |
1365 |
1366 |
N° 587 |
Bast. Sancti
Ludovici |
71 l.t. |
41 l.t. |
86 l.t. |
N° 603 |
B. de Bello regardo |
Nichil
causa predicta quia datur. |
||
N° 604 |
B. de Lyndia et de
Lougwado |
60 l.t |
60 l.t. |
96 l.t. |
N° 606 |
B. de Moleris |
9 l.t. 10 s. |
9 l.t. 10 s. |
9 l.t. 16 s. |
N° 607 |
B. de Bellomonte |
36 l.t. |
39 l.t. |
48 l.t. |
N° 609 |
B. de Montis paserii |
29 l.t. 18 s. 4 d. |
30 l.t |
50 l.t |
N° 610 |
B. Villefranche |
72 l.t |
46 l.t 16 s. |
60 l.t. |
Tels sont les seuls documents de nature à
fournir quelques renseignements sur la situation fiscale de nos bastides, et on
voit combien ils sont insuffisants.
Le roi d’Angleterre surveillait, avec un soin
jaloux, l’administration de nos bastides, encourageait tous les travaux
d’utilité publique:
Ainsi pour Beaumont, en 1289, le roi Edouard Ier
autorise les consuls à construire, au-dessus des bâtiments de la boucherie, une
maison commune (3), et à Lalinde il ordonna la
(1) Léon Dessales, Histoire du Périgord, t. II, p. 67.
(2) Collection
générale des documents français qui se trouvent en Angleterre, t. I, n°
192.
(3) R.
G., t. II. n° 1710.
p. 360 (82)
construction de moulins et d'une pêcherie sur
la Dordogne. Les Rôles Gascons nous
fournissent sur ces travaux des renseignements intéressants.
Nous avons vu qu'en 1284, le roi
d'Angleterre avait affermé les baylies des bastides de notre région à Henri le
Wallois, citoyen de Londres. Cette ferme, faite avec des conditions si
exceptionnelles, trouvait son explication, et dans la situation du bénéficiaire
et par les grands services qu'il avait rendus à Edouard Ier (l);
elle était faite pour une durée de dix années consécutives (2).
Il n'est pas bien sûr que cette forme ait
été exécutée pendant toute sa durée; car, en 1289 (3), le Roi d'Angleterre, par
l'intermédiaire de ses commissaires, maître Bonnet de Saint-Quentin et Itier
d'Angoulême, accensa au chevalier Bertrand de Panissal, les baylies de la Linde
et Saint-Jean-de-Molières, avec toutes leurs dépendances, de quelque condition
et en quelles choses qu'elles consistassent, et avec tous les impôts qui
pouvaient en provenir, tels ces revenus que les bayles de ces bastides les avaient
établis et levés: la baylie de la Linde était accensée à partir de la
précédente fête de la décollation de Saint-Jean-Baptiste (29 août), et pour
trois années continues et entières, et la bastide de Molière, à partir de la
fête passée de la Nativité de Saint-Jean-Baptiste, pour trois ans continus et
entiers. Et, en retour de ces avantages, Bertrand de Panissal s'engageait à
faire établir, à ses frais et complètement, une pêcherie en bois et pierre,
avec tous les accessoires, pour le service du Roi d'Angleterre, entre les
églises de la Linde et de
(1) Cet Henri le Wallois (Gallois, Galeys,
Wallis, ou Walace), mentionné comme citoyen de Londres, avait été maire de
Londres en 1274; maire de Bordeaux en 1275; en 1277 il fut de nouveau maire de
Londres, et on le retrouve en cette même qualité eu 1298. Fort riche, il avait
prêté des sommes importantes à Edouard Ier, et cette circonstance
sert à expliquer la mise à ferme de nos bastides à son profit. (Comp. Jules
Delpit, t. I, Paris 1847.) Collect.
gén. des Documents français existant en Angleterre. Note 3, p. 70,
introd. générale.
(2) R. G., t. II, nos 802, 803 et 804.
(3) R. G., t. II, n° 1720.
p. 361 (83)
Saint-Front; le travail devait être bon et
établi suivant les règles de l'art, d’après l'examen et l'appréciation d'une
Commission composée de deux maîtres des pêcheries de Limeuil, de deux maîtres
pêcheurs de Castelnaud, et de deux autres maîtres pêcheurs, au choix des
commissaires du Roi.
En outre, B. de Panissal s'obligeait à
faire construire deux moulins à quatre roues, à l'instar et semblables aux
moulins établis dans la pêcherie de Limeuil, suivant l'ordonnance des mêmes
maîtres: tous ces travaux devaient être menés à bonne fin, dans les trois ans
de la durée de ladite ferme. Ces moulins devaient être tournants et moulants,
sans aucune dépense à la charge du Roi ou de ses représentants, et la pêcherie
complètement disposée, en vue de la pêche.
Ainsi le Roi réalisait, en 1289 (1), un
projet fait depuis longtemps et dont nous trouvons la mention, en 1279 (2);
dans ce document le Roi demandait à son connétable de Bordeaux de faire établir
à la Linde, sur le fleuve de la Dordogne, en un endroit qui paraîtrait
convenable « Unam nassam seu paxeriam piscatoriam ad opus nostri ». Le Roi se proposait d'en tirer profit
par voie de fermage, avec réserve d'imposer au concessionnaire certaines
charges.
La pêcherie fut rapidement établie et, par
un acte du 15 février 1290 (3), nous apprenons que le Roi Edouard avait concédé
à son clerc bien aimé Etienne de Lafîtte (4), les jeudi ou vendredi de chaque
semaine du Carême, sa vie durant, un saumon, deux aloses, deux lamproies,
vivantes, à prélever parmi les meilleurs et plus gros poissons, pris ces mêmes
jours, dans la pêcherie de la Linde, au rocher de Gortine (ou saut de la
Gratusse), et, s'il arrivait que le jeudi ou le vendredi des
(1) La convention fut faite à Bordeaux, le
2 avril 1288, et approuvée par le Roi dans sa forme et teneur, à Beaulieu, le
mardi après la fête de la Pentecôte de l’année du Seigneur 1289.
(2) R.
G., t. II, n° 334.
(3) R. G., t. II, n° 1767.
(4) Il était collecteur des recettes en
Agennais. Comp. n° 765, t. II, R. G.
p. 362 (84)
poissons de cette nature ne fussent pas
pris dans la pêcherie, on les prélèverait sur les poissons de même nature, pris
les jours suivants, de manière à atteindre le nombre afférent à chaque semaine.
Le Roi prenait à sa charge le prix de ces poissons, qui devait être porté en
déduction de la ferme de la pêcherie, au profit du tenancier.
La sollicitude royale s'exerçait sur tous
les grands travaux d’utilité publique; ainsi, pour la Linde, à la supplication
des consuls et de la population, et en vue de la construction d'un pont sur la
Dordogne, travail d'intérêt général, et assurant les communications d'une rive
à l'autre, le Roi ordonne que pendant dix ans les consuls fassent percevoir à
la Linde, au passage de la rivière, un droit de transit, dont le montant sera
affecté à la construction du pont. Un cavalier paiera, au passage, un denier
bordelais; un piéton, une obole; toute bête chargée, avec son conducteur, trois
oboles de la même monnaie (1).
Les bastides étaient des centres
d'influence et des points stratégiques importants; placées sur les frontières,
il fallait en assurer la sécurité contre les bandes de pillards et contre les
ennemis; aussi la construction de fortifications tient-elle une grande place
dans les préoccupations des autorités locales et du pouvoir. Pour Beaumont,
dans une supplique au Roi, que nous a conservée la collection Brequigny, et que
nous citons d'après le fonds Périgord
(2), les consuls de Beaumont supplient le Roi d'assurer, par des
fortifications, la sécurité de leur ville. « Item supplicant dicti consules
quod cum villa Belli montis sit principium aliarum bastidarum dicti domini
nostri Regis in
(1) R. G., t. II, n° 1726. Comp. Réfection du pont de Bergerac: R. G., t. II, n° 1702; Etablissement
de moulins sur le Drot, n° 1183; Projet de régularisation de la navigation du Lot
et canal dans le lit du Lot, n° 920, comb. 1121, etc.; Chaussée à Libourne et
fortifications de cette ville, nos 448 et 460 (année 1281);
Régularisation de la rivière l’Isle, n° 19.
(2) Ce document est écrit au dos d'un
parchemin de l'an 18 du règne d'Edouard Ier (an 1290), mais se
rapporte à l'année 1314.
p. 363
Petragoricinio et habitatores dicte ville
nitantur facere bonam villam ad utilitatem et honorem dicti D. N. Regis
affectando quam plurimum claudere dictam villam de muribus lapideis, si dicto domino
Rege placeat aliquod juvamen ad claudendum dictam villam; ideo supplicant dicti
consules Regiae Majestati ut sibi placeat aliquod juvamen facere ad claudendum
de muribus dictam villam ita quod dicta villa de Bellomonte ad honorem et
commodum dicti domini Regis possit honorifice claudi (Ecrit dans le titre une
supplique en français de même teneur); à quoi le roi répond: « En droit de la
closture soit mandé au sénéchal que il favorise du prouffit que le Roy pourra
avoer que il ly certifie ».
Les consuls de Beaumont revinrent bientôt
sur ce sujet, et sous Edouard II, le 28 avril 1320, ils supplient que leur
ville, qui est à l'extrémité du duché d'Aquitaine, tout près des possessions
françaises, pour sa propre sécurité et celle des paroisses voisines, soit
entourée de murailles fortifiées avec portes et tours; le roi ordonne qu'il
soit fait une enquête, et qu'on prenne à la suite les mesures nécessaires (1).
Les fortifications furent faites vers les
premières années du XIVe siècle; elles serviront dans les guerres
entre la France et l'Angleterre, pendant les guerres de religion; on peut juger
de leur importance, par les quelques débris qu’il en reste de nos jours.
Pour Molière, les Rôles Gascons de cette même époque nous fournissent quelques
renseignements sur les établissements dont les ruines avait frappé M. Audierne.
Ces établissements remontent aux premières années du XIVe siècle.
Sous Edouard II, Guillaume de Thoulouze, sénéchal du Périgord, avait fait des
avances en vue de la construction du castrum de Molière. Le roi ordonne que le
remboursement lui en sera fait (2).
(1) Rôles
Gasc. des ann. 13 et 14 de Edouard II, à la date du 28 avril 1320. Coll.
Brequigny) à la Bibl. Nat. (Fonds Périgord, t. XL)
(2) Rôles
Gasc. Ed. II, 6 mai 1315 et 18 mai 1316, B. N. Collect. Brequigny.
p. 364
(86)
En 1316, on constate que, pour enfermer
les malfaiteurs, une parva turris....
et dequa iidem prisones frequenter evadebant, était insuffisante en vue de cet
objet, et que pour la sécurité du castrum et des localités adjacentes, il
serait bon d'établir une grande tour, même avant l'achèvement des
fortifications; c'est la grande tour, sans ouverture, qui existe encore.
En 1317, les travaux de clôture et
fortification de la de Molière n'étaient pas terminés; le roi le constate, en
en confiant la garde à Faydit de Montbreton « ... custodiam Castri novi de
Moleriis quod nondum est perfectum » (1).
A quelque temps de là, après une enquête
sur l'état des constructions et sur le rapport de son sénéchal de Gascogne (carrisimus consanguineus noster
Gilbertus Peuh miles), le roi d’accord avec les consuls, décide
qu’il y aurait lieu d’achever les fortifications.
En 1330, sur une demande de
Géraud de Sainte-Sévère, trésorier de la sénéchaussée du Périgord, Quercy et
Limouzin, le roi ordonne l'achèvement de la construction et la réfection à la
Linde des moulins, dont le produit annuel était de plus de cent livres tournois
de ferme ou rendement, et que les Français, maîtres de la Linde, avaient
détruits.
Le trésorier avait saisi cette occasion
pour se plaindre de l'insuffisance de son traitement, à quoi le roi répond : « Recipiat
vadia, sicut solebat et si noluerit, dimittat officium » (2); réponse que souvent le
pouvoir devrait méditer!
Nos documents nous fournissent quelques renseignements
sur Villefranche de Périgord qu'on nous permettra de grouper; mais, en faisant
remarquer qu'il peut y avoir quelque doute sur l'attribution des textes: car,
en Périgord, et dans les territoires voisins, il y a plusieurs Villefranche: Villefranche de Queyran (3), Villefranche de Longchapt (4), Villefranche, dépen-
(1) Rôles
Gasc., ann. 11 et 12. Ed. II. 3 déc 1317. Coll. Breq (B. Nat.)
(2) Ex Bandellis in turre Lond. Ed. II
ann. 14 (1320). (B N. Coll. Brequigny.)
(3) Lot-et-Garonne, arrondissement Nérac,
canton de Castel-Jaloux.
(4) Arrondissement de Bergerac (Dordogne).
p. 365 (87)
dance de Puyguilhem (1) et Villefranche du Périgord (2); cependant
si l’on remarque que les documents s'appliquant à Villefranche du Périgord,
d'une façon certaine, par exemple n° 1390, t. II, R. G., la désignent sur le vocable Villa nostra de Villa Ffranca, Petragoricensis diocesis, sans
autre mention, on la distinguera facilement de Villefranche de Queyran, qui
appartient à l'arrondissement de Nérac et de Villefranche de Longchapt,
désignée toujours « Villa franca
juxta Podium normanni ». Comp. n° 801 et autres, R. G., t. II. Sous le bénéfice de ces observations, nous
groupons ici les faits relatifs à Villefranche du Périgord, mentionnés dans les
Rôles Gascons (t. II).
Des documents (3), il résulte que la garde
de la Bastide de Villefranche avait été confiée, en 1281, à Hugo de
Mont-Ménard, bayle royal; son administration avait donné lieu à des plaintes;
des indemnités étaient réclamées par les habitants pour abus d'autorité de sa
part (en 1285); il fallait pourvoir la baillie d'un nouveau titulaire; le roi
prend des dispositions en ce sens et place le bayle de Villefranche de
Périgord, sous la direction du sénéchal de Gascogne (4).
Le n° 1797 nous apprend qu'en 1290 Fulco
de Soriz, clerc, avait été créé greffier par concession royale, pour la partie
du Quercy entre le Lot et la Dordogne et pour Villefranche in Petragoricensi, et il devait en percevoir les
émoluments raisonnables quamdiu bene se gesserit et nostre placuerit
voluntati (5).
Nous croyons aussi que le n° 1795
s'applique à Villefranche
(1) Voir plus haut page 64.
(2) Autrefois Villefranche de Belvès, arrondissement de Sarlat,
(3) R.
G. t. II, nos 516 et 856.
(4) Il n'est pas douteux que le second de
ces documents s'applique à Villefranche du Périgord, puisqu'on qualifie Villefranche Petragoricensis Diocesis (identification
proposée par M Charles Bémont (t. II. R. G., p. 238): ce qui doit entraîner à
l'identification pour 516 à la même localité; tandis que M. Bémont propose,
pour celui-ci, Villefranche de Queyran; or, dans les deux titres, il paraît
s'agir de la même affaire; la baillie de Hugo de Mont-Ménard.
(5) R. G. t. II, n° 1797.
p. 366 (88)
du Périgord et non à Villefranche de
Longchapt (identification proposée par M. L. Bémont). Les motifs qui nous
entraînent, c'est de voir la Villefranche, dont il s'agit, désignée de la
manière suivante: Bastida, nostra de Villafranca sita in Petmgoricensi (forme suivie pour Villefranche du
Périgord); nous ne croyons pas qu'il puisse s'agir de Villefranche de
Longchapt, car toujours on désigne celle-ci sur la forme Villafranca juxta
Podium normanni. Si notre
texte ajoute prope castrum nostrum de Salvaterra, nous y verrions une allusion au château de Sauveterre la
Lémance, dépendance anglaise à cette époque, et il n'y a rien d'extraordinaire
que l’on place Villefranche du Périgord dans la circonscription financière de
l'Agennais, Quercy, lectourois et auxitanie, puisque cette localité était
rattachée à la sénéchaussée de Gascogne.
Enfin, des documents empruntés à la
collection Brequigny (t. XVI) nous permettent de constater qu'en 1290, les habiants
se plaignent d'abus d'autorité et d'empêchements au libre accès du marché de
Villefranche, ils demandaient qu'on entourât leur ville de fortifications; le
roi ordonne qu'on leur fasse justice; quant au subside à fins de fortification,
il rappelle qu'il a engagé ces revenus à payer ses dettes en Gascogne, et que
cela fait, il avisera (1).
En 1305, les habitants de Villefranche se
plaignent de ne pouvoir porter, sans entraves, leurs marchandises au marché,
bien qu'ils eussent payé les costumas debitas et consuetas (2).
Et le 3 avril de la même époque, le roi
autorise les bourgeois de Villefranche de Périgord de transporter dans cette
ville, pour y construire une chapelle, les matériaux d'une maison existant dans
la forêt de Lespauty, forêt anglaise, voisine de Villefranche (3).
(1) Ce document écrit en latin et français
a été inséré aux Documents inédits:
lettres de Rois et Reines, par Champollion-Figeac, t. I, p. 380.
(2) 1er
avril an 33 (1305). d'Edouard Ier. Coll. Brequigny,
t. XVL (B. Nat.)
(3) Rôl.
Gasc. an. 32 à 35. Edouard Ier, membr. 21.(R. N. Coll. Breq., t. XVI, et fonds Périgord, t. XL)
p. 367 (89)
En même temps que les fondateurs
assuraient la construction de la bastide, ils y faisaient élever une église
importante; les églises de Montpazier et de Beaumont, remarquables à plus d'un
titre et déjà étudiées par de plus compétents que nous, remontent aux premières
années qui suivirent la fondation des bastides; aujourd’hui encore, elles en
forment le monument le plus important.
* * * |
Dans ces agglomérations, composées
d'éléments divers, face d'un pouvoir central, faible quelquefois et fort
éloigné, un patriotisme local ombrageux se manifesta bientôt: on traitait en
ennemis tous ceux qui ne relevaient pas du même territoire ou du même maître;
la force formait alors le droit: de là ces déprédations dont les populations
des bastides, sous la conduite de leurs magistrats, se rendirent coupables, et
contre lesquelles les victimes se plaignaient auprès des fondateurs (1); de là
ces expéditions, véritables faits de guerres qu'elles entreprenaient les unes
contre les autres; Sully, dans ses mémoires, nous a conservé le souvenir de
l'une d'elles, entreprise par Montpazier contre Villefranche de Périgord (2).
Mais dans toutes se développait et se
manifestait un grand attachement à la localité; on s'intéressait à sa
prospérité, à la gestion de ses intérêts; on la défendait énergiquement, si
elle était attaquée; on le vit bien pendant la guerre avec les anglais, comme
pendant les guerres de religion.
terri- |
Ces localités, prises dans leur ensemble, formaient
un territoire bien différent des autres localités de France: là on trouvait une
même organisation municipale, une même loi, une même mesure et un même poids.
Si le pouvoir central l'eût voulu, quels éléments de reconstitution du pays il
eût trouvé là; il ne fit rien pour ces cités, il combattit leurs tendances,
contesta leurs privilèges; exagéra les droits de surveillance et la
prépondérance de l'Etat; ainsi s'éteignit
eût |
(1) Corresp. admi. d’Alfonse de Poitiers
(Docum. inéd.), n° 1580 et n° 1889
(2) Économies royales, politiques et
militaires de Maxi. de Béthune, p. 27 ,
éd. orig.
p. 368 (90)
en
France ce régime municipal, si original et si prospère à des débuts, et qui eût
pu être une grande force pour la France.
CHARTES ET PRIVILEGES DES
BASTIDES
En étudiant les chartes des bastides d’une
même région, on s'aperçoit bien vite que ces établissements sont soumis à un
régime identique, que ces chartes, sauf des modifications sans importance,
présentent la même forme et teneur, et qu'on les retrouve, souvent assez loin
de leur pays d’origine, partout où les bastides ont été établies.
Il se produit donc pour ce type
d'organisation, comme on l'a constaté pour les établissements de Rouen (1),
pour la charte de Lorris (2), pour
la charte de Beaumont (3), un
fait d'expansion très remarquable; et par là se vérifie la bonne organisation
donnée à ces bastides, puisque tant de villes sollicitaient et obtenaient
d'être placées sous ce régime.
Mais a qui revient l'honneur d'avoir
trouvé la formule qu'acceptèrent les chancelleries anglaises et françaises, et
qui, ratifiée par les rois de France, resta jusqu'à la Révolution française le
fond de l’organisation d’un si grand nombre de cités?
L’examen des
chartes de bastides permet d’affirmer ces deux points
1° Qu'à Alfonse de Poitiers revient
l’honneur d’avoir, le premier, trouvé la formule d’organisation des bastides du
Sud-Ouest; les fondateurs des bastides, dans la suite, rois de
(1) Giry, Etablissements de Rouen.
(2) Les Coutumes de Lorris et leur propagation aux XIIe et XIIIe
siècles, par M. Maurice Prou, Nouvelle revue historique de Droit français
et étranger, 1884.
(3) Bonvalot. Le Tiers-Etat d'après la charte de Beaumont et ses filiales, Paris,
1884,
p. 369 (91)
France et rois d'Angleterre, ou seigneurs
locaux, n'ont fait que copier l'organisation donnée par Alfonse de Poitiers;
2° Que les principes généraux de ces
chartes se retrouvent déjà, avec quelques variétés, dans les formules, dans les
chartes de communes, dans les fondations de villes libres, Sauvetés, Hostises, etc., à partir du XIe
siècle. C'est donc un grand mouvement d'émancipation sociale ininterrompu qui
se montre à nous; et l’organisation des bastides n’a été qu’un des anneaux de
cette longue chaîne d’efforts et de mesures par lesquels la population
française, en réaction contre les abus de la féodalité, a obtenu une liberté
civile complète et conquis progressivement la direction politique du pays.
Alfonse de Poitiers, comte de Poitiers,
et, par sa femme, devenu comte de Toulouse, fut un des princes les plus
soigneux de l'administration de ses domaines. Il comprit bientôt, comme le
relate un de ses historiens, la nécessité de fixer, par des chartes formelles,
les coutumes locales, soit en confirmant les usages anciens, soit en innovant
sur certains points: en 1249, le comte reçut de plusieurs villes des subsides
pour la croisade, à charge de leur concéder des privilèges, et, en exécution de
ces engagements, et à la demande des intéressés, en 1249, il accorda à Riom et
à Pont-du-Château les usus consuetudines et franchisie de Sancto Petro
monasterii (1).
Mais bientôt ce prince comprit qu'il y
avait « quelque inconvénient à donner à une province des lois faites pour une province voisine soumise à
un autre maître... (2) »; aussi, voulut-il donner à
chaque région de ces Etats des chartes en rapport avec les besoins et les
usages du pays, et ces coutumes formulées d'abord pour une localité
particulière acceptées par de nombreuses cités: ainsi, il en fut pour
l'Auvergne, pour l’Agennais, le Quercy; nous trouvons là une législation type,
qui jouit d'une grande notoriété et s'étendit à un très grand nombre de cites.
(1) Orig. T. des chartes J. 190, n° 93
pour Riom et n° 91 pour Pont-du-Château.
(2) Edgard Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, p.
506.
p. 370 (92)
Alfonse, à la prière des habitants de
Riom, fit rédiger une nouvelle charte de Privilèges. Cette charte qu’il octroya
en 1210 est célèbre, sous le nom d'Alfonsine. Elle fut étendue aux autres
communautés de l'Auvergne, qui payèrent pour l’obtenir et devint comme le Code
du droit public de cette province pendant tout le moyen âge (1). »
S'il fallait en croire Boutaric, Alphonse
aurait fait établir pour chaque province une charte de coutumes type, qu'il
aurait donnée aux bastides par lui fondées et on pourrait considérer comme
un des types des privilèges concédés aux bastides languedociennes par Alfonse
la charte accordée au mois de mai 1270 à Castel-Sagrat (2), charte qui se serait étendue à
la plupart des localités du Quercy, du Languedoc et de l'Agennais.
Qu'Alfonse de Poitiers ait formulé pour
les diverses régions de ses Etats des chartes qui ont servi de modèles pour
d'autres localités, c'est un point admis par tous; mais nous ne voyons pas dans
la charte de Castel-Sagrat une de ces chartes type, puisque ses formules et
teneur se rencontrent dans des chartes plus anciennes émanées d'Alfonse de
Poitiers, comme nous l'établirons bientôt.
Un autre historien de nos coutumes
méridionales, M. Edmond Cabié, a écrit, dans la préface de son opuscule Chartes de coutumes inédites de la Gascogne
Toulousaine (3), page 11, note 1: « On connaît deux ou trois formulaires
différents que ce même Comte (Alfonse) et après lui ses successeurs ou
(1) Elle a été reproduite au recueil des
ordonnances des rois de France, t. XI, page 495. Ces privilèges avaient été
donnés en 1270 à Aymargue près d'Aigues-Mortes peu de jours avant le départ
d'Alfonse pour Tunis. — Le texte du recueil des ordonnances du Louvre, d'après
E. Boutaric, serait très défectueux. (Voir E. Boutaric. Saint Louis et Alfonse de Poitiers, page 508, note 1. Comp.
Warakoenig et L. Stein, Franzosische
Staats und Rechts Geschichte, tome I, preuves p. 40.)
(2) Reg. C, fol, 70, et collection Doat,
t. LXXIV, p. 300-2 et suiv.
(3) Paris et Auch, 1884: Archives historiques de la Gascogne, fasc
V.
p. 371 (93)
des seigneurs particuliers répandirent
dans le haut Languedoc et dans les régions voisines de la Guyenne et de la
Gascogne. »
L'un de ces types serait les coutumes de
Najac et de Villefranche de Rouergue, 1255 et 1256.
Un autre formulaire, le même que le premier
augmente de quelques articles initiaux remontant probablement à Alfonse, aurait
servi de modèle à un grand nombre de coutumes...
Un troisième type, tout en reproduisant
les mêmes termes que le précédent, fait quelques interversions dans l’ordre des
matières: ce serait celui de Castel-Sagrat, que l’on rencontrerait dans de
nombreuses localités.
Nous ne pouvons accepter absolument cette
manière de présenter les choses: nous croyons avec M, Cabié que les coutumes de
Najac, Villefranche de Rouergue, et Villefranche de Périgord (1261) que nous
ajoutons, forment un type particulier qui n'a jamais eu une grande extension,
bien qu'on le retrouve dans quelques autres cités.
Mais nous pensons que le type fondamental,
pour nos régions, se trouve dans les coutumes de Monclar et de Montflanquin:
cette charte a eu une vogue absolue, on la retrouve dans l’Agennais, le
Périgord et jusqu'aux Pyrénées; cette charte aurait donc joué pour nos pays le
rôle de l'Alfonsine pour l'Auvergne.
Elle est différente en quelques points de
la charte de Castel-Sagrat, qui a été acceptée par quelques localités.
Alfonse de Poitiers, comme nous l'avons
rappelé plus haut, suivant les traditions des comtes de Toulouse, avait décidé
pour ses Etats, surtout à leurs frontières, la fondation de nombreuses
bastides. Mais à l'occasion de chacune d'elles, des réclamations très vives se
faisaient jour, et pour l’Agenais notamment les enquêteurs envoyés par Alfonse
dans cette province examinèrent les plaintes des populations ou des seigneurs
et il fut fait un règlement spécial fixant les principes
p. 372 (94)
suivant lesquels ces fondations devaient
être faites; ces règlements furent respectés par le comte Alfonse, par ses
agents et représentants (1). A partir de
ce moment, les fondations des bastides se poursuivirent sans interruption en
divers points; nous ferons connaître la date et le lieu de ces fondations, en
marquant, exactement les chartes des coutumes, qui leur furent octroyées, les
ressemblances et les différences qu'on peut signaler entr'elles.
Les bastides, dans lesquelles se rencontre
la formule type, qui sera suivie, avec plus ou moins d'exactitude, par Alfonse,
et dans la suite par les rois d'Angleterre et par les rois de France et par les
seigneurs particuliers, sont les bastides agenaises de Monclar et de
Montflanquin. Ces coutumes furent accordées en juin 1256 par le comte Alfonse
(2) et approuvées de nouveau en 1270.
Des coutumes identiques furent accordées
en 1256 à Sainte-Foy-la-Grande, sur la Dordogne (aujourd'hui chef-lieu de canton
de l'arrondissement de Libourne, Gironde), située dans l'ancien diocèse d'Agen
(3).
L'expansion de ces coutumes a été très
remarquable, les rois d'Angleterre, les rois de France, les grands seigneurs
fondateurs de bastides ou villes neuves, les ont acceptées et concédées,
comme chartes, aux villes par eux fondées.
Pour le roi d'Angleterre, nous pouvons
citer, en Quercy, Valence d'Agen (4) (Tarn-et-Garonne, arrondissement de
Moissac);
(1) K. Ordonnances des enquêteurs envoyés par
Alfonse dans le Quercy et l'Agenais en 1252 (Bib. Nat. Baluze Armoire 394, n° 694) et Histoire du
Languedoc édit. Privat, t VII,
p. 419, où, n° 6 b, se trouve
rapporté le règlement sur les fondations des bastides faites par les
représentants du pays.
(2) Pour Monclar les lettres sont du mois
de juin 1256 (Archives nationales,
JJ. 24 B, f° 56 r°); et pour Montflanquin (Arch. Nat., JJ. 24 B, f° 57 v°); dans les mêmes termes,
confirmation de ces lettres fut accordée par Alfonse en 1270 (Coll. Doat, t. XCIV, p. 296 pour
Monclar, et p. 215 pour Montflanquin).
Ces coutumes ont été publiées par M. H.
Emile Rebouis dans la Nouvelle Revue
historique du droit français et étranger, année 1890, p. 402 et suiv.
(3) Archiv.
Nat., JJ., 24 B. f° 51 (r°),
(4) Rôles
Gascons, t. II, n° 748 (28 décembre 1283), et Rymer, 1er vol,
p. 226 et 227, et Acta publica, t.
II, p. 260, édit. de Londres (1724), et E Rebouis, Bulletin de la Soc. de Tarn-et-Garonne, t. XIV, p. 199 (année
1886).
p. 373 (95)
en Périgord, Villefranche de Périgord (1),
Lalinde (2), Beaumont (3), Molières (4), Montpazier (5), Beauregard (6); et en
Agenais, Villeréal (7), Saint-Pastours (8), Castel-Amouroux (9), pour ne citer
que les principales.
(1) Villefranche-de-Périgord, à sa fondation,
obtint d'Alfonse de Poitiers, en 1261, des privilèges; ils reproduisent les
principes fondamentaux des coutumes types, mais en diffèrent par la forme et la
disposition des matières (Bib. Nat., fonds
français, n° 11646). En 1357, confirmation par le roi de France de ses
coutumes perdues (O.R.F., t.
III, p. 201 et suiv.): celles-ci ressemblent complètement (sauf variantes
insignifiantes) à la charte type de Montflanquin et Monclar; la charte
primitive lui avait-elle été concédée par Alfonse de Poitiers, ou par les rois
d'Angleletre, et à quelle époque, nous ne le savons pas.
(2) Ces coutumes furent accordées à la
bastide de Lalinde: 1° par le prince Edouard, le 26 juin de la 51e
année du règne de Henri III (1267); et 2°
par Edouard Ier, le 27 novembre 1286: elles ont été à
diverses reprises confirmées par les rois de France et notamment par Louis XIII
à Paris, en juillet 1611. Les copies originales sont aux Archives de la
Préfecture de la Dordogne, elles ont été publiées par M, Goustat dans le Bulletin de la Société hist. et archéol. du
Périgord, t. X, p. 88 et suiv.
(3) Fondation en 1272; obtient des
coutumes en 1277 d'Edouard Ier, la 5e année de son règne,
et confirmées par les rois de France, par Louis XI en 1461 (Or. R. de France, t. XV, p. 445).
(4) Fondation en 1272; concession de
coutumes en 1285, publiées dans le Bulletin
de la Société hist. et archéol. du Périgord, t. IV, p. 415, par M. le
comte de Cumond.
(5) Montpazier, fondée en 1274, avait des
coutumes analogues aux autres bastides du Périgord. Comp. Dessales, Histoire du Périgord, t. II, p. 29.
(6) Beauregard, fondée par Edouard Ier,
a obtenu une charte de coutumes en 1286, publiée par la Société histor. et archéol. du Périgord, t. III, et une traduction
du XVIIe siècle a été donnée en 1892 dans le Bulletin héraldique de France: le fonds Périgord à la Bibliothèque Nationale, t. LI, contient une
copie de ces coutumes.
(7) Villeréal, chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), bastide fondée par
Alfonse de Poitiers, lui doit probablement ses coutumes qui furent confirmées
par les rois d'Angleterre, conformes à celles de Monclar et Montflanquin), Rôles Gascons, t. II, p. 351: 1er
mai 1289, n° 1108, à la fin du titre: Alfonsus quondam C. P. fecit istam
bastidam.
(8) Saint-Pastours (Lot-et-Garonne,
arrondissement de Villeneuve-sur-Lot, canton de Monclar), 7 avril 1289. Rôles Gascons, t. II, n° 1297, et E.
Rebouis, Revue Historique de Droit
français et étranger, 1888, d'après la copie de Brequigny.
(9) Castel-Amouroux (Lot-et-Garonne),
coutumes du 22 décembre 1287, publiées par E. Rebouis dans la Revue Historique de Droit français et
étranger, année 1888.
p. 374 (96)
Les rois de France
ratifièrent, sans les modifier le plus souvent, les coutumes que les villes
tenaient, soit d'Alfonse de Poitiers, soit des rois d'Angleterre, et à leur
tour, à la fondation de villes nouvelles ou bastides, ils concédèrent des
coutumes analogues et souvent identiques: tant la formule en était heureuse et
répondait aux désirs et aux besoins des populations (1).
Les grands du royaume, dans
les fondations de villes neuves, agiront de même et empruntèrent souvent ces
coutumes pour les nouvelles cités. Au milieu d'un très grand nombre d'exemples
je cite, en Agenais, Castillonnès, chef-lieu de canton très important du
Lot-et-Garonne (2), Saint-Sardos, fondé par le couvent de Sarlat (3), et en
Périgord, les bastides de Bénevent (4), de
(1) Nous citons, sans avoir
la prétention d'être complet, la bastide de Monchabrier ou Moncrabier dans le
territoire de Pestilhac, en Quercy (avril 1307), O.R.F. XII, p. 362; la bastide
de Charroux en Périgord (mars 1308, O.R.F, t. XI, p. 404), qui fut plus tard
appelée bastide de Saint-Louis en Périgord (O.R.F. XII, p. 496). Les habitants
de cette localité sollicitaient des coutumes, ils produisirent les coutumes de
Villeréal, Dome et de Alnayo (Saint-Aulaye) et les coutumes qu'on leur donne,
en conformité avec leurs productions, reproduisent les coutumes acceptées dans
toutes les bastides de notre région. La bastide de Gardomont (Réalville,
janvier 1310, O.R.F., t. XII, p. 383 et 568, etc.)
(2) Sur Castillonnès voir
Notice historique sur la ville de Castillonnès, par J.-J Oscar Bouissy (Villeneuve-sur-Lot,
impr. X. Dutin, 1875). Cette bastide fut fondée en 1259, à suite d'un abandon
fait par Elie, abbé de Cadouin, et Bertrand et Arnaud de Mons, seigneurs du
territoire, au profit de Guillaume de Bagnols, sénéchal d'Agenais et du Quercy,
pour le comte Alfonse, à charge d'y bâtir une ville nouvelle. En 1266, le comte
Alfonse accorda une charte des coutumes et franchises « Cet important document
fut détruit lors de la prise et de l'incendie de la ville par les Anglais, en
1346; nous n'en possédons qu'un extrait que nous allons faire connaître ».
Archives de l'Hôtel-de-Ville (loc. cit. p 28), d'après l'analyse donnée les
coutumes devaient se rapprocher de celles de Montflanquin.
(3) Comp. L. Dessales, t.
II, p. 157, et olim, t. III, p. 2, p. 1299. Saint-Sardos fut fondée en 1317,
elle fut dotée des mêmes privilèges que les autres bastides.
(4) La charte de Bénevent
accordée par le comte de Périgord, Archambaud, à la bastide de Bénevent, située
dans la commune de Saint-Laurent-de-Pradoux ou de Double (aujourd'hui
Saint-Laurent-des-Hommes) au diocèse de Périgueux, en 1270, est la reproduction
de la charte de Sainte-Foy-la-Grande; elle fut complètée, en 1309, par Hélye
Talayrand, comte de Périgord, par les usages non écrits suivis à Sainte-Foy, et
pour se rendre compte de leur teneur, le comte de Périgord et les consuls de
Bénevent envoyèrent une députation à Sainte-Foy. Ces renseignements nous sont
fournis par un manuscrit conservé aux Archives départementales des
Basses-Pyrénées E698 I.A./619. Ainsi se trouve comblée une lacune de nos
historiens locaux. Comp. L. Dessales, Histoire du Périgord, t. II, p. 46. Le
Fonds Périgord (Bib. Nat.) contient une copie des coutumes de Bénevent.
p. 375 (97)
Montignac-le-Petit (1), de
Verng (2), fondées par les comtes du Périgord.
Toutes les bastides
mentionnées jusqu'ici sont dotées de coutumes identiques sauf quelques
variantes sans importance, et pour elles nous trouvons en vigueur la charte
type du comte Alfonse.
Mais nous savons qu'il y
avait d'autres formulaires provenant du même prince, et qui ont été copiés ou
imités pour d'autres villes.
L'un de ces formulaires se
retrouve dans la charte de Castel Sacrat en Quercy: celle-ci aurait été donnée
à cette localité en mai 1270 d'après la copie de Doat, t. LXXIV, p. 300-2, mais
peut-être que sa formule est antérieure à cette date, car on la retrouve à
Villeneuve-sur-Lot, et elle lui aurait été donnée en juin 1260 (3); quoi qu'il
en soit, cette charte a une assez grande importance: elle fut donnée à Eymet
(Dordogne) en juin 1270 par le comte Alfonse (4) et servit à d'autres
localités, notamment
(1) « Archambaud III, en 1281, octroya des
privilèges et franchises à Montignac-le-Petit, aujourd'hui réuni à Monesteyrol
(commune et canton de Montpont). Ces privilèges et franchises, semblables à
ceux des bastides, prouvent qu'il voulait fonder une bastide à Montignac » L.
Dessales, H. du Périgord, t. II, p. 46.
(2) Nous avons vu plus haut
(pag. 77) à propos des plaintes du roi d'Angleterre contre le comte de
Périgord, que celui-ci avait fondé une bastide à Vern ou Vergt, probablement
vers 1285, suivant les privilèges qui lui furent accordés. Comp. Fonds Périgord
(Bib. Nat.), t. LII, privilèges de Vern, fol. 302 à 310.
(3) Comp. Annales de Villeneuve-sur-Lot... par
Auguste Cassany-Mazet (Agen, 1846) page 284, 3e acte des pièces justificatives.
(4) Coll. Doat, t. LXXIV,
p. 334 et suiv.
p. 376 (98)
à Lunas, près Montpezat
(Lot-eL-Garonne) (1); on la rencontre en 1271 à la Sauvetat-de-Gaure; en 1279 à
Fonsorbes (2).
Enfin un autre formulaire
de coutumes, qui se rapproche plus ou moins de l'Alfonsine (coutume type
d'Auvergne) se rencontre dans les coutumes de Najac (1255), de Villefranche de
Rouergue (1250) (O.R.F. t. XII, p. 480). Il fut accepté pour Augeville (1270)
et pour Fajolles en 1276.
Et ce même type quelque peu
modifié, mais pas d'une manière essentielle, fut suivi à Gimont en 1274, à
Beaumont de Lomagne en 1279, à Grenade en 1291.
« Il est inséré sans
changement dans la coutume de Montfort (1275), de Saint-Martin de Viagne
(1278), de Mirande (Gers, 1288), de Villefranche d'Astarac (1293) ». (S. Cabié
loco citato.) On le retrouve, avec quelques légères modifications à Marciac
(Gers) (1298). O.R.F. t. XII, p. 341; à Tournay (Hautes-Pyrénées), janvier 1307
(O.R.F., t. XII, p. 368); à Peyrouse, près Lourdes (Hautes-Pyrénées), décembre
1308 (O.R.F. t. XII, p. 376); à Solomiac en 1327 (O.R.F., t. XII, p. 500); à
Trie (Hautes-Pyrénées), septembre 1325 (O.R.F., t.XII, p. 487); à Rabastens,
Saint-Martin-de-Bigorre, avril 1327 (O.R.F., t. XII, p. 504); à Cros en Bigorre
(O.R.F., t. XII, p. 514).
Pour que le lecteur puisse
se rendre compte des analogies et des différences qui séparent ces diverses
coutumes, nous allons reproduire sur trois colonnes juxtaposées, trois des
types de coutumes remontant à Alfonse de Poitiers, celui de Monflanquin, celui
de Castel Sacrat et l'Alfonsine. Ainsi on se rendra compte du caractère commun
de ces documents, et en même temps des particularités que l'on rencontre dans
chacun et dans leurs dérivés.
(1) Par Philippe le Bel
(juillet 1312) O.R.F., t. XII, p. 397.
(2) Comp. S Cabié, Chartes
de cout. inédites de la Gascogne Toulousaine, p. 11, note 6.
p. 377 (99)
I. CHARTES DE
MONCLAR ET DE MONFLANQUIN (A. Nat., JJ, 24 B, f° 56 et f° 57). |
II. CHARTE DE
CASTEL-SACRAT (Arch. nat. reg. C, JJ, 24B, f° 70). |
III. CHARTE DE RIOM
dite l'Alfonsine (O.R.F., t. XI, p. 495. Comp. autres cout, de Riom: Layettes
du Trés. des ch., t. III, n° 3756 et note finale). |
ARTICLE PREMIER (1).
Quod per nos, vel successores nostros non fiat in dicta villa, questa,
tallia, vel albergata, nec recipiemus ibi mutuum, nisi nobis gratis mutuare
voluerint habitantes. |
ARTICLE PREMIER.
Quod per nos vel successores nostros non fiat in dicta villa tallia, sive
questa, vel albergata, nec recipiemus in mutuum nisi gratis nobis mutuare
voluerint habitantes. |
ARTICLE PREMIER.
Quod per nos vel successores nostros non fiat in dicta villa tallia sive
quaesta, vel albergata, nec recipiemus ibidem mutuum, nisi gratis nobis mutuare
voluerint habitantes in eadem villa. |
ART. 2. Item, quod
habitantes dicte ville et in posterum habitaturi possint vendere, dare,
alienare omnia bona sua, mobilia et immobiha cui voluerint, excepto quod
immobilia non possint alienare ecclesie, religiosis personis, militibus, nisi
salvo jure dominorum quorum res in feodum tenebuntur. |
ART. 2. Item quod
habitantes dicte ville vel imposterum habitaturi possint vendere, dare et
alienare omnia sua bona mobilia vel immobilia cui voluerint, ita tamen quod
si immobilia alienaverint ecclesiae, religiosis personis, vel militibus
propter hoc fiat nullum praejudicium nobis vel aliis dominis a quibus res
tenebuntur, maxime in hoc cum possint compelli, sic alienata extra manum
ponere infra annum. |
ART. 2. Quod habitantes
in eadem et in posterum habitaturi, possint vendere, dare et alienare omnia
bona sua mobilia et immobilia, cui voluerint; ita tamen quod si immobilia
alienaverint ecclesiae religiosis personis vel militibus, per hoc nullum fiat
praejudicium nobis vel aliis dominis a quibus res tenebuntur, maxime in hoc
quin possint compelli sic alienata extra manum ponere infra annum. |
ART. 3. Item quod
habitantes dicte ville possint filias suas libere et ubi voluerint maritare
et filios suos ad clericatus ordinem facere promoveri. |
ART. 3. Item quod
habitantes dictae villae possint filias suas libere et ubi voluerint maritare
et liberos suos ad clericatus ordinem facere promoveri. |
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ART. 4. Item quod nemoribus
et lapidicinis ad aedificandum et fontibus in proprietate seu dominio nostro
constitutis quae ad manum nostram immediate tenemus, quam cum ad nos
pertinet, liceat eis uti. |
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(1) La division en articles
des trois documents ne se trouve pas dans les manuscrits.
p. 378 (100)
ART. 4. Item, quod
nos vel ballivus noster non capiemus aliquem habitantem dicte ville, vel vim
inferemus, vel saiziemus bona sua, dum tamen velit et fidejubeat stare juri,
nisi pro murtro vel morte hominis, vel plaga mortifera, vel alio crimine quo
corpus suum vel bona sua a nobis debeant esse incursa. |
ART. 5. Item quod
nos vel baillivus noster non capiemus aliquem habitantem seu habitatorem
dictae villae, vel vim inferemus, vel saisiemus bona sua, dum tamen sufficienter
et idonae caveat stare juri, nisi pro murtro vel pro morte hominis, vel plaga
mortifera vel alio crimine vel probabili suspicione criminis pro quo corpus
suum vel bona sua de jure vel consuetudine commiti confidejussoribus non
debeant, vel aliis casibus in quibus de jure esset vel consuetudine patriae
faciendum, vel pro delicto quod contra nos,senescallum nostrum, vel
servientes nostros ad gagia nostra, vel familiam nostram fuerit perpetratum. |
ART 3. Item, nos vel
noster bajulus non capiemus aliquem habitatorem dictae villae, vel vim
inferemus, vel saisiemus bona sua, dum tamen sufficienter caveat per bona sua
mobilia vel immobiha stare juri, nisi pro murtro vel morte hominis, vel plaga
mortifera, vel mutilatione membri, vel alia commum vel probabili suspicione
criminis, pro quo corpus suum vel bona sua de jure vel consuetudine
fidejussoribus committi non debeant, vel in aliis casibus in quibus esset de
jure vel consuetudine faciendum vel pro delicto quod contra nos, conestabulum
nostrum vel servientes nostros ad gagia nostra, seu in familiam nostram
fuerit perpetratum. |
ART. 5. Item, quod
ad querimoniam seu clamorem alterius non mandabit vel citabit senescallus
noster vel baillivi sui, nisi pro facto nostro proprio vel querela aliquem
habitantem in dicta villa, extra honorem dicti castri, super hiis que facta
fuerint et in dicta villa et in pertinentiis et in honore dicti castri et
super possessionibus dicte ville et honore ejusdem. |
ART. 6. Item quod ad
quaestionem vel clamorem alterius non mandabit vel citabit senescallus noster
vel baillivi sui, nisi pro facto nostro negotio vel querela vel servientum
nostrorum aut familiarum, aliquem habitantem in dicta villa, extra honorem
dictae villae super his quae facta fuerint in dicta villa et in pertinentiis
et honore dictae villae vel super possessionibus ejusdem, nisi forte
senescallus noster ita esset impeditus, quod ad dictam villam commode
accedere non posset, et tunc ad senescalli citationem ad assisias quae erunt
in loco propriuquiori dictae villae vel ejus territorio venire et stare juri
tenebuntur. |
ART. 4. Quod ad
quaestionem vel ad clamorem alterius non mandabit vel estabit connestabulus
noster Alverniae vel bajuli sui, nisi pro facto nostro negotio vel querela,
vel servientum nostrorum vel familiae, aliquem habitantem in dicta villa,
extra fines vel honorem dictae villae, super his quae facta fuerint in dicta
villa in pertinentiis et honore dictae villae, vel super possessionibus
ejusdem, nisi forte connestabulus noster adeo esset impeditus, quod ad dictam
villam commode accedere non posset, et tunc ad connestabuli citationem ad
assisias quae erunt in loco proprinquiori dictae villae, ejus territorio
venire tenebuntur, et juri stare. |
ART. 6. Item, si
quis habitans in eadem villa moriatur sine testamento, nec habeat liberos nec
compareant alii heredes qui sibi debeant succedere, ballivus noster et
consules dicte ville bona defuncti descripta tamen commendabunt duobis probis
hominibus dictae villae ad custodiendum fideliter per unam annum |
ART. 7. Item, si
quis habitans in dicta villa moriatur intestatus, vel alias rationabiliter
non disposuerit de bonis suis in sua ultima voluntate, nec habeat liberos,
nec appareant alii haeredes, qui sibi debeant succederet baillivus noster et
consules dictae villae bona defuncti descripta tam commendabunt duobus |
ART. 5. Item, si
quis habitans in dicta villa moriatur intestatus, vel alias rationabiliter
non disposuerit de bonis suis in ultima sua voluntate, nec habeat liberos, nec
appareant heredes, qui sibi debeant succedere, Bajulus noster et consules
dictae villae de Riomo, bona defuncti scripta commendabunt duobus homi- |
p. 379 (101)
et diem et si infra
eumdem terminum appareat heres qui debeat succedere omnia bona predicta
debent integraliter sibi reddi. |
probis hominibus
dictae villae ad custodiendum fideliter per unum annum et diem, et si infra
terminum eumdem appareat haeres qui sibi debeat succedere omnia bona dicta
debeant integraliter sibi reddi, cum fructibus medii temporis. |
nibus probis dictae
villae, ad custodiendum fideliter per unum annum et diem; et si infra eumdem
terminum appareat heres, et qui sibi debeat succedere, omnia bona praedicta
debent integraliter sibi reddi cum fructibus medii temporis. |
Alioquin bona
mobilia nobis tradentur, et etiam immobilia quae a nobis in feodum tenebuntur
ad faciendam omni modam voluntatem et alia immobilia quae ab aliis dominis in
feodum tenebuntur, ipsis dominis tradentur ad faciendam voluntatem suam,
solutis tamen debitis dicti defuncti secundum usus et consuetudines
Agenensis, si clara sint debita, non expectato fine anni. |
Alioquin mobilia et
immobilia quaeque a nobis in feudum vel censivam vel alio quocumque modo
tenebuntur nobis tradentur salvo jure veri haeredis, si in posterum appareat,
et salvo jure dominorum a quibus aliqua bona immobilia tenebuntur, si de jure
vel consuetudine patriae jus aliquod habuerint in eisdem, debita vero de
quibus legitime constare poterit, de bonis ipsius defuncti solvantur tam a nobis
quam ab aliis, ad quos bona ipsius defuncti pervenerint pro rata bonorum,
quae pervenerit ad quemcumque. |
Alioquin bona
mobilia et immobilia quae a nobis in feudum vel censivam, vel alio quocumque
modo tenebuntur, nobis tradentur salvo jure veri heredis si in posterum
appareat, salvo jure Dominorum a quibus aliqua bona immobilia tenebuntur, si
de jure vel de consuetudine patriae jus aliquod habuerint ineisdem. Debita
vero de quibus legitime constare poterit, de bonis ipsius defuncti solvantur
tam a nobis, quam ab aliis ad quos bona ipsius defuncti pervenerunt pro rata
quae pervenerit ad quemcumque. (Il y a ici une
transposition de matière.) |
ART. 7. Item,
testamenta facta ab habitatoribus dicte ville in presencia testium fide
dignorum valeant, licet non sint facta secundum sollempnitatem legum, dum
tamen liberi non fraudentur sua legitima portione, convocato ad hoc capellano
loci vel alia ecclesiastica persona, si commode posset vocari. |
ART. 8. Item
testamenta facta ab habitatoribus dictae villae in praesencia testium fide
dignorum valeant, dum tamen liberi aut domini aut alii, sine causa jure suo
aut portione debita non priventur. |
ART. 7. Item
testamenta facta ab habitatoribus dictae villae in praesentia testium fide
dignorum valeant dum tamen liberi et Domini aut alii, sine causa jure suo aut
portione debita non priventur. |
ART. 8. Item, quod
nullus habitans in dicta villa, de quocumque crimine appellatus vel acusatus,
nisi velit, teneatur se purgare vel defendere duello nec cogatur ad duellum faciendum;
et si refutaverit, non habeatur propter hoc pro convicto, sed appellans, si
velit probet crimen quod obicit per testes vel per alias probationes juxta
formarn juris. |
ART. 9. Item quod
nullus habitans in dicta villa de quocumque crimine apellatus, vel accusatus
fuerit teneatur se purgare vel deffendere duello, nec cogatur ad duellum
faciendum, et si refutaverit non habeatur propter hoc pro convicto, sed
apellans, si velit, crimen probet, quod objicit, vel per testes vel per
legitimas probationes juxta formam juris vel curia ad inquisitionem procedat,
si videatur curiae secundum qualitatem criminis expedire. |
ART. 6. Item quod
nullus habitans in dicta villa de quocumque crimine appellatus vel accusatus
fuerit, teneatur se purgare vel defendere de duello, nec cogatur ad duellum
faciendum, et si refutaverit, non habeatur propter hoc pro convicto, sed
appellans, si velit, probet crimen quod objecit, vel per testes, vel per
probationes legitimas, juxta formam juris. |
ART. 9. Item, quod habitantes
in dicta villa |
ART. 10. Item, quod
habitantes in dicta villa, |
ART. 8. Item,
quicumque habet domicilium |
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possint emere et
recipere ad censum vel in dono, a quacumque persona volente vendere vel infeodare
aut res suas immobiles dare, excepto feodo fiancali militari, quod emere vel
recipere non possint nisi de nostra vel successorum nostrorum processent
voluntate. |
salvo jure nostro,
possint emere recipere ad censum et in dono a quacumque pcrsona libera
valente et volente vendere, aut res suas immobiles dare. excepto feudo
franchali militari et rebus censivis, quas de jure vel consuetudine patriae
vel loci, ubi censiva venalis sita fuerit, vendere non licet sine domini vel
tenentis locum suum licentia et assenssu, quod et quas emere et recipere non
possint, nisi de nostra vel successorum nostrorum vel aliorum dominorum
processerit voluntate, circa vero nobiles personas in hoc casu observetur,
quia hactenus extitit observatum. |
in villa Riomi non
tenetur dare leudam, de quacumque re sua, quando eam vendiderit, vel aliam
emerit. |
ART. 10. Item, de
quolibet solo de quatuor Canis vel ulnatis lato et amplitudine et duodecim in
longitudine, habebimus sex denarios, obliarum tantum et secundum magis et minus,
in festo Sancti Fidis. Et totidem de acapto in mutatione domini; et si
vendatur, habebimus ab emptore vendas, scilicet duodecimam partem pretu, quo
vendetur; et nisi predicte oblie solute nobis fuerint predicto termino,
quinque solidi nobis solventur pro gagio et oblie supradicte. |
ART. 11. Item de
qualibet pladura, platea seu ariali, quatuor brassarum in amplitudine et
viginti brassarum in longitudine, quae se tenent cum muro vel cum lissis
dictae villae, quae vero se tenent cum lissis quatuor brassarum in
amplitudine vel undecim in longitudine, habebimus duodecim denarios monetae
currentis censuales. Scilicet magis et minus in festo beati Andraeae
apostoli, et totidem de acaptamento in mutatione domini et si vendatur
habebimus ab emptore vendas, videlicet duodecimam partem pretii quo vendetur
et nisi censive sive obliae nobis solutae fuerint terminis assignatis,
quinque solidi nobis solventur pro gagio et obliae supradictae. |
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ART. 11. Item, si arsinae
aut alia maleficia occulta facta fuerint in villa vel in honore,vel in
pertinentiis dicte ville, fiet per nos vel per locum nostrum tenentem emenda
super hiis secundum bona statuta et bonos usus approbatos dyocesis Agenensis. |
ART. 12. Item, si
arsinae vel incendia vel alia maleficia occulta facta fuerint in dicta villa,
vel honore vel in pertinentiis dictae villae faciemus fieri per nos vel per
nostrum locum tenentem emendam super his secundum bonos usus et consuetudines
et bona statuta patriae et approbata. |
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ART. 12. Item,
senescallus noster et ballivus dicte ville, tenentur jurare in principio
senescallie et baillive coram |
ART. 13. Item
Bajulus seu praepositus noster dictae villae tenetur jurare publice coram
hominibus dicti loci in princi- |
ART. 9. Bajulus seu
praepositus noster dictae villae tenetur jurare publice coram consulibus
dicti loci, in principio ad |
p. 381 (103)
hominibus probis
dicte ville quod in officio suo fideliter se habebunt et jus cuilibet reddent
pro possibilitate sua et approbatas consuetudines dicte ville et statuta
rationabilia observabunt. |
pio administrationis
suae, quod in officio fideliter se habebit, et quod jus reddetur cuilibet pro
possibilitate sua et scientia et bonas approbatas dictae villae consuetudines
observabit, tenebitur etiam statuta dictae villae a nobis facta vel approbata
rationaliter observare. |
ministrationis suae,
quod in officio illo fideliter se haberet et quod jus reddet cuilibet pro
possibititate sua et scientia et bonas et approbatas consuetudines dictae
villae observabit, tenebitur etiam statuta dictae villae a nobis facta vel
approbata rationabilia observare. |
ART. 13. Item,
Consules dite ville mutentur quolibet anno in festo Assumptionis beatae
Mariae Virginis; et nos vel ballivus noster debemus ponere et eligere, ipsa
die, consules catholicos sex de habitantibus in dicta villa quos magis, bona
fide, communi proficuo dicte villae et nostro viderimus et cognoverimus
expedire. |
ART. 14. Item, Consules
dictae villae mutentur quolibet anno in festo beati Jacobi apostoli et
senescallus vel bajulus noster communicato bonorum consilio debet eligere et
ponere ipsa die consules catholicos octo de habitantibus dictae villae, quos
nobis et dictae villae proficuo bona fide viderint expedire. |
ART. 10. Item,
consules dictae villae mutentur quolibet anno in festo B. Johannis Baptistae;
et si contigerit quod electi consules ab aliis consulibus in se nollent onus
consulatus suscipere bajulus seu praepositus noster dictae villae, ad
instantiam et requisitionum praedictorum consulum, ipsos ad haec compellere
teneatur. |
Qui consules
jurabunt baillivo nostro et populo dictae ville quod ipsi bene et fideliter
servabunt nos et jura nostra et populum dicte ville fideliter gubernabunt et
tenebunt consulatum fideliter pro posse suo et quod non recipient ab aliqua
persona aliquod servicium propter officium consulatus. |
Qui consules
jurabunt senescallo nostro vel bajulo et populo dictae villae quod ipsi bene
et fideliter erga nos se habebunt et servabunt jura dictae villae nostra et
populum dicte ville fideliter gubernabunt et tenebunt pro posse suo fideliter
consulatum et quod non recipient ab aliqua persona aliquod servicium pro
officio consulatus. |
ART. 11. Dicti consules
jurabunt bajulo seu praeposito nostro dictae villae, quod ipsi bene et
fideliter erga nos se habebunt et servabunt jura nostra et populum dictae
villae fideliter gubernabunt et tenebunt pro posse suo fideliter consulatum
et quod non recipient ab aliqua persona aliqua servicia pro officio
consulatus. Et praedicti consules debent habere sexdecim consiliarios. |
Quibus consulibus
communitas dicte ville jurabit sibi dare consilium et adjutorium et obedire
salvo tamen in omnibus jure nostro, dominio et honore. |
Quibus consulibus
communitas dicte ville jurabit sibi dare juxta conscientias suas bonum et
fidele consilium, quando ab ipsis fuerint requisiti, salvo tamen jure nostro,
dominio et honore. |
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Et Dicti consules habeant
potestatem reparandi carrieras, vias publicas, fontes et pontes, et
colligendi per solidum et per libram cum consilio viginti quatuor habitantium
in dicta villa, electorum a populo missiones et expensas ab habitantibus
dicte ville quae propter reparationem fient vel que fient propter alia
communia negocia necessaria et redundantia in communem utilitatem dicte
ville. |
Dicti consules
habebunt potestatem reparandi carrerias, vias publicas, et pontes et fontes,
et colligendi per solidum et libram et cum consilio duodecim habitantium in
dicta villa electorum a populo, missiones et expensas ab habitatoribus dictae
villae, quae propter reparationem praedictorum fient, dum tamen necessitas
vel evidens utilitas id exposeat. |
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De quibus collectis
et expensis senescallo nostro |
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p. 382 (104)
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vel locum nostrum
tenenti fiat fides; pro aliis autem expensis collectas communes facere non
poterunt sine nostra vel senescalli nostri voluntate et licentia speciali. |
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ART. 14. Et qui Sordicies
in carreriis injecerit a baillivo nostro et consulibus puniatur secundum quod
eis visum fuerit expedire. |
ART. 15. Et qui
sordicies et immunditias in carreriis ejecent a bajulo nostro et consulibus
puniatur sicut eis visum fuerit expedire. |
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ART. 15. Item,
quicumque Laycus in dicta villa vel in pertinentiis ejusdem habuerit
possessiones vel redditus, ratione illarum rerum, ipse et sui successores in
expensis et missionibus et collectis que fient a consulibus propter
utilitatem dicte ville, ut dictum est, dono faciant prout alii habitatores
dicte ville per solidum et per libram et nisi hoc facere vellent, ballivus
noster pignoret ad instancian consulum praedictorum. |
ART. 16. Et
quicumque Laycus in dicta villa, vel pertinentiis ejusdem habuerit
possessiones vel redditus, ratione illarum rerum, ipse et sui successores in
expensis et missionibus, ac collectis que fient et consulibus, propter
utilitatem vel necessitatem dictae villae, ut dictum est, contribuant, prout
alii habitatores dictae villae per solidum et libram secundum jura et
consuetudines approbatas, et nisi hoc facere voluerunt pignoret eos bajulus
noster ad instantium consulum praedictorum. |
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Clerici vero vel
alie privilegiate persone ad hoc idem similiter tenebuntur de possessionibus
suis omnibus que ad ipsas personas jure hereditario non constiterit
pervenisse. |
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De quibus rebus
hereditariis nichil prestare tenebuntur nisi de earum personarum mera
processerit voluntate. |
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ART. 16. Item, res comestibilis
de foris aportata ad vendendum vel dum aportetur de infra dimidiam leucam ad
vendendum, non vendatur nisi prius ad plateam dicte ville fuerit aportata. |
ART. 17. Item, res comestibilis
de Foris opportata ad vendendum, dum apportabitur et erit infra dimidiam
leucam non vendatur alicui eam revendere volenti, nisi prius ad plateam dicte
ville fuerit apportata, et si quis contrarium fecerit emptor et venditor,
quilibet in duobus solidis et dimidio currentis monetae nobis pro justicia
puniatur, nisi esset extraneus qui dictam consuetudinem probabiliter
ignoraret. |
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Et quis contra
fecerit, emptor et venditor quilibet in duobus solidis et dimidium pro justitia
puniatur, nisi esset extraneus qui dictam consuetudinem probabiliter
ignoraret. |
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ART. 12. Si quis
percussent aliquem coram connestabulo vel locum |
p. 383 (105)
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nostrum tenentem, ad arbitrium connestabularii secundum
consuetudines Patriae puniatur. |
ART. 17. Item, quicumque alium percussent vel
traxerit cum pugno, palma vel pede, irato animo, sanguine non interveniente,
si clamor factus sit, in quinque solidos pro justitia puniatur et faciat
emendam injuriam passo secundum rationem. |
ART. 18. Item, quicumque alium traxerit vel
percussent cum pugno, palma, vel pede, irato animo, gladio fuste petra tegula
seu alio modo, sanguine non interveniente, si clamor factus fuerit, in
quinque solidos currentis monetae nobis pro justitia puniatur. |
ART. 13. Quicumque alium percusserit cum pugno,
palma vel pede, gladio, fuste, vel petra, seu alio modo, irato animo,
sanguine non interveniente seu interveniente, si clamor factus fuerit, et
legitime probatum fuerit. percutiens nobis in LX solidos pro justicia
puniatur. |
Si tamen sanguinis
effusio intervenerit, in viginti solidos percuciens, si clamor factus fuerit,
pro justicia puniatur. Et si cum gladio, vel
fuste, petra vel tegula, sanguine non interveniente, si clamor factus fuerit,
percuciens in viginti solidis pro justitia puniatur; et si sanguis
intervenerit et fiet clamor, percuciens in sexaginta solidis puniatur et
emendam faciat injuriam passo. |
Si vero sanguinis
effusio intervenerit, percutiens, clamor si factus fuerit, in sexaginta
solidis currentis monetae nobis pro justitia puniatur. |
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ART. 19. Item, si
quis alium percussent et membri mutilatio intervenerit, si clamor factus
fuerit ad cognitionem senescalli vel locum nostrum tenentis usque ad viginti
libras Turonenses vel infra, secundum qualitatem delicti, nobis pro justitia
puniatur, ita tamen quod summam viginti librarum praedictam condemnatio
senescalli nostri vel locum nostrum tenentis non excedat. Si vero coram
senescallo nostro vel locum nostrum tenente, aliquis alium percussent usque
ad summam viginti librarum Turonensium vel infra secundum qualitatem delicti
ad cognitionem senescalli nostri vel locum nostrum tenentis nobis pro justicia
puniatur, ita tamen quod summam viginti librarum praedictam condemnatio non
excedat. Si vero sanguinis
effusio intervenerit, in praesentia senescalli nostri vel locum nostrum
tenentis, et gravis fuerit excessus, |
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seu percussio in triginta libris turonensibus nobis
pro justicia puniatur vel infra, ad cognitionem senescalli vel locum nostrum
tenentis. Ita tamen quod summam triginta librarum praedictam condemnatio
hujus non excedat. |
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ART. 18. Item, si quis
alium interfecerit et culpabilis de mortu reperiatur, ita quod homicida
reputetur, per judicium curie nostre puniatur et bona ipsius nobis sint
incursa, solutis tamen debitis suis. |
ART. 19. Item, si
quis alium interfecerit, et culpabilis de morte inveniatur, ita quod homicida
reputetur per judicium nostrae curiae puniatur, et bona ipsius nobis integre
sint incursa. |
ART. 14. Si aliquis
alium interfecerit, et culpabilis de morte ejus inveniatur, ita quod homicida
reputetur, per judicium curiae nostrae puniatur, et bona ipsius nobis integre
sint incursa. |
ART. 19. Item si
quis alicui aliqua convicia vel obpropria vel verba contumeliosa, irato
animo, alteri dixerit, ei inde fiat clamor, a ballivo nostro in duobus
solidis et dimidio pro justitia puniatur et faciet injuriam passo. |
ART. 20. Item, si
aliquis alicui aliqua convicia vel opprobria, vel verba contumeliosa, irato
animo, dixerit et inde queremonia proponatur, a bajulo nostro in duobus
solidis et dimidio currentis monetae nobis pro justitia puniatur et emendam
faciat injuriam passo. |
ART. 15. Si aliquis
aliqua convitia vel opprobria, vel verba contumeliosa, irato animo, dixerit,
et inde querimonia proponatur, postquam legitime probatum fuerit a Bajulo
nostro, in tribus solidis nobis pro justitia puniatur, et emendam faciat
injuriam passo, secundum consuetudinem Dictae villae Riomi diutius
approbatam. |
Et si quis coram
ballivo nostro vel in curia nostra dixerit dicta verba, irato animo, in
quinque solidis pro justitia puniatur et emendet injuriam passo. |
Et si quis coram
bajulo nostro vel curia, in curia nostra dixerit illa, irato animo, in
quinque solidis, currentis monetae nobis pro justicia puniatur et amendam
faciat injuriam passo. |
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ART. 20. Item quicumque
bannum nostrum vel ballivi nostri fregerit vel pignus ab eo factum ob rem
judicatam sibi abstulerit, in triginta solidis pro justicia puniatur. |
ART. 21. Item, quicumque bannum nostrum vel ballivi
nostri in bonis alterius positum, fregerit, in sexaginta solidis currentis
monetae nobis pro justitia puniatur. |
ART. 16. Item, Quicumque inhibitionem nostram seu
calumniam nostram, vel bajuli nostri, in bonis alicujus positam ex causa
rationabili, vel ad instantiam alicujus conquerentis fregerit, in LX solidos
nobis pro justitia puniatur. |
|
ART. 22. Item si pignus ab eodem bajulo seu
auctoritate ipsius captum sibi vel mandato ipsius, quis abstulerit, juxta
qualitatem excessus puniatur et credatur nuncio curiae jurato eum imo teste
jurato fide digno. |
ART. 17. Item, si pignus ab eodem bajulo seu
auctoritate ipsius captum sibi vel mandato suo, quis abstulerit, ad arbitrium
connestabuli nostri secundum usus et approbatas consuetudines Patriae
puniatur et super hac ablatione credatur nuncio curiae jurato, cum duobus
testibus fide dignis. |
|
ART. 23. Item, quod pro debitis non pignoren- |
ART. 18. Item, quod pro debitis non pignoren- |
p. 385 (107)
|
tur vestes
quotidianae alicujus, nec lectus suus in quo ipse vel familia sua jacuerit, nec
ferramenta, nec ustensilia vel aptamenta cum quibus panem suum lucratur. |
tur vestes
quotidianae alicujus, vel lectus suus in quo ipse vel familia sua jacuerunt,
nec ferramenta, nec ustensilia aplamenta cuin quibus panem suum lucratur. |
|
ART. 24. Item, quod
habitantes infra decos seu terminos dictae villae per senescallum sibi datos,
quos tenent pacifice et quiete, gaudeant eadem libertate qua gaudent
habitatores dicti loci. |
ART. 19. Quod
habitantes intra fines seu honorem dictae villae quos tenent, pacifice et
quiete gaudeant ea libertate qua gaudebant habitatores dicti loci. |
|
ART. 25. Item, quod
non pignorari possint nec bannum in rebus eorum poni, nec hostia domorum suarum
claudi, nisi prius citati vel moniti fuerint, vel nisi pro re judicata vel
contumacia, vel nisi praefixus dies solutionis canonis sit elapsus, vel nisi
in casibus in quibus bona et res eorum nobis deberent esse incursa vel
commissa de consuetudine vel de jure. |
ART. 20. Quod non
possint pignorari, neque bannum in bonis seu rebus eorum poni, nec ostia
domorum suarum claudi, nisi prius citati vel moniti fuerint, vel nec nisi pro
re judicata, vel contumacia, vel nisi praefixus dies solutionis annui census
nostri sit elapsus, vel nisi in casibus in quibus bona eorum nobis debent
esse incursa vel commissa de consuetudine vel de jure. |
ART. 21. Item quicumque leudam furatus fuerit, in
decem solidis puniatur. |
ART. 26. Item si aliquis leudam furatus fuerit in
decem solidis currentis monetae nobis pro justitia puniatur et leudam
restituat quam non solvit. |
ART. 21. Item, si aliquis leudam furatus fuerit,
nobis in septem solidos pro justitia puniatur, et leudam restituat quam non
solvit. |
ART. 22. Item, adulter vel adultera, si deprehensi
fuerint in adulterio, si inde factus fuerit clamor, vel per homines fide
dignos convicti fuerint, vel injure confessi quilibet in centum solidis pro
justitia puniatur vel nudi current villam et sit optio eorumdem. |
ART. 27. Item adulter vel adultera, si deprehensi
fuerint in adulterio, vel per homines fide dignos convicti fuerint, super hoc
accusatore existente et accusationem suam legitime prosequento, vel in jure
confessi, nudi currant villam vel nobis solvat quilibet centum solidos
turonenses, et hoc sit in optione delinquentis. |
ART. 22. Item, Adulter vel adultera, si deprehensi
fuerint in adulterio, vel per homines fide dignos convicti fuerint, super hoc
accusatore existente et accusationem suam legitimam prosequente, vel in jure
confessi fuerint, nudi currant villam, vel nobis solvat quilibet LX solidos
et hoc sit in optionem delinquentis. |
ART. 23. Item, qui cutellum vel gladium emolutum contra
alium, irato animo, traxerit, in decem solidis pro justitia puniatur et
emendet injuriam passo. |
ART. 28. Item, qui gladium emolutum contra alium,
irato animo, traxerit, licet non percusserit, si clamor idem factus fuerit,
in decem solidis currentis monetae nobis pro justitia puniatur, et emendet
injuriam passo. |
ART. 23. Item qui Gladium emolutum contra alium
irato animo traxerit, licet non percussent, si clamor factus fuerit et
legitime probatum fuerit, nobis in LX solidos pro justicia puniatur, et
emendet injuriam passo, secundum consuetudinem villae diutius approbatam. |
ART. 24. Item quicumque aliquod valens duos solidos,
vel infra, |
|
|
p. 386 (108)
de die vel nocte,
furatus fuerit, currat villam cum furto ad collum suspenso et in quinque solidis
pro justitia puniatur et restituat furtum cui furatus fuerit, excepto furto
fructuum de quo fiat ut inferius continetur. Et qui rem valentem
ultra quinque solidos furatus fuerit, prima vice signetur, et in sexaginta
solidis pro justitia puniatur, et si signatus sit per judicium curiae
nostrae, modo debito, puniatur. Et si pro furto quis
suspendatur, decem librae, si sua bona valent, solutis debitis suis, nobis
pro justitia persolvantur et residuum sit heredum suspensi. |
|
|
ART. 25. Item, si quis
intraverit de die ortos, vineas, vel pratos alterius et inde caput fructus,
fenum, paleam, vel lignum, valens duodecim denarios, vel infra, sine
voluntate illius cui fuerit, postquan quolibet anno semel defensum fuerit et
preconizatum, in duobus solidis et dimidio, persolvendis consulibus ad opus
dicte ville pro justitia puniatur; |
ART 29. Item, si
quis intraverit de die hortos, vineas vel prata alterius et inde capiat, sine
necessitate inevitabili, fructus faenum, paleam vel lignum valens duodecim denarios
vel infra sine voluntate illius cujus fuerit, postquam quolibet anno scilicet
prohibitum fuerit et proeconuatum,in duobus solidis et dimidio currentis
monetae nobis pro justitia puniatur, persolvendis videlicet duabus partibus
consulibus dictae villae ad opus dictae villae pro justitia puniatur, partem
tertiam dictae muletae nobis et nostris successoribus retinentem |
ART. 24. Item, si
quis intraverit de die orto[s], vineas, vel prata alterius, et inde capiat,
sine necessitate inevitabili fructus, faenum, paleam vel lignum valens XII
denarios vel infra, sine voluntate illius cujus res fuerit, postquam quolibet
anno, semel prohibitum fuerit vel praeconizatum, in tribus solidis puniatur. |
et quid quid
consules ex hoc habuerint, debent illud ponere in commune proficuum dicte
ville, ut pote in reparatione carreriarum, pontium fontium et constimilium. |
et quid quid
consules ex hoc habuerint debent ponere id in commune proficuum dictae
villae, ut pote, in reparatione carreriarum, fontium et consimilium. |
|
Et si ultra duodecim
denarios valeat res quam inde ceperit, in decem solidis nobis pro justitia
puniatur. |
Et si ultra duodecim
denarios valent res quam coepit in decem solidis currentis monetae nobis pro
justitia puniatur. |
Et si ultra XII
denarios valeat res, quam ceperit in VII solidis nobis pro justitia puniatur. |
Et si de nocte quis
intraverit et fructus, fenum paleam vel lignum ceperit, in triginta solidis
nobis pro justitia puniatur, et emendet dampnum passo. |
Et si de nocte quis intravent
et fructum faenum, paleam vel lignum ceperit, in triginta solidis currentis
monetae nobis pro justitia puniatur, et satisfaciat competenter in hoc casu
et in omnibus superioribus damna passis. |
Et si nocte quis
intravent, et fructus, faenum, paleam vel lignum ceperit, et probatum fuerit,
in LX solidos nobis pro justitia punietur et satisfaciat competenter in hoc
casu et in superioribus damna passis. |
p. 387 (109)
ART. 26. Et si bos
vel vacca vel bestia grossa, ortos vel vineas, vel prata alterius intraverit,
solvat dominus bestie sex denarios consulibus dicte ville, et pro porco et
sue, si intrent, tres denarios et pro duabus ovibus vel capris vel hircis, si
intrent, solvat dominus cujus erunt bestiae unum denarium consulibus dictae
villae, qui es hoc faciant, ut predictum est, dampno ei cujus est ortus,
vinea vel pratum nichilominus resarcito. |
ART. 30. Et si bos,
vel vacca vel bestia grossa, hortos vineas, vel prata alterius intraverit, solvat
dominus bestiae sex denarios currentis monetae et pro porco vel sue, si
intrent tres denarios, et pro duabus ovibus vel capris vel hircis, solvat
dominus cujus erunt dictae bestiae unum denarium, de quibus muletis. seu
poenis habebimus tertiam partem, ut praedictam est et consules dictae villae,
duas partes, qui ex hoc faciant, ut superius est expressum, damno ei cujus
est hortus, pratum vel vinea nihilominus resarcito. Et in mutatione
consulum eligatur communis persona, videlicet unus de habitatoribus dictae
villae a bajulo et consulibus dicti loci, qui emendas recipiat ipsorum nomine
et ad requisitionem ipsorum reddat partem unicumque contingentem, prout
superius est dictum. |
|
|
ART. 31. Mensurae
vero et pondera per senescallum nostrum vel tenentem locum suum et per
consules dictae villae ponantur et tradantur in dicto loco. |
|
ART. 27. Item,
quicumque falsum pondus vel falsam alnam tenuerit, dum tamen super hoc
legitime convictus fuerit, in sexaginta solidis puniatur. |
ART. 32. Item, quicumque falsum pondus vel falsam
mensuram vel falsam alnam tenuerit, dum tamen super hoc fuerit confessus vel
legitime convictus, in sexaginta solidis currentis monetae nobis pro justitia
puniatur. Negotiationis, in qua sic deliquerit, exercitio nihilominus sibi in
perpetuum interdicto. |
ART. 25. Item,
Quicumque falsum pondus, vel falsam ulnam vel mensuram tenuerit, in VII
solidos nobis pro justitia puniatur, et de falsa marca nobis in LX solidos
puniatur; et si bis in hoc deliquerit et convictus fuerit vel confessus, ad
arbitrium nostri connestabuli puniatur, vel officio in quo sic deliquerit
perpetuo privetur. |
ART. 28. Item, pro
clamore debiti vel pacti vel cujus libet alterius contractus, si statim, id
est, prima die, in presencia ballivi nostri, confiteatur a debitore, sine
lite mota et sine induciis, nichil nobis pro justitia persolvetur. |
ART. 33. Item, pro
querimonia debiti vel pacti, vel cujuslibet alterius contractus si statim, id
est, prima die in praesentia ballivi nostri, confiteatur debite sine lite
mota et sine induciis, nihil nobis pro justitia persolvetur. |
ART. 26. Item, pro
querimonia debiti vel pacti, vel cujus libet alterius contractus, si statim,
id est prima die, in praesentia bajuli nostri confiteatur debitor sine lite
mota et sine induciis nihil (1) nobis pro justitia solvetur; sed infra VIII |
|
|
|
Sed infra novem
dies, ballivus noster debet facere solvi et compleri |
Sed infra octo dies vel quindecim considerata debiti
quantitate, et per- |
|
(1) Le texte des Ord. donne
muleta, erreur certaine.
p. 388 (110)
creditori quod
confessum fuerit coram eo; alioquin debitor ex tunc in duobus solidis et
dimidio pro justitia puniatur. |
sonae qualitate, ballivus
debet facere solvi et compleri debitori, quod confessum fuerit coram eo,
alioquin ex tunc debitor in quinque solidis currentis monetae nobis pro
justitia puniatur. |
vel XV dies,
considerata debiti quantitate et personae qualitate, bajulus noster debet
facere solvi a debitore, quod confessus est coram ipso et complere, alioquin
ex tunc in tribus solidis debitor nobis pro justitia puniatur. |
ART. 29. Item pro
omni simplici clamore de quo lis moveatur et induciae petantur, post
prelationem sententiae nobis quinque solidi pro justitia persolvantur. |
ART. 34. Item, pro
omni smiplici querimonia civili, de quo lis moveatur et induciae petantur,
post prolationem sententiae nobis quinque solidi pro justicia a victo
persolvantur. Et actor si in petitione ejus, quod petet, defecerit, in eadem
quantitate pro justitia puniatur, vel parti adversae in expensis legitimis
condemnetur (1). |
ART 27. Item, pro
omni simplici querimonia civili, de qua lis moveatur, et induciae petantur
post prolationem sententiae tres solidi a victo nobis pro justitia solvantur,
et actor si in petitionem ejus, quod petet, defecerit, in tribus solidis pro
nobis justitia puniatur. |
ART. 30. Itam,
deficiens ad diem assignatum per ballivum in duobus solidis et dimidio nobis
pro justitia puniatur et parti adverse in expensis legitimis nichilominus
condempnetur. |
|
|
ART. 31. Itam,
ballivus noster non debet recipere justiciam seu gagium usque quo solvi
fuerit rem judicatam parti quae obtinuerit. |
ART. 35. Item, ballivus
noster non debet recipere justitiam seu Gagium usque quo rem judicatam solvi
seu satisfieri fecerit, parti quae obtinuit. |
ART. 28. Item,
Bajulus noster non debet recipere justiciam seu gagium, usque quo solvi
fecerit rem judicatam, seu satisfieri parti quae obtinuit. |
ART. 32. Item, de
questione rerum immobilium post prolationem sententie nobis quinque solidi
pro justitia persolvantur. |
ART 36. Item in quaestione rerum immobilium post
prolationem sententiae a victo nobis in quinque solidis pro justitia
puniatur. |
ART. 29. Item, in quaestione immobilium rerum, post
prolationem sententiae tres solidi a victo nobis pro justitia persolvantur. |
ART. 33. Item, de omni quolibet facto de quo lis moveatur,
si actor defecerit in probando, in quinque solidis actor pro justicia
puniatur et parti adverse in expensis legitimis hujus condempnandus. |
|
NOTE: La fin des
chartes de Montflanquin et de Castel-Sacrat est semblable, dans les deux,
sauf quelques détails. Mais elle diffère complètement des articles qui
terminent l'alfonsine; il est inutile de reproduire ceux-ci, car ils fixent
des règles de Droit civil, que les chartes des bastides laissaient de côté.
En voici l'analyse. |
|
|
ART. 30. Organisation
de la prescription acquisitive des immeubles par dix ans, fondée sur titre et
possession paisible et non troublée. |
|
|
ART. 31. Tous les
habitants du territoire de Riom participeront, sui- |
(1) Eymet, qui présente le
même texte, se termine ainsi:
« Item, si ad diem sibi
assignatum citatus non venerit contumaciter se absentans per bajulum nostrum in
duobus solidis et dimidio nobis pro justitia puniatur, parti adversae in
expensis legitimis nihilominus condempnandus. »
p. 389 (111)
ART. 34. Item,
mercatus dicte ville debet fieri in die jovis et si bos, vel vacca, porcus
vel sus unius anni et supra, vendatur ab extraneo in die fori, dabit venditor
unum denarium nobis pro leuda; |
ART 37. Item, mercatum
dictae villae debet fieri die mercurii, et si bos vel vacca, porcus vel sus
unius anni vel supra vendatur ab extraneo, in die fori, dabit venditor
extraneus unum denarium nobis pro leuda; |
|
et de asino vel
asina, equo vel equa, mulo vel mula unius anni et supra, dabit venditor
extraneus duos denarios nobis pro leuda; si infra nichil. |
et de asino vel
asina, equo vel equa, mulo vel mula unius anni vel supra dabit venditor
extraneus duos denarios nobis pro leuda et si infra nihil. |
|
Et de Ove, ariete,
capra vel Hirco unum obolum, |
et pro ove, ariete, vel capra, vel Hirco unum
obolum; |
vaut leur fortune,
aux charges municipales. |
de summata (ou
saumata) bladi unum denarium; de sextario unum denarium; de mina unum obolum,
pro leuda et pro mensuragio, de quarterio nichil dabit; |
de somata bladi unum
denarium, de sextario unum denarium; de Emina unum obolum et de minori quamde
emina nihil; |
ART. 32. L'adultère
n'est pas punissable, si on a ignore que la femme fut mariée. |
de onere hominis
vitrorum, unum denarium aut vitrum valens unum denarium; |
de onere hominis
vitrorum unum denarium, vel unum vitrum valens unum denarium; |
ART. 33. Saisie à
rencontre du changeur réglementée. |
de summata coriorum grossorum
duos denarios de onere hominis aut de corio grosso unum denarium. |
de somata coriorum
grossorum duos denarios; de onere hominis aut de uno grosso corio unum
denarium. |
ART. 34.
Réglementation de la vente de l'objet donné en gage. |
de summata ferri,
pannorum, laneorum, duos denarios; |
De somata ferri,
pannorum, laneorum, duos denarios; |
ART. 35. Saisie des
biens du débiteur; le créancier, au cas où les acquéreurs ne se
présenteraient pas, pouvait garder en paiement les biens du débiteur « ad arbitrium
consulum et aliorum proborum virorum et ad compulsionem nostram. » |
de sotularibus,
chauderiis, anderiis, patellis essatis, payrolii, cutellis, falsibus, sarpis
piscibus salsatis et rebus consimilibus, dabit venditor extraneus, in die fori,
pro leuda et pro intragio, duos denarios; de summata et de onere hominis
rerum predictarum et consimilium unum denarium; |
de cauderiis,
landeriis, patellis, aisetis, payroliis, cutellis, cassis, falcibus sarpis, piscibus
salsatis et rebus consimilibus dabit venditor extraneus, in die fori, pro
leuda et pro intragio duos denarios; de somata vel onere hominis rerum
praedictarum et consimilium unum denarium; |
ART. 36. Gage et
fidejussion. |
L'article 37 s'en
réfère au droit romain, au cas de silence de la coutume. « Si casus aliquis
vel aliquod factum vel negotium evenerit in dicta villa Riomi, de quo in
presenti scripto non fiat mentio, per bajulum nostrum cum consilio consulum
ejusdem villae et aliorum proborum virorum, secundum jus, vel prope jus, vel
secundum consuetudines dictae villae statuatur. » |
||
de summata urnarum
vel canarum unum denarium; de onere hominis unum obolum. |
de somata urnarum
vel canarum unum denarium de onere hominis unum denarium et de minore quam de
onere hominis nihil dabit. |
ART. 38. Concession
et confirmation des usages et coutumes relatives aux leudes, aux ventes, aux
moulins, aux fours et « alias consitetudines observatas ab eisdem temporibus retro
actis, bonas, antiquas, rationabiles et obtentas pacifice et quiete. » |
ART. 35. Item,
nundinae sint in dicta villa, terminis assignatis, et quilibet mercator
extraneus habens troussella vel plures trossellos, in dictis nundinis, dabit
nobis prô introitu et exitu, et taulagio et pro leuda, quatuor denarios; et
de onere hominis, quicquid portet, unum denarium, |
ART. 38. Item,
nundinae sint in dicta villa, per quatuor dies ante festum beatae Ceciliae
virginis et per alios quatuor post dictum festum, quibus mercator extraneus
habens Crossels vel plures crossellos in dictis nundinis dabet nobis pro
introitu et exitu et taulagio et pro leuda qua- |
ART. 39. Alfonse
mentionne les droits particuliers par lui retenus, nonobstant la concession
de la charte de liberté, « omnem justitiam, jurisdictionem, subjectionem,
reverentiam, exercitum et cavalcatam, secundum usus et consuetudines Patriae,
et alia quae cumque verus dominus potest et debet habere in terra sua, |
p. 390 (112)
de rebus emptis ad
usus domus alicujus, dabitur nichil ab emptore pro leuda. |
tuor denarios et pro
onere hominis quid quid portet, unum denarium et de rebus emptis nihil
dabitur ab emptore in dicta villa habitante. |
ac in praemissis omnibus
et singulis retinemus potestatem declarandi secundum quod propter varietatem
temporum et causarum viderimus expedire. » |
|
ART. 39. Item
redditus macellorum dictae villae ad manum nostram retineamus, et pro
quolibet bove vel vacca ibidem vendito, dabuntur nobis duo denarii et pro
porco unus denarius, pro ove vel ariete unus obolus. |
|
ART. 36. Item,
quicumque voluerit, poterit habere et facere furnum in dicto castro et barro
ejusdem castri; et de quolibet furno in quo quis panem de coquet ad
vendendum, vel panem vicini sui, solventur nobis, qualibet ebdomada, duodecim
denarii obliarum. |
ART. 40. Item furni
dicte ville, erunt nostri, pro viginta panibus de coquendis dabitur vigesimus
et non plus et omnes habitantes in dicta villa tenebuntur de coquere panem
suum in furnis nostris, hoc excepto quod panem proprinm ad opus eorum et
familiae de coquere eis hecat sine furnagio in furnis propriis, non tamen
panem vicini sui, nec venalem: et qui contra fecerit nobis in quinque solidis
puniatur. |
|
ART. 37. Item,
instrumenta facta per notarios ville illam vim obtineant quam publica
obtinent instrumenta. |
ART. 41. Item
instrumenta facta per notarios dictae villae legitimam auctoritatem habentes,
per nos vel factum nostrum positos, vel etiam ponendos, illam vim obtinenant
quam publica obtineant instrumenta. |
|
NOTE: Dans presque
toutes les chartes de bastide, on trouve ici un article qui détermine le
ressort de la bastide ou les dex; et quelquefois quelques articles
particuliers, et variant suivant les localités, mais peu importants. |
NOTE: Le document se
termine par une réserve de certains droits, au profit d'Alfonse, et notamment
de modifier, s'il en était besoin, les dispositions de la coutume locale. |
|
A quoi tenait donc cette
prodigieuse expansion et ce succès des chartes d'Alfonse de Poitiers? A leur
caractère profondément libéral, à l'équité et à la sagesse de leurs
dispositions.
Rappelons très rapidement les
préceptes de droit public qu'on y rencontre:
Un des fléaux de la
féodalité était le droit du Seigneur de fixer arbitrairement les taxes de toute
nature, imposées aux habitants de la seigneurie: aussi de bonne heure, à partir
du XIe siècle, vit-on, dans toutes les chartes de coutumes et
commune, la préoccupation de déterminer avec précision les redevances, et même,
dans la suite, d'appeler les redevables à en consentir l'établissement.
Les chartes d'Alfonse, en
proclamant ces principes, ne font que confirmer des conquêtes faites par les
populations au détriment des seigneurs.
L'article premier des
chartes des bastides rappelle ce principe: « quod per nos vel successores nostros non fiat in dicta bastida, questa
tallia vel albergata nec recipiemus ibi mutuum nisi gratis mutuare voluerint
habitantes ». (Montclar et Montflanquin, art. Ier; Beaumont,
art. Ier, Lalinde, Molières, etc., etc.) Dans quelques bastides, on
prévoit la suspension de l'immunité au cas de guerre nisi vigente guerrarum necessitate. (Art. Ier
Villefranche de Périgord, Villeréal.)
Le fondateur renonçait par
là à toutes les redevances, souvent arbitraires, produit du régime féodal sous
la dénomination de queste, taille, alberge,
prêt, etc.
Fixer nettement les
redevances à payer était un principe qui était, on peut le dire, le droit
commun des communes, villes libres, franches ou neuves, et cette préoccupation
des populations on la retrouve très anciennement, dès qu'elles eurent commencé
à secouer le joug seigneurial. La lecture des anciens textes le justifie
amplement; qu'on nous permette d'en citer quelques-uns, empruntés à des groupes
divers (1):
(1) Charte de libertés et
coutumes de Saint-Antonin (Aveyron) des années 1140 à 1144: charte accordée aux
habitants de Saint-Antonin, par les trois frères Jourdain, propriétaires par
indivis de la vicomté de Saint-Antonin (Teulet, Layettes du trésor des Chartes,
t. 1, n° 86, p. 55: « Donamus absolvimus in perpetuum illam malam consuetudinem
que vocatur questa, preter hoc quod nobis dare voluerit sua propria
volunlate.... ita quod nunquam queramus eis suam pecuniam, vel aliquid de suo
extra suam voluntatem. » Celle de Lorris, dont l'expansion fut si grande, art.
9, concédée par Louis VII, 1157. D'après Prou (Revue Historique de droit franc.
et etran., 1884, t. VIII: « Nullus, nec nos, nec alius hominibus de Lorriaco
talliam, nec ablationem, nec rogam faciat. » Franchises de Bourges et de
Dun-le-Roi (vers 1181) d'après Giry: « Ab omni tolta, et tallia et botagio et
cultitrarum exactime omnino quieti et liberi sunt. » Etablissement d'Hôtes, sur
la terre d'Acquebouille (Loiret, arrondissement de Pithiviers, canton
d'Ontarville, commune de Faronville 1142 (sixième année du règne de Louis VII):
Si igitur Hospites hujus ville, preter de redditibus supra denominatis, ab omni
tallia, ab omni exactione liberi erunt et immunes manebunt. La suppression,
suivant les coutumes, est plus ou moins étendue, le seigneur se réservant en
tout ou en partie quelques redevances; quelquefois l'immunité n'est que
temporaire.
Les privilèges des bastides
furent souvent méconnus par le pouvoir; après la paix de Brétigny, les Anglais
traitèrent la France en pays conquis; les fouages vinrent périodiquement faire
échec aux privilèges des populations (1), auxquelles on donnait pour seule
consolation des déclarations suivant lesquelles la levée du fouage ne porterait
aucune atteinte à leurs privilèges; aussi s'explique-t-on que les bastides se
soient associées à l'appel devant le Parlement de France contre leur seigneur,
le roi d'Angleterre, au moment de la rupture de la paix de Brétigny.
Les rois de France, dans la
suite, combattirent les privilèges des bastides pour les frapper d'impôts, dont
leurs privilèges les rendaient exempts.
Un second point,
caractéristique de ces chartes de bastides, est une forte organisation de la
liberté civile et individuelle; les droits de l'habitant étaient, à certains
points de
(1) Alphonse de Poitiers
(Corresp. admin., n° 1895) avait reconnu que l'on ne devait pas percevoir de
fouage sur les bastides, à moins de décision spéciale contraire.
p. 393 (115)
vue mieux garantis qu'ils ne
le sont aujourd'hui même. A cet ordre d'idées se rattachent les dispositions
suivantes de nos chartes: Protection est accordée au citoyen contre les saisies
arbitraires pour sa personne et pour son patrimoine: Item quod nos nec bajulus noster non capiemus aliquem habitantem in
dicta villa vel vim inferemus vel saziemus bona sua, dum tamen velit et
fidejubeat stare juri, nisi pro murtro vel morte hominis vel plaga mortifera,
vel alio crimine quo corpus suum vel bona sua nobis debeant incursa, esse:
Formule empruntée à la charte de Bénevent et qui se retrouve dans toutes les
chartes des bastides. (Art. 4, Montclar et Montflanquin, Villef. du Périgord
art. 4, Villeréal, Valence, Beaumont, Lalinde, Molières, Beauregard, etc.)
Ainsi toute personne était protégée contre les arrestations arbitraires et en
outre, en cas de poursuite en justice, en cas de crime ou de délits, en donnant
caution, elle évitait l'arrestation préventive, sauf dans certains cas ou
crimes particulièrement graves: ces principes, généralisés par le droit commun
des bastides, avaient été déjà posés par la grande ordonnance de saint Louis
1254 (Or.R.F) I, p. 67, mais il faut reconnaître que ces principes furent, dans
la suite et très souvent, honteusement violés « et de nos jours même, les emprisonnements
préventifs, inutiles et prolongés, ont en vain soulevé l'indignation de
quelques magistrats pénétrés de la grandeur de leurs devoirs. Il serait à
désirer, au milieu du XIXe siècle, que l'on voulût bien appliquer
les ordonnances de saint Louis: ce serait là un grand progrès que nous
souhaitons vivement voir se réaliser (1). »
Les saisies arbitraires des
objets de toute nature, que les seigneurs se permettaient à l'encotre de leurs
vassaux, tenanciers et serfs, disparaissaient ainsi: on assurait à chacun les
produits de son activité et de son travail; ici encore ces chartes ne faisaient
que répéter et consacrer des principes pro-
(1) Ed. Boutaric, saint
Louis et Alfonse de Poitiers, p. 148.
p. 394 (116)
clamés antérieurement par
de nombreux textes; tant le besoin de sécurité a été de tout temps la
préoccupation de tous (1).
Et comme conséquences de
ces principes, on proclamait, pour les habitants des bastides, le droit de
disposer, comme ils le voudraient de leurs biens, soit à titre onéreux, soit à
titre gratuit, de marier librement leurs enfants et de choisir pour eux la
carrière qui leur conviendrait: on garantissait la libre dévolution de la
succession testamentaire ou ab intestat: voici les articles qui se rattachent à
ces divers points:
« Item quod habitantes dictae villae et in posterum habitaturi possint
vendere alienare dare omnia bona sua mobilia et immobilia cui voluevint,
excepto quod immobilia non possint alienare ecclesiae, personis religiosis
militibus nisi salvo jure dominorum quorum res in feodum tenebuntur. » (Ces
de Bénevent (2)): on retrouve cette règle dans toutes les chartes des bastides,
mais les formules finales sont quelquefois en d'autres termes, bien que le sens
reste le même (3).
L'aliénation des biens,
conséquence de la reconnaissance du patrimoine, se comprenait très bien pour
les biens, qui, dans les mains du propriétaire, ne relevaient de personne et
formaient des alleux: le propriétaire les vendait librement, à qui il voulait,
la vente ne donnait lieu qu'au paiement des redevances, à titre d'impôt, qui
pouvaient l'atteindre. Cette liberté
(1) Charte de Saint-Antonin
(a. 1144 (Teulet I, no 86) quod eis nullam vim ingeramus neque pecuniam vel
aliquid de suo eis auferamus, nec aliquis de consilio nostro... Comp. lettres de
fidélité mutuelle entre Raymond V, comte de Toulouse et Bernard Atton VI,
vicomte de Béziers (Teulet, I, p, 107 vers 1174). Franchises des habitants de
Villemur: a. 1178, Teulet I, p. 120... « que ja no los prengo ni los forso lor
corses ni lor aver e neguna guiza... el ni one ni femma per lor, ni per lor
gein, ni per lor consentement. » Art. 3
de priv. de Philippe-Auguste en faveur de la Charité-sur-Loire (a. 1181) (A.
Giry; Docum. sur les relations de la royauté avec les villes de France) nullus
eorum capietur nec res alicujus eorum, quamdiu salvium plegium vel bonum
securitatem prestare poterit et voluerit quod justicia stabit... etc.
(2) sic Montclar et
Montflanquin, (Art. 2); Villefranche de P. (art. 2); Beaumont (art. 2);
Lalinde, Molière, Beauregard. (etc.).
(3) Notamment Castel-Sacrat
et ses dérivés.
p. 395 (117)
d'aliénation proclamée par
la charte de Lorris d'une façon si énergique (1) se retrouve ainsi dans toutes
les bastides.
Le droit d'aliénation pour
les choses tenues à fief ou à censive soulevait plus de difficultés: le
seigneur, qui avait choisi son vassal, ou tenancier, avait intérêt à le garder,
et à ne pas avoir sur son domaine une personne qui ne serait pas en état de
remplir les obligations du contrat, ou qui ne serait pas d'humeur à en
supporter l'exécution; de là vis-à-vis du vassal, des restrictions diverses au
droit d'aliéner le fief et la tenure, restrictions qui ont varié suivant les
époques et que nos textes rappellent par leurs dispositions.
La constitution des
bastides ne faisait à cet égard que poser le principe; mais les coutumes
locales fixaient les conséquences et les règles suivies dans la pratique:
ainsi, dans les coutumes de Villefranche du Périgord, tandis que la coutume des
bastides, reproduite dans l'ordonnance de 1357 ne parle que du droit d'aliéner,
la coutume de 1261, octroyée par Alfonse de Poitiers, lors de sa fondation,
organise le droit de retour ou retrait lignager au cas d'aliénation, en faveur
des parents de l'aliénateur et subsidiairement en faveur du seigneur, et
formule les conditions du fonctionnement de ce droit de retrait (2).
(1) Charte de Lorris, art.
17. Et eorum quilibet res suas, si vendere voluerit, vendat, et, redditis
venditionibus, a villa, si recedere voluerit, liber et quietus recedat, nisi in
villa forisfactum fecerit.
(2) Fol. 17 et 18. sy vente
en est faite que les parents du vendeur la puissent retraire devant aultruy,
dans quinze jours, sy sont en Perigord ou en Quercy ou en Agennais, pour
aultant que un autre en voudra donner et à bonne foy et que lui fassien aultant
bonnes payes, et si n'estaient dans les dits trois éveschés, que le puissent
retraire par le même prix dans ung an et ung mois et non delà en avant. Toutes
fois icelluy parent ne le puisse avoir devant autre, si par sa propre personne
ne le voulloit à sa table, et que jure qu'il le tiendra ung an pour le moins à
sa table, et qu'il rendra à la personne qui l'aura achapté aultant comme il
ausera jurer a bonne foy que luy aura costé; et sy ne le voullait retenir à
même prix ou ne voulloit rendre l'argent à l'achapteur, que le seigneur du
phieuf achapté le puisse retenir, s'il le veut, en la mesme manière que dict
est du Parent... B. N. Ce de Villefranche, fonds Français, n° 11646.
S. Fr., 540, 16.
p. 396 (118)
Le droit d'aliéner
s'accommodait mal des restrictions nombreuses que la féodalité avait mises en
honneur. En beaucoup d'endroits et de localités, sous forme de bans de blé, vins ou autres objets, les
seigneurs s'étaient arrogé de véritables privilèges, très onéreux à la population;
toutes ces restrictions disparaissaient avec la constitution libérale des
bastides (1); la charte de 1261 pour Villefranche de Périgord s'en explique
formellement fol. 33. « Et que le
seigneur de Villefranche ny autre personne n'aye ban ny advantage de vendre
vin, ny bled, ni autre chose à Villefranche et ses appartenances, mais que en
icelles ventes de bled, vin et autres choses aye autant davantages et
franchises le petit comme le grand, le pauvre comme le riche ». On est
heureux de trouver une formule si libérale, et si vraie en économie politique,
dans un document dû à l'initiative du frère de saint Louis.
A la faculté d'aliéner
correspondait la faculté d'acheter et d'augmenter son patrimoine, et dans les
bastides cette faculté était très libéralement organisée:
Art. 9. Item quod habitantes in dicta bastida
possint emere, vel recipere ad censum vel in dono a quacumque persona volente
vendere vel infeudare aut res immobiles dare, excepto, feodo francali militari,
quod emere vel recipere non possint nisi de nostra vel successorum nostrorum
processerit voluntate. (Cet article se retrouve dans toutes les chartes de
bastide (2).)
La restriction se
comprenait pour des fiefs d'où dépendaient des obligations militaires qui
pouvaient compromettre la sécurité de la bastide et étaient en contradiction
avec les obligations imposées à ses habitants.
(1) Comp. sur les bans et
leurs suppressions dans les communes la charte de Lorris, art. 10, et les
documents cités en note par M. Prou.
(2) Montclar et
Montflanquin, art. 9; Villefranche-du-P. art. 9; Lalinde Beauregard, Molières
et Beaumont arrêtent leur texte à dare. Villeréal, R. G., n° 1108, comp.
Castel-Sacrat, Sainte-Foy (Doat, t. LXXIV, fol. 303) le texte est plus
développé.
p. 397 (119)
Le patrimoine, reconnu au
profit des habitants, on proclame pour chacun la faculté et le droit de le
transmettre à sa mort, soit par testament, soit par succession ab intestat; et
on formule les dispositions les plus sages pour garantir cette transmission.
Ainsi disparaissent toutes les restrictions qui, à diverses époques, avaient
paralysé le droit de disposer.
La féodalité, dans
l'intérêt du seigneur, avait paralysé, chez ses vassaux, ses tenanciers et ses
serfs, les droits du chef de famille; et le seigneur, substitué a celui-ci,
présidait, au choix d'une épouse, aux conditions du mariage et à sa
réglementation; avec le régime nouveau, avec la liberté individuelle proclamée,
comment toutes ces restrictions auraient-elles pu être maintenues? Aussi affirme-t-on,
pour chacun, le droit absolu de marier ses enfants et de leur choisir telles
carrières qu'il conviendra. « Item quod
habitatores dictae villae possint filias suas libere et ubi voluerint maritare
et filios suos ad clericatus ordines facere promoveri » Montclar et
Montflanquin, art. 3; Villefranche du Périgord, art. 3, et chartes de toutes
les bastides (1), et ainsi tombaient et disparaissaient dans les bastides, les
perceptions de ces droits pécuniaires qui rappelaient et rachetaient l'ancienne
dépendance des hommes de la seigneurie, au regard de leur seigneur (2) (Droit de formariages, et autres.)
(1) Cette liberté proclamée
pour tous était le résultat d'une longue lutte et de réclamations très
anciennes, que permettent de supposer d'anciennes Chartes. Charte des libertés
accordées par Henri Ier roi d'Angleterre, 5 août 1100. Teulet t. I, n° 34 « et
si quis baronum meorum vel hominum, filiam suam nuptis tradere voluerit, sive
sororem, sive nuptam sive cognatam, mecum loquatur. Sed ne indeque ego pro hac
licencia de suo aliquid accipiam, neque defendam ei, quin eam det, excepto si
eam dare velit inimico meo. » Charte de Saint-Antonin (a. 1141 à 1144) «
Dominus S. A. non debet compellere aliquam viduam vel aliquem mulierem ut ducat
virum; nec se debet intromittere sine assensu ipsius vel amicorum suorum.
(Teulet, I, n° 86). Comp art. 3 et 5, de la charte de Chaumont 1248, pièces
justif. XX du travail de M. Prou sur les coutumes de Lorris. (Revue hist. du
droit fr. et etr., p. 542).
(2) Comp. le texte curieux,
relatif à la seigneurerie de Blanquefort prouvant que le droit de prémice et de
déflorement existait encore en 1302 (texte publié par M. Aug. Cassany-Mazet,
Annales de Villeneuve-sur-Lot. Acte 5e des preuves et les textes
publiés par M. de Lagrèze pour les cout. pyrénéennes.
p. 398 (120)
La constitution d'un
patrimoine comporte nécessairement le droit de le transmettre: dans les
coutumes des bastides, on fait allusion et à la succession testamentaire et à
la succession ab intestat.
Le testament s'était
probablement maintenu dans le Midi: dans tous les cas, on en facilitait la
confection, en n'imposant aucune autre formalité en dehors de la présence de
témoins et du curé du lieu ou de tout autre prêtre, et en interdisant toute
atteinte à la légitime des enfants. Donc le testament verbal, comme le
testament écrit par notaire, étaient valables, sans être soumis à des
formalités spéciales.
(Art. 7.) « Item testamenta facta ab habitatoribus dicte
ville in presencia testium fide dignorum (1) valeant, licet non sint facta
secundum solemnitatem legum dum tamen liberi non fraudentur sua legitima
porcione convocato ad hoc capellano (2) loci vel alia ecclesiastica personna si
commode posset vocavi. » (Montclar et Montflanquin, art. 7; Villeréal, 7;
Valence 7; et Villefranche du Périgord et toutes les bastides périgourdines.
Castel-Sacrat présente à la fin de l'article une petite modification dans la
forme.)
Nos chartes ne fixaient pas
les règles de la succession ab intestat: elles se référaient sur ce point aux
coutumes particulières, mais toutes présentent un système protecteur au cas de
successions vacantes.
(1) La bastide de
Montchabrier présente une leçon un peu différente: Testamenta facta, ab
habitatoribus dicti castri seu bastidae in presencia quatuor testium valeant,
licet desit alia solemnitas legis dum tamen liberi non fraudentur sua legitime
portione.
(2) « Le curé du lieu y
figurait le plus souvent, puisque le testament était la suite de la confession;
son ministère devint obligatoire; on vit en lui non seulement un scribe
constatant par écrit les dernières volontés du de cujus mais une sorte
d'officier public chargé de veiller à la régularité de l'acte et d'en assurer
l'exécution. » Conci. Albi 1241, C. 37 (Labbe, XI, 2370), Brissaud, Manuel
d'Histoire du Droit français, p. 1593.
p. 399 (121)
(Art. 6.) « Item si quis habitantium in dicta villa
moriatur sine testamento, nec habeat liberos nec appareant alii heredes qui
sibi debeant succedere, Baillivus dicti domini nostri et consules dicte ville
bona defuncti descripta tamen, commendabunt duobus probis hominibus dicte ville
ad custodiendum fideliter per unum annum et diem; et si infra eumdem terminum
appareat heres qui sibi debeat succedere, omnia bona debent integraliter sibi
reddi; alioquin bona mobilia dicto domino nostro tradantur et etiam
immobiliaque ab eodem domino nostro in feodum tenebuntur, ad faciendam suam
omnimodam voluntatem et alia immobilia que ab aliis, dominis in feodum
tenebuntur, ipsis dominis tradantur, ad faciendum suam voluntatem: solutis
tamen debitis dicti defuncti secundum usus et consuetudines Diocesis Agennensis
(1) si clara sint debita tam de mobilibus quam immobilibus per solidum et
libram non expectato fine anni » (Villefranche et autres bastides.(2))
Les chartes de Bastides ne
posaient que les principes généraux, et elles se référaient aux privilèges
locaux; pour la détermination de points quelquefois très importants: ainsi la
comparaison pour Villefranche du Périgord, de la charte de 1357 (charte type
des Bastides) et des privilèges de 1261 (n. s. 1262) nous permet d'affirmer
l'existence d'un droit local important: nous y trouvons la réglementation de la
succession ab intestat;
l'organisation du retrait lignager;
la fixation des libéralités entre époux; la détermination des droits des
bâtards; par là, la charte de Villefranche, se rapprochant de la coutume de
Bordeaux, nous montre dans notre pays qu'à côté du droit romain auquel on se
réferait comme législation complémentaire, s'était formé un droit local dans
lequel les principes cou-
(1) Ou Caturcencis ou autre
dioces., suivant la localité.
(2) Des règles analogues
pour la régularisation du droit de déshérence au profit du seigneur justicier
se retrouvent dans les anciennes chartes de coutumes. Comp. Ch. de St-Antonin. (Teulet,
t. I, n° 86.)
p. 400 (122)
tumiers de conservation des
biens dans les familles tenaient une grande place (1).
Ainsi semble-t-il, suivant
le texte de nos chartes, l'égalité devant la Loi était organisée et respectée; mais
l'ère de la tolérance religieuse n'avait pas encore sonné; au début de nos
établissements, sous Alfonse de Poitiers, les hérétiques étaient placés hors la
loi, et leurs biens confisqués formaient une ressource importante pour le
prince: c'était le dernier écho de la guerre des Albigeois dans notre pays. A
Villefranche tout hérétique était chassé et mis hors la ville; personne ne
pouvait le recevoir, lui donner secours, mais « ains que le saura, que le
preigne et que le rende au baille et au conseil et que le baille en
(1) Comp. cout, de
Bordeaux; Histoire de la Nouvelle 118 de Justinien dans le Midi, par M. Emile
Jarriand. Sans reproduire le texte des coutumes de Villefranche de 1261 y voici
le résumé des dispositions relatives au Droit civil: la femme, au cas de mort
de son mari sans enfants de l'union, recouvre la dot, qu'elle avait apportée à
son mari (comp. ce d'Agen, art. 27) et elle aura à titre de douaire une
quantité de meubles, en valeur égale à sa dot: c'est l'augment de dot, ou
douaire des pays de droit écrit. Au cas d'existence d'enfants de l'union, la
femme reprenait sa dot, mais n'avait pas de douaire. Si la femme mourait avant
le mari, celui-ci aura une valeur égale à la dot reçue; c'est le
contre-argument venu du droit romain au profit du mari. Tel était le droit
commun avec faculté pour les conjoints d'y apporter des modifications par
contrat de mariage. La femme dotée par ses père et mère n'avait rien à
prétendre dans leur succession, quelque fût le chiffre de la dot: c'est le
droit commun des pays méridionaux. (Rapp. ce d'Auvergne et art, 55 ce
de Bergerac.)
A Villefranche, comme en
Agenais, Quercy et Périgord, on suivait en matière de succession la règle
paterna paternis, materna maternis, afin d'assurer à la famille d'où ils
provenaient les biens du défunt. On prenait des mesures de conservation pour le
cas où une succession ouverte, il n'y avait pas d'héritier connu (droit commun
des bastides) et dans ce cas, « toutes fois si advenait enfants bastards
naturels n'estant campis, qu'ils eussent des biens de leur père et mère
(décédés) sans testament la seitzième partie et le demeurant de touct soit aux
seigneurs directs, comme dict est, les debtes payés. » fol. 33. On réglemente
la forme des donations et testaments; on détermine les règles de capacité et
prescrit de ne pas porter atteinte à la légitime des enfants « comme le droit
escript leur octroye à tout le moings, si mieux faire ne le voulait » fol. 34.
fasse la justice que doibt
estre faite à ung Heretge, ce que fera soudainement, et tout homme qui faira le
contraire, contre les dites coutumes, que soyt puny comme faulteur et
resellateur d'Heretges. » (Ces de 1261, fol. 27.)
Dans la suite le calme
religieux se rétablit, avec la suppression des poursuites pour cause de religion;
les juifs seuls sont dans une condition inférieure aux bourgeois; ils ne
peuvent arriver aux honneurs municipaux; et l'on voit les municipalités et le
pouvoir prendre contre eux des mesures de rigueur et purement arbitraires, qui
restent la honte de notre histoire.
III. Organisation municipale des
bastides
Toutes les bastides
présentent une organisation municipale, qui donne aux habitants la direction
des affaires de la cité. Par là elles entrent dans la catégorie des communes,
et leur histoire est une branche de l'histoire communale; mais nous avons la
volonté de ne pas aborder ici l'histoire de la formation communale; le
voudrions-nous, ce sujet serait au-dessus de nos forces. Nous n'y ferons
allusion qu'en tant qu'il sera nécessaire pour l'étude de nos bastides.
En acceptant que l'essence
de la commune consiste, dans le droit, pour le groupe communal, d'avoir des
représentants permanents, en vue de la défense et de la direction de ses
intérêts; droit qui élève l'agglomération à la hauteur d'une universitas, communauté, ou personne morale;
le signe extérieur de son existence sera le sceau; le beffroi et la maison
commune deviendront des attributs accessoires (1).
S'il se rencontre des
bastides qui n'aient pas de représentation permanente, celles-ci ne seront pas
des communes; mais là où se rencontrera la représentation permanente des
intérêts de la localité, là se trouvera une commune (2), et c'est
(1) Voir sur tous ces
points, avec les références: Histoire des institutions politiques et
administratives de la France, par Paul Viollet, t. III, p. 12 et suiv.
(2) Comp. P. Viollet, p.
19, loco cit. Mais il faut remarquer que l'organisation varie suivant les
localités; ainsi la bastide de Lisle en Périgord n'avait qu'une organisation
municipale rudimentaire et cependant elle était une ville libre. O.R.F. t. XL,
p. 417.
p. 402 (124)
la situation ordinaire pour
nos bastides, qui presque toutes ont été organisées sous le régime du consulat.
Cependant on retrouve
entr'elles certaines différences, et pour caractériser leur condition
juridique, il faut étudier leur organisation municipale, suivant les chartes de
leur fondation.
Commençons par Villefranche
du Périgord: cette bastide présente cette particularité que son organisation
nous est révélée et par la charte de sa fondation en 1261, et par ses coutumes
de 1357. Voici ce que nous apprennent ces documents relativement à
l'organisation municipale.
D'après la charte de 1261,
Villefranche du Périgord formait une association entre le seigneur (Comte
Alfonse de Poitiers) et la communauté; chacun des associés avait, vis-à-vis de
l'autre, des devoirs à remplir et des droits à exercer, et ils s'engageaient à
y faire honneur, sous un serment solennel, qui renforçait, à l'époque, l'énergie
de l'engagement obligatoire; ainsi tous ceux qui seront liés par ce serment
formeront l'association communale; les textes parleront de ceux qui seront du
serment de Villefranche ou jurés, pour désigner les membres de l'association,
et cette formule révélera cette condition qu'ailleurs et dans la suite on
caractérisera par l'expression de bourgeois (1).
(1) Fol. 4 et 5, ch. de 1261. (A) Serment du
Seigneur. « Scavoir en premier lieu que quand le seigneur majeur de
Villefranche commencera à régner, après le décès de son père ou d'autres, par
lequel ou duquel il sera héritier, que tous les hommes, qui seront soubmis aux
dites coustumes seront tenus venir devant luy, estant de luy mandés, et jurera
le dict seigneur devant toucts, sur les saints Evangiles de Dieu, qu'il sera
bon et loyal seigneur aux consuls et à tous les habitants et qui y habiteront à
Villefranche et ses appartenances et qu'il leur gardera et entretiendra
franchement les fors, coustumes, libertés et franchises, en ce contrat contenus
et toucts leurs establissements, et leurs raisons et leurs droictures, comme
bon seigneur, et les gardera et les deffandra contre soy-même et d'aultruy
dedans et du dehors, par toucts lieux de toutes causes loyallement et de tout
son pouvir à bonne foy, envers et contre toucts, de toutes injures, forces et
griefs qui leur pourraient estre faicts par aultruy. »
(B) Serments des habitants.
« Et faict le dict serment par le dict seigneur, toucts les hommes de Villefranche
et ses appartenances, étant de l'âge de vingt-trois ans en sus, jureront et
promettront au dict seigneur, qu'ils luy seront bons et loyals et fidelles et
garderont, sa vie, ses membres et sa seigneurie, ses droicts et ses causes par
toucts lieux à leur loyal pouvoir et bonne foy et que seront soubmis à sa
seigneurie et à son pouvoir, saulves à eulx leurs coustumes et leurs franchises
et luy garderont toucts ces droicts et debvoirs et l'auront et contenteront en
touctes choses par bon seigneur naturel, sans aulcune tromperie ny faulceté; de
volonté ny de faict, à touct leur loyal pouvoir et à bonne foy. »
p. 403 (125)
Le seigneur fondateur de la
bastide conservait dans le territoire des droits importants: la seigneurerie et
la haute justice, à la charge de respecter les libertés concédées aux habitants
et le consulat par lui établi. Le seigneur pouvait exercer lui-même ses droits;
mais en général il agissait par l'intermédiaire de ses représentants, le
Sénéchal et les Bayles.
Le bayle, représentant du
seigneur dans la bastide était choisi par le sénéchal, à la suite d'une mise à
ferme et moyennant redevance au moins dans les premiers temps.
Alfonse de Poitiers, comme
ses successeurs les rois d'Angleterre ou les rois de France, apportèrent le
plus grand soin au choix de ces fonctionnaires (1), et surveillèrent très
étroite-
(1) Correspondance
administrative d'Alfonse de Poitiers Docum. inédits, (9 mai 1267), n° 421. Au
sénéchal d'Agen et de Cahors, sur la mise à ferme des baylies. « Aufonz, fiuz de
roi de France, coens de Poitiers et de Tholose, à son amé et son feel au
Seneschal d'Agenois et de Caorsin, saluz et amour... Derechief nos vos mandons
que quant vos affermeroiz nos baillies de vostre seneschaucie, iceles affermez
à tornois chascune par soi et le Port de Mirmande, si bien et si sagement et si
clerement, en la meilleur manière et la plus loial que vos porroiz, selon les
conditions que vous avez pieça, que l'en vaie bien qu'il n'i ait point de
chanlandise, ne ne les affermez mie à gens souspeçonneuses de heresie, d'usure
ne d'autre crime, ne à juis, ne à vos parenz, n'a voz cousins, n'à voz afins,
ne à autre de vostre mesniée, n'a autres qui soient à nos gages ne aus voz, ne
ne souffrez qu'il en aient parçonnier et nos renvoiez en escrit par vostre
clerc, comment elles seront affermées, ne à qui, et combien chascune par soi...
et en toutes ces choses dessus distes et on boen et ou laial gouvernement de
nostre terre soiez curieus, diligenz et ententis. »
p. 404 (126)
ment leur administration
(1), qui quelquefois donna lieu à de vives protestations.
Le bayle, avant son entrée
en fonctions, prêtait serment de remplir ses fonctions avec zèle et dévouement
(2).
D'après la charte de 1261,
la direction des affaires de la communauté était confiée à un conseil ou
consulat de huit membres: ce conseil était nommé pour un an et était installé,
le jour et feste de Notre Dame de febvrier, et, ce même jour, les membres du
conseil ou consulat prêtaient, en présence du baille (réprésentant le seigneur)
et de la communauté, un serment analogue à celui que le baille entrant en
charge devait prêter lui-même (3); à l'expiration de leur mandat, les consuls
en exercice et le baille choisissaient, à l'élection, les nouveaux consuls:
ainsi, le seigneur, représenté par le baille, participait
(1) 18 avril 1267, n° 418
correspond. adm. de Alfonse de Poitiers... enquête sur les forfaits reprochés
aux juges, bayles, sergents et greffiers faite par Pons Astoaud, chevalier et
maître Odon de Moutonnière; le sénéchal leur donnera aide et conseil.
(2) (C) Serment du baille
ou représentant du seigneur:
« Et quand le seigneur
mettra son baille à Villefranche icelluy baille jurera aux consuls pour eux et
pour toute la université et communauté du dit lieu de Villefranche, en la même
manière que dessus est dict au seigneur majeur, qu'il faira droit, au grand et
au petit, de toucts les procès et causes qui seront devant luy; mais le
conseil, ny la université, ne doibvent faire aucun serment au baille pour
raison de seigneurie ».
(3) (Charte de 1261, fol. 6
et 7. B. Nat n° 11646 manus. franc) « Et sera le conseil de Villefranche de
huict personnes, estant prudhommes, gens de bien, et loyals et estant aussi du
serment de Villefranche. Lequel conseil ou consulat y soit mis pour touct temps,
le jour et feste de Notre Dame de febvrier et que facent les dicts conseil ou
consulat, le dict jour en présence du baille et de la communauté et que le dit
conseil ou consulat face tel serment, comme dessus est dict que doict jurer le
baille.
Et qui contreviendra ou
répugnera la élection que sera de luy faicte pour estre du conseil ou consulat,
que luy coste dix livres caorcenques, payables la moiytié au seigneur et
l'autre moiytié à la ville et que ledit conseil et baille de Villefranche
commencent facent et mettent au bout de leur année autres huict consuls
prudhommes de telles personnes bonnes et loyales que soient du serment de
Villefranche, et qu'ils soient bons et loyals à bonne foy et qu'ils tiennent le
sceau, les papiers et les causes communes de la ville... »
p. 405 (127)
au choix des nouveaux
consuls, sans que nous sachions, comment cette élection se faisait et la part
qu'y avait le bayle (1).
La direction des affaires
municipales appartenait donc au conseil ou consulat, formant collège, et devant
discuter et se mettre d'accord sur les affaires à conclure.
Ce collège recevait, dans
les huit jours de son élection, le serment des habitants de la bastide, et il
pouvait, toutes les fois qu'il lui paraissait convenable, appeler les habitants
à l'aider de leurs conseils: ainsi l'assemblée générale du peuple avait
participation à la direction des affaires publiques (2).
Ce même système d'élection
des nouveaux consuls, par le bayles et consuls sortant de charge, est encore
relaté dans les chartes de certaines bastides (3); pour d'autres, soit en
pratique, soit en vertu de textes formels, le système électoral a été modifié,
aussi pourra-t-on dire des rois d'Angleterre et des rois de France, ce que l'on
a dit d'Alfonse, comte de Poitiers, qu'aimant peu les libertés municipales dans
les anciennes villes, ils n'ont donné aux bastides que la dose de liberté
politique, compatible avec leur autorité et leurs pouvoirs.
Ces innovations ne
provoquaient au reste, aucune résistance, de la part des populations; car on a
vu, quelquefois, celles-ci
(1) Dans d'autres communes
l'élection des nouveaux conseils se faisait sans que le seigneur ou son
représentant eût à y participer. Comp., Histoire de la châtellenie de Belvès,
p. 112 et suiv.
(2) Charte de 1261, fol. 7.
« Et toucts les hommes qui seront de quatorze ans en sus, du serment de
Villefranche jureront sur les saincts Evangiles, au conseil, chaque année, le
jour ou dans les huict jours apprès que le dict conseil ou consuls, seront
faicts, que loyallement les acconseilleront et ayderont, en estant requis, et
que tiendront secret et scellé le secret et conseil des dicts consuls et tout
ce que au dict conseil sera arresté et leur seront hobéissants aux droictures
du seigneur et du commung profict de la ville, en touct saulve la seigneurie du
dict seigneur. Et qu'ainsi ne faira que luy en couste cinq souls et par moitié
au seigneur et moytié à la ville. »
(3) Beaumont, art. 13;
Molières, art. 13; Lalinde et Beauregard, dans ces chartes on trouve la même
formule: et nos vel baillivus noster cum consulibus praedictis debemus ponere
et eligere... consules...
p. 406 (128)
consentir à l'abandon de
leurs prérogatives municipales. Nous ne pouvons croire que le gouvernement ait
été complètement étranger à ces déterminations; probablement, au contraire il
les a provoquées. Quoi qu'il en soit, nous constatons cette déchéance, sous
Alfonse de Poitiers pour Castel-Sarrazin et Moissac (1) et pour d'autres
localités (2).
La même tendance se
retrouve pendant la domination anglaise. C'est ainsi qu'au cas où le bayle et
les consuls viendraient à élire des gens notablement insuffisants (et un
semblable prétexte peut toujours être invoqué), le sénéchal ou le juge
ordinaire auront le droit, en remplacement des consuls incapables, d'en nommer
d'autres, plus aptes à remplir leurs fonctions: et par là le pouvoir devenait
maître des élections consulaires qu'il contôlait (3).
(1) 30 mai, anno 1245, les
consuls en fonctions et la majeure partie de la population consentent à ca que
le comte de Toulouse, ses héritiers, son délégué ou bayle puissent seuls
instituer les consuls à Castel-Sarrazin « quot numero et quos cumque voluerint,
annuales vel prolixioris aut brevioris temporis, et destituere et mutare eosdem
pro suo et suorum beneplacito voluntatis » (même disposition pour Moissac):
Histoire du Languedoc (édit. Privat), t. VIII, n° 382.
(2) Dans la coutume de
Castel Sagrat (an. 1270 mai, coll. Doat, t. 4, p. 300 n° (omis par Vigié), nous lisons que le sénéchal ou le bayle à son
défaut, doit: « eligere et ponere ipsa die » (fête de Jacques apôtre) huit
conseillers ou consuls catholiques pris parmi les habitants de la ville «
communicato bonorum consilio »: ainsi le conseil des Douze était consulté et
avait un droit de présentation. Rapprochez la décision du Parlement de
Toulouse, relative à une requête des habitants de Marmande, qui se plaignaient
que le bayle s'arrogeait le droit de nommer seul les consuls; le Parlemeut
répondit que la justice est mieux sauvegardée par la voie autoritaire que par
le régime de l'élection libre, et qu'ainsi sont assurées la paix et la
tranquillité publique (a. 1270). Boutaric; Saint-Louis et Alfonse de Poitiers,
p. 511). Et quia istud expedit paci et tranquillitati villarum, et justicia
melius servatur quam si libera electio consulum universitatibus remaneret, non
videtur super isto articulo peticio admittenda. Trés. des chartes, I, 1031, n°
11.
(3) R. G., t. II, n° 1362,
pour Villeréal (a. 1289)... Rursus volumus et concedimus ad dictorum consulum
et habitatorum instantiam, quod si bajulus et consules ville predicte, qui nunc
sunt vel pro tempore fuerunt, alios consules minus sufficientes creaverint
senescallus vel judex noster ordinarius Agennensis per se vel alios alium aut
alios sufficientes consules possit creare, insufficientis vel insufficientium
loco.
p. 407 (129)
Et bientôt le roi change le
système de nomination: il ne laisse à l'autorité municipale qu'un simple droit
de présentation; sur la liste dressée, le bayle choisira les nouveaux consuls:
c'était enlever à la commune, au profit du pouvoir central, les nominations des
magistrats municipaux.
Ce système apparaît, en
1289 pour Villeréal (1) et pour Montflanquin (2) et devient, dans la suite, la
règle générale pour toutes les bastides; c'est celui que formulera pour
Villefranche de Périgord, la charte de 1357 (3).
Par cette charte une double
modification était réalisée: le nombre des consuls était réduit à six, de huit
qu'il était, d'après la charte de 1261; et leur nomination était l'oeuvre
exclusive du Seigneur ou de son bayle, à la charge de les choisir sur une liste
de douze candidats présentés par les consuls sortant de charge.
Ce droit de présentation
des consuls à élire, survivance du
(1) R. G., t. II, n° 1374
pour Villeréal (a. 1289). Rex omnibus... Sciatis nos propter utililatem
habitatorum bastide seu ville Villeregalis, eisdem habitatoribus concessione
quod consules dicte ville seu bastide mutentur quolibet anno, die in ipsorum
libertatibus constituto, et creentur hoc modo:
Videlicet quod consules
anni preteriti eligant ipsa die XII probos viros de habitantibus in dicta villa
seu bastida, et bajulo suo eorum nomina tradans in scriptis; qui noster bajulus
ipsa die vel in crastinum ad longius sex de dictis XII quos utiliores nobis et
dicte ville seu bastide cognoverit in consules anni sequentis eligere teneatur
sub virtute prestiti juramenti; non obstante quod in cartis nostris libertatum
eis per nos concessarum aliter in quadam clausula caveatur de creatione
consulum predictorum, et per presentes eamdem clausulam corrigi volumus, ut
dictum est, in cujus, etc. Ainsi l'article 13 des coutumes de Villeréal, qui se
trouve dans les mêmes termes dans beaucoup de chartes de bastide, se trouvait
modifié. Comp. n° 1108, art. 13, et n° 1374 (R. G., t. II)
(2) R. G. t. II, n° 1375,
lettres dans les mêmes termes pour Montflanquin. (a. 1289).
(3) Ch. 1357. O. R. de Fr.,
t. III, 201. Art. 13. « Item consules ville mutentur quolibet anno, dominica
proxima post dictum festum Purificationis Beate Marie; et consules anni
praeteriti debeat eligire ipsa die duodecim probos homines catholicos de
habitantibus in dicta villa et dicto bajulo nominare; et dictus dominus noster
vel baillivus suus praedictus debent ponere et eligere ipsa die vel in
crastinum de dictis duodecim consules sex quos magis bona fide communi
utilitati ville viderint et cognoverint expedire....
p. 408 (130)
droit de nomination par le
peuple, était encore une conquête sur la nomination par le pouvoir, seul maître
de l'élection, système que nous trouvons dans les chartes de Montclar et
Montflanquin (art. 13) et qui revivra dans la charte de Bénevent (1).
A Eymet, les consuls,
suivant la charte de fondation (2), étaient nommés par le sénéchal ou le bayle,
mais après avoir pris l'avis des prud'hommes; et, dans la suite, les consuls
paraissent avoir eu le droit exclusif, en sortant de charge, de nommer leurs
successeurs (3).
Cette nomination se faisait
le jour fixé par la charte des libertés et ce jour correspondait toujours à une
fête, devenue la fête locale de la ville (4).
Les consuls avaient
l'administration de la cité et de tous les objets d'utilité publique, et le
droit, dans ce but, d'imposer les habitants et de percevoir les redevances
communales, comme les autres redevances qui pouvaient peser sur la commune; le
droit de police et de basse justice leur était confié comme aussi le soin
d'assurer la défense de la cité et de prendre et ordonner, dans ce but, telles
mesures qui leur paraîtraient convenables.
Ces pouvoirs, les consuls
les ont partout, beaucoup plus
(1) ... Et nos vel ballivus
noster debemus ponere et eligere, ipsa die consules catholicos sex de
habitantibus in dicta villa quos magis bona fide communi proficuo dicte ville
et nostro vidimus et cognoscimus expedire (fol. 2, col. 2),
(2) Doat, t. LXXIV, fol.
334, semblable à Castel Sacrat.
(3) ... Auquel jour seront
reçus les six consuls sullement, sans ne eslire outre ledit nombre de six,
lesquels seront eslus par les consuls presedants, lesquels esleus feront le serment....
transaction du 24 juin 1519 entre le seigneur et les habitants d'Eymet. (Bull.
de la Société hist. et arch. du Périgord, t. III, p. 327.)
(4) Pour Villefranche le
dimanche après la purification de la vierge Marie; pour Beaumont, les fêtes des
apôtres Philippe et Jacob; pour Valence, fête cathédre sancti Petri (18
janvier); pour Montchabrier, l'annonciation de la Vierge Marie; pour Lalinde,
la fête de la purification de la Vierge; pour Villeréal, la fête du bienheureux
Michel; pour Benevent, le jour de l'Assomption de la bienheureuse Vierge Marie;
Beauregard, le jour de la fête de Saint-Hilaire; pour Molières, fête de la
décollation de saint Jean-Baptiste.
p. 409 (131)
étendus au début que dans
la suite; mais la manière de les exercer a varié, suivant les localités; ainsi
on distingue des bastides où les consuls ont les pouvoirs les plus étendus et
les exercent seuls, comme à Beaumont (art. 14), où les consuls ont le pouvoir
de constituer un procureur, syndic ou agent, pour toute l'université de la bastide,
et le pouvoir de faire, d'une façon générale ou spéciale, tout ce que l'universitas sive communitas dicte bastide
facere posset et deberet; donc les consuls représentaient seuls la cité et
ses intérêts, sauf à eux le droit de consulter, s'il leur paraissait
convenable, l'assemblée générale des habitants. Sic Molières, Lalinde,
Beauregard.
Mais, dans un très grand
nombre de bastides, on a apporté aux pouvoirs des consuls des limitations de
diverse nature. Dans l'Alfonsine, nous constatons que les consuls debent semper habere sex decim consiliarios;
c'était là un petit conseil, émanation de rassemblée du peuple, qui assistait
les consuls dans tous les actes importants d'administration.
Ce conseil spécial, que
nous retrouverons dans beaucoup de bastides, paraît à l'origine n'avoir été
institué qu'en vue d'une affaire spéciale; plus tard il est devenu permanent,
avec l'organisation des jurats et de la jurade.
A partir de ce moment,
l'assemblée générale du peuple pourra bien encore être convoquée quelquefois,
mais à titre exceptionnel et dans des circonstances particulièrement graves
(1).
(1) A Villefranche, d'après
la charte de 1261, il y avait 8 consuls chargés de l'administration, avec
faculté de recourir à l'assemblée du peuple, mais on ne trouve aucune mention
d'un conseil spécial; mais dans la charte de 1357, on voit apparaître la
mention d'un conseil de 24 habitants de la ville élus par le peuple et devant
intervenir, toutes les fois qu'il y avait lieu de lever per solidum et libram
missiones et expensas ab habitatoribus dicte ville... à Castel Sacrat (1270),
le conseil était de 12 habitants de la ville, et paraît n'avoir à intervenir
que pour l'imposition des missiones et expensas. A Béneveut, conseil de 24
habitants; de même à Valence, Villeréal, Montflanquin, etc. Ce conseil n'est
mentionné ni pour Beaumont, ni pour Lalinde, ni pour Molières, ni pour
Beauregard, au moins d'après la charte de fondation.
p. 410 (132)
Les chartes des bastides ne
font que poser les principes auxquels l'administration sera soumise, et sans
entrer dans les détails particuliers de l'administration; la charte de 1261
pour Villefranche-de-Périgord mentionne quelques règles particulières, qu'il
est bon de rapporter: ainsi, pour toute imposition ou dépense, qui dépassait 20
sous tournois, il devait y avoir unanimité des huit consuls; et pour
l'apposition du sceau communal sur une pièce, la présence de deux consuls au
moins était nécessaire, si l'affaire dépassait en importance 20 sous (1).
L'égalité devant les
charges communales était déjà acceptée; et pour la rentrée des impôts
communaux, on recommandait aux consuls de « tailler loyallement, sans garder
les amis ou ennemys, toutes les questes communes, livre par livre; et toucts
les emprunts communs qui seront faicts à Villefranche et touctes mises
nécessaires qui soient levées avec les rôles communs de la ville, et tout homme
gui sera du serment de la ville qui y aye sa part et que le conseil la lève
livre pour livre, selon ce que aura dans les susdits dex et suivant son bien et
hiretat... » (fol. 23). Ce même principe a été respecté dans toutes les
bastides et consacré par des articles formels (2).
Les consuls avaient la
gestion financière de la cité; la charte de 1261 rappelle à cet égard
quelques-unes de leurs obligations « de toutes les mises et dépenses que les
dits consuls mettront et despendront en causes communes de la dicte ville et
communs proffit d'icelle, en rendront bon et loyal compte aux autres consuls
qui viendront et seront élus apprès eulx, ce que fairont dans huict jours,
apprès que par les dits nouveaux consuls en seront requis, et tout ce que leur
demeurera de leur années le rendront et bailleront aux nouveaux consuls et
s'ils ont frayé quelque chose pour la dite communauté, en
(1) (Fol. 10 et 11) charte
de 1261.
(2) Beaumont, art. 15;
Villefranche de P. 1357, art. 14, Valence, Villeréal, etc.
p. 411 (133)
faisant apparoir de leurs
frais, seront payés et satisfaits par les consuls nouveaux ».
On chercherait vainement ici,
dans cette organisation municipale rudimentaire, les distinctions entre
l'ordonnateur et le comptable, que la séparation des pouvoirs et les règles
d'une bonne comptabilité ont généralisées et fait appliquer dans toutes les
communes. A Villefranche, comme dans toutes les bastides, les consuls avaient,
réunis dans leurs mains, les pouvoirs d'ordonnateurs et de comptable: le
maniement des deniers, l'imposition, la direction et le contrôle des dépenses
leur appartenaient; mais dans la suite des principes nouveaux s'introduiront et
modifieront la situation faite aux consuls, au point de vue financier.
Les chartes fixaient les
règles, mais elles n'enchaînaient pas l'avenir; et les consuls restaient les
maîtres d'y apporter telles modifications qui leur paraîtraient convenables; en
cette matière, la charte de Villefranche de 1261 apporte une restriction
intéressante, « le conseil et baille de Villefranche ensemble pourront faire
établissement de coutumes touts genres et toutes fois que leur plaira; lequel
établissement fairont escripre et que vaillent tout autant, comme ils seront
consuls et baille en leur année, et que vaille aultant comme si estait coustume
sans le pouvoir révoquer... fol. 27, ch. de 1261. »
Ainsi le pouvoir
réglementaire des consuls n'avait autorité que pendant l'année de leurs
fonctions de consulat (1); si la mesure prescrite était bonne, soit par usage,
soit par confirmation, elle pouvait être maintenue.
Mais enlever aux consuls le
droit de révoquer une mesure prise paraît au premier abord difficile à
justifier, à moins qu'on n'ait voulu par là empêcher les mesures prises, au
profit d'une personne ou en vue d'un intérêt spécial, et qui, son effet
produit, auraient été immédiatement révoquées.
Peut-être voulait-on aussi
rappeler aux consuls qu'ils ne
(1) Il en était ainsi dans
beaucoup de coutumes, notamment à Lézat, art. 64.
p. 412 (134)
devaient soit prendre
quelque mesure, soit établir quelque règlement nouveau, qu'après en avoir pesé
les avantages et les inconvénients; une fois prise, la décision ne pouvait plus
être révoquée par eux.
En face des consuls étaient
les communiers ou bourgeois: c'étaient tous ceux qui étaient domiciliés dans la
bastide et y avaient prêté le serment de bourgeoisie: en général la bourgeoisie
n'était pas acquise par la simple habitation, mais par le serment de remplir
les devoirs imposés par cette condition; et ce serment, prêté par le chef de
famille, autorisait tous les membres de sa famille à invoquer les coutumes de
la localité (1).
De même que leur volonté les
faisait bourgeois, de même ils restaient les maîtres, quand ils le voulaient,
d'abandonner la ville et la bourgeoisie et de se fixer ailleurs « qui voudra
yssir ou sourtir de Villefranche, pour aller demeurer en autre lieu, que le
puisse faire, quand luy plaira, après qu'il y aura demeuré ung an, et que le
baille et conseil et consuls le guident dans toutes ses causes, de leur
pouvoir, en le gardant de tort et de force d'aultruy, de leur pouvoir, ses
dettes payées; et tout ce qu'il laissera a Villefranche et ses appartenauccs,
meubles et immeubles, qui soient saulves et seurs aussi bien que s'il y
demeurait, tant qu'il faira debvoirs et coustumes dudit lieu, pour ce qu'il y
laissera, au regard du conseil en payant les services du phieuf qu'il y tiendra,
comme s'il y demeurait. » (loco citato, fol. 19) (3).
Ces règles n'ont pas été
reproduites dans les chartes des bas-
(1) « .. Et les filz et les
filles et la femme de celuy qui sera du serment de Villefranche, qui demeurera
avec luy, seront des coustumes de Villefranche, tout ainsin que s'y avaient
juré et presté le serment, tant que demoureroient avec lui, et toucte la
famille estant à leur pain et à leur maison. (Charte de Villefranche de P.
1261, fol. 15).
(2) Ces principes se
retrouvent dans de très anciennes chartes, notamment dans une charte de 1107
(voir arch. Histor. du Poitou t. VI, p. 1 à 4). Quant à la mention d'avoir
demeuré an et jour, elle se rattache très probablement, suivant l'opinion de M.
Prou, à des dispositions du Droit Germanique, de Migrantibus.
p. 413 (135)
tides, au moins en général,
mais elles formaient le droit commun, en présence des garanties de la liberté
individuelle fonctionnant dans leur territoire.
Aucune incompatibilité
n'existait entre la qualité de bourgeois et celle de noble ou de clerc: les uns
et les autres pouvaient faire partie de l'association communale et étaient
soumis aux mêmes obligations et avaient les mêmes droits: c'est la règle
généralement suivie dans le Midi (1). Dans notre région, elle peut s'induire de
diverses dispositions insérées dans les chartes et de ce fait que l'on
réservait, dans les municipalités, aux nobles un certain nombre de places de
consul (2).
Cependant au cas où les
clercs et les nobles étaient admis à faire partie de l'association communale,
on leur accordait quelque faveur en vue du paiement des charges locales (3),
par exemple leurs biens patrimoniaux n'étaient pas portés sur les rôles des
taxes locales.
Telle fut, d'après les
chartes, l'organisation municipale des bastides. Ainsi dès le début, nous
voyons en lutte des principes différents, et, si nous poursuivions l'histoire
de l'organisation municipale jusqu'à la Révolution française, nous
constaterions cette lutte à toutes les époques. Dès l'origine,
(1) Comp. Paul Viollet,
Histoire des institutions politiques et administratives de la France, p. 47 et
note 7.
(2) Organis. municipale de
Belvès (loco cit.). Cout. de Fumel, art. 2: six prudhommes consuls, dos sien cavaliers,
ho donzels, o de paratge et li quatre que sien berses o mercadiers, o autres
bons hommes de la villa e Conseilhat (arch. Hist. de la Gironde, t. VII, n° III
(2 juin 1265). A Preyssas, le consulat ou conseil se composait de 6
prud'hommes, 2 pris parmi les seigneurs du château, et 4 parmi les habitants de
la ville) Revue Histor. du Droit français et étranger 1864.
(3) Disposition que nous
retrouvons à Valence d'Agen, Montflanquin, et Bénevent, etc. Voici la
disposition des cout. de Bénevent « Clerici vero vel alie privilegiate
personnae ad hoc idem sibi tenebuntur de possessionibus suis omnibus quae ad
ipsas personas jure heredetario non constiterit pervenisse, de quibus rebus
hereditariis nihil persolvere tenebuntur, nisi de earum plenarie mera processerit
voluntate » (fol. 2, verso, col. 2).
p. 414 (136)
suivant le principe
démocratique, on fait appel à tous sans distinction, on reconnaît des droits
égaux à chacun, mais bientôt le pouvoir intervient, préside aux élections, y
joue un rôle prépondérant, et tend à créer, dans chaque agglomération une
oligarchie qui aura l'exercice du pouvoir: la situation sera signalée par
Beaumanoir, ch. 50.7, (édit. Beugnot, t. II, p. 267 et édition Salmon, t. II,
n° 1522), « nous veons, dit-il, plusieurs bones viles que li pouvre, ne li
moine n'ont nules des administrations de la vile, ainçois les ont toutes li
riche ». Les pratiques administratives concourent au succès du même principe,
on abandonne le principe primitif de la majorité, et on le remplace par l'avis
de la majorité la plus saine, major pars et sanior, « car en faict de
communauté, se faut plus prendre à la saine partie que à la greigueur pour ce
que vérité est que plus pèsent les riches et les notables le faict de la chose
publicque, que ne font les petits qui ne désirent que leur propre volonté ».
(Somme rurale, Bouteiller, liv. II, ch. XIX). Ainsi à la fiction de l'unanimité
des grands et des petits, des pauvres et des riches, a succédé, dans
l'organisation municipale, la fiction de la supériorité morale des classes
riches, fiction qui justifie leur domination.
A un autre point de vue,
des modifications se produiront dans le cours des temps, dans le fonctionnement
des municipalités: en face d'un pouvoir central, mal organisé, les
municipalités ont eu, en matière administrative, les pouvoirs les plus étendus;
peu à peu, leurs magistrats virent apporter des restrictions nombreuses à leurs
pouvoirs, perdirent leurs prérogatives les plus importantes, et confinés dans
la simple administration de la cité, ils furent placés sous la tutelle très
étroite des intendants et des représentants de l'administration centrale,
devenus les véritables maîtres des municipalités.
IV. Juridiction; droit civil et
droit criminel
Notre intention ne saurait
être de présenter un tableau des juridictions dans le midi de la France, aux
XIIe, XIIIe et XIVe siècles, ni de chercher à fixer les règles de Droit civil
et de Droit criminel suivies à cette époque; ce sujet, très difficile en
lui-même, n'aurait que des relations éloignées avec nos études; nous voulons,
seulement, pour nos bastides, faire connaître les juridictions civiles et
criminelles que l'on y rencontre, déterminer leur compétence et, d'après les
chartes et les documents authentiques, faire connaître le Droit civil et le
Droit criminel qui y étaient en vigueur (1).
Nos bastides périgourdines
présentent une grande variété, si l'on s'en tient à leur origine; les unes ont
eu pour fondateur Alfonse de Poitiers (Villefranche
de Périgord, Eymet), les autres ont été fondées par les rois d'Angleterre: Ladinde, Beaumont, Molières, Montpazier,
Beauregard; celles-ci par le comte de Périgord (Bénevent, Vergt, Montignac le petit); enfin quelques-unes, par le
Roi de France Dome par exemple, St-Louis, Lisle; cette diversité
d'origine n'a pas cependant grande importance pour notre sujet, si l'on veut
bien réfléchir que toutes ces bastides ont été placées sous une organisation
uniforme, que leurs chartes présentent une identité absolue de dispositions;
cette variété d'origine n'a pas été cependant sans
(1) Nous avons consulté
pour cette partie de notre travail: Edgard Boutaric: Organisation judiciaire du
Languedoc au moyen âge (Biblio. de l'Ecole des Chartes, an. 1855, p. 201 et
532, et an. 1856, p.97) Victor Fons, Aperçu historique et Géographique de
l'organisation judiciaire dans la sénéchaussie de Toulouse du XIIIe
au XVIe siècle (Acadé. de législation de Toulouse année 1860); et du
même auteur le Juge de Toulouse (eodem loco) année 1864. Les notes de M. Aug.
Molinier, dans l'Histoire du Languedoc de dom Devic et dom Vaissette (édit.
Privat.) la Correspondance administrative d'Alfonse de Poitiers (docum.
inédits;) les Rôles Gascons (doc. inédits;) Ch. V. Langlois, le règne de
Philippe III le Hardi (Paris 1887;) D. Brissaud: les Anglais en Guyenne. Paris
1875.
avoir quelque influence sur
certains points particuliers, que nous ferons connaître.
Ces bastides furent, dans
la suite, toutes rattachées à la Couronne de France et se trouvèrent ainsi
placées sous un régime identique.
Dans toutes ces bastides se
rencontrent trois sortes de juridiction: 1° les juridictions municipales,
conséquence de l'organisation des bastides; 2° les juridictions seigneuriales,
relevant du fondateur de la bastide, et 3° enfin les juridictions seigneuriales
indépendantes, dont le siège se trouvait dans le territoire de la bastide.
a) Juridictions des seigneurs
locaux
Le fonctionnement de
seigneuries indépendantes dans le territoire de la bastide n'avait rien
d'incompatible avec l'existence de la bastide; ces seigneuries locales avaient
une juridiction plus ou moins étendue, suivant les cas, et formaient des îlots
où devaient se rencontrer et se trouver en conflit les autorités de la bastide
et les représentants du seigneur local: nous l'avons constaté pour Beaumont
relativement à Naussanes, pour Molières relativement à Badefol, Cadouin et
St-Avit Senior. Le régime féodal obligeant le seigneur à rendre la justice à
son vassal, c'était la coexistence sur un même territoire de juridictions
différentes. Il est fait allusion à cette situation dans les coutumes de
Villefranche de 1261; après avoir proclamé (fol. 13) le principe que toute
personnes du Serment de Villefranche ne peut être assignée qu'à Villefranche et
non ailleurs, le texte mentionne les juridictions devant lesquelles peut être
appelé le bourgeois de Villefranche « ou
devant le bayle, ou devant le conseil des Consuls, ou devant le seigneur
phieuzatier, si de son phieuf estoit le procès »; ainsi la fondation de la
bastide, son autorité dans un territoire déterminé (les Dex), n'entraînaient pas la
suppression des
juridictions locales seigneuriales, mais elles en modifiaient le fonctionnement
et l'indépendance, puisque le procès à l'occasion du fief sera sans frais, et
se poursuivra à Villefranche en la place ou la maison commune (fol. 59); mais
le seigneur aura le droit de saisir le fief sur le vassal pour faulte de
payement de la rente (fol. 22). Au cas de jugement rendu par une juridiction
seigneuriale, on réserve à la partie qui se croirait lésée par la décision le
droit d'en appeler « et qui se tiendra
grevé du jugement des seigneurs du phieuf qu'il en appelle, s'il veut, au bayle
et au conseil de Villefranche et qui se tiendra grevé de leur jugement que
puisse appeler au sénéchal d'Agenais et de Luy à notre seigneur le comte...
» fol. 64 (1).
Cette mention suffît pour
les juridictions seigneuriales particulières (2).
juridictions relevant du fondateur de la bastide
En second lieu étaient
établies dans la bastide les juridictions propres à la bastide ou juridictions
municipales, et les juridictions relevant du fondateur de la bastide.
La juridiction municipale
fut une conséquence de l'organisation du territoire en commune.
(1) Des règles identiques
furent suivies dans toutes les bastides comme conséquence du régime féodal,
nous les trouvons consacrées formellement par les coutumes de Bénevent (fol.
11, col. 1re et 2e). Item Dominus feudalis tenetur
feudario suo curiam et judicem constituere infra clausuram dicte ville et non
extra et ibi jus facere de illis de quibus ad ipsum spectat cognicio, nisi pro
monstra pro qua semel idem dominus eidem feudatori potest diem certam in dicto
feudo assignare et nihil domino debetur pro monstra feudi.
(2) Nous ne disons rien des
juridictions ecclésiastiques, dont il faut respecter la compétence et qui
pouvaient amener les bourgeois à répondre devant un tribunal dont le siège
était en dehors de la bastide; pour Villefranche « excepté que des demandes des
actions personnelles que sont par droit escript du for et costume de saincte
esglize, que (les bourgeois) fassent droict justement à qui devra être fait »
fol. 14, ch. 1261.
p. 418 (140)
A cette époque, les
pouvoirs administratifs, judiciaires, financiers, n'étaient pas encore
distingués et les consuls, au nom de l'agglomération, étaient investis de tous
les pouvoirs: à eux appartenait la juridiction municipale.
Leur compétence, à ce point
de vue, a varié, suivant les époques et suivant les localités, mais on peut
affirmer que dans les petites agglomérations communales, et les bastides
étaient de ce nombre, les consuls ne reçurent lors de la fondation que
l'exercice des pouvoirs de police et une juridiction civile insignifiante (1),
tandis que dans les grandes cités les autorités consulaires eurent, tant en
matière civile qu'en matière criminelle, une compétence beaucoup plus étendue,
et qui, dans la suite des temps, fut diminuée ou contestée; ce que l'on
rencontre dans toutes les grandes villes, Toulouse, Montpellier, Montauban,
etc.
Que les consuls aient eu,
tant en matière civile qu'en matière criminelle, une certaine juridiction, les
documents le démontrent; mais le vague des formules ne permet pas d'en fixer
exactement les limites (2); en matière criminelle, leur compétence ne dépassa
pas les limites de la basse justice: ce fut la règle générale au XIVe
siècle, où l'on ne donne aux consuls que le droit d'infliger les peines de
soixante sous et 1 denier et inférieures à ce taux (3).
(1) Edgard Boutaric loco cit, p. 218.
(2) Dans de nombreux
passages des coutumes de Villefranche de Périgord de 1261, on mentionne le
tribunal des Consuls sous le vocable de conseil « et toucts chevalliers,
donzels et clercs qui seront du serment de Villefranche seront tenus de faire
droict en toutes causes, comme ung autre homme et devant le bayle et devant le
conseilh. » (f. 12). Le bayle, débiteur et poursuivi par son créancier, devait
répondre et prendre droit « comme ung autre homme et devant le conseilh ou
consuls de Villefranche et touts les jurés de la dite ville » (fol. 12 in
fine), et ce point est confirmé par les coutumes de Villefranche de Périgord de
1357. O.R.F. III, p. 210, art. 2, « item quod ipsi consules... perq uae possint
et debeant judicare, ordinare, et condempnare et cognicionem habere de causis
de quibus ipsi et predecessores ipsorum hactenus usi sunt et prout fuit et est
ibidem fieri consuetum. »
(3) Comp. art. 44 charte
pour Montchabrier de Philippe IV dit le Bel (avril 1307) O.R.F. XII, p. 762.
p. 419 (141)
Le tribunal des consuls siégeait
à jour fixe, probablement une fois par semaine; il était présidé par l'un des
consuls ou par leur procureur désigné par mandat spécial (1); les consuls
étaient assistés de jurés, suivant l'usage de l'époque, à ce tribunal étaient
attachés des sergents, agents d'exécution, chargés d'assigner les parties et
d'exécuter les ordres et les décisions consulaires, sans avoir à appeler le
bayle (2); ils avaient le plein exercice
de l'office de sergenterie.
Dans la bastide, à côté des
juridictions municipales, fonctionnaient des juridictions relevant du seigneur,
fondateur de la bastide.
Le bayle, représentant du
seigneur, en fut le président; cette juridiction fut appelée cour du bayle; sa compétence était
étendue, elle jugeait les affaires civiles et les affaires criminelles.
Suivant les traditions, le
bayle ne jugeait pas seul; il était assisté de jurés, choisis soit parmi les
prud'hommes, soit parmi les consuls. On a donc pu dire de ces derniers qu'ils
pouvaient siéger dans les juridictions locales, soit comme juges, soit comme
jurés; et même, dans certains endroits, les consuls furent-ils choisis, soit de
préférence, soit exclusivement, pour exercer les fonctions de jurés.
Le bayle était le président
de la cour; souvent il se faisait suppléer par son lieutenant, qui, comme son
représentant, avait les mêmes fonctions que lui et devait prêter serment de
fidèlement les remplir (3).
(1) Item curia consulum debet teneri ad diem veneris, in quolibet
septimana, per ipsos consules, vel unum eorum vel pro eorum procuratore ad hoc
specialiter designato... Ces
complémentaires de Bénevent, empruntées aux usages non écrits de Ste-Foy la
Grande. (Fol. 8 v°, col. 1.)
(2) Item duo servientes,
electi per consules debent eis concedi per Senescallum; quilibet eorum negocia et
sententias consulatus, eum opus fuerit, et per eorum aliquem requisiti fuerint
executantur, non requisito bajulo et illi duo servientes possunt arma portare
et ut alii servientes bajuli servientarium officium exercere (Cout. de
Bénevent, loco cit., fol. 9). Comp. pour Villefranche du Périgord, ord. de
1357, art 3, O.R.F., III, p. 210.
(3) « Item locum tenens
bajuli debet jurare bajulo in presencia consulum, si hoc consules pecierint »
(Cout. de Bénevent, fol. 14).
p. 420 (142)
Mais, dans nos bastides, comme
dans les grandes villes, le bayle ne conserva pas exclusivement ses fonctions
judiciaires; les emplois multiples auxquels il était préposé, étaient souvent
un obstacle à ce qu'il pût conserver son rôle de juge; souvent il était chargé
de plusieurs baylies, comment aurait-il pu, dans ce cas, remplir ses fonctions
judiciaires avec la régularité nécessaire; fermier de la baylie, intéressé à en
augmenter les revenus, comment aurait-il pu rendre une bonne justice? Aussi, de
bonne heure, admit-on que le bayle ne remplirait ses fonctions judiciaires
qu'avec l'aide et en présence d'un juge qui devait l'assister, dans les actes
judiciaires; on le constate dans presque toutes les villes, Toulouse,
Montpellier, Carcassonne; pour Castel-Sarrazin, Moissac en 1203 (1).
Or bientôt, il fut admis
que le juge, assistant le bayle, pourrait juger sans le bayle et ainsi se forma
une juridiction parallèle à celle du bayle qui au XIVe siècle se
rencontra dans la plupart des bastides.
Nous le constatons pour
Bénevent, où, à côté du bayle, nous trouvons le Judex ordinarius; l'analogie est donc frappante entre nos bastides
et les bastides toulousaines; faut-il s'en étonner, les coutumes de Bénevent
suivent les usages de Sainte-Foy-la-Grande, fondation d'Alfonse de Poitiers,
Mais la création du Judex ordinarius n'amena
pas suppression de la Cour du Bayle: celle-ci conserva sa compétence, et au
criminel et au civil; elle continua à fonctionner avec l'assistance de jurés
avec un greffier et des sergents, comme agents d'exécution.
L'assistance de jurés s'est
maintenue plus longtemps en matière criminelle, elle tomba rapidement en
désuétude au civil.
La Cour du Bayle au civil,
et c'est le point important à
(1) Fragment d'enquête cité
par Boutaric, p. 210 (loco citato): publicavit infra scriptos testes P.
Imbertus de Castlario, in curia domini Raimundi Comitis Tolose, coram Poncio de
cerveria, ejusdem domini comitis bajulo in castro Castlari, assistente ei Petro
Fulcidio judice (Archiv. nat. J, 223, n° 62)
p. 421 (143)
remarquer, formait la
juridiction de droit commun, à moins qu'un texte formel la déclarât
incompétente, par exemple pour la vente des immeubles en justice, à laquelle le
bayle ne pouvait procéder que sur mandat du juge supérieur (1).
A côté de la juridiction du
bayle s'était formée et développée la juridiction du judex ordinarius; si leur compétence fut de même étendue au début,
on peut supposer que les connaissances juridiques firent préférer ce dernier
par les justiciables, et, dans la suite, le judex ordinarius en arriva à avoir
une juridiction propre, en certaines matières, à l'exclusion du bayle (2).
La prépondérance du judex ordinarius fut telle, que dans
certains endroits, notamment à Benevent (3), il fut juge d'appel pour les
décisions émanées du bayle. Cet appel pouvait aussi être porté devant le
Sénéchal; il nous est impossible de dire si cette disposition fut suivie dans
toutes les bastides, mais un point certain, et qui est vrai pour toutes les
bastides, est l'organisation hiérarchique des juridictions; pour la sauvegarde
des intérêts des justiciables, on admit pour le plaideur qui croirait avoir à
se plaindre, soit de déni de justice, soit de mauvais jugement, le droit de
porter l'affaire par voie d'appel, à une juridiction supérieure.
Les juridictions des bayles
et des consuls formaient les juridictions inférieures; l'appel de leurs
décisions était porté devant
(1) Item bajulus potest
cognoscere de omni causa civili prout judex ordinarius per se et re criminali consulibus
vocatis vel majore parti eorumdem (Fol. 14 v°, col. 1). Item bajulus, si et per
ut mandetur per superiorem potest rem immobilem subhastatam vendere vel vendi
facere, aliter non. Ces de Bénevent (fol. 13 v°, col. 1.)
(2) Item judex ordinarius
vel ejus superior solum possunt et debent, si requiantur, bonis vacantibus et
minorem de tutore vel curatore prout eorum aetas exigat, providere
emancipationem concedere et (les scellés) ... cum juris solempnitate in causis
in quibus fuerint apponenda -- tamen bajulus ad litem tantum minorum providet
curatorem, (Ces de Bénevent, fol. 9).
(3) Item ab audiencia bajuli appellatur ad judicem ordinarium vel
senescallum... Ces de Bénevent
(fol. 9 v°, 2° col.).
les juridictions
supérieures, Sénéchal et Cour du fondateur de la bastide.
Arrêtons-nous donc à la
juridiction du Sénéchal, qui fut, pour toutes les bastides, une juridiction
supérieure ou d'appel, devant laquelle on porta les appels des décisions
émanées des bayles et des consuls.
Les Sénéchaux furent pour
le midi, ce qu'étaient les grands baillis pour le nord (1).
Leurs fonctions furent
nombreuses et de nature diverse. Ils étaient préposés à l'administration des
domaines du Seigneur, à la gestion de ses revenus; ils nommaient directement
les agents inférieurs placés sous leurs ordres et remplissaient dans la
sénéchaussée des fonctions politiques, administratives, militaires et
judiciaires.
Ils apparurent certainement
dans le comté de Toulouse au XIIme siècle et à partir du XIIIme
siècle les comtes de Toulouse eurent un sénéchal par diocèse (2).
Quelquefois le sénéchal
avait dans son administration plusieurs provinces: en 1250 Alfonse de Poitiers
avait réuni l'Agennais et le Quercy sous l'autorité d'un sénéchal unique, sénéchal d'Agennais et de Quercy.
Les rois de France,
héritiers des comtes de Toulouse, maintinrent cette organisation pour le comté
de Toulouse, comme aussi dans les autres provinces, pour la surveillance de
leurs droits et de leur autorité, ils eurent des sénéchaux préposés
(1) Si l'expression
sénéchal leur est généralement appliquée, quelquefois on les nomme bayles ou
baillis; mais pour marquer l'importance de leurs fonctions et les distinguer de
celles des bayles, agents administratifs préposés aux baylies, on les appela
baillis supérieurs; les bayles, préposés aux baylies, étaient les baillis
inférieurs.
(2) Sénéchal de Toulouse en
1210; sénéchal d'Agennais à la même époque sénéchaux de Rouergue en 1226; de
Quercy en 1229; d'Albigeois en 1236.
p. 423 (145)
soit à une province
déterminée, soit à plusieurs, et ainsi suivant les époques, nous trouvons des
sénéchaux du roi de France sous les titres suivants: sénéchaux du Limousin, Périgord et Quercy; sénéchaux du Périgord et
Quercy, etc. (1). A la même époque, les rois d'Angleterre, pour les
nombreux territoires que les guerres ou les traités leur avaient concédés
(notamment traité de 1258 avec saint Louis et du 25 mai 1279 avec Philippe le
Hardi, cession des trois évêchés, Périgord,
Limousin et Quercy et plus tard de l'Agennais) avaient organisé de grandes
sénéchaussées, dont le nom et le nombre ont varié suivant les époques, et qui
ont compris une ou plusieurs provinces: C'est ainsi que nous trouvons un sénéchal de Gascogne, un sénéchal de
Saintonge, un sénéchal d'Aquitaine, un sénéchal d'Agennais, un sénéchal de
Périgord, etc. (2).
Mais, suivant
l'organisation donnée à ces territoires, si les Anglais y avaient leurs
sénéchaux particuliers, les rois de France avaient dans les mêmes territoires
les leurs pour la sauvegarde de leurs droits respectifs: ainsi pour une même
province, le Périgord par exemple, on trouve à la même époque et un sénéchal
pour le roi d'Angleterre, et un sénéchal pour le roi de France. On comprend la
rivalité et les conflits que faisait naître une telle situation.
« Les vastes domaines du
roi d'Angleterre étaient gouvernés avec une habileté consommée; les officiers
de Edouard Ier, Jean de Grailly et Lucas de Tany, sénéchaux
(1) Voir la liste des sénéchaux
des rois de France, sous les règnes de saint Louis, Philippe le Hardi et
Philippe le Bel par Léopold Delisle, introduction, p, 201, t. XXIV, collection
des Historiens de France.
(2) Comp. pour le Périgord,
province souvent rattachée au Quercy et au Limousin la liste des sénéchaux
anglais dressée par M. Philippe de Bosredon (Bulletin de la Société archéolog.
et Hist. du Périgord, t. XVIII, p, 420); les renseignements fournis par les
Rôles Gascons permettent de combler quelques lacunes; pour notre époque, il
faut ajouter Guillaume Raymond de Saint-Dizier (R. G., t. II n° 272); Bertrand
de Ciconiis (ou Cigomiis) en 1249 fut sénéchal du Limousin, Périgord et Quercy
(R. G. t. II, n° 254 et 255.) Ebles IV, vicomte de Ventadour, sénéchal du
Limousin, Périgord et Quercy en 1274 (R. G., t. II, n° 26).
p. 424 (146)
de Gascogne; Thomas de
Sandwich, sénéchal de Ponthieu; maître Bonet de Saint-Quentin, qui fut chargé,
en 1285, de la réforme administrative du Duché; maître Raymond de la Ferrière,
ont été en effet des hommes pleins de zèle et de mérite. Ils ont laissé
beaucoup plus de témoignages de leur activité que les baillis et les sénéchaux
de France. Les rapports très détaillés qu'ils adressaient à Londres sur l'état
de leurs circonscriptions et sur les nouvelles politiques du jour, prouvent
que, non contents d'établir systématiquement une ligne défensive de bastides
sur les frontières du Duché et de distribuer aux villes des chartes de
franchise très libérales, ils se préoccupaient d'informer leur prince de tout
ce qui lui importait de savoir... Les lettres des sénéchaux anglais sont
pleines de consultations, de nouvelles et de conseils de cette espèce. Edouard
Ier ne manquait pas d'y répondre et il envoyait à ses agents, à propos de
chaque affaire, des instructions précises (1)... »
Avec un pouvoir central
faiblement organisé, les sénéchaux étaient les véritables maîtres du pays;
aussi tant les rois de France que les rois d'Angleterre portèrent leur
attention, et de bonne heure, sur les sénéchaux, pour déterminer leurs pouvoirs
et empêcher les abus d'autorité.
« Avant d'entrer en fondions, les sénéchaux
prêtaient serment d'être fidèles et loyaux dans leur office, de rendre une
exacte justice à chacun, sans acception de personnes, selon leur conscience et
leur pouvoir, de ne recevoir aucun don de leurs administrés, ni eux, ni leur
femme, ni leurs enfants, ni les gens de leur maison. En outre dans les états
d'Alphonse, ils juraient, ainsi que les autres officiers du comte, d'observer
un règlement dans lequel étaient insérées les
(1) Ch. V., Langlois, le
Règne de Philippe III le Hardi... Paris, 1887, et pièces justificatives,
principalement nos VII, p. 424; XIV, p. 433; XVII, p. 435; XIX, p.
438. Nous espérons que la publication projetée des lettres des rois d'Angleterre
de 1272 à 1485 (Annuaire-bulletin de la Société de l'Histoire de France, année
1906, p, 51) aidera à combler les lacunes de notre étude.
p. 425 (147)
principales libertés
civiles du Languedoc, libertés qui furent confirmées pour toute cette province
par une ordonnance de Louis X, de l'an 1315
Les sénéchaux ne restaient
pas longtemps à la tête de la même province, on craignait qu'un long séjour ne
leur fit contracter des amitiés qui auraient amoindri leur zèle pour le prince
et apporté des obstacles à leur bon gouvernement. Ils ne devaient pas épouser
une femme de leur sénéchaussée. Quand ils quittaient leurs fonctions, ils
étaient tenus de rester un certain temps dans le ressort de leur ancienne
juridiction pour repondre aux accusations qui seraient portées contre leur
conduite ou leur administration (1) ».
Ces règles sont condensées
dans l'ordonnance de Saint-Louis, en 1254 (2) pour la réformation des deux
sénéchaussées du Midi et dans un règlement du comte Alphonse sur le même sujet
(3).
Les rois d'Angleterre ne
furent pas moins que les rois de France soucieux de fixer les règles de
l'administration; de là de nombreux règlements et ordonnances rendues à
diverses époques: citons l'ordonnance de Edouard II du 7 août 1319, qui réforme
la justice, et présente un air de famille avec les ordonnances de nos rois sur
le même sujet (4).
Les fonctions judiciaires
des sénéchaux, les seules que nous ayons à étudier ici, doivent être
distinguées en deux groupes. Les sénéchaux avaient en certaines affaires, une
compétence exclusive, et agissaient comme juges; en outre, ils étaient juges
d'appel pour toutes les décisions émanées des juridictions inférieures (5).
(1) Edg. Boutaric, loc
cit., p. 538 et 539,
(2) Ordre de Saint-Louis,
1254 (Histoire du Languedoc (édit. Privat)).
(3) Règlement d'Alphonse,
comte de Poitiers et de Toulouse (Histoire du Languedoc (édit. Privat)).
(4) Voir livre des
Bouillons, (arch. de Bordeaux), p. 51 et 52, la ordenation que fet nostre
senhor lo rey de sos officiers (7 août 1319) et Ord. de 1323 d'Ed. II (Rymer,
t. II, part. 2, p. 61, 62).
(5) Cette distinction des
pouvoirs des sénéchaux était suivie en France, comme en Angleterre. Comp.
requêtes des représentants d'Edouard II à Philippe le Bel (vers 1310), Ch. V.
Langlois, textes relatifs à l'Hist. du Parlement... p. 188.
§ 1. Sénéchaux juges de 1ere
instance
Il y aurait erreur à
considérer les sénéchaux, comme investis du droit de juger les conflits se produisant
entre les personnes nobles, car nous avons constaté antérieurement que les
juridictions municipales, bayle et consuls, avaient une juridiction s'étendant,
sans distinction de personnes, tant aux nobles, donzels et bourgeois (1).
Les sénéchaux étaient les
gardiens des droits du seigneur, et si l'intérêt du prince, comme chef, était
engagé, les sénéchaux devenaient compétents: ainsi, ils avaient à connaître des
plaintes portées par les vassaux du comte ou du roi, contre ceux qui les
troublaient dans la possession de leur fîef; et pour déterminer l'étendue du
fief concédé (2); dans la suite, à partir de Philippe le Bel, on attribua aux
sénéchaux la connaissance des affaires domaniales et fiscales, dont la solution
pouvait compromettre la fortune ou les prérogatives du prince (3).
En 1315, Louis X voulut que
les causes fiscales inférieures à 100 livres tournois fussent jugées par les
sénéchaux.
Les sénéchaux siégeaient
assistés des juges locaux, de jurisconsultes, des membres de la noblesse et de
la bourgeoisie; à leurs assises étaient publiées les ordonnances royales,
étaient données les vidimus des lettres royales.
En matière criminelle, ils
jouissaient d'une compétence, qui alla s'augmentant avec le temps; ils
intervenaient dans toutes les affaires, qui formèrent dans la suite des cas
royaux (les meurtres sur les chemins
publics par exemple), les atteintes à la paix publique (délit de port d'armes, etc.) et, plus
tard, les crimes de lèse-majesté.
(1) Villefranche de
Périgord, c. de 1261,
(2) Nos duximus ordinandum
quod omnes et singulae causae propietatem nostram tangantes coram vobis
(senescallis) in vestra curia ventilentur et diffiniantur (ord. R. de F. t.
XII. p. 416).
(3) Mêmes règles pour les
possessions anglaises, R. G., t. II, n° 389, le sénéchal de Gascogne connaîtra
des difficultés entre des vassaux du roi.
Les Sénéchaux étaient les
supérieurs hiérarchiques des bayles et autres agents inférieurs; à l'issue de
leurs assises, ils recevaient les plaintes que l'on portait contre ces
officiers et les jugeaient sommairement et sans délais (1).
§ 2. Les Sénéchaux juges d'appel
Les Sénéchaux étaient juges
d'appel des décisions rendues par les juridictions inférieures (bayles et
consuls, viguiers et jugeries); mais les Sénéchaux, qui conservèrent la
prérogative de présider la Cour du Sénéchal, perdirent bientôt le droit de
juger eux-mêmes: il leur fut attribué un magistrat (2) (juge mage ou juge d'appeaux)
pour vider les appels portés devant la Cour du Sénéchal; à certaines époques,
il y eut un juge d'appel pour les affaires civiles et un pour les affaires
criminelles.
La même hiérarchie dans les
juridictions se trouve dans les provinces anglaises: au premier degré, les
bayles et les juridictions municipales; avec cette observation pour celles-ci
que tandis que dans les bastides les consuls en avaient l'exercice, dans
beaucoup de villes du sud-ouest et de l'ouest des possessions anglaises on
rencontre le major, ou maire, qui, assisté de jurats, avait l'exercice de la
juridiction municipale.
Comme juge d'appel, le
Sénéchal et son juge mage sont souvent mentionnés dans les textes (3); il
serait facile d'apporter de
(1) Audiat (Senescallus)
querimonias contra judices bajulos et alios officiales dictae judicaturae
summarie et de plano et excessus ipsorum corrigat et faciat emendare. Arch.
nat. J. 329, n° 43. Même règle pour les possessions anglaises. R. G., t. II, n°
1161 in fine.
(2) Il ne faut pas
confondre ce magistrat avec le lieutenant du Sénéchal; ce fonctionnaire, qu'on
appelait quelquefois vice-sénéchal, remplaçait le sénéchal empêché, avait le
même rôle, et est investi des mêmes fonctions que le Sénéchal lui-même; tandis
que le juge mage avait des fonctions spéciales et déterminées et distinctes de
celles du Sénéchal.
(3) En 1289, était juge
mage en Agennais Magister Reymundus Sancii. R. G., t. II, n° 1008; et Reymond
de Campagoe, sénéchal. R. G. t. II, n° 1063; le juge ordinaire d'Agen, en 1289,
était Bernard Martin (experta fidelitate, sciencia et industria .... eumdem
constituimus et ponimus nostrum judicem ordinarium Agenesii in tota diocesi
supradicta, exceptis locis existentibus ultra Garonam qui non sunt de
Castellaniis et assisiis locorum citra Garonam existencium, necnon in bastidis
nostris Castri Sacrati et Montis Gandii et pertinenciis eorumdem.... (R. G., t.
II, n° 1016). Il avait en cette qualité pour gages 200 livres tournois et la
moitié des recettes du seing et du contre-seing. R. G., t. II, n° 1012; et le
juge ordinaire ultra Garonam (partie non attribuée à Bernard Martin), était
Jacques de Mons judex ordinarius terre Agennensis site ultra Garonum ex parte
Condomi, et terrarum Regis Auxitane et Lectorensis dioceseum... pour un temps indéterminé (1289). R. G., t. II,
n° 990, avec la garde des sceaux pour cette partie, avec un traitement de
quatre-vingt livres tournois et la moitié des produits des sceaux (eod. loc. n°
991). Pierre Dupuy (Petrus de Podio) était juge au nom de l'Angleterre in
partibus Petragoricensibus (R. G., t II, n° 270).
En 1387, il y avait un juge
des appels civils et un juge des appels criminels Rymer, t. III, part 3, p. 37,
et en 1399, sous Henri IV de Lancastre, Bertrand de Asta, docteur en droit, fut
juge des appels civils, et Me Guillaume de Bouevve, juge des appels
criminels.
p. 428 (150)
nombreuses preuves de cette
organisation, nous nous bornerons à rapporter celle qui résulte d'un document
des Rôles gascons, t. II, n° 1161, relatif à des difficultés intervenues entre le
roi d'Angleterre et l'évêque d'Agen, au sujet du paréage existant entr'eux à
l'occasion des haute et basse justices d'Agen.
Le texte commence par
déterminer très exactement ce que comprenait le paréage relatif à cette justice
commune au Roi et à l'evêque, dont les emoluments devaient être partagés par
moitié entr'eux; le Roi interdit au sénéchal d'Agenais et à son juge, en
faisant citer les personnes sujettes à cette juridiction commune, de frauder
les droits de l'évêque.
Mais ce paréage ne devait
pas s'étendre aux affaires dont la connaissance et la juridiction étaient
dévolues au sénéchal d'Agenais, per
appellationem vel alium modum: ce qui s'applique au cas où les plaideurs
auraient confié la connaissance de leurs procès au Sénéchal ou à son juge, « qui talia sicut propria quoad cognicionem
processum et judicium communicavi non debent ». Ces affaires restaient en
dehors du paréage.
Pour l'exercice de cette
justice commune en paréage, le
p. 429 (151)
roi d'Angleterre avait un
bayle et l'évêque un autre. Ces bayles se prêtaient réciproquement serment de
se communiquer et de se partager les émoluments de la justice commune.
Quant aux décisions
judiciaires rendues par ces bayles, l'évêque affirmait que, de tout temps, on
en avait autorisé l'appel, soit au lieutenant du roi, soi à l'évêque et ensuite
au sénéchal; le roi fait remarquer que cette pratique, bien qu'établie sur
d'anciens écrits, paraît contraire au paréage et à ses effets (licet hoc contra jus et naturam dicti
pariagii videretur), mais il en maintient l'application sous certaines
réserves. En conséquence, si l'appel est fait au sénéchal, celui-ci se
dessaisira, au profit d'une personne désignée par le roi et l'évêque, comme
seigneurs en commun à Agen.
Mais s'il arrivait que l'on
vînt à annuler ou à abandonner ces premiers appels, alors il serait appelé de
ces bayles au sénéchal d'Agen et à son juge, sine aliquo medio.
L'appel au sénéchal des
jugements rendus par les juridictions inférieures restait donc la règle, et il
serait facile d'en fournir de nombreux exemples.
La cour du sénéchal n'était
pas attachée au siège de la sénéchaussée, elle s'y réunissait ou en tel autre
lieu choisi par le sénéchal; mais, quelquefois, par privilège spécial et pour
rapprocher le juge du justiciable, les assises du sénéchal devaient être tenues
en un lieu déterminé: Villefranche-du-Périgord jouissait d'un semblable
privilège, implicitement reconnu par Alfonse de Poitiers en 1261, et consacré
par l'ordonnance de février 1357 (O.R.F., t. III, p. 210); le sénéchal de Périgord
devait tenir ses assises, tous les six mois à Villefranche-du-Périgord, pour y
juger les appels provenant de ladite ville ou de ses dépendances; là et non
ailleurs (à moins de consentement contraire des parties) devaient se poursuivre
et être terminées les instances d'appel (1).
(1) Le texte des
ordonnances dit; sine debito, que les éditeurs ont traduit par les mots: sans
frais. Nous croyons qu'il faut lire fine debito, c'est-à-dire sans autre voie
de recours possible.
§ 3. Appel au seigneur suzerain
de la bastide
L'appel au sénéchal n'etait
pas le seul recours admis à notre époque; en vertu du principe que toute
justice relève du seigneur, on avait été amené à admettre que les justiciables
pouvaient délaisser les juridictions ordinaires et porter l'affaire devant le
seigneur.
Cette pratique fut suivie
et au temps d'Alfonse de Poitiers et sous les rois d'Angleterre.
Nous trouvons, dans les
lettres d'Alfonse, la preuve de ces recours directs à sa justice; le prince, la
plupart du temps, renvoyait ces plaintes au sénéchal du lieu avec ordre d'y
faire droit et de juger avec équité (1).
Cette tendance, chez les
particuliers, à délaisser les juridictions établies et à recourir directement
au suzerain avait les plus graves inconvénients; le comte Alfonse la réglementa
par une ordonnance du 12 juillet 1269 (2) adressée au sénéchal de Poitiers et
notifiée à tous les sénéchaux: le comte rappelle qu'il a institué pour rendre
la justice des fonctionnaires intègres, offrant aux justiciables toutes
garanties, il ne peut admettre qu'on les délaisse pour aller chercher loin la
justice que l'on a à sa portée (2).
Aussi pour remédier aux
inconvénients nombreux qui résultent de cette pratique, Alfonse décide qu'aucun
de ses sujets, dédaignant les juridictions ordinaires, ne pourra recourir à
(1) Correspondance
administrative d'Alfonse de Poitiers (Collection des docum. inédits) 2 vol.
in-fol., publiée par A. Molinier, prof. à l'Ecole des Chartes, n° 6 et 13.
(2) Texte de l'ordonn. loco
cit. n° 1006; le mandement au sénéchal d'Agenais, n° 1554.
(3) ...longuo itinere
emenso pro justicia impetranda nos cogantur adire, quam commodi assequi possunt
in suis laribus et domiciliis constitutis..., n° 1006, Corresp.
p. 431 (153)
lui qu'au cas de déni de
justice, régulièrement établi, et au cas d'appel légitimement fait.
Les sénéchaux devaient
donner à cette ordonnance la publicité plus grande, la porter à la connaissance
du public dans leurs assises, et partout où besoin serait.
Les Rôles Gascons nous
permettent d'affirmer que cette pratique était suivie en Angleterre. Nous la
voyons suivie dans une affaire criminelle rapportée au n° 987, t. II, R. G.
Un assassinat avait été
commis à Bayonne sur la personne de Pierre de Ville, fils de Laurent. Sur la
plainte des frères et parents de la victime, Jean de Havering, sénéchal du
duché d'Aquitaine, après enquête et information, avait prononcé la détention
perpétuelle contre Guillaume Robert, principal accusé et d'autres peines contre
ses complices.
Appel fut interjeté au roi,
qui déclara ne pas vouloir le recevoir, pour motifs déterminés. Le père de
Robert s'adressa au roi, après avoir renoncé à son appel: « Ut.... contra sentenciam predictam, que
summam iniquitatem continebat et duriciam, dignaretur misericorditer oportuno
remedio subvenire pro sue libito voluntatis », sur quoi le Roi statua en
modifiant la peine et les conditions qu'acceptèrent toutes les parties.
Il n'en restait pas moins
admis qu'aux cas de déni de justice et de mauvais jugements, les parties
pouvaient appeler de la décision du sénéchal à la cour du maître du pays, et
cette règle s'appliquait quel que fût le suzerain.
Pour les bastides créées
par Alfonse de Poitiers, l'appel des décisions du sénéchal était porté devant le
prince ou devant sa cour souveraine; pour les bastides anglaises, au roi
d'Angleterre, duc de Guyenne, ou à sa cour souveraine; pour les bastides
fondées par le roi de France, au Roi et à son parlement. C'était la pure
application de la théorie féodale, suivant laquelle les juridictions formaient
une hiérarchie, et où l'on pouvait appeler de la juridiction inférieure à la
supérieure.
Disons quelques mots du
fonctionnement de cet appel.
p. 432 (154)
Au cas d'appel au comte
Alfonse, celui-ci le plus souvent renvoyait les plaideurs devant une personne
déterminée, chargée de prononcer la sentence définitive; le délégué avait les
pouvoirs souverains du prince délégant, aucun appel n'était recevable contre sa
décision; il était chargé de terminare le procès fine débito.
Parmi les exemples nombreux
que nous font connaître les lettres d'Alfonse de Poitiers, nous citerons la
commission, à suite d'appel au Prince d'une décision du sénéchal d'Agenais et
Quercy, relativement à une difficulté soulevée par la communauté des habitants
de la bastide de Castel Seigneur (Agenais); l'affaire fut renvoyée au prieur du
Port Sainte-Marie (Prior secularis
ecclesie Beate Marie de Portu, Agenensis diocesis) pour rendre une décision
définitive (commitimus causam audiendam et fine debito terminandam (année 1269)
(1); et la commission donnée à Rigaud Bel (2) avec mandement spécial d'examiner
la difficulté avec attention et de donner une sentence définitive (mandantes quatinus dictam causam audiatis
diligenter et fine debito terminetis (15 juin 1269), et cela à suite d'un
appel au prince par un bourgeois de Montcuq, Bertrand de Gairac, en procès avec
Raymond de Silhol, à l'encontre d'une sentence émanée de Pierre Raymond
Foucauld, judicem datum a senescallo
Agenensi et caturcensi.
Ce procédé n'allait pas
sans faire naître des difficultés, comme en témoignent les lettres d'Alfonse de
Poitiers (3); il paraît, malgré cela, avoir été pratiqué très fréquemment: il
donnait aux plaideurs un juge de leur pays; leur économisait des frais (4);
(1) Loco citato:
Correspondance, n° 1537.
(2) Probablement juge de
Toulouse en 1264 (Hist. du Languedoc, (édit. Privat), t. VIII, p. 1528.)
(3) Correspondance.., n°
285, 900, 901, 844 et surtout 1226, qui présente un cas difficile à concilier
avec la régle de Droit écrit, que dans une même affaire on n'admettait que deux
appels successifs.
(4) Corresp., n° 2082.
p. 433 (155)
au reste le comte ne
perdait pas de vue l'affaire, et veillait à ce qu'aucun empêchement ne fût
apporté à l'exécution de son mandement (1).
Cette pratique, quelque
générale qu'elle fût, n'empêchait pas que l'appel d'une sentence du sénéchal ne
pût être porté devant la cour souveraine ou parlement du comte.
Nous avons des citations
adressées aux plaideurs pour comparaître devant le parlement du comte (2).
De là des déplacements
onéreux pour les parties; les plaideurs arrivaient quelquefois après la clôture
du parlement, aussi, en 1270, Alfonse promit-il à ses sujets méridionaux de
déléguer les gens de son conseil pour aller sur place juger les appels, et il
existe des rôles des arrêts rendus à Toulouse par les gens du conseil d'Alfonse
(3).
A côté de ces juridictions,
assurant, grâce à cette réglementation, une exacte justice à tous, il faut
rappeler qu'Alfonse de Poitiers, à l'imitation de son frère saint Louis, envoya
souvent dans ses domaines des clercs ou autres officiers, chargés d'enquêtes ou
de missions spéciales. Après avoir constaté les défectuosités de l'ordre
administratif ou judiciaire, ils proposaient les mesures nécessaires pour les
faire disparaître et réprimaient sévèrement les excès des officiers du prince.
Le rôle des enquêteurs
contribuait à assurer à tous une exacte justice; il nous suffit de cette
mention, nous ne saurions insister davantage à ce sujet.
Des règles analogues
étaient suivies dans les provinces anglaises; contre les décisions du Sénéchal,
l'appel était recevable devant la cour souveraine du duché; parmi les documents
des Rôles Gascons, nous choisissons comme
(1) Corresp., n° 1606.
(2) Corresp., n° 867.
(3) Corresp., n° l406.
(4) Dans le tome XXIV du
Recueil des Historiens des Gaules, M. Léop. Delisle vient de donner une édition
complète des enquêtes faites sur l'ordre de saint Louis et d'Alfonse de
Poitiers.
p. 434 (156)
exemple le n° 267, t. II,
dans lequel on appelle d'une décision du Sénéchal super juris defectu, pour déni de justice, in curia nostra Burdigalae, dit le Roi, et l'appel pouvait être
porté devant le parlement d'Angleterre.
Ce fut la procédure suivie
à l'occasion de l'opposition faite à la construction de la bastide de
Sauveterre par Jean de Grilly et Alexandre de la Pebrée, seigneur de Bergerac;
en présence de l'opposition, le roi fit suspendre la construction et chargea
les magistrats Adam de Norff et Jean des Forges de faire une enquête dont les
résultats devaient être soumis au parlement après Pâques « ... inquiratis plenius veritatem, et quid super
hoc inveneritis, ad dictum parleamentum (post Pascham, n° 523), nobis fideliler
haberi faciatis (1) ».
Souvent, au cas d'appel à
la cour souveraine, le roi renvoyait l'examen de l'affaire à un commissaire
spécial qui, jugeant aux lieu et place du Roi, rendait une décision définitive,
et contre laquelle aucune voie de recours n'était recevable; cette pratique
avait été suivie à l'époque d'Alfonse de Poitiers, et pour ses possessions; les
rois d'Angleterre l'ont pratiquée pour leurs possessions de France (2).
Pour les bastides relevant
et fondées par le roi de France, l'appel contre les décisions du sénéchal était
porté devant le Parlement de France, cour souveraine du fondateur; c'était ici
l'application du principe féodal, que d'une juridiction inférieure on pouvait
en appeler à une juridiction supérieure relevant du même seigneur.
Au reste, ce principe ne
fut pas accepté sans de grandes difficultés; c'était contraire à la règle de la
souveraineté du
(1) R. G., t. II, nos
523 et 527.
(2) Comp. R. G., t. II, nos
563, 645, 631, 632, et sur des difficultés relatives à ces commissions. - Comp.
n° 586, et le procès rapporté par Rymer, t. III, prat. 4, p. 51 entre le
couvent de Sainte-Croix de Bordeaux et Bertrand du Caillau; l'appel au roi fut
renvoyé à l'archevêque de Bordeaux assisté de deux Hommes de Loi.
p. 435 (157)
juge: de là les entraves
apportées à l'exercice de ce droit, les avantages faits pour provoquer les
renonciations à rappel.
Mais un autre principe
s'établit bientôt. Du roi de France, suzerain du royaume, relevaient toutes les
justices, et la conséquence fut que l'appel des décisions seigneuriales pouvait
être porté devant le suzerain supérieur. Par exemple, on pouvait appeler au
Parlement de France des décisions rendues par les juridictions du comte de
Toulouse et de Poitiers (tant que ces comtés ne furent pas réunis à la
couronne), et des décisions rendues par les juridictions anglaises dans les
provinces de France, on pouvait appeler au roi de France, suzerain du duc de
Guyenne et d'Aquitaine, en vertu des traités de 1258 et de 1279, et qui avait
réservé le ressort, c'est-à-dire la supériorité judiciaire sur les provinces
cédées.
Ce principe apparaît de
bonne heure, il était en pleine vigueur au XIIIe siècle, il n'a
jamais été contesté dans son principe et nous en avons de nombreuses
applications (1); il intéresse nos bastides fondées par les Anglais, comme
leurs possessions en Gascogne, Saintonge, Aquitaine et Ponthieu. On nous
permettra d'y insister un instant.
Ces appels au Parlement de
France des sentences rendues par les juges seigneuriaux furent admis par le
Parlement et même provoqués par les officiers du Roi « qui saisissaient avec
empressentent toutes les occasions d'établir la prééminence et la souveraineté
de leur maître (2) ».
Les rois d'Angleterre,
presque indépendants dans leurs possessions de France, mais rattachés à la couronne
de France par l'hommage que leur avait imposé le traité de 1258 avec saint
Louis, furent obligés de permettre à leurs sujets d'appeler au
(1) Le nombre d'appels au Parlement
de France contre des décisions des juridictions anglaises est fort
considérable; nous empruntons un certain nombre d'exemples aux Rôles Gascons,
t. II, n°s 263, 267, 366, 407, 473, 547, etc., sans compter les grandes causes
historiques connues de tous.
(2) Edg. Boutaric, Bib.
Ecol. de Chartres, 1856, p 98.
p. 436 (158)
Parlement de Paris des
sentences des sénéchaux anglais de Guyenne, et en matière civile et en matière
criminelle.
Le principe était certain;
et le roi de France avait un intérêt politique de premier ordre à en assurer
l'application: « C'etait l'indice le plus frappant que la souveraineté du roi
de France était partout présente et partout protectrice du droit; rien n'était
plus propre à populariser l'idée monarchique jusqu'au fond des provinces
féodales où il suffisait de dire désormais: J'EN APPELLE, pour suspendre
incontinent l'exécution des jugements et en briser l'efficacité entre les mains
des officiers seigneuriaux (1) ».
A diverses époques, les
rois d'Angleterre cherchèrent à atténuer les conséquences de l'appel; mais la
fermeté du Parlement soutint très efficacement, sur ce point, les droits du Roi
de France.
En juillet 1286, Philippe
le Bel pose très énergiquement le principe, que le Parlement de France peut
être saisi, par voie d'appel, des décisions rendues par le duc d'Aquitaine, ses
sénéchaux ou ses lieutenants « quod
occasione cujuscumque appellationis ab ipso vel senescallis suis seu eorum
loca, tenentibus »; à toute personne intéressée était ouvert l'appel au roi
de France ou au Parlement « ad nos seu
curiam nostram per quemcumque super iniquo falso et pravo judicio vel deffectu
juris seu quocumque alio modo interposite vel interponende... » Le principe
ainsi formulé, le roi de France accorda à Edouard Ier des privilèges
spéciaux et, pour sa vie durant: 1° Qu'au cas où l'appel serait reconnu fondé
en droit, luy (le duc d'Aquitaine), ne ses senechaux, ne leurs lieutenants, en
paine, ne en forfaiture, ne en amende vers nous chieent »: c'était leur faire
une grande faveur; car tout plaideur succombant en appel avait à payer
l'amende.
2° Par contre, on leur laissait, sur leurs
sujets, la jouissance de tous les droits pécuniaires qui leur étaient
attribués, au cas
(1) V. Langlois, Philippe
III, p. 278.
p. 437 (159)
d'appel mal fondé « en forfaitures, en paines, en encourement et
en touctes autres choses qui de ce li devront advenir ».
3° Et « Encore octroions nous à notre cher cousin,
que des apiaux, qui vendront en nostre court de luy ou de ses sénéchaux, ou de
leurs lieutenants, en quelques cas que ce soit, que nous les appelants
renvoirons et leur donrons espace de trois mois dès le Hore qu'il seront requi
de celi qui aura appelé de leur jugement amender et de faire droict, se défaut
iert.
Et si nel font dedans le temps, si puissent les
appelanz adonques retorner a nostre court et retenir droict en nostre court (1) ».
Ce dernier privilège
atténuait, dans une mesure assez large, ce qu'avait de rigoureux l'appel à la
cour du roi de France; puisque les tribunaux du duc d'Aquitaine pouvaient, en
examinant à nouveau l'affaire, faire disparaître les griefs de l'appelant et
rendre l'appel inutile. Dans la suite les rois d'Angleterre réclameront une
prorogation de ce privilège.
L'appel à la cour du Roi,
contre les décisions émanées des juridictions seigneuriales, avait au point de
vue politique et judiciaire une très grande importance, il justifiait
l'intervention du suzerain; il joua un grand rôle pendant la lutte de
l'Angleterre et de la France. Qui ne se souvient qu'au moment où la France
était le plus abattue, après le désastreux traité de Bretigny, ce fut un appel
au roi de France, par les vassaux du roi d'Angleterre, qui entraîna la reprise
des hostilités entre les deux pays et amena l'expulsion des Anglais du
territoire français.
(1) Juillet 1286,
appellations d'Aquitaine (en latin et en français) Ch. V. Langlois (n° XCVIII)
textes relatifs à l'Histoire du Parlement depuis les origines jusqu'en 1314,
Paris, Alfred Picard, 1888. Rapprochez les thèses de doctorat de M. Ch. V. Langlois:
latine, de Monumentis ad priorem curiae regis judiciariae Historiam
Pertinentibus (Paris, 1887); française: le Règne de Philippe III le Hardi
(Paris 1887).
p. 438 (160)
Mais même en restant sur le
domaine exclusivement judiciaire, l'appel au suzerain avait une grande
importance: si le principe en fut toujours admis, les autorités anglaises
cherchèrent, par tous les moyens, à empêcher l'appel (1) ou à en paralyser
l'exercice, et, en même temps, pendant les trêves, les rois d'Angleterre
s'efforcèrent d'obtenir du roi de France des adoucissements à son
fonctionnement (2).
Il faut rendre cette
justice à nos hommes d'Etat et à nos juristes, qu'ils surent, grâce à l'appel
au Parlement, faire sortir du principe des traités de 1258 et 1279, à savoir
que le roi d'Angleterre, pour ses possessions de France, était le vassal du
(1) Item Fuit dictum quod
appellantes ad curiam Francie a Curia regis Angliae incar cerabantur et male
tractabantur ita quod homines non audebant appellare (Parl. 1285, Ch. V. Langlois,
Monumentis ..., p. 97, textes, p. 121).
D'autres fois, avant de
rendre le jugement, on saisissait les biens du condamné « ut sic, appellacione
durante, appellans careret bonis suis, (eod. loc., p. 97, textes, p. 121); dans
un procès, il fut allégué quod pendente appellacione aliqua fuissent capta de
bonis dictorum appllantium (loco. cit., p. 98). Dans une autre affaire, le
sénéchal du Périgord doit, sur mandat du Parlement, faire obtenir réparation au
plaideur quod major Baione sibi fecerat post appellationem a dicto majore ad
senescallum Vasconie et a senescallo Vasconie ad Curiam regis Francie
interpositam, ipsum Johannem (l'appelant) capiendo, in prisione detinendo et
ipsum redimendo ... (loco cit., page 100).
(2) Une étude complète des
efforts faits par les rois d'Angleterre pour obtenir pendant les époques de
paix des adoucissements aux règles et conséquences des appels au Parlement ne
nous paraît pas devoir être abordée ici avec les détails qu'elle comporte;
bornons-nous à proclamer que le roi de France, aidé de son Parlement, faisant
fonctions de Conseil d'Etat, sut maintenir le principe de l'appel et ses
conséquences: comparez les textes suivants empruntés et cités d'après Ch. V.
Langlois: textes relatifs à l'Histoire du Parlement depuis les origines
jusqu'en 1314, et principalement les décisions du Parlement en 1285 à la
Pentecôte (n° LXXXVIII), privilèges accordés à Edouard Ier, en
juillet 1286, relativement aux appellations d'Aquitaine (n° XCVIII); autres
décisions sur le même sujet par le parlement en 1286 (n° XCIX); autres arrêts,
Parlement de la Toussaint 1287 (n° XCIX bis); autres décisions relativement à
certaines grâces en cas d'appels multiples, Parlement de 1288 (n° CI); requêtes
des représentants d'Edouard II à Philippe le Bel au sujet des appellations
d'Aquitaine, avec les réponses du roi de France, vers 1310 (n° CXXVII); et sur
le même sujet, Parlement de la Saint-Martin 1313 (n° CXXX); et rapprochez les
documents publiés aux numéros XCII, XCIII, CIII et CVIII.
p. 439 (161)
roi de France, toutes les
conséquences politiques qui y étaient contenues; ils soutinrent énergiquement
le roi de France dans ses réclamations et furent pour le pouvoir des
auxiliaires très précieux dans la grande lutte de la France contre les Anglais,
lutte qui, grâce au patriotisme de nos populations, aboutit à l'expulsion de
l'Anglais du territoire de France.
Ce principe de la
souveraineté du suzerain devant lequel on pouvait faire appel des décisions,
émanées des juridictions de ses vassaux, il fut un moment où l'Angleterre,
victorieuse de la France, put le méconnaître: c'est à la suite du traité de
Brétigny; par cet acte diplomatique, la France avait abandonné toute
supériorité et ressort sur les territoires possédés par les Anglais en France;
mais sous certaines conditions à remplir par le roi d'Angleterre et qui ne
furent jamais remplies, et, en conséquence, ces conditions une fois remplies,
les appels au Parlement de France contre les décisions des juridictions
anglaises seraient devenus impossibles.
Le roi d'Angleterre, à qui
déplaisait cette dépendance, vis-à-vis du Parlement de France, s'empressa
d'organiser, pour ses sujets de France, une cour souveraine, Curia superioratis Aquitaniae (Rymer, t.
III, part. 2, p. 167); elle siégeait à Saintes, tenait le rôle du Parlement
d'Angleterre et c'était devant elle qu'étaient portés les appels contre les
décisions émanées de la cour ducale de Gascogne.
Mais comme les rois
d'Angleterre n'avaient pas rempli les conditions du traité de Brétigny, les
appels au Parlement de France furent encore possibles, après ce traité (1): ce
fut à la suite d'un appel contre le roi d'Angleterre par le comte d'Armagnac,
et par de nombreux vassaux du roi d'Angleterre, que la guerre se ralluma, et
que les Anglais furent chassés de France. A partir de ce moment, les bastides
furent toutes rattachées
(1) Comp. sur tous ces
points, la désolation des églises et monastères de France pendant la guerre de
Cent Ans, par le père Deniffle, Paris, Picard, 1900.
à la couronne de France,
constituèrent des villes royales, sous la suzeraineté du roi de France;
celui-ci prit l'engagement de ne pas les faire sortir de ses mains; elles
continuèrent à vivre sous leurs chartes confirmées par les rois; les décisions
judiciaires rendues par les bayles et les consuls purent être frappées d'appel
devant le sénéchal et l'appel des décisions des sénéchaux fut porté devant le
Parlement de Paris.
B) Droit criminel des bastides
Un autre point très
remarquable des chartes des bastides est la détermination des délits et des
peines. Ici apparaît la préoccupation de maintenir le bon ordre de la cité;
d'assurer la sécurité des personnes et des choses, de proportionner exactement
la peine à la gravité du méfait, de s'éloigner des peines barbares et d'assurer
à la victime la réparation du préjudice causé (1).
Des dispositions analogues
se rencontrent dans les coutumes de toutes les bastides ou villes neuves;
cependant, suivant les localités, le taux de l'amende varie quelquefois; mais
le système général est identique dans toutes.
Ce point mérite de nous
arrêter un instant, car il a une grande importance pour l'Histoire du Droit
criminel. Tout le monde sait qu'après les invasions barbares, le Droit criminel
en vigueur réalisa, au profit de la victime, le droit de vengeance, droit dont
celle-ci fut exclusivement investie; que le pouvoir dans la suite réglementa
l'exercice de ce droit; mais le droit pénal reposa toujours sur l'idée de
vengeance. Dans ce système et dans ses développements, la peine du talion se
rencontre sou-
(1) La détermination des
peines pécuniaires avait grande importance dans la fondation de villes
nouvelles; car si elles étaient moins élevées que dans les villes voisines, les
habitants de celles-ci s'empressaient de venir habiter la ville nouvelle. Comp.
Ce de Bourgogne qui signale ces conséquences, (Giraud, Essai sur
l'Histoire du Droit Français, t. II, p. 278.)
p. 441 (163)
vent, et, peu à peu, les peines
deviennent arbitraires et revêtent un caractère de cruauté marquée.
Le Droit criminel des
bastides reproduit les principes du droit pénal déjà en vigueur dans les villes
libres; ici, comme dans leurs coutumes, on constate la double conséquence de toute
infraction: une peine, souvent sous forme d'amende pécuniaire, dont l'autorité
avait les profits; la réparation du préjudice causé revenant à la victime.
Les législations modernes,
en présence des faits criminels, ont organisé une double action, l'action
publique et l'action civile. Le ministère public, représentant de l'autorité
publique, exerce la première, en dehors de la victime, comme une prérogative
essentielle et dans un intérêt purement social; ce n'est que pour certains
délits où l'intérêt personnel prime l'intérêt social (diffamation, abus de confiance, adultère) que l'action publique est
subordonnée à une plainte de la victime. Quant à l'action civile, elle
n'appartient qu'à la victime et elle lui assure la réparation du préjudice
causé.
A l'époque des bastides, au
contraire, pour que l'action pénale fût mise en mouvement, on exigeait une
plainte de la victime. C'était un vestige du système de la vengeance privée,
une clamor de la victime était en général indispensable à l'exercice de l'action
pénale; mais, dans quelques cas exceptionnels où l'intérêt général était
engagé, on organisa la poursuite d'office par le magistrat.
Le droit pénal des bastides
est surtout organisé en vue du bon ordre de la cité, pour la protection des
personnes et des choses: la basse justice appartenait aux représentants de la
bastide, et comprenait les infractions peu importantes, la haute justice était
réservée au seigneur, fondateur de la bastide, et, dans nos chartes,il n'est
fait que quelques allusions aux crimes les plus graves dont la répression lui
appartenait exclusivement.
Mais, malgré cette
distinction, les chartes de bastide révèlent l'application des deux principes
base fondamentale des
p. 442 (164)
législations modernes: la
détermination légale des faits punissables et de leurs caractères; la fixation
des peines. Donc, à cette époque et dans nos bastides on pouvait dire: il n'y
aura de délits que si le fait rentre dans les prévisions de la loi pénale; et,
à l'occasion de ce délit, on ne pourra appliquer que la peine portée par la
loi. Ainsi tout arbitraire était rendu impossible de la part des autorités:
c'était la meilleure sauvegarde de la liberté des citoyens.
Ces observations générales
présentées, parcourons les textes qui, dans nos chartes, se rattachent au droit
pénal, et présentons, à leur occasion, quelques observations spéciales, en les
rapprochant d'autres documents de la même époque.
Le coupable devait procurer
à la victime la réparation du préjudice occasionné par l'infraction; mais si
l'auteur du crime restait inconnu, et ne pouvait être découvert, qui fournira
cette réparation? Nos chartes font peser sur les habitants de la bastide dans
leur ensemble une responsabilité commune et générale, rappelant l'ancienne
solidarité de la famille et du village « item,
si arsinae vel alia maleficia facta fuerint occulta in dicta bastida, vel
honore, vel in pertinenciis dicte
bastide, fiet per nos vel locum tenentem nostrum emenda, super hiis (1), prout consulibus
dicte bastide videtur expedire, et dicta emenda levabitur et extorquetur ab
habitatoribus dicte bastide, honoris et pertinentiis ejusdem ad arbitrium
predictorum » (Art. 11, ce de Beaumont du Périgord (2)).
(1) Souvent le texte des
chartes des bastides présente une formule finale un peu différente de celle de
Beaumont: à partir des mots « super hiis » on trouve seulement secundum bona
statuta et bonos usus et approbatos, diocoesis Agenensis
(Villefranche-de-Périgord (1357), Valence, Villeréal et les autres bastides du
territoire de cet évêché. Montchabrier secundum bona statuta et bonos usus
approbatos in commitatu tholosano. Bénevent, secundum bona statuta et bonos
usus approbatos Petragoricencis diocesis, etc: allusion aux in stitutions pour le
maintiens de la paix organisées dans les divers diocèses. Comp. Comm. de
Bordeaux art. 16. p.31 (livre des Coutumes (Archives de la Gironde), in-4°.
(2) Cette responsabilité
des habitants de la bastide se rattache d'une façon certaine aux établissements
de la Paix et des Paissiers, dans les évêchés, comme on peut l'induire des
formules que l'on rencontre dans les chartes des Bastides:
Villefranche-de-Périgord (Ces de 1261.): et si ne peut être trouvé
l'auteur de l'infraction que l'amendent les hommes des paroisses dedans les dex
de Villefranche et de la juridiction et de près (?) suivant l'établissement de
la paix.
p. 443 (165)
Une infraction, rentrant
dans la basse justice, et une plainte ayant été faite par la victime, il
appartenait aux bayle et consuls, de faire faire les recherches et enquêtes
nécessaires pour établir la culpabilité des auteurs. « Et le bayle et les consuls pourront faire inquisition de crysme et mal
faict que sera faict en leur juridiction ou au chemin du peligri ou real, de
toute cause que sia faisable toutefois n'estant cry ou d'homme mort (1) et si
le faict se peult prouver par la dite inquisition qu'en fassent justice comme
le cas méritera, selon le mal faict. » (Ce de 1261, fol. 16.)
Aux agents de la bastide (Bayle et Consuls) appartenait donc
l'instruction criminelle, sur la plainte de la victime: ce qui comprenait
l'arrestation du prévenu, s'il ne pouvait fournir caution de se présenter en
justice; les enquêtes, les interrogatoires pour établir la responsabilité.
Les règles à suivre, dans
cette procédure, ne présentent rien de particulier si ce n'est la volonté de
rompre avec la pratique du duel judiciaire comme moyen de preuve; toutes les
chartes présentent à cet égard une disposition remarquable « Item, quod nullus habitans in dicta bastida
de quocumque crimine appellatus vel accusatus sit, nisi velit, se purgare
teneatur vel deffendere duello, nec cogatur ad duellum faciendum, et si
reffutaverit, non habeatur propter hoc pro convicto, sed appellans.si velit,
probet crimen quod objicit, per testes vel per alias probationes juxta formam
juris. » Beaumont de P. (art. 8), Villefranche de P., Villeréal, Valence.
Ainsi, tant dans l'intérêt
du prévenu que contre lui, on
(1) Ces expressions font
allusion à la compétence exclusive qu'avaient dans ce cas les agents du
seigneur (à l'exclusion des consuls) auxquels revenait l'instruction dans les
faits de haute justice.
répudiait le duel
judiciaire comme moyen légal de preuve; mais il pouvait y recourir, s'il le
voulait, d'accord avec la victime (1); mais, provoqué en duel, le prévenu
pouvait repousser l'offre; il n'en résultait pour lui aucune preuve de
culpabilité; celle-ci ne pouvait résulter que des témoignages et des autres
preuves, suivant les formes du droit.
Nos chartes prévoient comme
délits punissables: les coups et blessures; les outrages et injures;
l'adultère; les menaces avec armes; les vols; les dommages aux champs et
certains délits spéciaux compromettant le bon ordre de la cité.
Les coups et blessures
donnaient lieu à une organisation savante et bien comprise, de nature à
proportionner la peine à l'infraction et à tenir compte des circonstances
pouvant augmenter la culpabilité.
Quiconque frappera ou
molestera un autre avec le poing, la main ou le pied, irato animo, ce qui
implique l'intention criminelle constitutive du délit, s'il n'y a pas sang
versé, sera condamné, si la victime porte plainte, à une amende de cinq sous,
et devra réparer le préjudice occasionné à la victime.
Si dans les mêmes
circonstances, il y a sang versé, l'amende sera portée à vingt sous.
L'usage d'une arme
aggravait la culpabilité et entraînait une élévation de peine: la blessure
faite avec glaive, bâton, pierre ou autre objet, s'il n'y a pas eu sang versé,
donnera lieu à une amende de vingt sous, sur la plainte de la victime.
S'il y a sang versé,
l'amende sera portée à soixante sous, maximum de l'amende de basse justice
(Beaumont, art, 16; Valence, 18; Villefranche, 16; Bénevent, fol. 3; Montcha-
(1) Le duel judiciaire,
condamné par Saint-Louis, resta encore longtemps en vigueur, et à notre époque
on en trouve de fréquentes applications dans notre région. Comp, R. G., t. II.
brier, 17. Beauregard (p.
172); Lalinde, p. 96; Moliéres, p. 417 (le texte présente une lacune).
D'après l'Alfonsine, qu'il
y eût, ou non, sang versé, l'amende était de 60 sous (art. XIII).
Au cas où le coupable ne
pouvait pas payer l'amende, dans beaucoup de coutumes, on remplaçait l'amende
par une peine corporelle. D'après l'article 4 de la Coutume de Belvès, dans ce
cas, le coupable perdait le poing (art. 4); d'après les Coutumes de Bordeaux et
sy no pot paguar, sera mes au pilloureau (art. 39, livre des Coutumes de
Bordeaux, p. 45).
L'assassinat rentrait dans
la Haute Justice: la répression en était réservée au seigneur; c'est le seul
point que nos chartes de bastide rappellent « siquis alium interfecerit et
culpabilis de morte reperiatur ita quod homicida reputetur, per judicem curiae
nostrae puniatur, et bona ipsius nobis sint incursa, solutis tamen primo
debitis suis. » Beaumont, 17; Valence, Montchabrier, Villefranche, Villeréal,
Lalinde, Beauregard, Molières.
La peine était la mort;
suivant le droit commun dans nos régions, elle était administrée, au moyen de
l'ensevelissement du coupable vivant, sous la victime (Comp. art. 21, cout, de
Bordeaux (Livre des Coutumes, p. 215). Cout. d'Agen, eod. loco, p. 236. Cout,
de Belvès, art. 5).
b) Paroles injurieuses et outrageantes
« Item, siquis alicui aliqua convicia, vel opprobria, vel verba
coutumeliosa, irato animo, alteri dixerit et inde fiat clamor a baillivo nostro
in duobus solidis et dimidio pro justicia puniatur et faciet emendam injuriam
passo (1). Et siquis coram ipso bajulo vel in curia domini nostri dixerit dicta
verba, irato animo, in quinque solidis pro justicia puniatur et emendet
injuriam passo. » Sic: Villefranche,
(1) Beauregard arrête son
texte à Et siquis, etc.
18; Valence 20; Villeréal,
20; Montchabrier, 19; Beaumont, 18; Lalinde, Molière.
Les injures par paroles, irato animo, s'il y a plainte de la
victime, donnent lieu à une amende de 2 sous et demi, à titre de peine, avec
obligation de réparer le dommage occasionné.
Dans la plupart des
bastides, la peine était doublée si les injures et outrages se produisaient
devant le bayle ou dans la Cour de justice du seigneur.
A Bénevent, même
disposition, mais les réparations civiles étaient déterminées ad arbitrium proborum virorum, consulis et
bajuli secundum injurie qualitatem (fol. 7, col. 2, r°).
Si, à l'occasion de
l'exercice de ses fonctions, quelque citoyen portait la main sur le consul, à
Bénevent, le coupable était puni ad
arbitrium bajuli et proborum juxta calitatem injuriae et injuriantis potentiam
(fol. 7, col. 2, r°).
« Item, adulter et adultera, si deprehensi fuerint in adulterio, et inde
factus fuerit clamor, vel per homines fide dignos super hoc convicti fuerint
vel injure confessi, quilibet in centum solidis pro justicia puniatur vel nudi
currant villam et sit optio eorumdem ». Sic: Villefranche de P., art. 21;
Villeréal, art. 23; Montflanquin, 23; Valence, art. 23; Montchabrier, art. 22;
Beaumont, art. 20; Lalinde (l.c.); Molières (l.c); Bénevent (l.c.) et
Beauregard (l.c.).
L'époux adultère, homme ou
femme, sur la plainte du conjoint, si les coupables avaient été surpris sur le
fait, ou si l'adultère était établi par des témoins dignes de foi ou par l'aveu
en justice, était puni ainsi que son complice d'une amende de cent sous, avec
option, pour éviter le paiement de l'amende, de courir nus à travers la ville.
La course à travers la
ville, qui avait été antérieurement la peine ordinaire pour l'adultère, seule ou
avec amende (1), allait
(1) Belvès, Cout. (art. 5).
devenir rare, puisque les
coupables pouvaient, à leur choix, en éviter l'application, par le paiement
d'une amende.
Le droit pénal s'épurait
ainsi et abandonnait la pratique de peines dégradantes et humiliantes, et dont
l'effet préventif est très douteux: les coupables espérant toujours n'être pas
surpris, et partant, échapper à la peine.
d) Menaces avec armes tranchantes
« Item, qui gladium emolutum contra alium, irato animo, traxerit, in
decem solidis pro justicia puniatur et emendam faciat injuriam passo ».
Sic: Villefranche de P., art. 22; Beaumont, 21; Valence, 24; Villeréal;
Montftanquin; Lalinde; Molière; Beauregard; Montchabrier, 23. Comp. Alfonsine
(art. 23), amende de soixante sous.
Ainsi, la menace avec arme
tranchante était un délit spécial, puni de dix sous d'amende, à titre de peine,
et avec obligation de réparer le dommage occasionné.
e) Vols et rapines; dommages
aux champs
La répression des vols
présente dans nos chartes des dispositions très remarquables. Les vols d'objets
de peu de valeur sont punis de peines légères; si la chose volée est de grande
valeur, les peines sont aggravées.
Dans les législations
modernes, le vol est puni des mêmes peines, abstraction faite de la valeur de
la chose volée; il est vrai, le juge, grâce aux circonstances atténuantes, peut
faire mouvoir la peine entre un maximum et un minimum, et la proportionner à la
valeur de l'objet; mais ne faut il pas ici craindre l'arbitraire du juge?
Quoiqu'il en soit, le système répressif, suivi dans nos bastides, n'en est pas
moins très digne d'attention.
« Item
quicumque aliquid valens quinque solidos vel infra, Die vel nocte, furatus
fuerit, currat villam cum
p. 448 (170)
furto ad collum suspenso, et in quinque solidis pro
justitia puniatur, et restituat furtum cui fuerit, excepto furto fructuum, de
quo fiet ut inferius continetur.
Et qui rem valentem ultra quinque solidos furatus
fuerit prima vice signetur et in sexaginta solidis pro justitia puniatur; et si
signatus sit per judicium curiae dicti domini modo debito puniatur; et si pro
furto quis suspendatur decem librae si bona valeant solutis debitis primo,
Dicto Domino nostro pro justitia puniatur et residuum sit heredibus suspensi. »
Si le vol porte sur un
objet de cinq sous ou au-dessous, fait de jour ou de nuit, le voleur devra
courir à travers la ville, l'objet volé attaché à son cou (1). En outre, il
devra payer une amende de cinq sous: la victime aura droit à la restitution de
l'objet.
Ces règles ne s'appliquent
pas au vol de récoltes; ceux-ci restent soumis à des dispositions pénales
rappelées plus bas.
Si la chose volée a une
valeur supérieure à cinq sous (2), le voleur devra payer une amende de soixante
sous. En outre, si c'est le premier vol par lui commis, le coupable sera marqué
au fer chaud; et s'il a été marqué pour vols antérieurs, il sera pendu. Dans ce
cas, le seigneur aura à prendre sur ses biens, après le paiement de ses dettes,
dix livres, et le surplus sera
(1) Bénevent (fol. 13, col.
1, r°) dans les usages empruntés à Ste-Foy-la-Grande, et probablement suivis
dans toutes les bastides ajoute: Si aliquis curat villam... Piece debet
antecedere et clamare: PERSONA ISTA CURRIT VILLAM VEL DAMNATUS TALI CAUSA,
exprimendo causam illam, ET QUI TALEM FACIET, TALEM ACCIPIET, et pro officia
suo habebit duodecim denarios a damnato tantum.
(2) Nous reproduisons le
texte de Villefranche (art. 23) que l'on retrouve dans les chartes des autres
bastides, en faisant remarquer que la plupart de ces chartes supposent, au
premier cas, que la chose volée vaut deux sous et au-dessous, et au second cas,
qu'elle vaut cinq sous ou au-dessus: les deux termes de l'alternative ne
correspondent plus (sic Villeréal, 25; Montchabrier, 24; Valence, 25;
Beauregard, p. 173), Lalinde (p. 97), Molières (p. 118)
Peut-être peut-on supposer
une modification dans la législation aggravant la pénalité et les textes n'ont
pas été mis en rapport avec ce changement d'une manière suffisante.
p. 449 (171)
recueilli par ses
héritiers. La connaissance de ce dernier vol appartenait à la justice
seigueuriale (curia Domini).
De ces dispositions, nous
pouvons rapprocher l'article 20 (Villefranche de P.) suivant lequel celui qui
s'était soustrait par fraude au droit de transit ou entrée, leuda, encourait une amende de dix sous
et devait payer l'impôt auquel il avait voulu se soustraire.
« Item quicumque Leudam furatus
fuerit, in decem solidis pro justicia puniatur. » (Villef., 20; Valence, 22; Montchabrier, 21;
Villeréal, 22; cette disposition manque à Lalinde, à Molière, à Beauregard, et
à Beaumont.) L'Alfonsine punissait le fraudeur de sept sous seulement et
imposait au fraudeur la restitution du droit de leude. (art 21).
A Bénevent, la disposition
présente plus d'importance et un intérêt particulier au Périgord: item quicumque vendas et padagia furatus
fuerit seu retinuerit, puniatur secundum antiquos usus et consuetudines Castri
Montis pavonis (fol. 5, col. 1).
Certaines circonstances
déterminées et prévues par la Loi deviennent des circonstances aggravantes, et
font augmenter l'amende; par exemple le vol, ou la destruction, d'une chose
saisie ou placée sous la sauvegarde du seigneur (Bannum), était puni d'une amende plus forte, et variant suivant les
localités, de vingt sous à Beaumont et à Molières, de trente à Villefranche,
Lalinde, Beauregard, Valence, etc. D'après l'Alfonsine, cette amende s'élevait,
dans ces cas, à soixante sous. Item
quicumque bannum nostrum, vel baillivi nostri fregerit, vel Pignus factum ob
rem judicatam sibi abstulerit, in viginti (Beaumont) solidis pro justitia puniatur.
Les dommages aux champs et
aux récoltes sont réprimés par des dispositions empruntées à d'anciens
règlements: ces dispositions furent dans la suite acceptées par les bastides.
La charte de 1261, pour
Villefranche-du-Périgord, renvoie aux règlements suivis à Montflanquin: ces
règles devinrent le droit commun des bastides; en voici l'économie:
p. 450 (172)
Si quelqu'un entre de jour,
dans des jardins, vignes, ou prés (Valence ajoute champs de blé) et qu'il y
prenne des fruits, du foin, de la paille, du bois, de la valeur de 12 deniers
et au dessous et cela sans l'autorisation du propriétaire, et après que défense
de ce faire ait été publiée par le sergent de ville (proclamation qui est
renouvelée chaque année), le coupable sera condamné à 2 sous et demi d'amende:
les consuls en appliqueront les produits aux besoins de la ville (réparation
des rues, puits et fontaines et autres objets publics de la cité).
Et si les choses enlevées
présentaient une valeur supérieure à 12 deniers, le coupable encourait une
amende de 10 sous; et si le vol avait eu lieu la nuit, l'amende était élevée à trente
sous (1) et dans tous les cas réparation du dommage était due à la victime.
Des dispositions analogues
se retrouvent dans l'Alfonsine; mais l'amende est plus forte; on peut
rapprocher sur ce point les dispositions des chartes de Bourges et Dun (Giry et
Lavisse) art. 15, 16, 17, suivant lesquelles, en outre de l'amende on coupait
l'oreille au coupable. A Saint-Antonin (a. 1144) (Teulet, t. I, n°86), l'amende
était de 12 deniers, et si le coupable ne pouvait payer ni l'amende, ni la
réparation, on le marquait au fer rouge (signetur
in facie cum ferra callido) et s'il retombait dans la même faute, nous
dirions aujourd'hui, en cas de récidive, il subissait l'amputation du pied (et si incorrigibilis fuerit, et postea, in furto
consimili fuerit deprehensus faciemus ei pedem ejus amputari.) La
supériorité en ce point appartient évidemment aux chartes de bastide, suivant
lesquelles la répression est très judicieusement assurée, sans recours à des
peines barbares et exagérées.
Quelques bastides
présentent sur ce point quelques particu-
(1) Villefranche du
Périgord, 23; Beaumont, 23; Valence, 26; Montchabrier, 25; Villeréal, 26;
Beauregard, Lalinde, Molière (Sic: Bénevent, fol. 3, 2e col.) Au cas
de dommage la nuit, l'Alfonsine appliquait l'amende de 60 sous; et au delà de
XII deniers 7 sous, et 3 sous au-dessous de cette valeur.
p. 451 (173)
larités: ainsi à Bénevent
(fol. 7, col. 2), celui qui prend des fruits, du bois, de la paille ou du foin,
dans un champ, sans l'assentiment du maître encourt l'amende, à moins que les
fruits ne fussent pendants par branches tombant sur le champ du voisin, ou sur
un chemin public et, dans ce cas, ni l'homme, ni l'animal qui les prend ne font
encourir l'amende (1).
Pour les dommages faits aux
récoltes dans les champs par les animaux, on en assurait la répression et la
réparation par des dispositions qui se retrouvent dans toutes les bastides,
mais avec quelques différences dans les détails; voici ces dispositions:
Si un boeuf, une vache ou quelque
gros animal entre dans les jardins, vignes ou prés d'un particulier, le maître
de l'animal paiera aux consuls de la bastide, soit trois, soit six deniers,
suivant les bastides (2); pour porc ou truie trois deniers par animal (3); et
pour deux brebis, chèvres ou boucs, le maître paiera un denier aux consuls de
la bastide; et en outre, dans tous les cas, le maître des animaux paiera le
dommage fait (4); à Bénevent, le propriétaire du champ sera cru sur son
serment, sans avoir à prouver autrement l'entrée des animaux (5).
Rapprochons de ces textes,
pour Villefranche du Périgord, une disposition des coutumes de 1261 (fol. 20):
« qui couppera vignes ou bleds, ou y mettra le feu, ou murtrira la beste
(1) Une disposition
analogue résulte actuellement de l'article 673 du code civil et n'a été
introduite que par la loi du 20 août 1880.
(2) Six à Villefranche,
Valence, Villeréal, Montchabrier, Bénevent; trois à Beaumont, à Lalinde, à
Beauregard, à Molières.
(3) Cest le taux ordinaire
dans les bastides; exceptionellement à Villefranche, l'amende était de six
deniers.
(4) Dans d'autres régions,
on avait appliqué des dispositions plus sévères; à Bourges et Dun-le-roi (loco
cit.) art. 19: si les porcs étaient trouvés dans des vignes, quamdiu fructus in
eis erit, ou dans des prés fodiendo, ils étaient tués, la moitié revenait au
propriétaire de la vigne ou du pré; l'autre moitié au propriétaîre de l'animal
(art. 20), si le porc était trouvé dans un pré non fodiendo l'herbe non encore
coupée, le propriétaire devait payer 4 deniers; pour tout animal entrant dans
les jardins, vignes et prés, 4 deniers par animal, etc. (5) Fol. 7, col. 2, r°.
p. 452 (174)
d'aultruy, ou couppera une
jambe du bestial d'aultruy, ou versera, ou gastera le vin d'aultruy, ou faira
aultre malfaicture cachée, en desrobant, ou en autre manière à cachette, qu'en
soit faicte loyalle inquisition, am tot homme ou femme, par le bayle et par le
conseil et qui l'aura faict, que l'esmande de payer au double, et que le bayle
et conseilh fassent telle justice du corps de malfaicteur, comme sera de faire
à leur esgard, selon le crysme et mal faict, sa femme et ses dettes payées, que
lui coste soixante-cinq sous caorcens de justice (1), moitié au bayle, moitié
aux consuls... » ces dispositions étaient suivies et se combinaient avec la
charte de 1357.
En outre, il y avait une
foule de délits spéciaux, prévus et réprimés, dans le but de maintenir le bon
ordre dans la cité, d'y assurer la sécurité des opérations commerciales, leur
exécution et leur loyauté, nous les retrouverons en étudiant les marchés.
Si nous jetons un coup
d'oeil d'ensemble sur le Droit pénal des bastides, on y rencontre un Droit
pénal en pleine transformation.
Il se distingue du Droit
pénal admis jusqu'ici par les villes libres; là nous trouvons en vigueur
l'amende de 60 sous, peine qui nous vient du Droit mérovingien, et qui paraît
être la répression des crimes contre la chose publique ou les ordres de
l'autorité: c'est l'amende royale, que les capitulaires des rois carlovingiens
avaient généralisée et que nous trouvons au nord comme au midi.
À Lorris, et dans les
coutumes qui en dérivent, l'amende de 60 sous fut réduite à 5 sous et celle de
5 sous à 12 deniers (art. 7. Cout. de Lorris (2)); ainsi par cette
classification les infractions de la basse justice formèrent deux grandes
catégories: les plus graves punies de 5 sous, les moins graves de 12 deniers;
et cela constitua un grand progrès sur la législation antérieure.
(1) Le sou caorcens valait
la moitié du sou tournois
(2) Prou; Propagation des
coutumes de Lorris (Nouvelle Revue Histor. de Droit franç. et étranger, année
1884, t. VIII).
p. 453 (175)
Dans nos bastides, le
système est différent: les infractions sont punies d'amendes différentes, suivant
leur gravité, les circonstances du fait, la situation du délinquant; pour les
infractions de basse justice, l'amende reste la peine ordinairement appliquée;
mais pour en apprécier le taux, il faut tenir grand compte de la valeur des
monnaies dans lesquelles était fixée, sous caorcens, ou tournois, ou autres.
La répression des crimes et
délits graves restait au seigneur et les bastides ne contiennent pas de
dispositions sur ce point.
Cependant nos textes nous
révèlent quelquefois des pratiques se rattachant à d'anciens usages: par
example, en vue de la protection de la maison:
« qui rompra la maison
d'aultruy de nuict et qui y entrera de nuyct sans la vollonté du seigneur de la
maison, que le dict seigneur de ladite maison et la famille le prennent s'ils
peuvent, et que le rendent au bayle et que lui coste soixante cinq sous
caorcens de justice, moytié au seigneur et l'autre moytié au conseil des
Consuls.
Et sy le malfaiteur ne se
laisse prendre et que le maistre de la maison, ny sa famille ne le puissent
prendre, le blessent dans icelle mason ou dans la clausture d'icelle y faisant
la malfacture, et sur le faict, que ne soient tenus en rien pour la dite
blessure, toutes fois les maistres de la maison doibvent crier à l'ayde! au
larron! tant qu'ils pourront et le baille et consuls pourront faire
inquisition... (Ce de 1261, Villefranche de Périgord, fol. 15 et
16).
En rapprochant ce texte des
passages des usages de Bénevent (1) et des articles de la Coutume de Bordeaux
(2), on voit que
(1) Ces usages complémentaires
des coutumes ont été empruntés à Ste Foy la Grande. « Item pro clamatione
biafora nullum gacgium debetur per clamantem vel per illum cui clamatur. Item
exiens et veniens ad clamorem vel a la biafora potest arma ferreeundo et
redeundo sine gacgio aliquo (Bénev., loco cit., fol. II, v°).
(2) Art. 32 (p. 40), art.
55 (p. 59), art. 134 (p. 107), art. 226 (p. 173), art. 27 des usages de
Bordeaux (11 août 1336), p. 323 (Cout. de Bordeaux, édit. de la ville).
p. 454 (176)
s'étaient conservés dans le
Droit criminel de notre contrée, au XIVe siècle, des principes
empruntés aux lois barbares et qu'avaient développés les jurisconsultes
normands sous le nom de clameur de Haro
(1).
Crida biafora,
c'est, d'après le dictionnaire de Mistral, donner l'alarme, crier au meurtre,
appeler au secours; cette expression, tombée en désuétude dans l'usage courant,
est encore employée par les poètes provençaux.
Il résulte des textes de la
Coutume de Bordeaux et de ceux que nous avons cités qu'au cas d'attaque de la
maison, de dommages aux champs, en criant biafora
on pouvait se rendre justice à soi-même, frapper le délinquant qu'on ne pouvait
arrêter; si on pouvait l'arrêter, on le remettait au magistrat qui commençait
immédiatement l'information et assurait l'application de la peine.
En outre le cri de biafora et la poursuite qui en était la
conséquence, autorisait à sortir armé; et tous les voisins étaient légalement
tenus de venir à votre aide, pour poursuivre le coupable. Ce sont là les seules
conséquences du cri de biafora; elles
se produisaient en matière criminelle seulement et n'ont exercé aucune
influence, à la différence de la clameur
de Haro en Normandie, sur le développement de certaines procédures civiles.
Comme nous l'avons fait
remarquer plus haut, dans nos chartes on ne réglemente en général que la basse
justice, délits peu importants et contraventions de police, le seigneur
fondateur de la bastide s'était réservé la haute justice dans laquelle
rentraient les crimes graves; dans quelques dispositions, il y est fait
allusion, nous avons mentionné plus haut l'assassinat, l'adultère, la Coutume
de Villefranche de 1261 prévoit le viol « qui
participera avec femme pucelle ou avec
(1) Comp. sur ce point
Glasson, Nouvelle Revue historiq. de Droit franç. et étr., année 1882, p. 397
et p. 517. Etablissements de saint Louis, t. I, p. 188, v° 4, (cri), (édit. de
Viollet) et autorités citées.
femme qui ne soit point pucelle, ny mariée, que la
préigne pour femme, si est à luy convenable; et si ne luy convient, ou l'un à
l'autre, que luy donne mary à son voulloir au regard et cognaissance du baeyle
et du conseil et que ne soit tenu luy payer autre chose; et si ainsy ne le
faict, que l'on lui tire les coullons par justice, ses debtes payées et que le
seigneur en ait 65 sous par justice, sy la femme s'en est plaincte au bayle ou
au Conseil, toutes fois que premièrement soit faicte amende de ses biens à la
femme plaignante au regard du bayle et du Conseil et qui participera avec femme
mariée qui perde les coullons et que de ses biens soit faite amende à icelle
femme au regard du bayle et du Conseilh
(fol. 16 in fine et folio 17; comp. art. 9, Cout. de Belvès et les références y
citées). »
C) Procédure civile; organisation
du notariat
Dans les chartes de
Bastides se rencontrent quelques articles relatifs à la procédure; non pas
qu'on ait eu l'intention de formuler un code complet, mais tout au moins a-t-on
voulu poser quelques principes.
Le seigneur suzerain, à la fondation
de la bastide, avait conservé pour lui l'exercice de la haute justice,
n'abandonnant aux consuls que la basse justice, et les droits pécuniaires,
amendes, etc., qui en résultaient, formaient pour le seigneur et pour les
consuls une de leurs ressources les plus importantes.
Or, nous savons que dans
cette branche de l'administration publique de graves abus s'étaient introduits:
les enquêtes ordonnées par saint Louis et par Alfonse de Poitiers, pour leurs
possessions respectives, avaient révélé le mauvais état des choses; par elles
on savait que les frais de justice étaient très élevés (Enq. ch. 162), que les
juges faisaient payer leurs gages jour par jour (Enq. ch. 166), que les dépens
de cour
p. 456 (178)
étaient exigés par les
officiers judiciaires pendant le cours du procès et souvent après chaque acte
de procédure (1).
En organisant les bastides,
les fondateurs avaient voulu les protéger contre le retour de semblables abus;
de là des règles que rappellent toutes nos chartes et dont nous avons à présenter
l'analyse.
Toute action relative à une
dette ou à une convention et qui aura été reconnue fondée à la première
comparution du débiteur, et s'il n'a pas été rendu de jugement, ne donnera lieu
à la perception d'aucun droit de justice, mais le bayle fera payer ou executer
la convention dans les neuf jours de la comparution; si non, le débiteur en
retard d'exécuter payera deux sous et demi d'amende. (Beaumont, 25;
Montchabrier, 29; Villefranche du P., 26; Valence, 28; Villeréal, 28; Bénevent
(fol. 4, col. 1, r°); Lalinde, p. 99; Beauregard, p. 173; Molières, p. 418,
etc.)
Toute action en justice,
quel que soit l'objet du débat, avec demande de jugement, donne lieu à une
amende de cinq sous pour la partie qui succombe, et le paiement a lieu après le
prononcé de la sentence (Beaumont, 20; Montchabrier, 30; Villefranche du P.,
27; Valence, 29; Villeréal, 29; Bénevent (col. 1, r°, fol. 4); Lalinde, p. 99;
Molières, p. 418; Beauregard, p. 173, etc. Comp. l'Alfonsine: Riom, 27;
Salmeranges, 27 (O.R.F., t. XII, ...).
Tout défaillant au jour
fixé par le juge devra l'amende de deux sous et demi: les frais exposés par
l'adversaire sont mis à la charge du défaillant. (Beaumont, 27; Villefranche du
P., 28; Valence, 30; Villeréal, 30; Montchabrier, 31; Bénevent (fol. 4, col 1,
r°); Lalinde, p. 99; Beauregard, p. 173; Molières, p. 419, etc.)
Le bayle ne peut recevoir
les droits de justice et les amendes
(1) Saint Louis avait fait
disparaître cet abus, contraire aux coutumes du Midi, dans la sénéchaussée de
Beaucaire (Priv. de Beaucaire, Enq. ch. 44: Histoire du Languedoc, t. VIII,
col. 1337).
p. 457 (179)
qu'après la sentence rendue
et exécutée au profit du gagnant. (Beaumont, 28; Villefranche, 29; Valence, 31;
Montchabrier, 32; Villeréal, 31; Bénevent (fol. 4, col. 1, r°). Lalinde, p. 99;
Beauregard, p. 174; Molières, p. 418.)
En matière immobilière,
celui qui perdra le procès payera cinq sous d'amende et remboursera à la partie
gagnante les dépens faits par celle-ci. (Beaumont, 29; Villefranche du P., 30;
Valence, Villeréal, 32; Montchabrier, 23; Bénevent (fol. 4, col. 1, r°);
Lalinde, p. 99; Beauregard, p. 174; Molières, p. 418.)
Enfin, en toute matière,
quel que soit l'objet du litige, si le demandeur ne peut faire la preuve de sa
prétention, il devra payer une amende de cinq sous et sera condamné aux dépens
faits par l'adversaire (Beaumont, 30; Villefranche, 31; Valence, 33;
Montchabrier, 34; Bénevent (fol. 4, col, 1, r°), Lalinde, p. 99; Beauregard, p.
174.)
Telles sont les règles que
formulent les dispositions de nos chartes; elles ont pour but principal de
faire disparaître les graves abus qui avaient été signalés dans
l'administration de la justice, mais elles laissent sans les résoudre les
questions les plus graves. Auprès de toutes les cours de justice, fonctionnaient,
dans l'intérêt des parties, des officiers de justice; leur rémunération
était-elle laissée à la libre convention des parties, ou bien était-elle
réglemntée? Comment fonctionnait l'appel? Tous ces points sont laissés dans
l'ombre.
Nous avons eu, antérieurement,
à constater certaines dispositions particulières à quelques bastides et aux
privilèges existant à leur profit; nous n'avons pas à revenir sur ces points.
Quant aux formes des actes
à faire, aux remunérations dues aux agents qui avaient qualité pour les
dresser, les chartes des bastides sont muettes. Ces points faisaient l'objet,
soit de règlements particuliers, soit d'usages spéciaux. A cet égard, la
Coutume de Bénevent, dans sa seconde partie, concédée en 1309 par le comte de
Périgord et étendant à cette bastide les usages de Sainte-Foy la Grande, tels
ces usages qu'ils avaient été cons-
p. 458 (180)
tatés en 1305, par les
consuls de Bénevent envoyés en mission à Sainte-Foy pour colliger ces usages, cette
charte de Bénevent présente une compilation complète de tous les règlements
relatifs à la procédure proprement dite et nous donne des usages qui devaient
être suivis dans la plupart des bastides, circonstance qui augmente l'intérêt
de ce document (1).
Les parties, pour prévenir
les difficultés et les contestations auxquelles pouvaient donner lieu les
conventions dans lesquelles elles figuraient, devaient s'en procurer une preuve
écrite. A l'origine de nos agglomérations, les consuls dressaient eux-mêmes, à
la demande des parties, les actes écrits pour former preuve des conventions
intervenues; nous avons relaté un exemple de ces fonctions à l'occasion de la
bastide de Beaulieu, près Puy-Guilhem (voir ci-dessus, ch. I, p. 65); les
Coutumes de Villefranche du Périgord font allusion à cette partie des fonctions
consulaires (2), mais bientôt les affaires devenant plus actives, cet usage
tomba en désuétude, et, dans chaque bastide furent institués, en titre d'office
de notaires municipaux, des fonctionnaires chargés de dresser acte des
conventions des parties.
Ces notaires municipaux
établis dans chacune de nos bastides relèvent de la municipalité; leurs actes
avaient la même autorité et la même force probante que les actes dressés par
les notaires royaux ou seigneuriaux.
Les chartes de nos bastides
sont formelles sur ce point et sont ainsi conformes à l'opinion qui avait
triomphé, de donner une autorité égale aux actes notariés, en quelque lieu et
par quelque notaire (royal, seigneurial ou municipal) que les actes eussent été
dressés.
Alfonse de Poitiers
lui-même avait protesté contre la pré-
(1) Archives de Pau, E. 698
I.A./619.
(2) Et que aulcune lettre
ne soit scellée avec le sceau commun, si au sceller ne y a deux ou plus des
dits consuls, sy la cause vault plus de vingt souls, Fol. 11 (1261).
tention émise à Toulouse de
n'admettre comme preuve valable que les actes dressés par les notaires de cette
ville; il avait proclamé le principe d'une énergie égale pour tous les actes
notariés, en quelque localité qu'ils eussent été dressés (1): ce fut le droit
de nos bastides.
Chaque bastide, dans la
pensée de ses fondateurs, devait devenir un centre commercial: il fallait, dans
ce but, faciliter les transports des marchandises et assurer la sécurité des
commerçants et la loyauté des opérations commerciales; plusieurs des
dispositions des chartes des bastides se rapportent à cet ordre d'idées; en
voici l'analyse.
Conformément aux traditions
romaines, l'autorité supérieure avait réservé pour elle le droit d'autoriser
les foires et marchés (2), et à, toutes les époques nous trouvons des décisions
de cette nature.
Mais en même temps, au
moment de la concession de la charte de fondation, l'autorité supérieure avait
déterminé les jours de marché (3) et de foire (4).
(1) Lettres d'Alf. de
Poitiers, Corresp. admin., t. II, app. page 607.
(2) Par une lettre
d'Alfonse de Poitiers (15 décembre 1268, n° 2085, Corresp. admin., etc.) fut
autorisé à Moissac un marché pour la fête de Saint-Martin; et Alfonse mande au
sénéchal d'Agen et de Quercy, de faire publier cette décision, à la requête des
consuls dans les principales localités de leurs sénéchaussées.
(3) A
Villefranche-du-Périgord, le marché devait se tenir le jeudi de chaque semaine
(chartes de 1261 et de 1357, art. 32); à Valence-d'Agen, le jeudi, art. 34; à
Montcabrier, le samedi de chaque semaine, art. 35; à Lalinde, le mardi (p. 99),
à Villeréal, le samedi, art. 34; à Beaumont, le mardi, art. 31; à Bénevent, le
mercredi (fol. 4 r°); à Molières, le mercredi (p. 418); à Beauregard, le
mercredi (p. 174).
(4) Les foires se tenaient
aux jours déterminés par l'autorité supérieure (terminis assignatis) diront
certaines chartes: Beaumont, art. 32; Bénevent (fol, 4 v°); Lalinde (p. 100);
Molières (p. 419); Villeréal, art. 35; Valence, art. 35, etc.; d'autres chartes
en détermineront le jour: à Beauregard, à chaque fête de la Vierge, la veille
et le lendemain; à chaque fête du bienheureux saint Front, au mois d'octobre,
la veille et le lendemain; le mardi qui suivra la fête de la Pentecôte. (A
Villefranche-de-Périgord, art. 33; à Montchabrier, art. 41.)
p. 460 (182)
La foire et le marché
institués par l'autorité supérieure, il appartenait à l'autorité municipale d'en
assurer la réglementation: celle-ci avait pour objet de faciliter les
approvisionnements, d'empêcher les accaparements, d'assurer la bonne qualité
des marchandises; toutes mesures qui paraissaient indispensables à assurer le
bien-être des habitants. Si la réglementation offrait partout l'application des
mêmes principes, dans le détail, la réglementation pouvait varier de formules,
suivant les localités: à Villefranche-du-Périgord (fol, 36, charte de 1261), on
prescrivait que « toute viande de Mazel
feust vendue au Mazel ou boucherie, en la place de Villefranche aux bancs »,
on fixait les droits à percevoir suivant la nature de la viande et pour la
location des bancs, « et aulcung ne
vendra dans les bancs de Villefranche aulcune chair ladre ni milhargouse
d'aulcune beste; que ne soict ni chair de bouc, ni de chèvre, ni de truie et
fust morte de bonne mort et que aulcune boucherie ne baille la chair à aulcune
personne pour aultre que la dite viande » sous la sanction d'une amende de
vingt sous d'amende et de réparation du préjudice causé.
La charte de Bénevent,
suivant les usages empruntés à Sainte-Foy-la-Grande, contient sur ce point une
réglementation complète et détaillée (1).
(1) (Rubrique en rouge). De
banchiis et de obliis. Item de quolibet bancho sito infra macellos habebimus
tamen octo solidos obliarum in festo Beati Johannis Baptiste et quatuor solidos
de Acaptamento in mutatione domini, et carnifices faciant domum supra macellos
et reparent quociens opus fuerit et de quolibet vacca vel bove qui occidetur ad
vendendum dabuntur nobis duo denarii; de porco vel sue unus denarius; de ariete
vel capra, ove vel yrco unus obolus.
R. Quas carnes debent
vendere carnifices in villa (en rouge). Item Macellarii carnes lepra infectas,
vel suem, vel ovem, vel Hyrcum et alias pravas carnes non debent vendere infra
Macellos communes vel alibi, quod si fecerint in duobus solidis et dimidio
nobis pro justicia puniantur, et carnes que tales visse fuerint canibus projiciantur
vel etiam comburantur.
Et carnifices vel alii non
debent vendere carnes recentes et bonas, nisi infra Macellos, nec de nocte
(exceptis carnibus silvestris et agnis et edulis et volabilibus et piscibus
salsatis quos licebit, ubi voluerint vendere) quod si fecerint in duobus
solidis et dimidio nobis pro justitia puniantur.
p. 461 (183)
Mais les dispositions de
cette nature restèrent dans le domaine des règlements municipaux, dressés par
les consuls; elles varièrent dans leurs détails suivant les localités; les
chartes des bastides ne contiennent en général aucune disposition sur ce point;
mais partout au moins a-t-on stipulé que les choses destinées à l'alimentation
ne puissent être vendues qu'au marché où l'on est obligé de les apporter, sous
peine d'amende à payer par le vendeur et l'acquéreur, à moins que le
contrevenant, étranger au pays, ne connût pas cette réglementation (1).
Pour assurer
l'approvisionnement des marchés, on limitait le droit de leude ou transit que
les marchands avaient à payer. Sans entrer dans les détails, on peut remarquer
que les droits étaient peu élevés; les tarifs étaient établis partout suivant
les mêmes principes, atteignaient les marchands et les marchandises venant du
dehors, d'où résultait une protection pour le territoire de la bastide. A un
autre point de vue, ces listes de marchandises sont intéressantes, elles nous
montrent l'état du commerce à notre époque (2).
(1) Item res comestibilis
de foris apportata ad vendendum, vel dum aportetur de infra dimidiam leucam ad
vendendum non vendatur, nisi prius ad plateam dicte ville fuerit apportata, et
si quis contra fecerit, emptor et venditor quilibet in duobus solidis et
dimidio pro justitia puniatur, nisi esset extraneus qui probabiliter dictam
consuetudinem ignoraret. (Villefranche, 15; Valence, 17; Montchabrier, 16;
Villeréal, 17; Beaumont, 15; Lalinde, (p. 96); Benevent, (fol. 3); Beauregard,
(p. 172). (Manque à Molières )
(2) Ces dispositions se
rencontrent dans toutes les chartes de bastides et, dans les mêmes termes; grâce
à cette circonstance, en comparant les manuscrits et les leçons diverses, on
arrive à rectifier les erreurs commises par les premiers éditeurs de ces
textes. Comp. Villefranche du Périgord (1357), art. 32; Beaumont, art. 31;
Montchabrier, art. 35; Valence d'Agen, art. 34, Molières (p. 418); Lalinde, (p.
99); Villerêal, art. 34); Bénevent, fol. 4, r° col. I; Beauregard (p. 174).
Nous donnons l'article des
cout. de Villeréal, d'après les ROLES GASCONS, t.1, (1108). « Item, mercatum
dicte bastide debet fieri in die sabbati; et, si bos vel vacca, porcus vel sus
unius anni et supra venditur ab extraneo in die fori, dabit venditor unum
denarium nobis pro leuda; et de asino vel asina, equo vel equa, mulo vel mula
unius anni et supra, dabit venditor extraneus nobis duos denarios pro leuda; si
infra, nichil; et de ariete, ove, capra vel hirco, unum obolum; de summata
bladi, unum denarium; de sextario, unum denarium; de emina, unum obolum pro
leuda et pro mensuragio; de quarterio nichil dabit; de onere hominis vitrorum,
unum denarium aut unum vitrum valens unum denarium; de summata corriorum
grossorum, duos denarios, de honere hominis aut de uno corrio grosso, unum
denarium; de summata ferri, pannorum laneorum, duos denarios; de sotularibus,
de claderiis, anderiis, patellis, essatis, pairoliis cultellis, falxibus,
sarpis, piscibus salsatis et rebus consimilibus, dabit venditor extraneus in
die foris pro leuda et pro intragio duos denarios; de summata et de onere
hominis rerum predictarum et consimilium, unum denarium; de summata urnarum vel
canarum, unum denarium; de onere hominis, unum obolum. »
p. 462 (184)
Bientôt, dans les bastides,
la réglementation des marchés reconnue aux consuls prit un caractère tout
différent, et les consuls arrivèrent à vouloir le prix auquel les choses
nécessaires à la vie devaient être vendues et en vinrent à établir une taxe
pour les choses mises en vente (1); mais nos bastides paraissent être restées
toujours en dehors de ce régime, du moins à notre période.
Le marché était organisé en
vue de l'approvisionnement de la cité: c'étaient les propriétaires de la région
qui apportaient leurs produits, et on les frappait d'un droit d'entrée.
Les foires attiraient les
marchands de l'extérieur; ils venaient faire concurrence à ceux de la localité,
et malgré cela on les attirait à ces foires, pour en augmenter l'importance;
ceux qui arrivaient avec un ou plusieurs ballots (troscellum) payaient 4 deniers pour droit d'entrée et sortie, pour
droit de place et de vente; pour les colporteurs un denier, quelque chose qu'il
portât, et pour les choses achetées pour le service de la famille, l'acheteur
n'avait rien à payer (2). Toutes mesures
(1) Comp. art. 16, 17, 18,
19, Charte de Marziac au diocèse d'Auch, bastide fondée par noble seigneur
Guichard de Marziac, chevalier de l'illustrissime roi de France et son sénéchal
pour le Toulousain et l'Albigeois, qui lui donna des coutumes confirmées par
Philippe IV dit le Bel (Paris, juillet 1300 (O.R.F. t. XII, p. 341). Ces
dispositions se retrouvent à Peyrouse (décembre 1303), à Tournay (1307), loco
citato, p. 368.
(2) Bénevent, fol. 4 v°;
Beaumont, 32; Villefranche de Périgord, 33; Beauregard, p. 174; Lalinde, p.
100; Molières (p. 419); Montchabrier (art. 41); Villeréal (art. 35); Valence
(art. 35), etc.
p. 463 (185)
de nature à assurer la
fréquentation de la foire aux marchands étrangers et d'attirer là de grandes
foules.
Pour la loyauté des
opérations commerciales, chaque bastide avait des mesures et des poids; à
l'Hôtel de ville on gardait les étalons, auxquels les mesures et les poids
appartenant aux particuliers devaient être conformes; tous devaient être
marqués des armes du seigneur et de la ville (1); les officiers municipaux
veillaient à ce que l'on ne se servît que de mesures et de poids loyaux.
Dans toutes nos bastides,
on punissait d'une amende de soixante sous tout détenteur de faux poids, de
fausse mesure et de fausse aulne; en outre, les faux poids et mesures étaient
confisqués ou brûlés (2).
L'amende de soixante sous
était une amende très élevée et on avait dû y recourir pour ramener tout le
monde à la pratique de la loyauté commerciale (3).
Enfin, par des mesures
spéciales, partout et très anciennement, on avait assuré la sécurité des
marchands et de leurs
(1) « Le sestier de vin, mesure de
Villefranche, soit de seize canes sans plus; et toutes les mesures de las
canes, de méjan, des tonneliz que soient marquées avec le sceau et marques de
notre seigneur le comte avec un fer chauld, et que les consuls les marquent
toutes avec la mesme marque ou armoiries; et qui vendra vin à Villefranche avec
autres mesures que luy couste cinq sols caorcens, lesquels seront la moytié au
bayle et l'autre moitié au conseilh et que la mesure soit bruslée en la place
publique. » (Charte de 1261, fol 39.)
(2) Beaumont, art. 24;
Montchabrier, 28; Villefranche de Périgord, 25; Valence, 27, Villeréal, 27;
Bénevent, (fol, 3, 2e col.); Lalinde (p. 93) Molières (p. 418);
Beauregard (p. 173), ce qui suppose des visites et des vérifications des poids
et mesures, chez les commerçants par les officiers municipaux. Voir: Histoire
de la châtellenie de Belvès, pages 109, 110, et note 2, p. 182, et note 7.
(3) Plus anciennement, le
système de répression était différent; à Bourges (art. 12), l'amende pour faux
poids n'était que de 7 sous et six deniers, à Riom, d'après l'Alfonsine (art
25), l'amende était de 7 sous pour faux poids et fausse mesure, et de soixante
sous pour fausse marque; et si le contrevenant commettait une nouvelle
contravention, la peine était arbitraire et pouvait aller jusqu'à
l'interdiction de son industrie et officio in quo sic deliquerit perpetuo
privetur.
marchandises; et ces
mesures prises par nos rois (1) étaient devenues le Droit commun des bastides.
On proclamait hautement que
tout homme ou toute femme et les choses qu'ils amenaient ou portaient au marché
ou à la foire, seraient saulves et sûres étant au marché, et, en allant et en
revenant, depuis la sortie de la maison, pour aller au marché, jusqu'au retour
(par exemple du mercredi matin au vendredi soir, si le marché était le jeudi);
semblables garanties étaient assurées pour les foires.
Et par là étaient empêchées
toute saisie des objets apportés et l'arrestation du marchand, sauf dans
quelques cas graves (meurtre commis,
bannissement); et tout contrevenant à ces dispositions encourait la
confiscation de ses biens « et le
seigneur de Villefranche et le conseilh et toute la communauté ou la université
le demandent uniement à toucte personne que ce soit, touct ainsin que sy avait
destruict la ville, jusques à ce que vengence en soict faicte » (fol. 31
charte de 1261). Tant on attachait d'importance à assurer la sécurité du
commerce et la prospérité de la cité!
Le régime sous lequel les
moulins, les fours et les boulangeries ont été placés, à diverses époques, a
été souvent étudié; à l'origine tout village avait un four, un moulin; c'était
là une chose commune à tous les habitants et le fournier comme le meunier
étaient le serviteur et l'employé de la communauté. Mais bientôt le seigneur
prenant le four et le moulin pour lui, imposa à tous l'obligation de venir au
four et au moulin et de payer une redevance pour le service rendu, interdisant
à chacun d'avoir son four ou son moulin et dans tous les cas de
(1) Lettre de Louis VI dit
le Gros, 1er mai 1118 (Ord. R. F., t XI, p. 178), le Roi prenait sous sa
protection ceux qui allaient au marché ou en revenaient. (Comp. Lettres de
Louis VI, en faveur des habitants du marché neuf d'Etampes, art. VI (O. R. F.,
t. XI, p, 183).
p. 465 (187)
l'exploiter; nous sommes
sous le régime de la banalité des fours et des moulins; un régime analogue se
produisit pour la boulangerie et cette situation se maintint dans beaucoup
d'endroits jusqu'au XVIIIe siècle, le fournier et le meunier ne sont
plus qu'un agent du seigneur; le moulin et le four sont devenus un moyen odieux
de procurer, sur le pain du peuple, un peu d'or à un seigneur inactif: « Voilà ce que sont devenus après quatorze ou
quinze siècles ces témoins vivants, ces débris historiques de l'ancienne
communauté primitive, le four et le moulin banal! (1) »
Sous le régime féodal, ou
bien le seigneur a seul moulin et four et il oblige les habitants de la
seigneurie de venir au moulin et au four, moyennant redevance, sans autoriser
dans l'étendue de la seigneurie personne à avoir un four ou un moulin, même
pour ses besoins personnels ou ceux de sa famille. D'autres fois, le seigneur
concédait, à titre de fief, à une personne déterminée un four ou un moulin;
celle-ci, suivant son titre, ou bien ne pouvait s'en servir que pour elle, ou
bien elle avait le droit d'en imposer l'usage dans une certaine étendue du
pays.
Des règles de cette nature
ne pouvaient convenir au régime si libéral des bastides et si, pour l'industrie
des fours, des moulins et des boulangeries, les bastides n'arrivèrent pas à une
liberté complète, du moins obtinrent-elles des privilèges importants,
A Villefranche-du-Périgord
les moulins pouvaient être établis librement, suivant le Droit commun de la
propriété; mais cette industrie intéressant l'utilité générale, on avait
réglementé la redevance due pour la mouture « et à toucts les moulins de Villefranche ou des environs, que l'on
mouldra bled pour le seitzième bayssel entre blé et farine; et si le bled se
perdoit ou se gastoit par deffaut ou par faulte du meusnier ou du moulin que le
seigneur ou moulenie du dit moulin
(1) Beautemps Beaupré, 1re
partie, t. I, p. 392.
p. 466 (188)
satisfasse le touct à celluy à qui appartiendra le
dict bled (1) ».
En ce qui touche les fours,
voici les dispositions de la coutume de 1261, de Villefranche du Périgord. « Et ont... les dits Pons et Danya étably que
par tout temps, qui pourra et vouldra, tiendra fours à Villefranche pour cuyre
son propre pain de la maison et que pour ce, ne sera tenu donner ny payer au
seigneur, saulf les rentes qu'il debvra pour le lieu où sera le dict four
»... (fol. 63). Or donc si le four est établi sur un immeuble possédé à titre
d'alleu, le fournier n'aura rien à payer; si l'immeuble sur lequel le four sera
établi, est tenu à fief ou à censive, le tenancier ne devra payer que les
redevances féodales ou censières établies, sans qu'elles puissent être
augmentées du fait de rétablissement du four.
« Et si am dit four se cuit pain pour vendre ou pain d'aultruy le maistre
du four payera pour le fournage ou aultre chose dix sous caorcens de rente,
chaque année, le jour et feste de notre dame Saincte-Marie de febvrier à notre
seigneur le comte pour seigneurie », d'où il résulte que toute personne
peut, à volonté, établir un four pour cuyre le pain d'aultruy ou de vente, mais
comme conséquence, il payera au comte comme conséquence de la seigneurie une
redevance de dix sous caorcens; et en outre, le statut de 1261, contient
quelques règles spéciales à cette industrie: « et que le maistre du four cuira ou faira cuire tout le pain qui y sera,
pour le vingtième pain, il aura de fournage et que la chambrière du dit
fournier porte touct le pain de toucts au dit four et estant cuit le porte et rende
à la maison de qui appartiendra le dit pain et que ladite chambrière soit payée
de ses paynes à la discrétion du maistre du pain; et que soit tenu de cuyre
tout le pain bien et loyallement et si le pain se perdoit par faulte du
fournier ou des messagers du four et si se gastoit pour mal estre cuit ou par
aultre chose, que le fournier le paye au
(1) Comp. Et. de
Saint-Louis, t. I, p. 104.
p. 467 (189)
maistre du pain, et que le seigneur du four fasse ou
fasse faire bonne maiou et bien fermer de bonnes ferrures le four. »
Le régime de la boulangerie
était libre; mais on avait, dans l'intérêt de tous, réglementé le métier de
boulanger: « et les boulangers et
boulangères faisant le pain pour vendre, que fassent bon pain et grand et que y
gagnera sur les cestiers de bled seitze deniers et le son de repasse, si est
passé par thamis et sans plus, si ainsi ne le font, que leur pain soit perdu et
confisqué, et cinq sous caorcens, desquels cinq sous, la moytié sera au bailli
et l'autre moitié au Conseil. »
C'est un régime analogue
que nous trouvons dans les bastides: les moulins et boulangeries sont libres et
ouverts à tous; sauf le droit pour les consuls de réglementer l'exercice de ces
professions qui intéressent la santé publique. Quant aux fours, voici la disposition
que nous rencontrons dans presque toutes les bastides (sauf quelques
modifications de détail) « quicumque
voluerit poterit habere et facere furnum in dicta bastida, et in barriis
ejusdem bastide; et de quolibet et furno in quo quis panem de coquet ad
vendendum vel panera vicini sui nobis quolibet in festo sancti frontonis
solventur qumque solidi obliarum et totidem de acaptgio domino mutante »
(1). Ce texte est celui des coutumes de Beaumont du Périgord: on y proclamait
la liberté du four; tout le monde pouvait l'établir où et comme il voulait;
mais s'il servait à cuire le pain pour la vente, ou pour autrui, il fallait
payer une redevance annuelle, à titre d'acapte à mutation de seigneur. Un
régime analogue se retrouve dans d'autres chartes et notamment à Lalinde.
Mais dans un plus grand
nombre de bastides, après proclamé pour chacune le droit absolu d'avoir un four
pour
(1) C'est la leçon que
donne Lalinde et autres chartes, meilleure que dominice nativitatis du texte
des ordonnances qui paraît être une faute,car l'acapte se payait, au cas de
vente, et ne se payait pas à une fête déterminée.
ses besoins, sans redevance
à payer; pour les fours destinés à cuire le pain à vendre ou le pain d'autrui,
le propriétaire du four avait à payer une redevance ou oublie, soit annuelle,
soit par semaine, sans droit d'acapte. C'est le système qui est appliqué à
Villeréal (art. 36), le droit d'oublies était de 12 deniers par semaine (1), à
Villefranche du Périgord, où le droit était de 10 sous d'oublies à payer
annuellement à la fête de la purification de la Vierge (art. 33); à Valence
(art. 36), où les oublies étaient de 10 sous à payer annuellement; à
Montchabrier (art. 42), où le droit qualifié d'oublies ou fournage était de 10
sous à payer annuellement in crastinum
Natali domini, Eymet 10 sous annuels à payer à Pâques.
Ainsi le droit perçu
devenait une espèce de patente à payer par celui qui exerçait le métier de
fournier, mais sans monopole à son profit, et chacun conservant le droit de
cuire son pain chez lui (2).
Système très libéral
comparé aux règles du droit féodal en cette matière.
« Les devoirs militaires
des communiers se peuvent répartir en deux catégories distinctes: devoirs d'ost
et de chevauchée envers le Roi ou le seigneur; devoirs envers la
(1) Montflanquin et
Saint-Pastours (mêmes règles).
(2) A Bénevent, disposition
empruntée à Sainte-Foy la Grande. « Item Furni dicte ville sint nostri et pro viginti
panibus, de coquendis dabitur vicesimum et non plus, et omnes habitantes in
dicta villa teneruntur decoquere panem in furnis nostris ». Donc ici les fours
restaient une propriété seigneuriale, avec un monopole, système de l'Alfonsine,
Castel-Sagrat,etc.
Mais monopole mitigé,
puisque l'on autorisait chaque habitant à avoir son four pour ses besoins
personnels: « Excepto, quod habitantes dicte ville possint de quoquere in domo
sua panem sibi et familiae et domini necessarium si velint ad comedendum non
tamen ad vedendum.
Ad panem azimum liceat
cuilibet in dicta villa de quoquere in domo sua et siquis contra hoc fecerit in
quinque solidis pro justici puniatur (fol. 1 r°).
p. 469 (191)
commune pour la défense de
la ville et de ses droits, pour le bon ordre intérieur (1) ».
Le service d'ost et de
chevauchée était dû au seigneur par tous les vassaux et les habitants de la
seigneurie: c'était la conséquence du lien féodal et des droits de souveraineté
dont le seigneur était investi.
Aussi le fondateur de la
bastide les réservait, à son profit, à l'encontre des habitants de la bastide.
C'est ce que nous voyons dans les concessions de bastide faites par Alfonse de
Poitiers, notamment Castel-Sacrat, Eymet, Villeneuve-sur-Lot, etc (2).
Le roi de France agit de même
dans les concessions de bastides (3).
Si, à l'origine, l'ost et
la chevauchée étaient dus par les vassaux, sans aucune limitation, bientôt des
limitations sont apportées à l'exercice de ce droit et à notre époque les
chartes ne reconnaissent en général au seigneur que le droit d'exiger le
service militaire dans l'étendue du diocèse, ou de façon que les milices
puissent rentrer chez elles en un jour en prenant le jour d'été le plus long
(4).
Dans tous les cas, les
chartes qui mentionnent le service
(1) Paul Viollet, Histoire
des institutions politiques et administratives de la France, t. III. p. 123.
(2) In omnibus autem aliis
quae non sunt in praesenti littera expressa retinemus..., omnem justiciam juris
dictionem, subjectionem, reverentiam, exercitum et cavalcatam secundum usus et
consuetidines diocesis Caturcensis (vel Agennensis) et alia quaecumque verus
dominus potest et debet habere in terra sua, etc.
(3) Chartes de Marziac
(art. 59), Tournay (art. 59), Peyrouse (art. 58) et Trie (art. 77) (O.R.F.)
(4) C'est ce qui est
indiqué pour les habitants du pays d'Issigeac « ainsi ils doivent de service
militaire dans toute l'étendue du diocèse de Périgueux et encore en d'autres
lieux pourvu que dans leurs expéditions les plus longues, il leur suffise de l'un
des grands jours de l'année, d'un jour d'été, comme parle la charte, pour
revenir dans leurs foyers ». Delpit: Man. de Wolfenbüttel: notices et
manuscrits, t. XIV, 2e partie, p. 296 (Ac. des inscriptions et belles-lettres).
p. 470 (192)
militaire indiquent les
limitations qui y avaient été apportées (1).
Au reste, ce service d'ost
et de chevauchée, au profit du seigneur, ne se maintint pas longtemps dans son
intégrité; soit que, moyennant finances, les redevables de la commune s'en
fusse fait dégrever par leur seigneur (R.G. t. I, n° 281); soit qu'ils eussent
obtenu de lui, à titre gracieux, une immunité perpétuelle ou temporaire (2).
Quelquefois, on rencontre
des immunités accordées à titre personnel, à un individu déterminé (3).
Enfin, l'organisation de
l'armée permanente, comme l'engagement de corps de troupes importants, allait
rendre inutile l'appel des milices féodales, et le service d'ost et de
chevauchée se transformera en taxes pécuniaires qui en tiendront lieu; il ne
faut pas s'étonner du silence de nos chartes sur le droit de ost et de
cavalcade.
Les bourgeois des bastides
avaient à leur charge un autre genre de service militaire: ils avaient pour
devoir d'assurer la défense de la ville, en cas d'attaque, et d'y faire régner
le
(1) Comp. pour le castrum
de Puyguilhem (n° 224, man. de Wolfenbüttel). La charte de Lalinde impose aux
habitants l'obligation de servir le duc ou son sénéchal 40 jours par an et de
leur prêter aide et assistance à leurs frais pendant ce temps de service (charte
de Lalinde, loco cit., p. 95 et 96). Disposition semblable dans la charte de
Beauregard, loco cit., p. 172. Et, le comte de Périgord, a Bénevent, réserve le
service d'ost dans les termes suivants: « Item habitantes dicte ville debent
nos sequi en ost contra exheredacionem nostram, ad consilium consulum et
bajulum (sic) per Petragoricensem diocesim et non ultra » (loco cit., fol. 5,
col. 1 r°) et pour la bastide de St-Louis en Périgord, mars 1325 (O.R.F.) t.
XII, p. 496.
Comp. pour la bastide de
Sauveterre (Gironde, arrond. La Réole). R.G., t. II, n° 746 et autres bastides
soumises à des usages analogues. R.G., t. II, nos 55, 56, 57, 58, et
pour Bordeaux, R. G., t. I, n° 281.
(2) Pour les bastides de
Sauveterre (Gir.), l'immunité fut accordée pour dix ans (R. G., t. II, n° 746)
pour Saint Osbert pour sept ans. En 1242, La Réole obtint une immunité jusqu'à
la fête de la Saint-Martin (R. G., t. I, n° 588), probablement pour faciliter
les travaux de la vigne.
(3) A titre d'exemple (R.
G., t. II, n° 1054), immunité au profit de Pierre Robert, notaire à Bordeaux.
p. 471 (193)
bon ordre, en assurant la
sécurité de tous: pour ce service, ils étaient placés sous la direction des
consuls (1).
Si, au début, on considéra
comme un devoir et comme un privilège de pratiquer le guet, bientôt les choses
se modifièrent; le pouvoir central voulut avoir la défense des villes dans sa
main, et il se préoccupa d'en nommer l'agent responsable: de là, la création du
capitaine de la ville, chef de la défense et échappant à l'autorité municipale.
A l'origine, on trouve des
nominations isolées, motivées en certains lieux par des circonstances
particulières, puis l'institution s'organise, et, dans chaque bastide, à côté
des consuls et du bayle, un chef militaire, capitaine de la ville, sera
spécialement chargé de la défense de la cité (2).
L'histoire nous a conservé
le nom de plusieurs capitaines de nos bastides; le roi, qui se préoccupait de
l'entretien des fortifications et de leur établissement, réglementa tout ce qui
touchait à leur défense, le guet, etc.; et nos municipalités virent ainsi leur
échapper, peu à peu, une des prérogatives les
(1) « Et predicti milites
et domicelli debent facere escubias de die et nocte, dum opus fuerit » (diront
bien des Chartes. Comp. R. G., t. II, n° 746. Comp. Marziac (art. 14). Peyrouse (art. 14).
Trie (art, 13). etc. « Item quod consules
dictae bastidae, una cum gentibus seu officialibus domini Regis, possint
custodire villam cum armis de die et de nocte, et facere capi et arrestari
delinquintes et malefactores et eos reposcere in carcere dictae bastidae pro
meritis puniendos. » Marziac (art. 14).
(2) Ainsi en 1242, le roi
d'Angleterre confie les châteaux de Bigarroque et de Belvès au comte de la
Marche et à Bernard de Béteille (R. G., t. I, n° 907). Belvès, sans être une
bastide, était une ville à consulat. Vers la même époque, le roi d'Angleterre
confie la garde de Puy normand, à Guillaume de Monravel (R. G., t. I. n° 518,
avec l'indication de la force de la garnison). En 1352 et 1357, Bonnefoy de
Biron était capitaine de Belvès et y fit montre de sa compagnie (le père
Anselme, t, I, p. 350 (famille des Biron). En 1350, le roi de France, pour se
rendre favorable les Biron de Montferrand, donne au fils de Jean de Biron,
seigneur de Montferrand, la capitainerie et le gouvernement de Montpazier, avec
20 livres de revenus annuels a prendre sur les produits de Montpazier. Ces
Biron de Montferrand, tantôt anglais, tantôt français, recevaient des faveurs
des rois de France et des rois d'Angleterre.
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plus importantes, à
laquelle elles étaient très attachées, et qu'elles avaient à notre époque
exercée avec quelque gloire.
Telles furent nos bastides,
dans la première période de leur existence, que nous sommes tentés d'appeler la
période héroïque. Nous faisons-nous illusion sur le caractère de ces
établissements; mais il nous paraît, comme nous l'avons affirmé plusieurs fois,
qu'elles réalisaient un type municipal intéressant; le pouvoir central, au lieu
de les soutenir, et d'en étendre aux cités voisines la constitution, les a
contrariées dans leur développement normal, les a placées sous une tutelle,
tous les jours plus étroite, et il a fallu l'organisation des municipalités
modernes, pour trouver des types analogues à nos bastides.