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Source : Douët d’Arcq, Choix de pièces relatives au règne de Charles VI, p. 154, t. 1

 

REGNE DE CHARLES VI, Paris, mai 1389

Charles, etc. Savoir faisons à touz présens et avenir. De la partie des amis charnelz de Jehannete de Chaumont, fille de feu Bernart de Chaumont, jadis bourgeois de nostre ville de Pierregueux, à nous avoir esté exposé.

Comment le jour de la feste de Penthecouste qui fu l'an mil CCC IIIIxx et huit ou environ, ledit feu Bernart de Chaumont, père d'icelle Jehannette s'en ala par dévocion oir la messe en l'église des Frères Prescheurs, hors et devant nostredicte ville de Pierregueux. En laquelle église ledit feu Bernart et plusieurs autres hommes et femmes, habitans de nostre dicte ville, furent pris et aprisonnez par les Anglois lors demourans à Montégrier (*) et en aucunes autres garnisons ou pais de Pierregort. Lesquielx Anglois se furent mis et embuschiez par nuit la veille d'icelle feste de Pentecouste, dedens les jardins et fourbours de nostre dicte ville, et y firent le jour d'icelle feste grant prise de gens et plusieurs autres grans maulx et dommaiges. Et après ilz emmenèrent ledit feu Bernart prisonnier oudit lieu de Montégrier, et illec le firent finer et raençonner très grant et excessive finance et raençon, qui montoit, tant en or et argent, comme en vivres et autres choses, la somme de huit cens frans, laquelle il faillu que ledit feu Bernart paiast entièrement ausdis Anglois avant qu'il peust estre délivré de leur prison. Et pour pourchacier et assembler ladicte raençon il faillu audit feu Bernart qu'il empruntast de ses amis plusieurs sommes d'or et d'argent, et avec ce qu'il vendist et engaigast pluseurs de ses rentes, possessions et héritages et autres biens meubles et immeubles, et en oultre vendist et imposast certaines rentes sur soy et sur ses hoirs et successeurs. Dont icelui feu Bernart fu tèlement apovry qu'il n'avoit bonnement de quoy vivre ne tenir son estat, ne nourrir sa femme et enfans, ne marier ladicte Jehanecte et sa suer, qui alors estoient filles à marier, de l'aage de quinze à vint ans ou environ. Et comme ledit feu Bernart ot ainsi par aucun temps vescu et demouré en si grant charge de rentes et de debtes qu'il devoit, et ne sceust trouver aucun remède pour son (soy) acquitier ne deschargier, mesmement que par avant ladicte prinse il avoit perdu pour le fait et occasion de noz guerres la greigneur partie de ses biens, rentes et chevance, advint que après certain temps ensuiant plusieurs amis d'icelle Jehannette et de son dit feu père traictèrent et accordèrent quelle épousast et preist par mariage un escuier anglois, d'Angleterre, nommé Henry Champaingne, parmi ce qu'il bailleroit à ladicte Jehannette et à son dit feu père certaine somme d'argent, etc.

(Le mariage se fit et la fille obtint sa lettre de rémission, qui est adressée au sénéchal de Périgord.)

Donné à Paris ou mois de may, l'an de grâce mil CCC IIIIxx et XIX et le XIXe de nostre règne.

Par le Roy, à la relacion du conseil.

Jehan de Crespy.

(Trésor des Chartes, J. 154, pièce 398).



(*) Montagrier.

 

 

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