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La métamorphose des
meuniers : l’avènement de la minoterie.
Pour étayer notre propos nous
vous proposons une subjective échelle du temps.
1710
La Pauze en 1710 (d'après tableau - auteur anonyme)
Jean Mazeau dit « Barodaubouro » est le meunier métayer de l’abbaye de Peyrouse au
moulin de la Pauze, en
Dordogne sur la Dronne prés de Ribérac. Il écrase 2 quintaux* de blé par jour, ce qui génère 1 balles*
de farine qui produiront 126 kg de pain et alimenteront 158 personnes. La consommation de pain par jour et par
habitant en France est considérable car le pain est la base de l’alimentation.
Dans la paroisse de 500 âmes qu’est saint Méard de Dronne, il y a trois moulins
à eau, un appartient au seigneur et deux au clergé, dont la Pauze. Un autre moulin, celui-ci à
vent appartient au propriétaire d’une exploitation agricole. Les roues
hydrauliques sont archaïques, qu’elles soient à axe vertical ou horizontal.
Elles sont le moteur le plus fréquent dans les moulins, le nombre de ceux muent
par le vent est très inférieur. La mouture se pratique à la grosse sans blutage
ni nettoyage.
1810
La Pauze en 1878
Jean
Mazeau dit « Chambaud » n’est plus métayer mais fermier du régisseur
de l’abbaye qui est devenu propriétaire du moulin à la révolution. Il a
optimisé sa chute de 2m pour10m3 par seconde, grâce à un nouveau barrage qui
anime trois roues à palettes plates, deux paires de meules à farine de froment,
une autre à céréales secondaires et enfin une huilerie à noix. Il écrase 24 qx
de blé par jour, ce qui génère 18 B de farine qui produiront 2268 kg de pain et alimenteront 3240 personnes. La
consommation du pain par jour et par habitant en France est encore importante.
Le moulin à vent a disparu, celui en amont est devenu un four à chaux, l’autre
en aval, une maillerie qui produit des draps de chanvre. La mouture à reprise
après blutage, dite à l’anglaise a notablement amélioré le rendement et la
qualité de la farine. On peut dire que l’art de moudre avec meules de pierre et
des bluteries est à son apogée. Les secrets du rhabillage et du tamisage sont
nombreux et farouchement gardés. Le Général ingénieur Poncelet travaille sur
une roue horizontale à pales courbes ; Euler se penche sur ce qui plus
tard se nommera la turbine ; John Collier débute ses expériences avec son
comprimeur à cylindre de porcelaine.
1910
La Pauze en 1904
Blaise Mazeau dit « Chambaudou » devient le deuxième plus gros minotier de la rivière.
Avec l’argent gagné pendant la période de fermage, son père a racheté la Pauze et Blaise fait construire une
minoterie à cylindres, mue par quatre turbines, deux « fontaines »,
une « francis », et une « américaine ». Il écrase 123 qx de
blé par jour, ce qui génère 93 B de farine qui produiront 11718 kg de pain et alimenteront
19530 personnes. La consommation de pain par jour et par habitant en France est
de 600g.Grâce à ses quatre appareils à cylindres Braun dit « pot de
fleur » et sa bluterie à tamis plats dite « planschiter »,
la performance de l’usine et le métier du patron font un ravage dans la
population meunière de la vallée... Les moyens de transports modernes (trains et
camions) se sont généralisés et à coté, Brault et Teisset de Chartes installent
à tout-va des turbines, des appareils à cylindres et des planschisters.
2010
La Pauze en 2003
Alain Mazeau
dit « Banette », à la fin de son activité en 2003 écrasait 215 qx
de blé par jour, ce qui génère 161 B de farine qui produiront 20286 kg de pain et alimenteront
67620 personnes. La consommation du pain par jour et par habitant en France était alors de 300g, après être passée par un seuil de 200g. Plus de 50% du
pain est vendu par la grande distribution et les industriels.
Son moulin avec
quelques innovations (remontées pneumatiques qui ont remplacé les
élévateurs à godets, et énergie électrique extérieure) est resté par choix,
proche de celui de son arrière grand père ; les turbines qui produisent
150 chevaux ne suffisent plus, même à l’optimum de la chute, à faire tourner
l’ensemble. L’attachement du patron à la vraie technologie meunière le met en
porte à faux par rapport à toutes les nouvelles normes de sécurité et
d’hygiène. Après avoir absorbé lui même, cinq moulins au cours de sa carrière,
il décide de céder son fonds de commerce pour transformer le site de la Pauze en écomusée. Son repreneur
écrase 800 quintaux de blé par jour, ce qui génère 600 B de farine qui
produiront 75600 kg
de pain et alimenteront 252000 personnes. Son moulin usine est au
firmament de la modernité et son patron fera partie du club très restreint des
300 directions de minoteries en France. Rappelons qu’en 1809 il y avait 98187
moulins et autant de meuniers.
*
qx : quintaux de blé ;(unité 100 kg)
* B :
balles de farine ; (unité 100
kg)
Alain Mazeau
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