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Les peintures murales de l’église de Saint-Méard de Dronne (Dordogne)

 

« La trace archéologique de l’iconoclasme »

 

Présentation générale

 

La découverte des peintures de l’église de St Méard est consécutive au détachement en 1999 d’une plaque d’enduit de la voûte (coupole du transept), qui révéla la figure (supposée) d’un ange :

Des sondages effectués alors suggérèrent la présence d’un programme iconographique complet, depuis la première travée de la nef jusqu’à l’abside.

 

 

En 2013, une première tranche de travaux a permis de dégager environ 200 m2 des peintures de l’abside.

Ces peintures, datées des alentours de l’an 1500, avaient, du moins partiellement, une vocation « pédagogique », auprès de paroissiens largement illettrés. Elles étaient destinées à assurer la foi du croyant, à frapper son imagination, et à lui inspirer la peur de l’Enfer, s’il s’éloignait des enseignements de l’église.

D’où la monumentalité de cet ensemble que nous découvrons en levant aujourd’hui les yeux vers l’abside, dès l’entrée de l’édifice.

Chantier de restauration Phase I (l’abside - 2013)

Nous pouvons diviser le programme iconographique de l’abside en 8 éléments :

(1)   Le Christ en gloire « sauveur du monde »

(2)   Le Jugement dernier

(3)   L’enfer

(4)   Le Paradis

(5)   La Cène

(6)   L’entrée de Jésus dans Jérusalem

(7)   St Médard et Ste Radegonde (sous réserve)

(8)   Le martyre de St Barthélémy

Les peintures de la partie basse (Cène, St Médard et Ste Radegonde, St Barthélémy) ont été profondément lacérées et détériorées.

Nous situons cet épisode au printemps ou à l’été 1562, où nous savons que les églises de la vallée de la Dronne ont été victimes de la « fureur iconoclaste » des calvinistes faisant suite au massacre de Wassy (1er mars 1562). Ils considéraient les représentations du Nouveau Testament comme profondément blasphématoires. Les peintures murales (dont les murs intérieurs des églises étaient recouverts), de même que la statuaire en bois des églises étaient alors systématiquement détruites par les partisans de la foi nouvelle. Nous disposons ainsi du récit du saccage de la commanderie d’Aubeterre au printemps 1562. Cette « fureur iconoclaste » a été longuement et minutieusement décrite par l’historien Denis Crouzet (Les Guerriers de Dieu, tome I, pp. 527 et suivantes, éd. Champ Vallon, 1990).

Dans un premier temps les « religionnaires » tentaient de détruire les peintures à l’aide d’instruments acérés (fourches, pics ou piochons). Dans un deuxième temps, elles étaient recouvertes systématiquement de badigeon de chaux pour les masquer complètement. La statuaire en bois était généralement brisée ou détruite par le feu.

... Et ce sont ces couches de badigeon de chaux qui ont sauvé ces peintures par carbonatisation complémentaire de ces couleurs fragiles, peintes  à l’origine avec des pigments dilués dans l’eau sur une pâte de chaux encore fraîche, en misant sur une carbonatisation lors du séchage (technique « à l’économie ») (*). La restauration de ces peintures a voulu préserver la « trace archéologique » de cet épisode iconoclaste.

(*) Source : Rapport de l’entreprise Didier Legrand Atelier, automne 2013.

 

Scène n° 1 : Le Christ en gloire

 

 

Le « cul-de-four » de l’abside est dominé par un Christ en gloire, dit « salvator mundi » (sauveur du monde).

La main droite et trois doigts (pouce, index, majeur) sont levés et dépliés, en signe de bénédiction. Le bras gauche est replié sur le côté de sa poitrine, et la main gauche (effacée) tient un orbe, un globe blanc à demi encerclé par un demi-méridien et un parallèle médian, tous deux de couleur rouge. On retrouve un tel globe dans la main du Christ dans le tableau Salvator Mundi de Léonard de Vinci, et surtout chez le peintre Antonello de Messine.

Ce Christ est de dimensions impressionnantes, et il attire, avec son vaste manteau rouge, l’œil du visiteur, dès son entrée dans l’église. A noter aussi le large banc sur lequel il trône.

Il est entouré des 4 figures allégoriques du tétramorphe (symbolisant les Quatre Evangiles) :

A gauche (et de haut en bas pour le visiteur) :

-          l’ange symbole de l’évangile selon St Mathieu. Cet ange est d’une sobriété stylistique remarquable (cliché ci-dessous pris au moment de sa découverte).

 

 

-          au-dessous, le lion ailé de St Marc.

A droite :

-           l’aigle, figure de l’évangile de St Jean (partiellement effacé)

-          au-dessous le taureau ailé de St Luc, (d’assez belle facture)

 

Les noms des 4 auteurs des évangiles sont écrits dans 4 « cartouches » en forme de bannières.

L’ensemble est délimité par les contreforts de la voute, qui portent des traces de peinture, mais dont la pierre est aujourd’hui laissée apparente. Au sommet du pilier gauche, on notera une frise végétale. Ce pilier portait un écusson pratiquement effacé, mais dont restent visibles les contours.

 

 

Scène n° 2 : Le Jugement Dernier

 

La deuxième travée de la voute de l’abside peut être divisée en 3 parties :

 

(1)  Les trompettes du Jugement dernier :

 

Au sommet de la voute 2 anges, joues dilatées, sonnent les trompettes du jugement dernier.

 

-          Du côté gauche (face à l’autel), de la trompette de l’ange sort en se déroulant une bannière annonçant « VENITE BENEDICTI PATRIS MEI » : « Venez (à moi ceux qui sont) les bénis de mon père ».

-          Du côté droit, la bannière symétrique déroule  la malédiction « ITE, MALEDICTI, IN IGNEM ETERNUM » : « Allez ! les maudits, dans le feu éternel ! »

 

 

(2) L’Archange St Michel et la « pesée » des âmes :

 

Proche du contrefort gauche,  l’archange St Michel, de sa main droite, tient une balance pour la « pesée » des âmes. De sa main gauche à l’aide d’une pique en forme de croix, et de son pied droit, il terrasse un dragon qui essaie de fausser la pesée des âmes avec ses griffes. Au-delà vers la coupole, de trois tombes se lèvent des morts, de plus petites dimensions, à l’appel des trompettes.

 

(3)  Le dragon de l’Enfer :

Symétriquement par rapport à l’archange St Michel, un dragon ailé, de dimensions similaires à celles de l’archange saisit un futur damné par le pied, se préparant à le livrer à l’Enfer. Le futur damné, épouvanté, terrorisé, se cache la face de la main droite.

Comment le nommer ? Tarasque, Vouivre ? Nous avons choisi de lui donner un nom occitan plus générique :

« Lo drac de Sent Meard »

 

 

Scène n° 2bis (commentaire)

 

Les 3 scènes décrites précédemment sont étonnamment bien conservées, et esthétiquement remarquables :

 

(1)               La figure de l’archange

 

La figure de l’archange en armure, avec ses cheveux blancs, son expression de tristesse, ses rides profondes, ses cernes sous les yeux, souligne la lassitude infinie de ce vieux soldat.

Sa tâche sans fin, ce combat épuisant pour sauver quelques âmes des griffes du démon, font de lui un personnage « sisyphéen ». L’artiste a sans nul doute voulut traduire ici l’empathie de l’Archange pour la sombre destinée humaine.

 

 

(2)               « Lo drac », le dragon ailé

A l’opposé, le dragon ailé , « lo drac » qui s’empare des damnés destinés à l’Enfer, d’une stylistique très sobre et précise, très « moderne », ne montre aucune trace de pitié, aucun sentiment, ses traits reflètent une vigueur inépuisable dans sa cruauté bestiale.

 

(3)                

Enfin la jeunesse et l’innocence de la ressuscitée de la tombe inférieure, alliée à la sobriété dans la « stylistique du trait », tendent à susciter une vive émotion auprès du visiteur.

 

Scène n° 3 : Le Paradis

 

 

Dans cette scène, Saint Pierre, la clé du Paradis sur son épaule, accueille d’une poignée de main une jeune femme faisant partie d’un groupe de quatre bienheureux, deux femmes et deux hommes (semble-t-il), dont le dernier, légèrement en retrait du groupe, est tonsuré (un clerc, donc). Un phylactère indique en caractères gothiques et en latin : « Venite benedicti Patris mei » « Venez (à moi), ceux que mon Père a bénis ».

Bien peu d’élus ici ! (à comparer avec les nombreux damnés à l’opposé de la voute – voir scène 5 ci-après)

Une silhouette se distingue dans l’entrée du Paradis qui prend l’allure extérieure d’une belle demeure médiévale, et dont le toit sert d’appui à St Michel et au démon qu’il affronte. L’intérieur en est caché à notre regard, nous n’en connaîtrons rien ici. Ce Paradis se réduit à une énigme ... que la voûte nous révèlera lors de la deuxième tranche des travaux.

 

A noter par ailleurs, la représentation inhabituelle d’un St Pierre jeune, bien différent des barbus grisonnants et vieillis que l’iconographie commune nous donne à voir sous la figure du premier des apôtres.

 

N.B. A noter aussi l’élégance du mouvement de la jambe gauche de la jeune élue qui serre la main de St Pierre. Nous observerons de même l’attention portée au soulignement des formes de son corps.

 

Scène n° 4 : La Cène

 

 

La Cène, placée au dessous du panneau représentant le Paradis est passablement détériorée, profondément lacérée par la fureur des iconoclastes qui considéraient de telles représentations comme profondément paganisées et blasphématoires.

 

Quelques détails :

(a)   Le  plat de la Cène

On observera simplement le plat central, que l’on peut supposer, sans en être sûr, être un plat de poissons.

Les représentations des pieds des personnages sont un peu moins détériorées.

 

(b)   Judas Iscariote ( ?)

Seuls la tête et le buste des deux personnages à gauche, près du pilier de la coupole, sont à peu près intacts.

A la gauche extrême, un Saint (puisqu’il porte une auréole, semblable en tout point aux auréoles des autres Saints de cet ensemble des peintures).

Son voisin immédiat, porte un bonnet ordinaire de couleur jaune, et tient un sac ou une bourse dans la main droite.

Nous émettons l’hypothèse qu’il s’agit là de Judas Iscariote qui est représenté ici, en proche conformité avec les Ecritures (Jean, 12 : 6).

 

 

Scène n° 5 : L’Enfer

 

 

Dans ce panneau, six démons s’activent autour d’une charretée de nouveaux damnés, avant de les enfourner dans la gueule du Léviathan, où ils subiront leur châtiment pour l’éternité. Un sixième assure avec ses griffes le rassemblement des damnés au fond du gosier du monstre. L’ensemble de la scène est dominée par un phylactère indiquant en latin et en caractères gothiques : « Ite, maledicti, in ignem aeternum » « Allez les maudits, dans le feu éternel !»

Mais, sans attendre, le supplice du feu est déjà appliqué à celles et ceux qui se trouvent à bord de la charrette. Ils subissent en prime les coups de tourmenteurs diaboliques.

Les démons affectés à cette tâche, sont tous d’une inspiration différente.

Les deux diablotins qui tirent la charrette sont relativement classiques au regard des représentations similaires dans d’autres églises du sud-ouest, mais les quatre autres, les deux dans la partie supérieure droite qui frappent les nouveaux damnés, comme celui qui manie le crochet au bas du panneau, ou encore celui dans le gosier du monstre, ont fait l’objet d’une imagination beaucoup plus fertile de la part du peintre.

Remarque : « Le Léviathan est représenté au Moyen Âge sous la forme d'une gueule ouverte qui avale les âmes, représenté ainsi comme l'entrée des enfers ». ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Léviathan ).

 

Cette « gueule de l’Enfer », de dimensions impressionnantes, est sans doute l’une des plus puissantes représentations au sein de l’ensemble peint de cette abside :

Le visiteur gardera longtemps en mémoire la vision de l’œil de ce monstre !

 

 

 

Scène n° 6 : L’entrée de Jésus à Jérusalem (ou Jericho ?)

 

 

Cette scène fait référence à trois passages différents des Evangiles :

(1)   l’entrée de Jésus, accompagné de ses fidèles et monté sur une ânesse, dans la ville de Jéricho, symbolisée ici par une tour. A son arrivée, Zachée, un publicain de petite taille, grimpé dans un sycomore, un rameau d’olivier à la main, l’accueille joyeusement (Luc, 19 : 1-10).

(2)   cependant deux éléments de cette scène font référence à l’entrée de Jésus dans Jérusalem :

a.       la présence d’un ânon au côté de l’ânesse sur lequel est monté Jésus (Matthieu, 21 : 2-7)

b.      la présence d’un personnage (presque effacé) qui étale son manteau aux pieds de Jésus (Luc, 21 : 31-36, Matthieu, 21 : 8)

Remarque :

La scénographie est ici identique à celle de Giotto (chapelle des Scrovegni, Padoue)

 

Notre interprétation :

Cet ensemble iconographique avait une dimension liturgique et tout aussi didactique. Placée AU-DESSOUS de l’Enfer, elle enjoint les fidèles de suivre Jésus et son enseignement, pour échapper aux tourments éternels de l’Enfer ».

 

Reconstitution (par ordinateur) du personnage étalant un manteau aux pieds de Jésus :

 

 

Scène n° 7 : Saint Médard et Sainte Radegonde (sous réserve)

 

 

Sur ce panneau, très détérioré par des lacérations profondes et serrées, nous faisons l’hypothèse d’une représentation de l’évêque patron de l’église. On distingue assez nettement une crosse épiscopale tenue par le personnage central.

En arrière-plan, un personnage, une femme sans doute, tient dans ses mains un objet difficilement identifiable à première vue, et une couronne dorée. Derrière elle, un édifice religieux avec abside et clocher, assez bien conservé.

Une première interprétation nous a conduits à identifier cette femme comme Radegonde, épouse du roi Clotaire, qui sera à sa demande consacrée comme diaconesse et simple moniale par l’évêque de Noyon, le futur St Médard. Radegonde fonda par la suite l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers.

 

A noter aussi : « Radegonde est la plupart du temps représentée en religieuse, parfois avec une couronne posée près d'elle ». La présence dans l’église de St Méard (forme patronymique locale) de cette couronne tenue dans sa main gauche semble donc également confirmer notre hypothèse. L’autre objet qu’elle tient à la main pourrait être un reliquaire contenant un fragment de la vraie croix, comme l’affirme l’hagiographie de Ste Radegonde (*).

(*) source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Radegonde_de_Poitiers

 

Cette hypothèse reste cependant à confirmer.

 

Scène n° 8 : le martyre de Saint Barthélemy

 

Ce panneau décrit le martyre de St Barthélemy identifié au Moyen-âge comme l’apôtre Nathanaël, évangéliseur de l’Arménie et écorché vif sur ordre d’Astiage, frère du roi Polème, selon l’hagiographie la plus courante. Suivant les mêmes sources, les reliques du corps du bienheureux reposent à Rome, et sa tête à Toulouse, ce qui peut expliquer l’importance du culte de St Barthélémy dans le Sud-Ouest de la France.

Le corps du supplicié repose sur un châlit. Le personnage debout à droite, semble-t-il vêtu à l’orientale, peut représenter Astiage, qui semble, avec l’index pointé de sa main droite, être l’ordonnateur de cette scène au réalisme macabre. On observera, entre autres détails, le tortionnaire à moitié allongé sur le sol, prenant appui sur le châlit à l’aide de son pied droit, afin de s’assurer une meilleure prise pour arracher la peau du bras droit du martyre.

On notera également le pantalon rayé de l’exécutant qui écorche la peau de la jambe gauche du bienheureux. Ce pantalon rayé symbolise le caractère diabolique du personnage. En effet les habits rayés étaient considérés comme les attributs du Malin (voir Michel Pastoureau, L'Etoffe du diable : Une histoire des rayures et des tissus rayés, Editions du Seuil, 2003.)

La scène a été lacérée furieusement par les iconoclastes calvinistes de la deuxième moitié du XVIème siècle (voir la fiche générale sur ce sujet). Voici une restitution sommaire de cette scène réalisée par ordinateur :

 

 

Nota : cette représentation du martyre de St Bathélémy est d’une forme assez canonique, que l’on peut retrouver notamment dans des enluminures de manuscrits, et dans le tableau des Martyrs des Apôtres, Stephan Lochner (1410-1451) au musée de Francfort.

 

Chantier de restauration Phase II (2018)

Les peintures de la voute de la coupole et de ses murs

Interprétation générale des peintures de la voute de l’église de St Méard :

L’église se doit d’être un « lieu digne de Dieu », une « image de la Jérusalem céleste ». Le sommet des cieux est occupé (jusqu’à l’époque baroque), par le soleil. Le soleil central est le symbole du Christ. Cette représentation cosmologique associe notre monde à la coupole de l’église.

Ici, Marie est à la porte du ciel, la Vierge à l’Enfant en majesté accueille les âmes en chemin vers l’univers paradisiaque, baignées, bercées par la musique céleste des Anges musiciens.

 

 

Les 4 anges accrochés à des échelles primitives, assurent la translation ascendante/descendante entre Terre et Ciel.

On peut aussi penser à l’Exaltation de Noël par l’image et la musique, accordant une place majeure à Marie, dans un contexte paradisiaque.

La peinture flamande notamment, accordera vers 1500 une place centrale à la Vierge en gloire associée à l’Enfant Jésus et entourée d’un orchestre d’anges dans un contexte paradisiaque. D’une manière générale, la fin du Moyen-Age voit l’apogée du culte marial.

(Source principale : Que reste-t-il du Paradis, Jean Delumeau, éd. Fayard, 2000).

 

(crédit photo : Pauline de Poncheville)

Description sommaire :

Au sommet de la voute, éclairant l’ensemble, la lumière divine d’un soleil presque baroque.

En dessous, en position centrale et visible depuis l’entrée de l’église, une Vierge à l’Enfant en majesté sur un trône, entourée par une ronde de 9 anges musiciens.

A noter, que tous, y compris l’enfant Jésus, ont les cheveux clairs.

La dimension des personnages est impressionnante (environ 2m50)

Tous les joueurs d’un instrument à archet (vièles, etc.) sont gauchers.

Les 9 instruments (dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir de la Vierge) :

(1) vièle (joueur gaucher)

(2) tambour / grosse caisse

(3) autre vièle (joueur gaucher)

(4) psaltérion

(5) busine (trompette)

(6) flute

(7) autre vièle (joueur gaucher)

(8) harpe

(9) Orgue portatif

Eglises/cathédrales notables pour leur iconographie d’anges musiciens (liste non limitative bien sûr !) :

-          Eglise de Cazeaux de Larboust (Pyrénées)

-          Eglise Saint Genest de Lavardin (près Vendôme)

-          Chapelle de la cathédrale du Mans

-          Portail de la cathédrale de Saintes (sculpture)

Haut des piliers de la voute :

Quatre anges montants/descendants sur une échelle traditionnelle, font la liaison entre la Terre et le Ciel de la voute. Ces échelles, qui prennent traditionnellement leur origine dans l’échelle de Jacob (Genèse, 28 11-19), sont pour les âmes le chemin vers l’univers paradisiaque.

Les anges des piliers sud-ouest et sud-est sont nus.

 

 

Noter la décoration non figurative des arceaux de la voute, de même que la guirlande dentelée, de couleur bleue/grise, sous la voute.

Note sur la nudité au Paradis : les 2 anges nus sont à l’image des bienheureux, nus eux aussi, qui entrent au Paradis dans la représentation du Jugement dernier de l’abside (1ère tranche des travaux).

Depuis St Augustin, les théologiens s’étaient accordés généralement sur la nudité des corps au Paradis. Les êtres humains retrouveront leur sexe (mais dépourvus de lubricité) et la beauté des corps, dont les défauts, infirmités et mutilations liées aux vicissitudes de l’existence terrestre, auront disparu lors de la Résurrection.

 

Enfin, 2 écussons identiques (piliers nord-est et nord-ouest) semblent porter les armes des de Laplace (3 glands d’or posés deux sur un).

 

Les murs de la Voute :

(1)          Mur sud :

Au sommet du mur, et soulignée par un arceau avec un riche décor non figuratif noir, une Déploration du Christ (ou Pietà). Marie se lamente, le Christ mort reposant sur ses genoux. A sa gauche, Marie Madeleine, avec un flacon d’onguent dans sa main gauche. A droite, l’apôtre Jean. Les visages sont expressifs, les drapés des vêtements particulièrement soignés. La couleur rose/mauve, présente ici dans les vêtements des personnages entourant le Christ, ne se retrouve nulle part ailleurs dans l’église.

A noter, ce qui semble être une auréole esquissée au-dessus du turban de Marie-Madeleine.

 

 

Enfin la scène est encadrée par 2 blasons (non encore analysés). Le premier (sud-est) avec 2 lions de gueules (rouge) rampants affrontés. L’autre, à l’opposé de la scène, est divisé en 2, et peu lisible à gauche. La partie droite porte 4 fleurs de lys posées 2 sur 1 sur 1.

 

 

Un peu en dessous, une scène lacunaire, avec des personnages sans tête. Le dernier à droite est agenouillé.

 

(2)          Mur nord :

Le décor peint est ici très abimé et très lacunaire, et peu de choses sont encore lisibles.

Tout en haut, au centre, un saint roux, barbu, bâton de pèlerin à la main, identifié ainsi comme Saint Jacques.

En dessous, à gauche, un autre saint dont la tête est ici encadrée par l’inscription .S. FELIPUS, St Philippe donc.

 

 

A noter cependant l’équerre qu’il tient à la main (hors champ de l’image ci-dessus).

Cette équerre est généralement l’attribut de St Thomas, réputé bâtisseur. L’attribut de St Philippe est usuellement une croix. L’artiste a t-il confondu ici les attributs des deux saints ?

A noter, à droite tout près du chapiteau du pilier nord-est, la toiture d’une bâtisse, avec 2 tours pointues (non reproduite ici).

 

 

 Enfin au bas du mur sud de la voute, nous trouvons un fragment de décor constitué d’un rideau multicoloré suspendu par des anneaux. Cet élément identique de décor se retrouve au bas du mur sud de la nef, à 2 emplacements différents. A partir de ces 3 éléments, on peut donc extrapoler, et penser que ce décor occupait tout le bas du mur sud, et même la partie basse des murs de toute l’église ! Ce décor se trouvant dans la partie basse de l’édifice, la plus sensible à l’humidité et autres agressions potentielles diverses, il est normal qu’il n’en subsiste plus que ces 3 éléments.

 

Chantier de restauration Phase III (la nef)

 

 

Avant de présenter les peintures de la nef, il nous faut tout d'abord rappeler que les murs latéraux de cette nef ont été amputés sur une longueur de près de 3 mètres aux fins de construction du campanile, lors de la restauration de la fin du XIXème siècle. Les peintures originelles correspondantes sont donc irrémédiablement perdues. (Aujourd’hui la partie gauche du vestibule de ce campanile abrite le petit « musée lapidaire » du narthex).

 

I - En entrant, le visiteur découvre en levant la tête, le martyre de St Sébastien au centre de la première arche supportant la coupole.

(a)   La vue offerte au visiteur entrant dans l’église

(b)  Saint Sébastien :

 

Ce martyr de Saint Sébastien, protecteur de la peste, est donc la première scène qui s’offre aux yeux du visiteur. Dans son alignement, le regard découvre la Vierge à l’Enfant de la coupole et le Christ en majesté de l’abside. Cet alignement nous semble volontaire et signifiant.

 

II - Sur le mur nord de la nef, une seule scène s’offre aux yeux : la Cavalcade des Vices.

 

 

Ils ne sont que quatre, en raison de l’amputation du mur de la nef au XIXème évoquée ci-dessus. Trois péchés capitaux nous manquent donc. Il nous reste la Gloutonnerie, la Paresse, la Luxure et l’Avarice. Les vices sont « surtitrés » en ancien français, en écriture gothique : « Glotonie », « Paresse », « Luxure », et « Avarté » (ce dernier a été l’objet d’une interprétation, lié à la détérioration importante de cet intitulé. L’utilisation du français dans un Périgord de langue occitane et latine à cette époque pose question sur le/la ou les auteur(e)s de ces peintures.

Nous remarquerons par ailleurs que l’ancien français « glotonie » (pour l’actuel français « gloutonnerie »), est plus proche phonétiquement de l’anglais moderne « gluttony » !

 

 

 

 

Note concernant ce dernier intitulé :

Nous lisons « Avarté » de notre point de vue, en examinant les diverses possibilités.

Avare, en ancien français se dit « aver », et le qualificatif correspondant est « averté » (pour « avarice »).

Mais en occitan ancien, l’adjectif correspondant est « avar ». La forme « avarté » ne se trouve pas dans les dictionnaires d’ancien français, mais elle nous semble ici plausible, au risque de nous tromper.

La cavalcade des vices :

(1)   La gloutonnerie / gourmandise (photo avant restauration complète)

(2)   La paresse

(3)   La luxure

(4)   L’avarice

 

Détail des montures de la Paresse et de la Luxure :

 

III - Le mur sud de la nef présente deux éléments distincts :

Vue d’ensemble :

 

 

(1)   La descente de Jésus aux Limbes la nuit du Samedi avant la Résurrection (photo avant restauration complète).

Il s’agit là d’un élément de mythologie récurrent au Moyen Age. Les premiers à bénéficier de la Rédemption, sont celles et ceux qui ont précédé la venue du Christ. Adam et Eve sont les premiers de la cohorte des « bénis de Dieu » ramenés par le Christ depuis les Limbes. Ici la scène est tronquée par l’amputation du mur originel de la nef. Un seul élu stylisé, nu, partiellement représenté (Adam ou Eve ?» est appelé par le Christ. Dans les œuvres classiques sur ce thème, c’est une foule de bienheureux qui se présente à l’élection du Christ.

 

 

Une représentation classique médiévale de ce thème (monastère de San Antonio in Polesine (Ferrare), école de Giotto) :

 

(2)   L’Adoration des Rois Mages

Vue d’ensemble :

Marie et l’Enfant

 

 

Le premier roi mage offre l’Or

 

 

Le deuxième roi porte l’Encens

 

Le troisième apporte la Myrrhe

 

 

Remarque générale : Exemple ici de la grande variété du décor non figuratif :

 

 

En conclusion, nous voudrions souligner l’importance de disposer du programme iconographique presque complet d’une église paroissiale circa 1500, et d’appréhender ainsi le sens et la dimension d’un tel programme. Cet ensemble iconographique constitue ainsi, dans cette catégorie, un des tous premiers de notre pays.

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Pour tous renseignements complémentaires, adresser SVP un courriel à claude.ribeyrol@neuf.fr

 

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