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Extrait de l’ouvrage de Curie-Seimbres sur les bastides du sud-ouest de la France concernant les bastides du Périgord (avec notes de M. Frédéric BIRET.).

 

Essai sur les villes

fondées dans le sud-ouest de la France

aux XIIIe et XIVe siècles

sous le nom générique de bastides

 

 

Ouvrage

dont la première partie a été couronnée par la société

archéologique du midi de la France

 

Par

 

M. A. Curie Seimbres

Ancien magistrat, membre ou correspondant de plusieurs sociétés savantes

 

TOULOUSE

 

EDOUARD PRIVAT, Libraire-éditeur

Rue des Tourneurs, 45

 

1880

Bastides du Périgord

Sainte-Foy-la-Grande

1255

 

Cette ville, d’environ 3000 âmes, aujourd’hui chef-lieu de canton dans l’arrondissement de Libourne, sur la rive gauche de la Dordogne, se trouvait située autrefois dans le Périgord, suivant M. Verneilh-Puiraseau, (Hist. d’Aquit., t. I, p 370). Le même auteur, dans une savante notice sur l’architecture civile au moyen-âge, publiée en 1847 dans les Annales archéologiques de Didron (t. VI, p. 83), dit que Sainte-Foy fut une bastide anglaise; que la date de son origine est ignorée; que son nom témoigne qu’elle appartenait primitivement à la fameuse abbaye de Conques. Cette petite ville était fortifiée et avait des rues tracées au cordeau avec une place centrale entourée d’arcades sous lesquelles les voitures étaient obligées de passer.

Sainte-Foy ne fut nullement une bastide d’origine anglaise; au contraire, elle fut fondée sous le gouvernement du comte Alphonse, à la suite d’un paréage conclu au mois de juillet 1255, entre le prince et l’abbé de Conques (collection Doat, t. I, inventaires). La même collection (t. 5 et 117), a transcrit et nous a conservé le texte des coutumes et des privilèges que le comte Alphonse, étant à Vincennes en juin 1256, octroya aux nouveaux habitants. D’autres privilèges, concernant la justice, furent accordés à la bastide de Sainte-Foy par Jourdain de Lubret, chevalier, sénéchal pour le roi de France, en Agenais et Gascogne, suivant lettres données à Marmande en novembre 1332. Ils furent confirmés par Philippe de Valois, à Châteauneuf, au mois de février suivant. (Trésor des Chartes, registre 66, folio 399). Le sénéchal fait la déclaration suivante dans le préambuke : Locus Sancte Fidei est regius et insignis et adeo proficiens regi, situatus in fine sive limitibus senescallie.

 

 

Villefranche-de-Belvès

1260

 

Sur les confins de la Dordogne et de Lot-et-Garonne, mais dans le premier de ces départements et dans l’arrondissement de Sarlat, existe une petite ville du nom de Villefranche-de-Belvès, chef-lieu de canton, dont la population atteint à peine dix-huit cents âmes. Plusieurs documents du moyen-âge le désigne indifféremment sous le nom de Villefranche du Périgord ou de Villefranche d’Agenais. C’était une bastide de frontière placée alors dans le diocèse de Sarlat.

Elle fut fondée en l’année 1260, au nom du comte Alphonse, par Guillaume de Bagnols, son sénéchal d’Agenais et de Quercy, sur un territoire appelé Val Siorac, formant plateau au-dessus d’une colline. Cela résulte des informations qu’on peut puiser dans un manuscrit conservé à la bibliothèque nationale sous le n° 540-15. Le registre 86 du Trésor des Chartes renferme, sous les n° 26, 27, la transcription de deux chartes octroyées aux habitants et à la communauté de ce lieu de Villefranche, qui y est dit de Périgord en 1357 (1358), par Charles, fils aîné et lieutennant du roi pendant le captivité du roi Jean. Ces deux titres ont été imprimés par Secousse au tome III, page 201, du Recueil des Ordonnances. Les préambules ne renferment aucune énonciation sur l’origine de Villefranche comme bastide; ils se bornent à relater que cette ville avait eu particulièrement à souffrir de la guerre des Anglais, ayant été prise par eux en 1345 et reprise la même année par les Français, qui la livrèrent au pillage et aux flammes. En effet, c’est à Villefranche-de-Belvès, appelée par Froissart Villefranche en Agenais, que se rapportent plusieurs passages des chroniques de cet auteur (liv. I, ch. 243, 252, 253), relatifs à ces évènements. Ces chartes n’eurent d’autre objet que de restituer celle qui renfermait le texte des coutumes et franchises accordées primitivement à cette bastide, et dont l’instrument avait été détruit. Secousse fait remarquer que ces coutumes ont une grande analogie avec le paréage de Charroux (1308) (1). Cette observation se représenterait à peu près partout pour les paréages ou chartes de privilèges des nouvelles villes; les mêmes formules se transmettaient des unes aux autres.

 

(1) F.B. Voir Saint-Louis plus bas.

 

Puyguilhem

1263

 

Le premier volume des compilations manuscrites formées de 1636 à 1650, par le grand explorateur d’archives qui fut l’historien basque Oihenart, fonds précieux conservé à la Bibliothèque nationale, porte au folio 97 la mention suivante : « Lettres données en décembre, la quinzième année de son règne (1287), par Edouard 1er, roi d’Angleterre, aux habitants Castri novi vel bastide de Podio Guillelmi. Cette indication parait se rapporter au lieu connu sous le nom de Sainte-Eulalie-de-Puyguilhem, dans le département de la Dordogne, arrondissement de Bergerac, canton d’Eymet. Cela est confirmé par des renseignements qu’on trouve dans la notice de M. Jules Delpit sur le manuscrit de Wolffenbuttel; on y lit en effet (p. 85), que le 15 mars 1265, quelques chevaliers et seigneurs (Auger de Puychagut, Hélie de Saint-Michel, Grimoart de Picon, etc.) firent donation au roi d’Angleterre Henti III (corrigé en II), à la reine Eléonore sa femme, et au prince Edouard, leur fils, de tous les droits féodaux qu’ils possédaient sur le lieu de Puyguilhem, notamment des emplacements, maisons et pierres qui se trouvaient dans le château de ce nom pour qu’une bastide fût édifiée à côté, mais en dehors du château, a far una bastida clausa. La donation fut reçue par Jean de Grailly et l’abbé de Saint-Fremer. Puyguilhem et Sainte-Eulalie ne sont plus que deux communes rurales peu distantes l’une de l’autre. Un autre lieu dans le département de la Dordogne porte le même nom de Puyguilhem, précédé de celui de bastide; c’est le hameau dit la Bastide-de-Puyguilhem, faisant partie de la commune de Monestier, près Bergerac; on n’y compte que deux cents habitants.

 

 

La Linde

vers 1267

 

Un périgourdin, nommé Jean de La Linde, officier dans ce pays pour le roi d’Angleterre vers la fin du règne d’Henri II, fonda la bastide qui a gardé son nom, et qui est aujourd’hui la petite ville de La Linde, chef-lieu de canton dans l’arrondissement de Bergerac, à quatre lieues à l’est de cette dernière sur la Dordogne. Toutefois, ce nom a été considéré, par l’auteur des Antiquités de Vesonne, comme la reproduction de celui de Diolindum, que l’on trouve mentionné sur l’Itinéraire d’Antonin pour une station entre Villeneuve-d’Agen et Périgueux, route de Bordeaux à Argenton, station que d’Anville et la plupart des géographes placent effectivement à La Linde. Mais si la constation de l’origine moderne de cette bastide ne reposait point sur des titres positifs, elle se déduirait à priori de la régularité de sa structure, qui dénote évidemment une ville neuve du treizième siècle. La Linde partage, en effet, à un degré fort remarquable, avec Montpazier, cette parfaite régularité du tracé. Une charte de franchises et privilèges lui fut octroyée, dès l’année 1267, par Henri III, roi d’Angleterre, et ce titre confirme cette conjecture en exprimant le fait de sa récente fondation. Elle fut vidimée et confirmée, en 1286, par le prince royal Edoaurd, approuvée de nouveau, en 1517, par le roi de France François 1er. Ces documents ont été publiés dans les Annales agricoles et littéraires du département de la Dordogne (1). Voyez l’Histoire de la Guienne, par M. Ducourneau, tome I, page 64, ainsi qu’un article de M. Félix de Verneilh, imprimé, en 1847, dans les Annales archéologiques de Didron, tome VI, deuxième livraison.

 

(1) F.B. La seule mention trouvée de l’histoire de Lalinde dans les numéros antérieurs à 1880 des Annales agricoles et littéraires du département de la Dordogne, est le tome XXVIII de 1867, pages 360 et suivantes dans un article en six parties par M. Dessalles sur l’arrondissement de Bergerac. A noter dans ce même numéro, consultable sur Gallica, N0034163, le droit de réponse exercé par M. de Gourgues qui apporte des précisions et corrections à l’article de Léon Dessalles. Mais en aucun cas les documents cités par Curie Seimbres n’y figurent.

 

 

Eymet

1270

 

Eymet, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Bergerac, est située dans une plaine fertile, sur la rive gauche de la rivière le Drot ou Dropt, qui va se jeter dans la Garonne sous la Réole. Cette petite ville, de même que celles de Villefranche-de-Belvès et de Sainte-Eulalie-de-Puyguilhem, se trouve sur les confins du Périgord et de l’Agenais, et, comme la première, elle aurait dû sa fondation aux officiers du comte Alphonse. Nous ne possèdons pas les titres primordiaux, qui ne laisseraient sur ce point aucun doute; mais l’origine d’Eymet parait s’évincer sûrement de quelques documents postérieurs, notamment des lettres par lesquelles le roi Philippe le Bel confirma, en novembre 1295, la charte de privilèges qui avait été donnée en juin 1270, par le comte Alphonse, à la ville neuve d’Eymet, diocèse de Périgueux; dans ces dernières lettres est mentionnée la concession qui avait été faite par le comte aux habitants de la faculté de prendre dans ses forêts et carrières tous les matériaux nécessaires à la construction de leurs maisons. Celles confirmatives de Philippe le Bel, où sont relatées ces dernières, se trouvent au tome 156, folio 66, de la collection Doat. Une autre compilation manuscrite, celle d’Oihenart, renferme, au volume 105-106, folio 322, l’information ou enquête ouverte en l’année 1311, par le juge d’Agenais, pour le roi d’Angleterre au sujet des fondations des bastides; on lit dans ce document la mention suivante : Ante populationem de Emeto erat de honore et juridictione de Lauduno et de ressorto Marmande. On y remarque cette assertion que la bastide d’Eymet avait été fondée procurante quodam clerico comitis Pictavensis qui erat pedagiarius Marmande.

 

 

Beaumont

1272

 

Cette petite ville, chef-lieu de canton dans l’arrondissement de Bergerac, fut fondée, au nom du roi d’Angleterre, vers la fin du treizième siècle, par un de ses officiers, nommé Luc de Terny. Le tome XIV des manuscrits de Brequigny renferme des lettres d’Edouard 1er, du 16 juillet 1284, par lesquelles ce prince, affermant pour dix ans à un citoyen de Londres ses bastides du Périgord, mentionne bastidam nostram de Bellomonte. On assigne à l’année 1272 l’édification de l’église de Beaumont, qui était fortifiée, et on attribue cette construction remarquable à l’abbaye voisine de Cadouin. En l’absence des documents, nous puisons ces données dans l’Annuaire du département de la Dordogne et dans l’Histoire d’Aquitaine, de M. Verneilh-Puiraseau, tome I, page 355. « Beaumont, dit ce dernier auteur, occupe une position assez riante au sommet d’un mamelon. c’est un carré long entouré d’un mur flanqué de tours avec une place au milieu  et des rues qui se coupent à angles droits, forme moderne à laquelle, selon M. Jouannet, on reconnaît les villes qui furent bâties par les Anglais pendant qu’ils étaient maîtres de la Guyenne ». M. le vicomte de Gourgues, dans son livre sur les Communes du Périgord, page 28, confirme ces renseignements sur la fondation de Beaumont.

 

 

Domme

1281

 

Domme, chef-lieu de canton dans l’arrondissement de Sarlat, est une bastide d’origine française, fondée en Périgord, près des confins du Quercy, sur la rive gauche de la Dordogne, dont les flots baignent le rocher où elle s’élève comme une forteresse. Tout indique qu’elle dut le jour, comme les précédentes, au besoin d’établir des enceintes retranchées, des cantonnements sur la ligne qui formait la démarcation territoriale avec les possessions anglaises du Quercy et de l’Agenais. C’est ce qu’exprime M. Verneilh-Puiraseau dans son Histoire d’Aquitaine, tome I, page 367, et ce qui avait déjà été avancé dans l’Annuaire du département de la Dordogne publié en l’an XI. Ce motif, qui amena la fondation de ce poste militaire, se trouve encore énoncé dans des lettres du roi Charles VI, données à Rouen le 19 novembre 1399 (Trésor des Chartes, registre 231), où nous lisons ce qui suit : « Laquelle ville de Mont-Dome est assise en marche et frontière de nos ennemiz .... et pourroient nos ennemiz d’icelle part entrer en nostre dit royaume ..., etc. ». En effet, Domme fut prise par les Anglais en 1347, et reprise, l’année suivante, par les Français; en 1368, le fameux capitaine anglais Jean Chandos tenta inutilement de s’en emparer de nouveau.

La pièce originale de cette fondation est conservée aux Archives nationales (carton J. 295, n° 32). Elle nous fait connaître que Simon de Melun, sénéchal pour le roi de France, Philippe le Hardi, en Périgord, Limousin et Quercy, acquit de Guillaume de Dome, chevalier, au prix de 500 livres de noirs tournois, les maisons et territoire que celui-ci possédait au mont de Dome : Ad faciendam bastidam in dicto monte ad opus domini regis. Le cessionnaire réserva dans l’intérieur de la future ville duo ayralia ab omni libera servitute, et, en outre, quod homines ipsius domicelli vel sub dominio suo alibi commorantes, non recipiantur nec retineantur in dicta bastida sine ipsius domicelli licentia speciali. Ce traité fut conclu à Cahors le vendredi 7 mars 1281.

Une petite brochure de M. Lascoux, imprimée à Paris, en 1836, sous ce titre : Documents historiques de la ville de Dome, a mis au jour l’acte qui précède, ainsi que des lettres octroyées par Philippe le Hardi, en 1283, pour concéder à la ville nouvelle l’union à la couronne. Ces lettres furent confirmées, à Toulouse, le 14 avril 1369, par Louis, duc d’Anjou, le premier des trois frères du roi Charles V, son lieutenant en Languedoc, alors que l’irritation causée par les exactions du Prince Noir, détachant les populations de la cause anglaise, le duc d’Anjou s’efforçait de les ramener à la France par l’octroi de privilèges et d’immunités. Ici il n’y eut qu’une simple confirmation, mais qui rappela l’origine : Tanquam veri et legitimi filii in potestate corone Francie perpetuo remanebunt. Ces lettre se trouvent au Trésor des Chartes, registre 231, n° 121.

Comme témoignage de sa fondation par nos rois, la ville de Domme portait les fleurs de lis dans le sceau de son consulat. Elle s’administrait par six consuls, et possédait un siège de justice royale.

 

Castelréal

Dans la commune de Siorac-de-Belvès

1281

 

Pendant que les officiers français au service de Philippe le Hardi faisaient édifier sur une crête inexpugnable la bastide qui est restée la ville de Domme, les officiers du roi d’Angleterre, jugeant utile d’ériger non loin de ce poste militaire un autre poste fortifié qui pût lui tenir tête, firent choix d’une hauteur à escarpement située assez près de là, sur la même rivière, dans le village de Siorac, qui appartenait alors à l’abbaye de Sarlat. Sur cet emplacement les travaux de castramètation commencèrent. Le nouveau château devait porter le nom de Castelréal. Les officiers français en ayant conçu de l’ombrage suscitèrent une opposition litigieuse de la part de l’abbé et du couvent, en leur qualité de seigneurs du sol envahi. Ceux-ci dénoncèrent l’entreprise au Parlement de Paris, qui ordonna la destruction du nouvel oeuvre comme entrepris au préjudice de leurs droits. Refus de se soumettre de la part des officiers anglais; intervention de Philippe le Hardi, qui fit détruire les constructions commencées. Ces faits sont ainsi rapportés au tome II, page 179, des Olim : Mandavitet fecit dirui dictum castrum Regale.

Le village de Siorac-de-Belvès, dans le canton de Belvès et l’arrondissement de Sarlat, a conservé peu de traces de cette tentative. Comme il s’agissait bien moins ici d’une bastide proprement dite que de l’édification d’une position militaire, on n’y rencontre ni contrat de paréage, ni charte de coutumes; mais nous avons cru devoir donner place à ces faits, parce qu’à raison de cet antagonisme il en ressort des notions caractéristiques sur la véritable cause de la fondation de ces premières bastides élevées sur les frontières par les belligérants, et dont quelques-unes sont devenues néanmoins des villes de quelque importance. Ce trait qui les distingue a été signalé au chapitre II, d’après un texte fourni par Du Cange, bastidas sive munitiones.

 

Montpazier

1284

 

Encore une bastide créée en vue de défense sur cette ligne qui séparait le Périgord de l’Agenais. Montpazier ― peut-être Mons Passerius, mont de passage ― aujourd’hui chef-lieu de canton dans l’arrondissement de Bergerac, est une petite ville située sur un haut plateau, au-dessous duquel coule la rivière le Drot. Comme tant d’autres dans ces contrées, elle dut son origine aux Anglais et spécialement au célèbre sénéchal Jean de Grailly. Sa conformation régulière avec rue larges tirées au cordeau, ferait suffisamment reconnaître que ce fut une bastide, alors même que cette origine ne serait point attestée par des documents contemporains. Le manuscrit de Wolfenbuttel, dont nous devons la publication à M. Jules Delpit, renferme, au folio 128, pièce 468, l’acte d’acquisition en 1273 d’un plateau élevé appelé à cette époque Puy de Pico; c’était l’emplacement où fut construite la ville nouvelle. D’après M. le vicomte de Gourgues, dans son livre sur les Communes du Périgord, page 28, P. de Gontaut, baron de Biron, aurait donné ce territoire désert et avoisinant une forêt à Jean de Grailly, sénéchal pour le roi d’Angleterre. Le vieux château de Biron est à peu de distance de Montpazier. Brequigny a recueilli, au tome XIV de sa collection manuscrite, des lettres d’Edouard 1er, roi d’Angleterre, datées du 12 avril 1289 que nous avons déjà citées au chapitre VI, § 4; il en résulte que la bastide de Montpazier était en construction cette année-là, puisque ce prince prescrivait à ses officiers de veiller à ce que tous ceux qui juraverunt burgesiam bastide nostre Montipazerii et promiserunt se domos facturos infra certum terminum ... ut moris est in similibus fieri, fussent contraintes de remplir leurs promesses, sous peine de 10 livres d’amende.

Toutefois, ces lettres impliquant nécessairement l’idée d’un plan antérieur, nous avons adopté la date de 1284, qui est celle proposée par les écrivains locaux.

Les privilèges et coutumes de Montpazier furent confirmés par le roi de France Charles VIII, en octobre 1484 (1).

 

(1) F.B. Il manque la référence de cet acte.

 

Saint-Louis

1308

 

Voici la première bastide fondée dans cette contrée en dehors des préoccupations de guerre ; elle est aussi d’une date moins ancienne, ce qui marque le progrès accompli dès les premières années du quatorzième siècle ; mais cet essai de bastide à colonisation est resté une petite commune rurale très-peu populeuse qui a gardé son nom originaire de Saint-Louis, dans le canton de Mussidan, arrondissement de Ribérac, sur la rivière de l’Isle, en face de la commune plus importante de Sourzac ; il semble même que celle-ci avait pris en réalité le développement qui était destiné à l’autre, fondée sur son propre territoire.

Le titre de sa fondation fait partie du Trésor des Chartes, registre XIII, pièce 11, d’où il a été extrait et imprimé dans le tome XI, page 404, du Recueil des Ordonnances. Il résulte de ses énonciations que, dans l’année 1308, l’abbé de Charroux, au diocèse de Poitiers, députa vers Philippe le Bel un de ses religieux, accompagné d’un clerc, pour offir au roi de l’associer in communione et pariagio à huit ou dix lieux ou paroisses, s’il voulait bien, de son côté, établir une bastide sur une platea appelée de Chambonio et de cruce, prope flumen qui dicitur insula, in parochia de Sorzaco... pro evidendi utilitate abbatis et conventus (1).

Le religieux et le clerc député avec des pouvoirs de forme, qui sont relatés dans l’acte, se rendirent à Paris pour exposer la demande et faire ces offres. Ils s’adressèrent au célèbre Guillaume de Nogaret, qualifié de chevalier du roi, qu’ils allèrent trouver, in hospicio quod inhabitat nobilis vir. L’offre d’association ou paréage fut acceptée, rédigée en contrat, et la construction de la bastide résolue. Ce document très intéressant se termine par l’énoncé des privilèges qui furent promis aux futurs habitants ; ils forment un texte de trente-sept articles, dont Vilevault et Brequigny constatent l’identité avec ceux de Villefranche de Périgord ou de Belvès.

Il est à remarquer que dans de premier titre le nom de Saint-Louis n’est pas encore prononcé comme devant être celui de la bastide en projet ; il dut lui être donné bientôt après ; la canonisation de l’aïeul de Philippe le Bel avait eu lieu en 1297 ; mais nous voyons par des lettres de ce prince, rapportées dans d’autres se son fils Charles le Bel, du mois de mars 1325 (Recueil des Ordonnances, tome XII, p. 496), que dans l’année 1313, date des premières, la nouvelle ville portait ce nom si cher à la royauté française. Philippe le Bel avait mandé au sénéchal et aux juges du Périgord que les consuls et bourgeois nove bastide Sancti Ludovici l’ayant supplié d’ajouter à leurs privilèges ceux qu’il était d’usage d’accorder aux bastides royales, il ordonnait à ces officiers d’y pourvoir ; en conséquence, le juge mage, s’étant fait représenter les chartes précédemment délivrées aux bastides royales de Alnayo, de Montis Dome et de Regalis Ville, avait complété, par acte daté de Cahors (1314), les franchises de Saint-Louis. L’objet des lettres de Charles le Bel de 1325 fut de confirmer cette concession additionnelle.

En fin on trouve au registre du Trésor des Chartes, pièce 168, de nouvelles lettres inédites datée de Paris en mai 1326, par lesquelles le même monarque déclara mettre les habitants de Saint-Louis et leurs biens sous sa sauvegarde spéciale, attendu qu’ils étaient en butte aux attaques multorum circumvicinorum et malivolorum, ce qui peut s’expliquer par l’affranchissement absolu promis et garanti à tous ceux, libres ou non qui viendraint habiter cette bastide : Quod universi et singuli cujuscumque conditionis ad bastidam venientes et edificium debitum facientes, undecumque venerint ... perpetuo sint immunes.

 

(1) F.B. L’acte d’offre de paréage de l’abbé de Charroux au roi se trouve dans le cartulaire de l’abbaye de Charoux et est transcrit sur ce site :

http://www.guyenne.fr/ArchivesPerigord/Cartulaires/cartulaire_charroux.htm, charte CLVIII.

 

Il est encore fait mention dans certains documents de l’époque de quelques autres bastides fondées en Périgord ; mais quant à celle-ci ces informations se réduisent au simple énoncé de leurs noms. Rien d’explicite sur leur fondation ne nous est parvenu. Cette absence de titres constitue un état de choses, sinon douteux, au moins incomplet, qu’il est impossible de suppléer. Toutefois, il n’est pas sans intérêt de reproduire ici ces mentions en les accompagnant d’éclaircissements.

Le tome XIV des manuscrits de Brequigny, déjà cité, contient la transcription de lettres datées du 16 juillet 1284, par lesquelles le roi d’Angleterre Edouard 1er, affermant pour dix années, au prix de 170 livres sterling par an, ses bastides du Périgord à un citoyen de Londres, énumère parmi ces bastides : Castrum novum de Podio Guillelmi cum bastida nostra de Fonrog, de Belloloco, et de Villafranca qui sunt in honore ejusdem castri. Item bastidam nostram Bellomonte cum alia bastida nostra eidem vicina vocata sancti Johannis de Moleriis.

Un manuscrit de la Bibliothèque national (n° 1444, S. Germ.), renfermant la description du Périgord en 1364, signale parmi les bastides qui dépendaient du patrimoine du roy : Parochia de Pertusio cume bastida Belli loci, bastida de Fort-Roque et Villafranca de Lopsaco.

Les énonciations de ces deux documents correspondent et se rapportent aux même bastides ; mais toutes ne pas également reconnues.

Fonrog ou Fort-Roque est aujourd’hui la commune rurale de Fonroque, avec quatre cents habitants, dans le canton d’Eymet et le voisinage de Puyguilhem.

Il n’est pas aussi facile de reconnaître cette bastide Belli Loci, que des lettres de 1284 placent in honore castri de Podio Guillelmi, et que la description de 1364 énumère après la paroisse de Pertusio ; un Beaulieu fait partie de la commune rurale d’Annesse, dans le canton de Saint-Astier.

La Villafranca du premier document est évidemment la bastide désignée plus explicitement au deuxième par Villafranca de Lopsaco. C’est Villefranche de Louchapt, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Bergerac, qu’il ne faut pas confondre avec Villefranche-de-Belvès, de l’arrondissement de Sarlat ; mais elle a avec celle-ci, outre la ressemblance du nom, cette autre analogie qu’elle fut construite sur la frontière du Bordelais, comme l’autre l’avait été sur celle de l’Agenais et du Quercy.

Molières, dans le canton de Cadouin et l’arrondissement de Bergerac, n’est plus qu’une commune rurale ; mais ce lieu fut bien l’une des bastides érigées sur les frontières de Périgord. Elle n’est pas éloignée de Beaumont, ainsi que le précise la mention qui en est faite dans les lettres sus-énoncées de 1284 ; elle porte dans ce document le nom de Saint-Jean-de-Molières, qui est bien celui qui lui appartient. D’après un titre du 18 mai 1316, imprimé dans les rôles gascons, Guillaume de Toulouse, sénéchal pour le roi d’Angleterre, aurait édifié dans cette bastide un château pro custodia prisonum et defensione partium illarum. Les restes de ce château subsistent encore. Le plan rectiligne de cette bastide offrait beaucoup de rapports avec celui de la bastide de Beaumont. Elle possédait des privilèges et coutumes dont le texte ne nous est point parvenu, mais dont l’existence est établie par la communication qui en fut demandée par les habitants de la bastide de Réalville.

Le tome XIII de la collection de Brequigny rapporte des lettres données le 31 août 1283 par le roi d’Angleterre Edouard 1er, pour confirmer une transaction faite par son sénéchal Jean de Grailly avec Marguerite de Turenne, dame de Bergerac, au sujet d’un échange dans lequel est nommé la bastide de Roquepine. Cette bastide anglaise dut rester à l’état de projet ; car Roquepine n’est qu’un hameau dépendant de la commune de Sainte-Radegonde, dans l’arrondissement de Bergerac, tout à fait sur la ligne divisoire de Lot-et-Garonne.

La collection Doat, au tome 116, reproduisant l’ancien inventaire de titres de la maison d’Albret, dressé à Nérac en 1544, mentionne les coutumes de la bastide de Beneven ou Benevent, octroyées par un Talleyrand, qui en aurait été le fondateur ; c’est tout ce qui s’est conservé concernant cette bastide projetée ; le lieu de Benevent n’existe même plus comme commune rurale ; ce n’est qu’un hameau faisant partie de celle de Saint-Laurent dans le canton de Mussidan et l’arrondissement de Ribérac.

Nous avons indiqué, au sujet de Saint-Louis, les lettres de Charles le Bel en 1325, dans lesquelles il est dit qu’afin de compléter les privilèges de cette bastide le juge mage de Périgord avait consulté les chartes de Domme, de Réalville et de Alnayo. Cette dernière appellation s’appliquerait-elle à Saint-Aulaye, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Ribérac ?

Enfin, les rôles gascons mentionnent une bastide de Saint-Barthelemi en Périgord ; serait-ce le village qui porte ce nom dans l’arrondissement de Nontron ? (1)

Quant à la bastide du Mont-Sainte-Marie, qu’on trouve ainsi nommée dans les lettres de Philippe de Valois au tome 157 de Doat, lettres de 1333, par lesquelles ce prince ordonne à son trésorier de Périgord et de Quercy, de faire payer le marc d’argent dû par chacun de ceux qui étaient devenus bourgeois de la bastide Sainte-Marie et qui n’y avaient pas encore édifié leurs maisons, il nous est également impossible de la reconnaître, trois localité portant ce même nom dans le département de la Dordogne. (2)

On signale dans le Périgord comme bastide remarquable par son château, le lieu de Malcuin ; mais on ne possède point de documents sur son origine. (Voyez Recueil du Congrès archéologique de France, 41e session, 1875, p. 201).

 

(1) F.B. C’est de Saint-Barthélemy-de-Bellegarde dont il est question, et non Saint-Barthélemy-de-Bussières.

(2) F.B. C’est une bastide avortée entre Martel et Dordogne, dans le département du Lot (Revue historique, 2007/4, n° 644). On la trouve citée dans une charte des Archives Nationales, supplément des Layettes du Trésor des Chartes (ancienne série des sacs) sous le numéro J 895, n°7 (voir l’index numérisé en ligne sur le site des Archives Nationales : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/fonds/EGF/SA/InvSAPDF/SA_index_J/J_index_pdf/Jsuppl_L.pdf )

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