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Trois siècles d’évolution du site « le moulin de la Pauze » 

 

 

(1)     Document manuscrit

(2)    Transcription

 

 

Notre propos est d’expliquer le plus simplement possible l’évolution de ce lieu en s’appuyant sur le document présenté ici, ainsi que sur d’autres du même siècle, également retrouvés et transcrits en français actuel par André Gaillard, le tout étayé par nos propres collectes de mobiliers archéologiques, nos observations in situ, ainsi que la lecture de cartes anciennes telles : Cassini (1750), Belleyme (1763)[1] et plan cadastral (1819).

 

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Au présent (voir carte ci-dessous), le moulin de la Pauze est un ensemble de bâtiments industriels construits au cours des générations, suivant les besoins (1°). Au Sud-Ouest la vallée est traversée par un grand pont (2°) érigé à la fin du 19ème siècle. La surélévation de la nouvelle route d’accès, et le goulot d’étranglement que génèrent ces arches provoquent de spectaculaires inondations qui noient la Pauze lors des crues annuelles. En amont de l’ouvrage, le cours principal de la Dronne est barré par une minoterie (3°) à cinq niveaux, ancrée côté Sud sur une île qui accueille la maison du propriétaire, un quai de chargement sous hangar, une cour, une grande construction autrefois écurie aujourd’hui silo à grains, une autre bâtisse plus modeste qui fut la porcherie, et enfin l’atelier et un garage.

Le reste du terrain entouré d’eau constitue un parc dit des « chapelles » (4°), qui s’étale vers le Nord-Est. Il jouxte une peupleraie que l’on désignait dans les années soixante comme le pré de «Marcel Lanterne » (5°) et qui se termine dans sa partie haute par une chaussée appelée « le petit barrage » (6°). L’extrémité ouest de la minoterie s’appuie sur le « grand - îlot » (7°). Incrusté dans sa rive Est, nous trouvons l’amorce du grand barrage (8°) de 120 m de longueur et 2m de hauteur. Il canalise le cours principal formant bief (9°) qui paresse bien plus loin que le petit barrage en mouillant les prairies dites des « grands prés » (10°). En aval du déversoir, trois îles dont la plus imposante est occupée par une cabane (11°), en face de cette dernière un chemin à forte pente (12°) rejoint la route de Saint Victor.

A l’opposé de la propriété côté Saint Méard, « la route du moulin » (14°), après avoir laissé à droite un chemin pittoresque (15°) qui rejoint le bourg de saint Méard, débouche sur un pont (32°) qui enjambe un bras d’eau (16°) «l’aïgassou » dont l’origine se trouve à la pointe des « grands prés ». Le pont, aujourd’hui en maçonnerie, débouche sur la cour de la minoterie (40°). Sur la droite côté Sud, un parking côtoie un long hangar métallique (17°).

 

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Mais remontons en ces temps de 1731 : on accède alors « aux moulins de la Pauze » par le sud, sur la paroisse de Saint Méard de Dronne, grâce à un chemin creux et marécageux, qui fut depuis les temps les plus reculés une grande voie de communication du Nord vers le Sud ou « pouge » (18°). La chaussée est presque un mètre plus basse qu’aujourd’hui, elle est bordée par un ruisseau, le « Goût », aujourd’hui détourné, (19°). Entre les deux, un espace où poussent des plantes de zone humide, du cresson et de l’herbe à pâture. Il a alors pour nom « le chemin des joncs ». L’actuelle route du moulin (14°) au cours des âges et des remblaiements, s’est substituée à lui.

Par le Nord, c’est le chemin du loup (20°) qui dégringole depuis le village de Bauby, point haut de la paroisse de Celles , via le village de l’Hôpital, puis celui de la Pauze, et débouche au lieu dit « au bout des planches » (38°).

Entre les deux arrivées de chemins, un archipel d’îlots formant ressaut : ils sont les émergences rocheuses d’une langue de calcaire très dur (21° en grisé).

En obstruant la rivière Dronne, ils créent un élargissement avec des bras d’eau ou atiers, aux courants rapides, endroits propices à l’installation de roues hydrauliques. L’île la plus grande (5°) en amont plein Est s’appelle « au pré du marché » aujourd’hui le pré de «Marcel Lanterne », sa rive Sud est longée par un premier bras, aujourd’hui re-comblé (22°). Son premier usage était d’éviter les rapides causés par le ressaut. Il prend naissance encore plus loin en contournant un autre îlot aujourd’hui dit « les grands prés ». Plus tard il permettra au transit commercial par gabareaux amont aval et aval amont, d’éviter les moulins et leurs barrages. Sur l’autre berge côté saint Méard est un pré dit « du moulin » (23°), aujourd’hui transformé en parking. La prairie « au pré du marché » est longée au nord, côté village du Port, par le cours principal de la Dronne.

Dans le prolongement de cette île vers l’aval, il en est une autre plus petite appelée « les chapelles » (4°), les deux prairies autrefois séparées par un bras d’eau (24°) rejoignant la Dronne à «  l’Aïgassou »(16°) ne forment qu’une seule étendue aujourd’hui. Dans ces parages furent trouvés deux scramasaxes ou courtes épées mérovingiennes.

A l’extrémité sud ouest du marécage, trois petits points émergeant côté Saint Méard, le plus au sud (39°), élargi depuis grâce aux remblais calcaires provenant d’une carrière dite des « Boursiers » autrefois aux « Dix Brasses » à proximité de Saint Méard. Il supporte le jardin actuel ainsi que la moitié de la cour. En son milieu, une résurgence ou « bouillidour » (25°), alimente un puits.

L’îlot du centre (26°) sert de fondement à la maison d’habitation de l’actuel propriétaire, construite sur les vestiges du plus ancien édifice de meunerie du site (27°) (cf. la reproduction d’un tableau peint avant la révolution de 1789).

Le dernier îlot, au centre du cours principal et avec sa pointe amont maçonnée (28°), fait office aujourd’hui d’étrave à l’actuel grand bâtiment de la minoterie avant d’avoir supporté le moulin type de la vallée au 18ème/19ème siècle en forme de bateau tel que l’on peut encore en voir quelques exemplaires dont celui de Bourdeilles, (voir dessin d’après une photographie de 1870 (29°)).

Trois plus grands effleurements entourés de forts courants existaient côté Celles. Le plus à l’ouest (30°) était situé sous l’actuelle deuxième arche du pont moderne en venant du village de Joumarias. Aujourd’hui disparu, ses matériaux ont agrandi « le grand îlot » (7°) sur lequel s’appuie l’extrémité nord de l’actuelle minoterie (3°).

Le dernier de ces effleurements, dit « de la passerelle » (11°), où un pont de bois et un gué rejoignent le chemin du loup» (38°), se situe en aval du grand barrage actuel. Il est maintenant divisé en trois, mais à l’époque il ne formait qu’un et c’est lui qui faisait office de barrage, l’atier nord étant seulement obturé par un batardeau (31°) certainement en pieux de chênes doublé de pierres et d’argile.

Venant du Sud, le chemin des joncs débouche sur un pont (32°) de madriers amovibles enjambant « l’aïgassou » ; beaucoup plus long que l’actuel (cf. la reproduction du tableau peint avant la révolution de 1789 (27°) ; pour donner accès au moulin blanc - ou grand moulin - par l’îlot du puits (25°).

Le bâtiment exploité par les Mazières se trouve sur la petite île du centre (26°), avec ses deux roues, l’une entre lui et celui du puits et l’autre vers celui du milieu de l’actuelle minoterie (28°). Entre celui ci et le grand îlot est tendue une pêcherie (33°), devant trois vannes de gardes ou pelles avec leurs passerelles de manœuvre ou planches permettant le passage des voyageurs. Le bief occupe l’actuelle cour remblayée à la fin du 19ème siècle (40°). Il est alimenté par le bras fossile (22°) qui en se heurtant à l’îlot (26°) se partage en deux. L’échappée de la première roue se trouve à la place du jardin actuel.

Le père abbé de l’abbaye de Peyrouse en est alors le propriétaire, et il est sur la paroisse de Saint Méard, alors que le « grand îlot » se trouve sur le territoire de Celles.

Au milieu de la berge amont du « grand îlot » sur le cours principal de la Dronne était édifié un second moulin (34°) dit moulin noir, et nous pensons que cette dénomination trouve son origine dans la noirceur intérieure des huileries à noix. Une demie meule à farine en grès trouvée à l’endroit présumé nous fait penser que ce moulin n’était pas seulement spécialisé dans la confection de notre condiment traditionnel, mais aussi pour moudre le froment. L’édifice, plus récent que le précédent, dépendait de la paroisse de Celles et appartenait au comte de Verteillac. Jean Mazeau, dit baraudobouro, ancêtre de la dynastie de meuniers Ribéracois, y est farinier en 1710 avant de devenir galochier à Saint Méard.

La traversée des attelages se fait par une succession de gués (35°). Le premier débute par un abreuvoir à vaches qui jouxte à l’ouest l’extrémité du « chemin des joncs » (14°), il frôle les arrières des trois premiers cailloux, il grimpe sur le grand îlot, il replonge derrière le moulin noir, il traverse l’échappée et il rejoint l’aval de la passerelle « au bout des planches » (38°) et le chemin du loup en contournant par l’ouest l’île avec l’actuelle cabane. Les piétons empruntent pour leur part les passerelles qui s’ajoutent aux planches.

Comme nous l’avons vu précédemment la construction du grand pont en aval bouleversera ce paysage

 

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En 1763, un François Berry et un Léonard Decloux exploitent un troisième groupe de constructions (36°) dénommées les métairies avec écuries, granges et une boulangerie équipée d’un four à pain. Dans les documents s’y rapportant, aucune allusion à l’eau, mais il est précisé qu’elles donnent directement sur des terres cultivées. Ceci nous les fait situer côté droit en remontant le chemin du loup, en un lieu dénommé « les Pelades », où jaillissait une fontaine réputée par la qualité de ses eaux, et où subsiste encore, pour qui sait les trouver dans les ronces, des vestiges de murailles.

Il est probable que les matériaux de ces constructions ont servi à remblayer l’actuel chemin (12°) qui rejoint par un raidillon la route quelques dizaines de mètres plus à droite de l’ancestral chemin creux. C’est à cet endroit qu’une légende peu vraisemblable fait déboucher le mythique souterrain qui relierait la Pauze à la maison forte du Port.

Le chemin du loup traversait une forêt, au beau milieu était une argilière (37°) bleue dont les extractions étaient précieuses pour colmater les batardeaux et pour soigner les pieds des chevaux. Après une première montée, un embranchement conduit au vieux village de la Pauze, où très récemment furent mis à jour des sépultures mérovingiennes. Le père abbé de La Peyrouse possédait une maison dans le hameau, peut être en lieu et place de la maison bourgeoise désignée aujourd’hui par « le château de la pauze ».

 

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Voici un exemple de remaniement complet d’un lieu pour les besoins de l’homme, et ceux qui croient que notre environnement actuel nous vient de la nuit des temps se trompent.

Dans le cas étudié ici, si Boradobouro revenait aujourd’hui à l’emplacement de son moulin, il ne pourrait pas se croire chez lui. Et à l’inverse, un de nos contemporains habitant de Saint Méard, se retrouvant égaré dans le « pré du marché » en 1731, n’aurait aucune chance de retrouver sa route dans le dédale des atiers, et ceci alors que trois siècles et dix générations seulement nous séparent.

La Pauze, le 15 novembre 2003

Alain Mazeau

 

 

 

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[1] contours des îlots en pointillés